Échos des congrès AACR 2013 : quelques morceaux choisis Washington, 6-10 avril 2013 F. Penault-Llorca*, N. Radosevic-Robin* “A wound that never heals” Raghu Kalluri (MD Anderson Center, Houston) nous a rappelé que les tumeurs malignes sont des plaies qui ne cicatrisent jamais. Parmi les acteurs clés de la fibrose intratumorale se trouvent les myofibroblastes. Ils sont mis en évidence à l’aide de marqueurs immunohistochimiques (IHC) comme l’actine musculaire lisse, le PDGFR, la vimentine, le collagène 1, FSP-1, NG-2, etc. Dans le contexte physiologique, les myofibroblastes exercent, par la sécrétion de TGF-β1, un puissant effet cytostatique sur les cellules épithéliales, permettant ainsi la clôture correcte des plaies. Au contraire, lorsque les cellules épithéliales ont acquis les mutations onco­géniques, l’effet cytostatique du TGF-β1 myofibroblastique est perdu. Pourtant, dans un modèle murin d’adéno­carcinome pancréatique, l’ablation expérimentale de myofibroblastes rend les tumeurs certes plus petites, mais aussi beaucoup moins différenciées et plus agressives, résultant in fine en une survie réduite des animaux. En fait, les myofibroblastes auraient également un effet délétère via l’inhibition des cellules immunes à action antitumorale. Il semblerait donc qu’il faille, pour une bonne action antitumorale, inhiber à la fois les myo­ fibroblastes et la production du complément ! Cela nous permet de mieux comprendre l’échec des inhibiteurs de Hedgehog utilisés seuls, qui agissent uniquement sur les myofibroblastes… et non sur les cellules immunes protumorales, qui ne sont plus réfrénées. “Ce n’est pas la taille qui compte !” Shahin Rafii (Cornell University Medical College, New York), de son côté, a rallumé le souvenir d’un autre pro- blème actuel thérapeutique : l’inhibition de l’angio­ genèse. Avec la réduction du lit vasculaire, les tumeurs deviennent encore plus hypoxiques, les cellules souches se multiplient et la résistance fleurit ! Parce que les cellules initiatrices des tumeurs sont logées dans les “niches vasculaires”, entretenues par les cellules endothéliales et leur sécrétion de facteurs protumoraux, comme l’IL-6. De plus, l’endothélium exerce une action autocrine par la production des ER71, TGF-β, ERG, Fli, etc. L’expression de ces molécules est stimulée par Jagged-1, un facteur de transcription, qui est souvent activé par les cellules tumorales. Dans le cancer du sein, c’est le Fibroblast Growth Factor (FGF) qui active Jagged-1 et la boucle autocrine/paracrine dans l’endothélium tumoral. L’idée innovante ici est de bloquer cet effet protumoral de la néovascularisation, sans détruire les vaisseaux et entrer dans le cercle vicieux de l’hypoxie… protumorale. L’utilisation de nanoparticules pour délivrer directement un anti-Jagged-1 dans les cellules endothéliales permet d’inhiber l’action angiocrine/protumorale, tout en gardant un lit vasculaire important et une oxygénation non réduite. Cette approche thérapeutique innovante semble confirmer un adage bien connu : “Ce n’est pas la taille qui compte… ” (“et moi, ça m’arrange”, ajoutait Coluche). © Dwight Nadig D ans les sessions éducationnelles du congrès 2013 de l’American Association for Cancer Research, la principale idée développée était que le cancer est une maladie générale (et pas seulement une maladie à l’échelle cellulaire ou subcellulaire). Nous avons également sélectionné une étude du laboratoire vers le patient (et retour) sur HER3 dans le cancer du sein triple-négatif. “Des rêves éveillés” La session animée par Mina Bissell (Lawrence Berkeley National Laboratory, Berkeley) a été, comme d’habitude, légendaire : une salle pleine à craquer, des dizaines de personnes assises sur le sol. “Je viens tout le temps pour la voir ”, m’a dit mon voisin, un jeune Américain. Et elle a encore réussi à nous épater avec ses idées venues“ de l’autre côté du miroir” : le métabolisme du glucose peut être un facteur oncogénique ! En plus, la laminine qui se trouve dans le stroma est capable de “parler” à la chromatine des cellules que ce stroma entoure ! Dans le contexte bénin, le dialogue se fait, dans le contexte malin, les cellules tumorales ne répondent plus à la laminine. Mina Bissell ne s’est pas arrêtée là : son équipe va bientôt publier le premier modèle humain de la quiescence (“dormancy”), un rêve devenu réalité après plusieurs décennies… Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2013 * Centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand. 97 Échos des congrès À la fin de sa session, personne n’a quitté la pièce : nous sommes restés à discuter, avec Mina, et entre nous. On était dans un rêve éveillé. Je ne dirai rien de plus : recherchez “Bissel MJ” sur PubMed et vous verrez… “Ping-pong” Larry Norton (Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York) a offert un cours de gymnastique cérébrale sur les mathématiques. Et c’était tellement simple et tellement beau, comme toutes les découvertes majeures : les tumeurs “primitives” sont des métastases de leurs propres métastases ! En utilisant les modèles mathématiques et les analyses génomiques de cellules isolées (“single-cell genome sequencing”), l’équipe new-yorkaise a démontré que les tumeurs à croissance rapide (comme les cancers du sein “triples-négatifs”, par exemple) envoient très rapidement leurs cellules aux sites à distance, mais, très rapidement aussi, ces sites renvoient des cellules au site primitif. C’est ainsi que la tumeur primitive ferait son expansion locale. Les conséquences de ces révélations : des protocoles “dose-denses” pour les cancers agressifs et l’évaluation de la (vraie) nature tumorale par sa diaspora (les cellules circulantes)… “HER3 : the fusion beam boost” Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Vous connaissez bien la grande sœur, HER2. HER3 est sans noble activité de kinase, mais quand ces 2 filles jouent au basket, personne ne les bat… Grâce à ces nombreuses accroches pour PI3K, HER3 est dotée d’un grand pouvoir d’attirance de la voie majeure de la survie cellulaire, PI3K/Akt/mTOR. Et ces hétérodimères sont donc hautement oncogéniques. Dans le cancer du sein triple-négatif, HER3 joue avec son grand frère, HER1/EGFR. Et on s’attaque fort à cette “dream team” : Maurizio Scaltriti (Memorial SloanKettering Cancer Center, New York) et ses collaborateurs ont démontré que seule la combinaison d’un anticorps double, anti-EGFR/HER3 (MEHD7945A), avec un inhibiteur de PI3K (GDC-0941) et d’AKT (GDC-0068) pouvait inhiber de façon significative la croissance de xénogreffes de cancer du sein triple-négatif chez les souris. Notre équipe, en collaboration avec Maurizio Scaltriti, renforce le poids de ces résultats expérimentaux en montrant, chez des patientes atteintes de cancer du sein triple-négatif résistantes à une stratégie néo-adjuvante associant des anti-EGFR à une chimiothérapie, l’augmentation nette de HER3. Comme cela a été démontré dans les autres systèmes cellulaires, l’association de HER3 à HER1 ou HER2 multiplie par 2 log (100 fois !) l’activité de la kinase seule, “boostant” ainsi l’activité oncogénique. C’est pour s’attaquer à ce “fusion beam” que de nombreuses stratégies sont en cours de développement : antiligands, antitraducteurs des signaux, etc. HER3 fait partie, vraisemblablement, de l’armée qui défend ce qui est le plus précieux : la survie de la cellule. Il va falloir se surpasser en innovation pour le neutraliser. Bien sûr, n’oublions jamais : aucune pitié ! Il s’agit ici de cancers… ■ Références • Raghu Kalluri. Stromal changes cooperate with cancer cell autonomous defects to facilitate cancer progression and metastasis. (Session éducationnelle, samedi 6 avril 2013.) 180 mm conferring chemoresistance to tumor initiating cells. (Session éducationnelle, samedi 6 avril 2013.) • S hahin Rafii et al. Contribution of the reprogrammed vascular niche in maintaining and • Mina J. Bissell. The tumor microenvironment : the neighborhood is crucial! (Session éducationnelle, samedi 6 avril 2013.) • Larry Norton. Cancer as a disease of cell mobility. (Session éducationnelle, samedi 6 avril 2013.) •M aurizio Scaltriti. Combined blockade of PI3K/AKT and EGFR/HER3 enhances antitumor activity in triple negative breast cancer, abstract 4471. Chers abonnés, chers lecteurs, toute l’équipe Edimark vous souhaite un très bel été d’évasion et de réflexion et vous donne rendez-vous dès la rentrée ! 98 145 mm Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. II - n° 2 - avril-mai-juin 2013 ZEL vem d’hy vem atte BRA du t con (soi de 1 pris trai toxi acti EN d’h l’int (CE prim rén mé INT D’IN EFF UTI du (CE Réa