VO CABULAIR E >> T R ANSL ATION* Vocabu laire V 86 Par Alain Rey, directeur de rédaction du Robert, Paris oici un latinisme largement inter- reliques, au Moyen Âge, va succéder celle national, dont le sens premier des droits et des titres, dans le langage juri- provient du verbe transferre, qui dique. Le xviiie siècle “philosophique” donne a donné en français transférer. Le latin ferre a au mot valeur scientifique : la géométrie s’en beaucoup d’emplois, autour de la valeur de empare, ainsi que la mécanique. Dès lors, “porter, inclure, avoir en soi” ; sous la forme ce mouvement dirigé qui emporte avec latum – comme on voit, ce verbe est très irré- lui ce qui occupait un lieu, et qu’on mène gulier –, il a été affecté à une série d’emplois, ailleurs, devient essentiel en linguistique, parfois très proches de la “traduction”, qui est en informatique. Quant à l’activité médico-­ elle aussi une trans-duction, du latin ducere chirurgicale, lorsqu’elle n’enlève pas, elle (“conduire”). “translate”, transfère, à moins qu’à l’instar de la culture des végétaux, elle ne transplante. En anglais, qui l’a pris à l’ancien français, la translation est une traduction : affaire Au centre des innombrables déplace- de mots et de phrases. En français, après ments exprimés en latin par trans, et qu’il le xvie siècle, il s’agit d’autre chose, et la trans- a légués au français, la translation “porte” lation devient transport et transfert (lui aussi (­ferre-latum) une charge précieuse, pour la du verbe ferre). Que l’on porte ou que l’on placer en des lieux plus propices. Que cela conduise, c’est toujours trans (“à travers”) un suscite une intense évolution technique, milieu spatial ou mental. À la translation des il ne faut pas s’en étonner. * © Le Courrier de la Transplantation 2009;1:5. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - no 3 - juillet-août-septembre 2013