33097_748.qxp 14.3.2008 9:12 Page 1 actualité, info Les réseaux de médecins : ce que j’en pense (10) Les réseaux de soins : faites votre religion «O n ne veut plus voir le médecin installé seul dans son cabinet et arpentant le village avec sa mallette, ce temps est passé et aujourd’hui, l’avenir est aux HMO», déclarait Manfred Manser il y a quelque deux ans lors d’un forum sur l’économie de la santé. Une majorité de l’aréopage politique scande le même credo depuis pas mal de temps déjà. Comme si la question ne souffrait aucun débat, on juge que les cabinets médicaux doivent succomber aux mêmes règles économiques que les guichets de gare et de poste, les boulangeries et les épiceries de village, les hôpitaux régionaux, aujourd’hui disparus et on attend donc qu’ils subissent le même sort sous le prétexte qu’ils n’offriraient pas la rentabilité qu’exige leur financement par l’assurance maladie obligatoire. Mais quel rapport avec le managed care qui n’implique aucune concentration des praticiens, si ce n’est qu’elle implique probablement celle d’une part de leurs prérogatives actuelles ? A l’instar du Monsieur Jourdain de Molière s’émerveillant d’avoir fait de la prose sans même le savoir, la plupart des praticiens pensent fièrement travailler «en réseau» depuis des années, à l’avantage du patient et sans publicité tapageuse pour autant. Aujourd’hui, en revanche, surgissent les interrogations quant à l’ampleur et aux mécanismes des économies attendues d’un réseau de soins constitué. A 748 côté de la part de ce qu’il est convenu d’appeler le biais de sélection, on apprend que deux moteurs essentiels du frein aux dépenses seraient la responsabilité budgétaire et la participation obligatoire à une formation continue propre au réseau. On peut toujours méditer sur les rouages en mouvement et seuls nos confrères spécialisés dans l’étude du managed care sont à même de comprendre cette mécanique complexe. La responsabilité budgétaire (ou capitation, soit l’effort solidairement consenti de maintenir les dépenses dans les limites d’une enveloppe budgétaire et l’acceptation solidaire aussi des avantages ou désagréments découlant des résultats obtenus) quasi unanimement rejetée jusqu’à ces dernières années semble aujourd’hui, si ce n’est naturelle, du moins inéluctable. Doit-on voir là une manifestation de la capacité d’adaptation du corps médical ? Un gate keeping sous-tend généralement le managed care. Bon nombre de médecins spécialistes voient d’un très mauvais œil ces bons d’accès délivrés (ou non, tel est le fantasme pernicieux !) par un omnipraticien qui, par définition, n’est pas expert dans la discipline concernée. Et pourtant, pourquoi ne se réjouiraient-ils pas de concentrer leur savoir sur les patients qui ont vraiment besoin d’eux, ceux que leurs collègues veulent leur envoyer et pour lesquels ils n’ont actuellement souvent pas la disponibilité nécessaire, débordés qu’ils sont par des fourvoyés, des curieux ou des narcissiques ? Pourtant, d’un coup, les médecins de Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 mars 2008 premier recours peuvent comprendre l’attitude de ces spécialistes, partageant subitement leurs sentiments, quand des pharmaciens déclarent que le gate keeping d’un réseau de santé doit s’opérer dans les officines… Si le managed care n’a aucun moyen de dévaloriser quelque spécialiste que ce soit (bien heureusement), il promet, en revanche, une revalorisation du médecin de premier recours (bien heureusement également) et pourrait aussi lui offrir une pratique plus porteuse d’épanouissement. Mais là de nouveau, on touche un domaine guère familier qu’aux connaisseurs expérimentés des réseaux de soins. Voyez donc comme il est important de les entendre, de les interroger, de partager avec eux nos réflexions, nos expériences. Car, enfin, pour la société, les réseaux de soins se montrerontils outils performants ou usines à gaz, pour l’assuré, arnaque ou aubaine, pour le patient perte ou profit et pour le médecin facteur d’insécurité ou d’épanouissement ? Faites votre religion ! Dr Philippe Freiburghaus Spécialiste en médecine générale Président Société médicale de la Suisse romande Avenue Soguel 22, 2035 Corcelles Que pensez-vous des réseaux de médecins ? Pour donner votre opinion et participer à cette rubrique, vous pouvez envoyer votre texte (3000 signes, espaces compris) à [email protected] Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 27 février 2008 557