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1 3 T Ctf^YT TT7 Le mot « risque», qui vient de l'italien risco, est entré dans la langue
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française à la fin du X V I siècle lors d'une vogue d'italianisme. L'origine de ce mot n'est pas clairement établie. Pour les uns, risco descendrait du verbe latin
resecare formé sur secare signifiant « couper » (qui a donné « scier » en français moderne) ;
resecare a le sens d'«enlever en coupant, retrancher, supprimer». Le substantif dérivé du
verbe sert donc à nommer quelque chose qui coupe, et semble avoir d'abord été surtout
utilisé dans le vocabulaire de la marine pour désigner un «écueil» (en espagnol, riesgo
signifie « rocher découpé, écueil »). De là, le sens de « risque que court une marchandise en
mer », qui s'est ensuite étendu à d'autres situations. Pour d'autres, le mot viendrait du grec
byzantin rhizikon désignant « l a solde gagnée par chance par un soldat de fortune» et
emprunté lui-même à l'arabe rizq qui signifie « ration journalière ». Ces deux étymologies
correspondent aux deux principaux emplois de l'italien risco au X V I siècle: dans le
vocabulaire maritime pour désigner le « danger lié à une entreprise » ; dans la langue
militaire pour exprimer « l a chance ou la malchance d'un soldat».
En français, « risque » a d'abord été associé au mot « fortune » qui signifiait alors « hasard »,
heureux ou malheureux. Les deux mots étaient synonymes comme le montre encore
aujourd'hui l'analogie, en droit maritime, des expressions « fortune de m e r » et « risque de
m e r » pour désigner les périls susceptibles d'atteindre un navire et sa cargaison, et dont
l'armateur doit répondre. Le verbe «risquer», formé sur le nom, était alors synonyme de
« courir fortune ». Puis, « fortune » prenant de plus en plus une valeur positive, c'est-à-dire
le sens actuel de «chance» ( = hasard heureux), «risque» s'est mis à assumer les emplois
négatifs du mot, désignant un hasard malheureux, un péril possible. L'opposition entre
les deux mots apparaît bien dans cet exemple de La Bruyère, cité par Robert : « Le métier
de la parole ressemble... à celui de la guerre : il y a plus de risque qu'ailleurs, mais la fortune
y est plus rapide. » Associé à l'idée de succès, « fortune» prend au X V I I I siècle son sens
actuel de «richesses», «biens que l'on possède» ; tandis que «risque» garde son sens de
«danger éventuel» jusqu'à nos jours. Un communiqué de l'Académie française du
17 février 1 9 6 5 précise même son emploi, en réaction contre certains abus: «Risquer,
c'est courir un danger. Ce verbe est donc impropre s'il s'agit d'un événement heureux à
moins qu'il ne s'agisse d'un emploi ironique. On risque d'échouer, et non d'être reçu. »
Le mot « risque » est fréquent dans le vocabulaire des assurances, qui s'est aussi développé
au X V I siècle et, en particulier, à propos des vaisseaux et de leur fret. Selon Littré
( X I X siècle) ce mot « se dit (...) de chaque édifice, mobilier, navire ou cargaison, que l'on
assure». Aujourd'hui, ce terme désigne plutôt l'événement contre lequel on s'assure:
incendie, inondation, vol, etc.
Une valeur plus positive du mot apparaît dans la langue philosophique où le risque est
associé à l'espoir d'obtenir mieux. Cette valeur, qui est déjà celle du proverbe : «Qui ne
risque rien n'a rien», a été particulièrement exploitée par les écrivains de la première
moitié du X X siècle qui cultivaient le «goût du risque», comme Saint-Exupéry ou
Bernanos, qui affirme: «Le monde n'est pas aux vicieux comme se l'imaginent les
chastetés torturées. Le monde est au Risque. Il y a là de quoi faire éclater de rire les Sages
dont la morale est celle de l'épargne. Mais s'ils ne risquent rien eux-mêmes, ils vivent du
risque des autres... Le Monde est au risque, le Monde sera demain à qui risquera le plus,
prendra plus fermement son risque». (Cité par Robert.)
Le mot «risque» offre donc peu de changements de sens au cours de l'évolution de la
langue, mais il présente des connotations variées selon le contexte et selon le
tempérament de celui qui l'emploie.
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C T J / ^ T TT3 T^TPTH Le mot «sécurité» qui apparaît dans certains textes français à
^ - L * V > ^ A V X A l ^ à j £j j ^ j j siècle, ne se généralise dans la langue qu'au cours
du XVIII . Emprunté au latin securitas, il constitue en réalité un doublet du mot « sûreté ».
(Les linguistes appellent «doublet» deux mots de même étymologie dont l'un nous
parvient après avoir subi les altérations de la langue populaire, tandis que l'autre, dit de
formation savante, est directement emprunté au latin.) Securitas est un composé de cura
signifiant «soin, souci» ; il a d'abord un sens moral, désignant le sentiment que procure
l'absence de souci. C'est, littéralement, l'insouciance. Il sert aussi par extension, à
exprimer d'une manière plus générale l'état de ce qui ne présente pas de danger.
Jusqu'au X V I I siècle, c'est le mot « sûreté » qui exprime à lui seul ces différents sens dans
la langue française. Le Dictionnaire de 1 6 7 9 de Richelet contient le mot « sécurité», mais
l'auteur signale que ce terme «n'est pas encore établi». Et il ajoute: «Monsieur de
la Chambre a pourtant écrit "Le lion marche avec sécurité", mais Monsieur de la Chambre
n'est point à imiter en cela.» A u X V I I I siècle «sécurité devient usuel», avec la valeur
morale du mot latin. Il est synonyme de «tranquillité d'esprit», comme le montre cet
exemple de Laclos : «Quelle est donc en effet l'insolente sécurité de cet homme, qui ose
dormir tranquille, tandis qu'une femme qui a à se plaindre de lui, ne s'est pas encore vengée» (cité par Robert). «Sécurité» exprimait donc un sentiment et se distinguait de
«sûreté» qui désignait un état de fait. Cette distinction tendit ensuite à s'effacer,
«sécurité» étant de plus en plus employé à la place de « sûreté ».Le Dictionnaire de
l'Académie de 1935 donne toutefois encore comme définition de « sécurité » : «confiance,
tranquillité d'esprit qui résulte de l'opinion, bien ou mal fondée, qu'on n'a pas à craindre
de danger.» Significativement, il donne comme exemple: «L'industrie a besoin de
sécurité.» De nos jours, s'ils gardent quelques emplois propres, «sécurité» et «sûreté»
sont pratiquement synonymes. On dit une «ceinture de sécurité» mais une «épingle de
sûreté», les «Compagnies républicaines de sécurité» (C.R.S.) mais la « Sûreté nationale »
— qui, en fait, assure la « sécurité» publique. Plus que le sentiment de tranquillité, le mot
«sécurité» désigne aujourd'hui les conditions matérielles, économiques, politiques, etc.
qui contribuent à donner ce sentiment.
Sur le modèle de la «social security» anglaise qui existait depuis 1 9 3 5 , se crée en 1945 la
«Sécurité sociale», dont une ordonnance du 4 octobre 1945 définit ainsi les fonctions :
«garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles
de réduire leur capacité de gain» et «couvrir les charges de maternité et les charges de
famille qu'ils apportent». Révélatrices d'un certain état d'esprit après la Seconde Guerre
mondiale, beaucoup d'organisations se créent à la fin des années 40, dont le titre contient
le mot «sécurité»: Sécurité sociale en 1 9 4 5 , Service de la Sécurité militaire en 1 9 4 5 ,
C.R.S. en 1 9 4 8 .
L'emploi de la locution adverbiale «de sécurité» devient aussi de plus en plus fréquent au
X X siècle avec le développement des divers «dispositifs de sécurité», «ceintures de
sécurité», «éclairage de sécurité», «explosif de sécurité», «glissière de sécurité», etc.
La fortune du mot « sécurité » aujourd'hui révèle, parallèlement au progrès technique, une
attention croissante à la protection de l'homme dans toutes ses activités.
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Isabelle
Dervaux
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