Cancer – Ensemble pour mieux prévenir, soutenir et soigner L

publicité
Cancer – Ensemble pour mieux prévenir, soutenir et soigner
L’infirmière pivot : vers des interactions optimales
Congrès annuel de la Direction de la lutte contre le cancer
Montréal, 1e décembre 2006
Présentation par Christine Arsenault, B. SC., infirmière au Centre de santé et de services sociaux de
la Baie-des-Chaleurs
Qui d’entre nous n’a pas fait partie, à un moment ou à un autre de sa vie, d’une grande équipe, que ce soit
dans le domaine sportif, artistique ou professionnel ? Quel que soit le domaine, nous nous souvenons
probablement du plaisir et de la synergie qui régnaient au sein de cette équipe. Et nous nous rappelons
aussi de la fierté que nous avons ressentie lors d’une victoire de notre équipe de hockey ou de natation. Ce
qu’on oublie cependant, ce sont les débuts des grandes équipes. Il faut du temps pour apprendre à
travailler ensemble, et la réussite n’est qu’exceptionnellement le fruit du hasard. Les équipes sont des
organisations apprenantes, des groupes qui, avec le temps et du savoir, accroissent leur capacité à créer
ce qu’ils veulent vraiment créer.
L’idée de la présentation « L’infirmière pivot : vers des interactions optimales » est fort intéressante, car le
système de santé, dans sa définition propre, est un système en interaction continue. En effet, le mot
système vient du verbe grec sunistanai, qui signifie « provoquer le fait d’être ensemble ». Comme le
suggère son origine, la structure d’un système inclut la qualité de perception avec laquelle nous
l’encourageons à rester ensemble. Ainsi, comprendre la nature et l’importance des interactions nous permet
de découvrir une variété de mesures que nous pouvons mettre en pratique en participant à l’organisation
d’une équipe.
L’infirmière pivot en oncologie (IPO), dans le paysage du réseau de la santé, est une actrice relativement
nouvelle, quoique dans le passé, plusieurs de ses tâches étaient effectuées, en partie ou de façon
fragmentée, par des infirmières en oncologie. Son rôle est central et s’inscrit comme faisant partie des
assises du Programme québécois de lutte contre le cancer. L’IPO doit analyser la situation avec le patient
et ses proches, enseigner les connaissances nécessaires dans le cadre de la maladie, coordonner le suivi
de la clientèle et surtout, répondre aux questions qui se présentent en cours de suivi.
Dans l’élaboration de nos réseaux de services intégrés en oncologie, il est donc important d’harmoniser son
rôle avec celui des autres acteurs du système. Construire une équipe réseau permet de soutenir les
personnes atteintes de cancer et de leur offrir des services. C’est toutefois un exercice difficile, long et
exigeant. Il demande de nouvelles compétences et un leadership dynamique de la part de tous les
professionnels visés.
Je viens aujourd’hui vous présenter l’expérience de l’équipe d’oncologie du Centre de santé et de services
sociaux de la Baie-des-Chaleurs (CSSSBC) dans l’implantation du rôle d’une infirmière pivot et comment
nous avons dû aborder la nature de ses interactions.
Au CSSSBC, nous avons élaboré et mis en œuvre, il y a près de 15 ans, un modèle de prise en charge de
la clientèle sous chimiothérapie qui s’apparente au rôle actuel d’infirmière pivot. Partant du principe qu’à
l’annonce d’un diagnostic de cancer, un soutien offert au bon moment, par les bonnes personnes, pourrait
faire la différence dans la façon qu’une personne affronte la maladie, l’équipe d’oncologie avait décidé
d’instaurer une modalité de soutien et de suivi. Toute l’équipe a donc mis la main à la pâte. Le Département
de médecine interne avait alors produit une étude sur la population atteinte de cancer de notre région, ainsi
Cancer – Ensemble pour mieux prévenir, soutenir et soigner
L’infirmière pivot en oncologie : vers des interactions optimales
1
que sur ses besoins en matière de soins et de services. À partir des résultats de cette étude, l’équipe
d’infirmières a alors décidé d’assurer un suivi intensif de la cohorte des patients sous chimiothérapie.
L’unité de chimiothérapie étant attenante au Département de chirurgie, nous avons pu organiser un suivi
24 heures sur 24, 7 jours par semaine. Certes à l’époque, nous n’avions pas 1 800 visites par année !
Cependant, encore aujourd’hui, je reste impressionnée par l’engagement et le dynamisme démontrés dans
ce projet, particulièrement de la part des infirmières et pharmaciennes de l’équipe, et ce, avec si peu de
moyens.
Avec le recul, je comprends aujourd’hui qu’ensemble, nous avons bâti un début de communauté de
pratique en oncologie. C’est ce qui, à mon avis, a suscité un tel « intrapreneurship » au sein de l’équipe.
Pour l’équipe d’oncologie, le levier dans la réussite de l’organisation du suivi intensif s’est avéré être la
fierté de participer à la réalisation d’une entreprise commune. Les professionnels ont développé un langage
commun, et créé des relations de responsabilités mutuelles entre eux. Ils ont décidé, d’une certaine
manière, de s’engager à suivre les patients par une approche d’articulation/participation et de réification,
approche qui permettait de répondre aux attentes et besoins exprimés par la clientèle. On a constaté, en
pratique, une appropriation des rôles et des responsabilités autour de ce but commun. Parallèlement,
l’équipe s’alliait l’Organisme gaspésien des personnes atteintes de cancer (OGPAC), organisme
communautaire très actif dans notre région. En particulier, nous avons collaboré à la rédaction d’un guide
intitulé L’art de cultiver son bien-être, qui présentait tous les services disponibles dans la région pour les
personnes atteintes de cancer. Encore aujourd'hui, l’OGPAC compte parmi les partenaires indispensables
afin d’offrir un service complet, et proche des besoins de la communauté.
L’équipe a donc dû au cours de ces années négocier un important virage par rapport au sens de ses
actions et à la façon d’exercer son rôle en oncologie.
Pour ma part le levier principal, le véritable leitmotiv me permettant de gérer et de défendre le projet
pendant toutes ces années a été une simple phrase de Florence Nightingale (tirée d’un livre d’Evelyne
Adam), qui dit ceci :
Ni la médecine ni la chirurgie ne peuvent faire autre chose que d’enlever des obstacles, ni
une ni l’autre ne guérit, seule la Nature peut guérir. Et ce que fait le nursing dans les deux
cas ici est de placer le malade dans les meilleures conditions pour que la Nature agisse
sur lui.
Le propos de Nightingale remonte à plus de 100 ans. Cependant, j’aime toujours son idée de placer la
personne malade dans des conditions optimales ou encore en position de guérison, afin de pouvoir mieux
lutter contre la maladie. Ces conditions, de nature physiologique, psychologique ou sociale, peuvent, à
l’opposé, être un obstacle à l’adaptation au traitement ou même à l’énergie de guérison. C’est ici, selon moi,
que l’importance du rôle de l’infirmière pivot prend tout son sens. Vu sa position stratégique au sein de
l'équipe d’oncologie, et grâce à ses connaissances précises sur tout ce qui a trait au cancer, l’infirmière
pivot soutient le patient dans sa recherche des conditions qui favorisent la guérison ou l’atteinte d’un vrai
bien-être.
Nous avons donc fonctionné pendant plus de 13 ans avec ce modèle de suivi intensif. Au cours de toutes
ces années, nos indicateurs de qualité nous permettaient d’être très fières. Puis tout à coup, le vent a
tourné. Nous avons eu de l’argent pour créer un poste d’infirmière pivot, nous avons fait la promotion de
son rôle au sein du réseau, suscité des attentes de part et d’autre chez les intervenants du système, puis,
la cerise sur le sundae, la clinique d’oncologie a connu une augmentation d’activité de 70 % en deux ans.
Nous avons ainsi connu une crise importante au sein du service.
Cancer – Ensemble pour mieux prévenir, soutenir et soigner
L’infirmière pivot en oncologie : vers des interactions optimales
2
Avec du recul, je réalise que face à cette croissance qui provoquait beaucoup d’attentes, j’ai probablement
appliqué ce que Paul Watslawick appelle une « ultrasolution », et ai donc fait plus de la même chose.
Pourtant, tout le monde sait que deux fois plus n’est pas nécessairement deux fois mieux. Nous avons donc
tous fonctionné à plein régime, et particulièrement l’infirmière pivot, pendant deux bonnes années. C’était
ignorer les désagréments des réactions compensatoires des systèmes en période de croissance : plus vous
dépensez de l’énergie pour améliorer une situation, plus vous devez en dépenser. Plus vous allez dans un
sens, plus le système vous ramène dans l’autre.
Lorsque la situation a semblé rendue à sa limite, l’équipe a fait une pause et est remontée en amont des
situations problématiques.
L’équipe médicale s’est « ré-inspirée » du Programme québécois de lutte contre le cancer, comme outil
d’analyse (qui au fait, par ses visites, est d’une aide précieuse à l’équipe en place). Le chef du Département
de médecine interne a été mandaté par la direction générale pour revoir la structure organisationnelle du
programme.
Deux grands constats découlent de notre analyse : un problème dans la définition des rôles et un problème
en rapport avec la délégation de pouvoir aux différents acteurs. La direction du centre hospitalier, pour des
raisons de fusion et de restructuration, n’avait été que peu engagée dans la construction de notre nouveau
réseau en oncologie. La mise en place du poste d’infirmière pivot s’est négociée entre l’Agence et la partie
plus administrative de notre pyramide organisationnelle. Mais il nous manquait l’engagement concret du
niveau stratégique de notre organisation. Grave erreur, nous diraient de bons stratèges militaires. Par
conséquent, le pouvoir a été partagé entre des gens qui ne le détenaient pas ou peu. Comme le souligne
un rapport de recherche réalisé par le GRIS sur les réseaux intégrés en oncologie de la Montérégie, le
leadership d’un réseau doit reposer sur des leaders professionnels solides et convaincus. Son élaboration
doit toutefois être appuyée et pilotée par tous les niveaux de la direction, surtout dans le cas d’une
approche interpellant plusieurs acteurs de différentes disciplines, qui par surcroît sont souvent
géographiquement éloignés. Nous avons constaté également l’importance du leadership médical, élément
crucial à la réussite d’un réseau de services intégrés en oncologie.
Afin de voir à la mise en place des recommandations de fonctionnement structurel émises par le chef du
Département de médecine interne, des rencontres interdisciplinaires ont débuté dès la présentation du plan
de relance aux membres de la direction.
Comment aider au mieux une équipe à se construire ? Selon David Bohm et Peter Senge, c’est ici
qu’intervient le pouvoir créatif du langage. Tous les mots sont des symboles et, en tant que tels, des
abstractions. Ils ont souvent des sens différents selon les individus. Donc, il faut prendre le temps de
discuter et dialoguer en équipe élargie, et recentrer la pensée, le concept.
Travailler en interdisciplinarité exige de nombreux efforts, suppose une harmonisation des actions
proposées, mais également, la reconnaissance de la compétence de chacun. L’amélioration du dialogue et
la pratique de l’art de la discussion sont des moyens que nous avons privilégiés afin d’atteindre une
meilleure cohésion. Donc, les réunions d’équipe visant l’élaboration de plans de services se sont enrichies
des partenaires des soins à domicile. Nous avons également décidé d’inviter à nos rencontres midi, en plus
du directeur, tous les acteurs touchant les services en oncologie. Ainsi, les responsables de la radiologie,
du laboratoire, de la salle d’opération et du centre de rendez-vous se joignent régulièrement à l’équipe,
dans la recherche de solutions.
Le deuxième grand constat se rapporte à la théorie du rôle, telle que décrite dans le modèle de Katz et
Kahn. Nous nous sommes aperçus que plusieurs membres de l’équipe jouaient le rôle d’autres membres,
sans en avoir le pouvoir légitime. Par exemple, l’infirmière pivot jouait souvent une partie du rôle de la
Cancer – Ensemble pour mieux prévenir, soutenir et soigner
L’infirmière pivot en oncologie : vers des interactions optimales
3
pharmacienne. De plus, comme elle exerçait un nouveau rôle, elle acquiesçait souvent aux demandes
venant de professionnels, particulièrement des médecins, qui avaient de nombreuses attentes envers elle.
Il s’est avéré important de rapidement préciser que l’infirmière pivot était l’infirmière pivot du patient, et non
celle de l’équipe.
Le rôle est un concept voyageur que nous tenons pour acquis. Pourtant, comme il fait partie de l’assise de
toute bonne structure, il demande qu’on s’y arrête et qu’on le gère de façon continue. Un rôle se doit d’être
fonctionnalisme certes, mais également interactionnisme. Car en plus d’être l’expression d’attentes
normatives, le rôle se définit et se construit à travers les interactions avec les autres. On ne saurait ignorer
qu’un rôle comme celui de l’infirmière pivot touche également un paradigme cognitif. Mead et Biddle (en
1979) ont démontré que la manière dont la personne percevait les attentes de l’autre avait une
conséquence directe sur son comportement.
De nombreux facteurs sont susceptibles d’influer sur le rôle, ou d’éloigner le rôle reçu de sa forme
transmise. On compte, à titre d’exemple : les caractéristiques individuelles tant des émetteurs que des
récepteurs du rôle, le contenu du rôle transmis, la perception de cohérence du rôle au sein de
l’organisation, la clarté de la communication et les attentes personnelles des gens avec qui on entre en
interaction.
Par conséquent, si nous voulons que l’infirmière pivot puisse jouer son rôle de façon optimale, nous devons
avoir une idée claire de ce que sont les attentes du rôle. Dans un deuxième temps, les attentes du rôle
doivent être communiquées par une définition écrite de poste, mais aussi par des discussions avec les
partenaires. Nous devons par la suite nous assurer de la compréhension de l’attente du rôle, et ce, de
façon continue et durable, de manière à susciter un processus d’apprentissage, de sorte que l’attente du
rôle soit admise et se matérialise en acte. Cet exercice exige un travail d’éclaircissement et de négociation,
de sens, entre les différents partenaires.
Pour vous démontrer l’importance de cette théorie, une analogie avec le théâtre sera utilisée. Joseph Pine
et James Gilmore en font largement état dans leur ouvrage The Experience Economy: Work is Theatre &
Every Business a Stage.
Prenons la pièce Roméo et Juliette. L’auteur décide d’écrire une histoire, un concept. On comparera ici,
pour le jeu de l’analogie, l’auteur à la direction. Ainsi la direction doit connaître, comprendre et organiser à
l’avance les frontières entre les membres, ce qui lui permettra de prévoir où les environnements internes et
externes pourraient faire obstacle. Elle doit modeler l’univers des actions de tous les acteurs internes et
externes avant que commence la pièce, afin que ceux-ci puissent rendre l’histoire au plus près de l’objectif
visé. Deux familles rivales, deux jeunes amoureux. À la fin, Roméo et Juliette meurent en raison d’une série
de malentendus qui obéissent à un déroulement très précis. Et les deux familles ne se seront jamais
réconciliées. Cette partie ne se délègue donc pas : elle relève de l’auteur. À moins d’aimer l’impro. Une fois
l’histoire attachée ou ficelée, l’auteur/direction confie la mise en scène à un metteur un scène/gestionnaire.
Celui-ci engagera des acteurs répondant aux attentes du rôle, et par la suite supervisera l’interface ou la
qualité de l’interaction entre chacun.
L’acteur, lui, doit bien sûr connaître et jouer son rôle, mais également connaître celui des autres acteurs de
la pièce. C’est par ces interactions que naît l’histoire. Si les acteurs ne savent pas comment et pourquoi ils
doivent interagir entre eux, c’est la représentation de toute la pièce qui en sera affectée. Au théâtre, on
définit un bon comédien comme celui qui soutient l’autre dans sa réplique, interaction d’où naît l’émotion.
Un acteur doit bien comprendre le rôle qu’on attend de lui, sans quoi il s’inventera un rôle qu’il croit
important ou qu’il aime jouer. Ce n’est pas grave en soi mais à la longue, ça peut changer votre histoire.
Imaginez que le père Capulet décide qu’il en a assez des conflits et devient ami de la famille Montague !
Cancer – Ensemble pour mieux prévenir, soutenir et soigner
L’infirmière pivot en oncologie : vers des interactions optimales
4
Sur la base de ces principes, nous avons révisé en équipe le rôle de chaque intervenant. Par exemple, le
rôle de l’infirmière pivot a été présenté aux infirmières de chimiothérapie, et le rôle de ces dernières analysé
en fonction de la complémentarité d’action avec l’infirmière pivot. Nous avons pris le temps de discuter et
négocier le sens de chaque rôle, selon une approche gagnant-gagnant.
Comme les interactions entre les professionnels sont continues et évolutives, nous ne pouvons laisser
stagner des situations de malentendus. Pour le gestionnaire, c’est donc un processus cyclique et continu,
qui mène à des apprentissages de part et d’autre.
Des réunions de coordination permettant une amélioration de la compréhension des frontières et interfaces
de chacun ont eu lieu entre la direction de santé physique et la direction responsable de la gestion des
soins à domicile. Dans cette foulée, l’infirmière pivot et moi avons rencontré, dans leur milieu, toutes les
infirmières des soins courants, de l’urgence du CLSC et des soins à domicile. Cela a donné à chaque
acteur l’occasion de découvrir le travail de l’autre et l’aide qu’il pouvait en tirer pour son propre travail. J’ai
aussi constaté que si la collaboration entre les différents acteurs sur le terrain n’est pas soutenue par un
engagement formel de leur établissement d’appartenance, il n’y aura pas d’uniformité ni de cohérence dans
les services offerts à la clientèle atteinte de cancer. Il faut donc veiller à organiser des contacts fréquents et
directs entre les partenaires et les différents groupes de travail ou parfois, entre les instances
décisionnelles. Il faut voir à partager les informations de manière continue, afin d’éviter qu’un groupe ne
dispose que d’informations de seconde main.
D’autres outils pourraient favoriser cet échange structurant, par exemple le module oncologie du DSIE, tel
qu’étudié par le technocentre de Montréal (en collaboration avec le CHUM).
Le rôle assumé par l’infirmière pivot est varié et exige un large savoir ainsi que des compétences
spécialisées, soutenus par des données probantes. Commandés par le contexte actuel qui se veut rapide,
poussés par l’avènement de technologies de pointe et surtout par les percées en matière de recherche
médicale, l’acquisition et le développement des compétences de l’IPO ne peuvent plus relever de la seule
formation.
L’acquisition et le développement de ses compétences doivent résulter d’un parcours
« professionnalisant », qui comprend la formation, mais aussi des situations simples et quotidiennes de
travail. Le concept d’organisation apprenante apparaît ici intéressant. En effet, une articulation des savoirs
tacites et explicites permettant de valoriser l’expérience acquise et de soutenir la capitalisation des
connaissances s’intègre bien au contexte de l’oncologie.
Par l’organisation apprenante, le professionnel est invité à se développer dans et par l’organisation. Le
cadre organisationnel constitue un contexte conçu à dessein pour faciliter et stimuler les démarches
d’apprentissage et de mises à jour. Nous devrons viser à mettre en place des forums de formation,
l’utilisation de sites externes, comme le Groupe d’étude en oncologie du Québec (GEOQ), mais pour les
infirmières. L’utilisation de la visioconférence, pour favoriser la participation des infirmières en oncologie de
toutes les région à des réunions de formation, pourrait être avantageuse. La production et la diffusion de
guides de bonne pratique, d’algorithmes et d’autres outils probants d’aide à la décision sont aussi des
moyens soutenant le transfert de connaissances. Le Québec compte plusieurs infirmières expertes
reconnues en oncologie. Pourquoi ne pas les engager dans un tel projet ?
Il faudrait également aborder la notion des rôles entre l’infirmière et le patient, car cette notion est un des
éléments du succès. Par ailleurs, la cohorte de patients suivis par l’infirmière pivot doit être évaluée avec
justesse. Une cohorte trop nombreuse met en péril l’effet positif que l’infirmière pivot peut avoir sur la
trajectoire de soins de la personne malade.
Cancer – Ensemble pour mieux prévenir, soutenir et soigner
L’infirmière pivot en oncologie : vers des interactions optimales
5
N’étant pas une experte comme Marie de Serres, Anne Plante et toute l’équipe que je côtoie à la table du
groupe-conseil des infirmières en oncologie, je n’ai pas voulu m’étendre sur les conditions en soins
infirmiers qui facilitent l’interaction avec le patient. Cependant, je voudrais partager avec vous un extrait tiré
de la préface du livre de Peter Senge, L’organisation apprenante : la cinquième discipline. Cet extrait me
touche beaucoup, car il exprime ce qui est à la base de toute bonne relation.
Lorsque les tribus sud-africaines du nord de la province du Natal se rencontrent, la formule
de salut la plus courante, l’équivalent de notre bonjour en français est l’expression « Sawu
bona », ce qui signifie littéralement « Je vous vois ». Les membres de l’autre tribu
répondent par la formule « Sikhona », « Je suis ici ». La séquence de cet échange est
capitale : avant d’être reconnu, je n’existe pas. C’est comme si en me voyant, vous
m’ameniez à la vie. Il est donc essentiel, pour entrer en interaction avec une personne, de
commencer par voir cette personne et non son cancer, son statut, son CLSC, etc. Lorsque
nous ne considérons pas les autres comme des objets de l’environnement, mais que nous
les voyons comme des êtres humains avec lesquels nous allons apprendre et évoluer,
nous nous ouvrons à de nouvelles possibilités.
Comme le peuple qui utilise l’ubuntu, il faut que nous soyons ouverts et disponibles aux autres. Il ne faut
pas percevoir comme une menace le fait que les autres puissent être compétents et bons. Nous devons au
contraire puiser notre assurance et notre fierté du fait qu’ensemble, nous appartenons à une grande équipe.
Cancer – Ensemble pour mieux prévenir, soutenir et soigner
L’infirmière pivot en oncologie : vers des interactions optimales
6
Téléchargement