Vers une approche personnalisée de la prise alimentaire chez les

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Vers une approche personnalisée de la prise alimentaire chez les
sujets déments pour favoriser le confort du malade avant tout.
La progression de la démence s’accompagne très
fréquemment de problèmes de prise alimentaire. Une
malnutrition risque de s’installer alors rapidement
accompagnée d’une perte de poids accélérée. Les
difficultés de déglutition engendrent aussi des épisodes
répétés de pneumopathie d’inhalation. Pour remédier à
cette situation, l’équipe soignante, souvent interpelée
par la famille, se sent dans l’obligation de trouver des
solutions afin de ralentir l’apparition et l’aggravation
de la dénutrition.
Dans certains pays, la pose d’une sonde d’alimentation
entérale percutanée a souvent été proposée chez des
patients dont la démence était déjà très évoluée.
Globalement, environ 1/3 des américains en institution
qui souffrent de démence sévère portent une sonde
alimentaire, avec cependant de très grandes différences
selon les établissements. Pourtant, le bénéfice en
termes de survie n’a jamais été démontré de manière
claire même si cette seule survie ne doit pas être
l’unique facteur à prendre en considération pour
décider de la mise en place d’une sonde de
gastrostomie. Le ralentissement de la perte de poids et
la prévention de la malnutrition, la guérison d’escarres
et la diminution du risque de pneumopathie font
également partie des bénéfices escomptés avec ce type
d’alimentation. Ces études qui auraient pu mettre en
évidence de tels bénéfices font défaut. En revanche, les
inconvénients de ce type de sonde sont bien réels, avec
un pourcentage de complications pouvant atteindre
70% dans certaines séries. De plus, les sujets atteints de
démence sévère acceptent souvent très mal ce
dispositif, nécessitant parfois le recours à une
contention ou une sédation, ce qui n’est pas
souhaitable. A ces inconvénients, il faut ajouter la perte
du plaisir des repas et la diminution des contacts
humains afférents.
Aux Etats-Unis, des considérations largement
étrangères à l’état du patient risquent aussi d’influencer
la décision de pose d’une sonde alimentaire, comme la
taille de l’établissement de soins ainsi que son statut
public ou privé, les habitudes liées à l’équipe soignante
ou la demande des proches. Dans l’esprit de la plupart
des familles, ne pas alimenter correctement un malade
est synonyme d’absence de soins élémentaires. Du
point de vue de l’institution, la mise en place d’une
sonde montre alors que tout est tenté pour maintenir le
malade dans un état nutritionnel satisfaisant et permet
d’éviter ainsi une mise en accusation pour négligence.
Face à cela, un groupe de gériatres a mené une
réflexion afin de proposer une approche plus raisonnée
du problème de la prise alimentaire chez les personnes
démentes. Ils proposent ainsi la notion de « comfort
feeding only », autrement dit « nourrir le malade pour
son confort seulement » de façon à ce que la prise de
nourriture soit la moins invasive et la plus satisfaisante
possible. L’alimentation par voie buccale doit être
préférée aussi longtemps qu’elle n’engendre pas
d’angoisse ou de complication, induite par une fausse
route par exemple. Une optimisation personnalisée de
l’alimentation doit bien sûr être envisagée, avec une
attention particulière sur le positionnement et
l’environnement du malade pendant les repas. En
parallèle, une information claire des proches sur
l’évolution de la maladie ainsi que sur les avantages et
inconvénients de la nutrition par sonde percutanée doit
être donnée. Lorsque le patient devient totalement
incapable de s’alimenter sans stress majeur, les auteurs
recommandent de continuer à interagir autant que
possible avec lui, par la parole, le toucher ou encore par
divers biais tels que les soins buccaux, en lieu et place
des repas.
Les auteurs suggèrent d’instituer ces recommandations
de « comfort feeding only » personnalisées afin
d’éliminer les ambiguïtés à la fois pour l’équipe
soignante et pour la famille du malade. Il est également
important de bien faire comprendre aux proches qu’une
diminution de la prise de nourriture fait partie de
l’évolution de la maladie et de la fin de vie. Cette
approche personnalisée vise à respecter avant tout le
confort et la qualité de vie du patient et à éviter toutes
complications inutiles.
Laurent Teillet,
Hôpital Sainte-Périne, Paris et Hôpital
Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt
Palecek EJ, Teno JM, Casarett DJ, Hanson LC, Rhodes RL, Mitchell SL. Comfort feeding only : a proposal to bring
clarity to decision-making regarding difficulty with eating for persons with advanced dementia. J Am Geriatr Soc.
2010
©2010 Successful Aging SA
Af 623-2010
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