Après le soutien à la médecine de base du 22 mai 2014 : quelles

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éditorial
Après le soutien à la médecine
de base du 22 mai 2014 : quelles sont
les tendances de fond d’ici 2025 ?
Editorial
J. Cornuz
L
e 22 mai dernier, les citoyens et citoyennes suisses plébiscitaient à
plus de 88% l’initiative sur les soins médicaux de base. Rarement,
une votation fédérale avait drainé autant d’avis favorables !
Que faire d’un tel résultat ? Quels scénarios les acteurs de la santé, qu’ils
soient privés ou publics, doivent-ils dès lors privilégier ? Que doivent-ils
anticiper ?
Une récente étude,1 réalisée dans le cadre des «125 ans de la Policlini­
que médicale universitaire» de Lausanne, apporte un éclairage peut-être
utile aux décideurs. Cette étude s’est intéressée aux tendances de fond
en médecine de premier recours
«… le cabinet médical de
(MPR). Les questions étaient posées
de ma­nière à être généralisables à
demain sera non seulement
l’en­sem­ble des cantons romands,
composé de plusieurs
voire suis­ses, et concernaient l’horimédecins généralistes, mais
zon 2025. Réalisée auprès d’une
soixantaine d’experts aux compépluridisciplinaire …»
tences complémentaires (médecins,
chercheurs, parlementaires impliqués dans la politique de santé, pharmaciens, infir­mier(ère)s…), elle s’est appuyée sur la méthode delphi, reconnue
appropriée pour identifier les évolutions dans des domaines complexes.
Articles publiés
sous la direction du professeur
Jacques Cornuz
Médecin-chef
Policlinique médicale universitaire
Lausanne
1 Les évolutions de la médecine de premier recours dans le canton de Vaud à l’horizon 2025.
Rapport de recherche. Lausanne : PMU et IDHEAP,
ISBN 978-2-940390-66-3.
Quels sont les scénarios sur lesquels s’accordent ces experts ?
Les principaux résultats montrent que le cabinet médical de demain
sera non seulement composé de plusieurs médecins généralistes (cabinet
de groupe), mais pluridisciplinaire (spécialistes, infirmier(ère)s, physiothé­
rapeutes…) ; les médecins délégueront en effet de nouvelles tâches à
d’autres professionnels de la santé, en particulier les infirmier(ère)s et les
assistantes médicales, même si la pénurie guette également ces professions
de santé ! Pour ces experts, cette évolution ne devrait pas provoquer une
baisse majeure de l’attractivité du métier ; elle doit par contre être anticipée et, pourquoi pas, valorisée en mettant en avant la possibilité de faire
une médecine encore plus proche des attentes du patient. Les conséquen­
ces de cette délégation ouvrent la problématique de la responsabilité de
la prise en charge du patient : le débat promet d’être intéressant ! Quant
aux médecins internistes spécialistes, ils devraient eux aussi assumer plus
de tâches de MPR : la problématique des «doubles titres» n’est donc probablement pas close !
Une augmentation de guidelines est anticipée, mais celles-ci seront non
contraignantes et édictées par des associations professionnelles. L’évolution technologique (par exemple la télémédecine) ne devrait pas influencer
la relation médecin-patient. En parallèle, les patients seront actifs dans la
gestion de leurs données cliniques et la décision médicale.
Les experts envisagent une résistance politique à une extension des
prestations prises en charge par l’assurance-maladie obligatoire, à l’excep­
tion des dépistages et des vaccins ; pour ces derniers, ils anticipent même
une tendance vers des mesures contraignantes limitant la liberté individuelle au profit de l’intérêt public.
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La propriété des cabinets sera souvent en mains de groupes financiers
ou de collectivités publiques (cantonales ou communales). La tendance vers
une certaine régulation de la MPR devrait donc se confirmer avec pour
conséquence un possible accroissement de certaines contraintes pour les
médecins.
On devrait également assister à une centralisation des structures de
MPR, les patients ayant tendance à consulter de grands centres médicaux,
de type «walk-in clinics». La prise en charge
«… l’ensemble des profes- des patients avec une maladie chronique pour­
rait passer par un coordinateur qui en contrôsionnels vont davantage
lera l’accès ; comme une majorité de la popus’impliquer dans la
lation ne semble pas disposée à accepter un
coordination des soins …» tel dispositif, un effort devra être fait pour expliquer ce que signifie la perte du libre choix
et les implications d’un tel dispositif. Les experts relèvent que l’ensemble
des professionnels vont davantage s’impliquer dans la coordination des
soins avec pour corollaire, une augmentation du partage de l’information
médicale.
En conclusion, le médecin généraliste de demain sera – encore et toujours – un acteur de santé primordial dans une perspective de coordination des soins. Moins libre, mais toujours aussi indispensable !
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