Dossier Aromatase Tumeurs féminisantes : aspects diagnostiques, physiopathogéniques et rôle de l’aromatase B. Lireux*, Y. Reznik* points FORTS ▲ L’élévation des estrogènes au cours d’une gynécomastie doit faire rechercher un processus tumoral. ▲ La prévalence des signes endocriniens au cours des tumeurs testiculaires est faible. Ils peuvent précéder longtemps les signes tumoraux. ▲ Le leydigome testiculaire de l’adulte est caractérisé par une élévation de l’estradiolémie et un abaissement modéré de la testostérone. ▲ La sécrétion d’hCG par une tumeur germinale du testicule induit une cosécrétion d’estradiol et de testostérone. La féminisation est cependant exceptionnelle. ▲ Les tumeurs surrénaliennes féminisantes sécrètent excessivement estrone et précurseurs androgéniques. ▲ La féminisation au cours des tumeurs surrénaliennes est secondaire à une surexpression de l’aromatase sous le contrôle principal du promoteur gonadique PII. L es tumeurs responsables d’une féminisation sont rares. Leur expression clinique traduit toujours un excès de production d’estrogènes dont le mécanisme physiopathogénique n’est pas univoque. Les tumeurs féminisantes sont à l’origine de profils hormonaux dont certaines spécificités peuvent orienter le diagnostic. L’exploration de ces tumeurs, parfois occultes, est fondée sur les dosages hormonaux, mais également sur les investigations radiologiques, pour leur localisation. Expression clinique des tumeurs féminisantes sement et l’hyperpigmentation du mamelon avec saillie des tubercules de Montgomery sont en faveur d’une hyperestrogénie. Elle est confirmée par la palpation qui perçoit un tissu glandulaire ferme et parfois sensible. Cette gynécomastie s’accompagne exceptionnellement d’une galactorrhée. Elle est parfois difficile à différencier de l’adipomastie et, dans ce cas, c’est la pratique d’une mammographie ou d’une échographie qui permettra de faire la distinction entre gynécomastie vraie et adipomastie. Dans près de la moitié des cas, il existe une altération de la libido, voire une impuissance. Lorsqu’une étude du spermogramme est effectuée, l’oligospermie – voire l’azoospermie – sont constantes. Chez l’homme adulte La gynécomastie est le signe principal amenant au diagnostic. Uniou bilatérale, elle peut être reconnaissable dès l’inspection. L’élargis* Service d’endocrinologie et des maladies métaboliques, CHU Côte-de-Nacre, Caen. 176 Chez le garçon en période prépubertaire Là encore, la gynécomastie apparaît comme le signe principal amenant au diagnostic. Ailleurs, une pseudopuberté précoce avec augmentation Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), n° 4, juillet/août 2003 du volume testiculaire asymétrique révèle une tumeur. Dans ce dernier cas, la gynécomastie est plus rare (10 %). À côté des signes endocriniens, on constate une accélération de la vitesse de croissance avec avance de l’âge osseux. Chez la petite fille La féminisation se traduit par une précocité isosexuelle avec développement mammaire, une pigmentation des aréoles et des organes génitaux externes, l’apparition d’une pilosité pubienne et des métrorragies par imprégnation estrogénique de l’endomètre. Une virilisation est possible en cas de tumeur surrénalienne à sécrétion mixte. On observe également une accélération de la croissance et de la maturation osseuse. Chez la femme adulte En période d’activité génitale, le diagnostic est plus difficile. La symptomatologie est réduite à des cycles irréguliers, des ménométrorragies ou une simple mastodynie, ce qui explique le retard diagnostique. Chez la femme ménopausée, la réapparition de cycles menstruels plus ou moins réguliers, de sécrétions vaginales, d’une trophicité de l’appareil génital (vulve, grandes lèvres) témoignent de l’imprégnation estrogénique. Exploration d’un syndrome de féminisation (tableau décisionnel) Le diagnostic d’une tumeur féminisante repose sur les données anamnestiques et sur une exploration hormonale simple qui permet d’exclure Tableau décisionnel. Diagnostic d’une tumeur féminisante Interrogatoire, examen clinique Biologie : HCG, testostérone, E2, LH, TSH Prolactine, créatinine, enzymes hépatiques Échographie testiculaire Iatrogène Bilan normal : gynécomastie idiopathique Les explorations morphologiques font appel au scanner, qui identifiera un syndrome de masse surrénalien ou ovarien. L’échographie des gonades ne permet pas toujours de détecter une petite tumeur qui sera recherchée dans ce cas par le cathétérisme des veines gonadiques, à la recherche d’un gradient de sécrétion qui indique la latéralité de la tumeur. Dossier Aromatase Thyrotoxicose Tumeurs surrénaliennes I. hépatique (tableau I) I. rénale Profil hormonal (tableau II) HCG E2 T LH N ou Échographie testiculaire Échographie testiculaire Masse Normale Masse Germinome testiculaire TDM thoraco-abdominale Leydigome Tumeur sertolienne Germinome extratesticulaire Normale TDM thoraco-abdominal Masse surrénalienne Masse hépatique Tumeur féminisante de la surrénale Carcinome hépatocellulaire les causes les plus fréquentes de féminisation. L’interrogatoire permet d’éliminer les causes médicamenteuses de gynécomastie : par compétition au niveau des récepteurs aux androgènes (spironolactone, cimétidine), par diminution du métabolisme des estrogènes (kétoconazole), ou par aromatisation périphérique (testostérone). Une cause non tumorale est facilement retrouvée : gynécomastie pubertaire, cirrhose hépatique, insuffisance rénale ou thyrotoxicose. La palpation testiculaire doit être systématique et minutieuse, à la recherche d’une atrophie ou d’une hypotrophie. Elle peut aussi détecter une masse indurée ou une asymétrie du volume testiculaire. Une cause tumorale doit être évoquée en cas d’élévation des estrogènes : estradiol d’origine plutôt testiculaire ou estrone d’origine surrénalienne. Le dosage de l’estradiol plasmatique doit comporter une extraction préalable des stéroïdes, et l’utilisation d’un anticorps fournissant une bonne sensibilité dans les valeurs basses. Le dosage des androgènes plasmatiques (testostérone, ∆4 androstènedione, DHEA), de l’inhibine B, de l’hCG, des gonadotrophines de base et après stimulation par le GnRH complète l’exploration hormonale. Il se caractérise par une élévation considérable des estrogènes plasmatiques (estrone surtout et estradiol). Les taux des androgènes surrénaliens (∆4 androstènedione, DHEA) et de leurs précurseurs sont élevés, alors que la testostérone est souvent dans les valeurs basses de la normale, voire effondrée (1). Cet abaissement de la testostérone s’explique par le rétrocontrôle négatif exercé par l’estradiol sur l’axe hypothalamo-hypophysaire, traduit par l’effondrement des gonadotrophines dosées à l’état basal ou après stimulation par GnRH (1, 2) et la disparition de la pulsatilité spontanée de la LH (1-3). Une action directe des estrogènes sur la cellule de Leydig est aussi évoquée (4). Le freinage complet de la FSH dans certaines tumeurs peut être causé par une cosécrétion tumorale d’inhibine B et d’estradiol (3). Les tests dynamiques utilisant le Synacthène® ou l’hCG ont peu d’intérêt dans la localisation des tumeurs surrénaliennes. Une cosécrétion de stéroïdes surrénaliens non estrogéniques – cortisol, androgènes ou minéralocorticoïdes – est possible et évoque un processus néoplasique. Mécanismes de l’hyperestrogénie L’hyperestrogénie des tumeurs féminisantes de la surrénale résulte d’une expression aberrante de l’aromatase par la tumeur. La synthèse intratumorale des estrogènes circulants Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), n° 4, juillet/août 2003 177 Dossier Aromatase Tableau I. Niveaux de l’activité aromatase et expression de ses transcrits dans les surrénales normales et les surrénales tumorales. Activité aromatase Surrénales normales Surrénales tumorales Goto 1996 Watanabe 2000 Kimura 1995 Young 1996 Transcrits de l’aromatase Surrénales normales Surrénales tumorales 118,6 nmol/h/g prot 71-104 pmol/mn/mg prot 0,14-1,86 pmol/h/mg prot Phornphutkul 2001 Bouraïma 2003 0,05 pmol/h/mg prot 105 fmol/h/mg prot indétectable 18-21,4 µmol/µg ARN Utilisation exclusive PI.3 et PII indétectable Expression exclusive promoteur PII 4,4 µmol/µg ARN total Promoteur majeur PII et promoteurs mineurs PI.3, PI.4. 10 µmol/µg ARN total Promoteur principal PII et promoteurs mineurs PI.4, PI.6 et PI.3 213,5 pmol/h/mg prot 25,6 pmol/h/mg prot 751 fmol/h/mg prot Tableau II. Caractéristiques cliniques, radiologiques et biochimiques des tumeurs féminisantes chez l’homme. Type de la tumeur Tumeurs surrénaliennes Tumeurs testiculaires Germinales • Séminomes Signes cliniques (en dehors de la féminisation) Signes radiologiques Estrogènes plasmatiques Autres stéroïdes et marqueurs tumoraux Aromatase intratumorale Absents TDM ou IRM : syndrome de masse surrénalien E1 E2 ∆4, DHEA T , LH, FSH = 0 Inhibine β ± à ++++ Gros testicule échographie : tumeur du testicule E2 T, LH, FSH = 0 β-hCG αFP LDH TN • Choriocarcinomes Tumeurs sertoliennes Début prépubertaire échographie : E2 N ou taches pigmentées, hypertrophie E2/T après hCG polypose rectale des testicules (Peutz-Jeghers) Gonadoblastomes Cryptorchidie bilatérale risque de dégénerescence Leydigomes Nodule testiculaire échographie : nodule E2 basale N ou parfois non perçu parfois non visible E2 après hCG cathétérisme des > 80 pg/ml veines spermatiques : A J3 gradient E2 Carcinome Hépatomégalie TDM ou IRM : E2 hépato-cellulaire tumeur hépatique Fibro-lamellaire Germinome hypothalamique Diabète insipide Insuffisance antéhypophysaire Pseudo-puberté IRM : tumeur hypothalamique E2 nd Activité aromatase testiculaire nd T LH, FSH N ou Inhibine TeBG N Activité aromatase T LH, FSH Activité aromatase ARNm CYP19 dans le foie tumoral Immunomarquage + pour l’aromatase des cellules germinales ∆4 hCG E1 : estrone ; E2 : estradiol ; T : testostérone ; A : androstènediose ; αFP : α fœtoprotéine ; LDH : lacticodéshydrogénase ; TeBG : testosterone estradiol binding protein. 178 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), n° 4, juillet/août 2003 a été démontrée in vivo par cathétérisme des veines surrénaliennes (1, 5). Les études biochimiques ont identifié une activité aromatase dans la tumeur, qui peut atteindre un niveau élevé proche du tissu placentaire (57), ou être discrètement augmentée par comparaison avec la surrénale normale (2). L’étude moléculaire montre la présence de transcrits de l’aromatase dans la tumeur, sous le contrôle prédominant du promoteur gonadique PII (1, 2, 6). Des transcrits mineurs issus des promoteurs PI.4, PI.3, PI.6 ont aussi été identifiés dans deux tumeurs surrénaliennes ayant un profil différent de la surrénale normale, suggérant une régulation de l’activité transcriptionnelle différente entre tissu normal et tumoral (2, 6). Tumeurs testiculaires Les tumeurs testiculaires sont la deuxième cause de féminisation d’origine tumorale. L’expression endocrinienne n’est pas la règle puisque 30 à 50 % des tumeurs à cellules de Leydig et seulement 5 % des tumeurs germinales testiculaires induisent une féminisation. Leydigomes Ils sont rares (1 à 3 % des tumeurs testiculaires), et sont souvent révélés par des signes endocriniens. Les tumeurs à cellules de Leydig ont une longue latence clinique et les signes de féminisation sont le mode de découverte de la tumeur. Certaines formes latentes se traduisent par des signes d’hypoandrisme avec un morphotype gynoïde. Les leydigomes s’accompagnent d’une infertilité, qui est rarement la circonstance de découverte de la tumeur. Le spermogramme révèle une oligo-asthénospermie dans 75 % des cas. Ces altérations seraient liées à l’effet toxique direct de l’hyperestrogénie intratesticulaire sur la spermatogenèse, mais également à la dysfonction gonadotrope secondaire. Ces tumeurs, souvent non perçues à l’examen clinique, sont découvertes par l’échographie qui révèle une image arrondie hypoéchogène et hypervascularisée au sein du testicule. Profil hormonal Il est caractérisé par une élévation plus ou moins franche de l’estradiol plasmatique, dont le taux peut varier d’un jour à l’autre, traduisant un mode de sécrétion intermittent qui justifie la répétition des dosages (4). Le test à l’hCG (5 000 UI i.m.) peut sensibiliser la détection de l’hyperestrogénie lorsqu’il s’accompagne d’une élévation prolongée de l’estradiol plasmatique supérieure à 80 pg/ml à la 96e heure (8). Ce profil de réponse a une valeur diagnostique lorsque la tumeur n’est pas visible à l’échographie, mais la sensibilité de ce test approche 100 %. L’hyperestradiolémie est négativement corrélée à la testostérone plasmatique qui est subnormale, voire franchement abaissée. Le taux des gonadotrophines, en particulier celui de FSH, est abaissé à l’état basal et après stimulation par GnRH. L’étude de la pulsatilité de la LH révèle une diminution de l’amplitude des pulses, sans altération de leur fréquence. L’excès d’estradiol exerce donc un rétrocontrôle négatif sur l’axe hypothalamo-hypophysogonadique. Le freinage plus marqué de la FSH par rapport à la LH pourrait résulter de la sécrétion conjointe d’inhibine B par les leydigomes (8). Mécanismes de l’hyperestrogénie L’aromatase a été mise en évidence par immunohistochimie au niveau des cellules de Leydig du testicule normal (9) mais également dans le cas de leydigomes (Merudi G et Kuhn JM, communication personnelle). Chez l’homme, une augmentation de l’activité aromatase a été mise en évidence dans un cas de leydigome, expression corrélée à la prolifération des cellules de Leydig (4). La survenue de tumeurs leydigiennes, chez 50 % des souris transgéniques surexprimant l’aromatase et les récepteurs des estrogènes dans le testicule, pose la question de l’implication des estrogènes dans la tumorigenèse testiculaire (10). Tumeurs germinales du testicule Dossier Aromatase Elles sont les plus fréquentes, puisqu’elles représentent 90 à 95 % de l’ensemble des tumeurs testiculaires. Elles sont le plus souvent révélées par une masse testiculaire, rarement par des signes de féminisation ou des altérations de la spermatogenèse. Le séminome est la plus fréquente des tumeurs testiculaires et s’accompagne d’une production d’hCG dans 40 % des cas. Le choriocarcinome, le carcinome embryonnaire et le tératome sécrètent plus souvent de l’hCG (75 %). Outre les conséquences endocriniennes d’une sécrétion d’hCG, cette dernière représente un marqueur tumoral de grande valeur diagnostique et pronostique. Profil hormonal Les tumeurs germinales sécrétantes produisent à la fois l’hCG totale et sa sous-unité β. L’hCG tumorale induit des anomalies de la stéroïdogenèse par un mécanisme à la fois paracrine sur le testicule tumoral et endocrine après passage systémique sur le testicule controlatéral. Le profil hormonal caractéristique de ces tumeurs germinales associe une élévation de l’estradiol et de la testostérone plasmatique, qui contraste avec un effondrement du taux des gonadotrophines à l’état basal et après stimulation par GnRH (11). L’hCG active les voies ∆4 et ∆5 de la stéroïdogenèse, et l’aromatisation de la testostérone en estradiol. L’aromatisation a une double localisation : périphérique – comme le suggère l’augmentation de l’index d’aromatisation estradiol/testostérone plasmatique dans les tumeurs germinales par comparaison aux contrôles sains (12), – mais également testiculaire. En effet, le stroma et l’interstitium des tumeurs non séminomateuses sont positifs pour l’immunoréactivité aromatase. De plus, l’appareil leydigien du tissu normal ipsi-latéral à la tumeur et du Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), n° 4, juillet/août 2003 179 Dossier Aromatase testicule sain controlatéral a aussi une immunoréactivité aromatase (13). De façon intéressante, les fortes concentrations d’hCG plasmatique (> 3500 UI/l) s’accompagnent d’une réduction de l’activité des voies ∆4, ∆5 et de l’aromatase, expliquant l’hétérogénéité des profils plasmatiques stéroïdiens rapportés dans la littérature (12). Gonadoblastomes Ces tumeurs surviennent exclusivement chez l’enfant et l’adulte jeune atteint d’un trouble de la différenciation sexuelle. Elles se développent sur des gonades dysgénésiques à partir de cellules apparentées aux cellules de Sertoli. Elles peuvent être à l’origine d’une féminisation par hypersécrétion d’estradiol dont l’origine cellulaire exacte n’est pas élucidée. Tumeurs à cellules de Sertoli Elles sont rares et le plus souvent bénignes. Un syndrome de féminisation est observé dans 25 % des cas et s’associe fréquemment aux formes malignes. Les tumeurs sertoliennes peuvent s’inscrire dans le syndrome de Peutz-Jeghers, maladie génétique à transmission autosomique dominante, associant des taches brunes cutanées, une polypose colique, et parfois un hypercorticisme ou une acromégalie. Les tumeurs testiculaires se développent surtout chez l’enfant et sont souvent bilatérales et multifocales. L’hypersécrétion estrogénique des tumeurs à cellules de Sertoli résulte d’une surexpression majeure du gène de l’aromatase par les cellules tumorales. L’expression de l’aromatase est sous le contrôle du promoteur gonadique PII (14). Germinomes extratesticulaires Les tumeurs germinales sécrétant de l’hCG peuvent se développer au niveau de l’espace rétropéritonéal, du 180 médiastin et de l’encéphale. Comme les germinomes testiculaires, ces tumeurs peuvent, quoique rarement, induire une féminisation. Le mécanisme de l’hyperestrogénie a été précisé par l’étude d’un germinome hypothalamique féminisant sécrétant de l’hCG et trois autres tumeurs germinales du système nerveux central, sans sécrétion périphérique d’hCG. Les auteurs ont identifié, par immuno-marquage, la présence d’aromatase dans les cellules germinales tumorales (15). Tumeurs féminisantes de l’ovaire Chez la femme, la fréquence des tumeurs sécrétantes est faible, de l’ordre de 1 à 6 % de l’ensemble des tumeurs de l’ovaire. Les tumeurs féminisantes sont de loin les plus fréquentes puisqu’elles représentent 75 % des tumeurs secrétantes. variabilité de la sécrétion des estrogènes au cours du cycle menstruel physiologique. Des concentrations constamment élevées d’estradiol doivent cependant faire suspecter une origine tumorale. Mécanismes de l’hyperestrogénie L’étude de tumeurs ovariennes, dont certaines intègrent le syndrome de Peutz-Jeghers, a permis de mettre en évidence une surexpression du gène de l’aromatase liée à l’utilisation du promoteur gonadique PII (14). L’immunoréactivité pour l’aromatase est localisée dans les cellules épithéliales de 79 % des carcinomes, alors qu’elle est toujours absente des adénomes bénins de l’ovaire. La surexpression du gène de l’aromatase semble donc corrélée à la malignité de la tumeur (16). Carcinomes hépatiques Expression clinique Expression clinique Chez la petite fille prépubère, l’hyperproduction d’estrogènes est à l’origine d’une pseudo-puberté isosexuelle. Par ailleurs, la survenue d’une puberté précoce centrale chez des petites filles opérées d’une tumeur féminisante suggère un rôle des estrogènes dans la maturation de l’axe hypothalamohypophysaire. Des observations de gynécomastie associée à une tumeur hépatique ont été rapportées dans la littérature. La gynécomastie est sévère et d’installation rapide, elle s’accompagne d’une altération de l’état général et d’une tumeur du flanc droit douloureuse à la palpation. Profil hormonal et mécanismes de l’hyperestrogénie Profil hormonal Chez la petite fille comme chez la femme ménopausée, une hyperestradiolémie persistante (> 100 pg/ml) doit d’abord évoquer une tumeur secrétante. Le profil hormonal peut associer une élévation des androgènes plasmatiques, des gonadotrophines anormalement basses en période ménopausique, qui contrastent avec l’hyperestradiolémie. Pendant la période d’activité génitale, les taux d’estradiol sont difficiles à interpréter en raison de l’extrême Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), n° 4, juillet/août 2003 Le profil biologique n’est pas spécifique, puisqu’il associe une élévation des concentrations circulantes d’estradiol et d’estrone, un effondrement du taux des gonadotrophines et une baisse de la testostérone plasmatique chez le garçon. Une expression anormale du gène de l’aromatase est à l’origine de l’hyperestrogénie, puisque la protéine et l’activité enzymatique ont été localisées dans les hépatocytes adjacents à la tumeur. À l’état physiologique, le foie fœtal exprime l’aromatase sous le contrôle du promoteur PI.4, avec une diminution progressive de cette expression dans la période post-natale et une disparition à l’âge adulte. Dans les hépatocarcinomes féminisants, la surexpression du gène de l’aromatase sous contrôle des promoteurs PI.3 et PII caractérise la résurgence de l’aromatase fœtale avec un switch des promoteurs contrôlant l’expression de ce gène (17). 1. Young J, Bulun SE, Agarwal V et al. Aromatase expression in a feminizing adrenocortical tumor. J Clin Endocrinol Metab 1996 ; 81 : 3173-6. 2. Bouraïma H, Lireux B, Mittre H et al. Major hyperestrogenism in a feminizing adrenocortical adenoma despite a moderate overexpression of the aromatase enzyme. Eur J Endocrinol 2003 ; 148 : 457-61. 3. Kuhn JM, Lefebvre H, Duparc C et al. Cosecretion of estrogen and inhibin B by a feminizing adrenocortical adenoma : impact on gonadotrophin secretion. J Clin Endocrinol Metab 2002 ; 87 : 2367-75. 4. Valensi P, Coussieu C, Kemeny JL. Endocrine investigations in two cases of feminizing Leydig cell tumour. Acta endocrinol 1987 ; 115 : 365-72. Conclusion Les tumeurs féminisantes peuvent se développer aux dépens de nombreux tissus gonadiques mais aussi extragonadiques. Les mécanismes impliqués dans la production d’estrogènes sont multiples, à la fois endocrines mais aussi paracrines (figure). Le complexe aromatase joue un rôle central dans la physiopathogénie du syndrome endocrinien, qui est dorénavant mieux appréhendé grâce aux études biochimiques, mais également moléculaires, de l’expression du gène de l’aromatase. Hypophyse Tumeur germinale pulmonaire Références LH 5. Goto T, Murankanmi O, Sato F et al. Oestrogen producing adrenocortical adenoma : clinical, biochemical and immunohistochemical studies. Clin Endocrinol 1996 ; 45 : 643-8. 6. Watanabe T, Yasuda T, Noda H et al. Estrogen secreting adrenal adenocarcinoma an 18 month old boy : aromatase activity, protein expression, mRNA and utilisation of gonadal promoter. Endocr J 2000 ; 47 : 723-30. 7. Phornphutkul C, Okubo T, Wu K et al. Aromatase P450 expression in a feminizing adrenal adenoma presenting as isosexual precocious puberty. J Clin Endocrinol Metab 2001 ; 86 : 649-52. 8. Kuhn JM, Duranteau L, Rieu MA et al. Evidence of oestradiol-induced changes in gonadotrophin secretion in men with feminizing Leydig tumours. Eur J Endocrinol 1994 ; 131 : 160-6. – FSH – LH 9. Inkster S, Yue W, Brodie A. Human testicular aromatase : immunocytochemical and biochemical studies. J Clin Endocrinol Metab 1995 ; 80 : 1941-7. 10. Fowler KA, Gill K, Kirma N et al. Overexpression of aromatase leads to development of testicular Leydig cell tumors. 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Les tests dynamiques par hCG ou synacthène sont essentiels au diagnostic de tumeur surrénalienne féminisante. 3. Une surexpression de l’aromatase est à l’origine de l’hyperestrogénie des tumeurs surrénaliennes féminisantes. 4. La féminisation est un signe cardinal des tumeurs germinales du testicule. 1. Vrai. 2. Faux. 3. Vrai. 4. Faux. LANTUS 182 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VII), n° 4, juillet/août 2003