L`ablation par radiofréquence dans le traitement du cancer du rein

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Notes sur les technologies de la santé en émergence
numéro 80
février 2006
L’ablation par radiofréquence dans le
traitement du cancer du rein
Sommaire
Le traitement habituel du cancer du rein consiste en une néphrectomie radicale ou partielle (ablation du rein).
L’ablation par radiofréquence (ARF), intervention moins effractive, représente une
option dans le traitement des petites tumeurs
et dans les cas où la chirurgie est contre
indiquée.
Son innocuité et son efficacité se comparent
avantageusement à celles d’autres interventions.
La persistance de tumeurs résiduelles représentait un inconvénient des versions précédentes
de cette technologie. L’utilisation de générateurs de radiofréquence (RF) plus puissants
pourrait réduire une telle persistance, mais les
preuves définitives à cet effet ne sont pas
disponibles.
L’expérience de l’application de cette technologie demeure limitée. Un suivi de plus longue
durée des patients sera nécessaire afin de
fournir une comparaison appropriée avec la
néphrectomie.
Cette intervention réalisée sous anesthésie ambulatoire s’effectue par voie percutanée, sous contrôle
tomodensitométrique ou échographique. On utilise la
laparoscopie pour éradiquer les tumeurs antérieures
et celles qui se situent près d’autres organes. Dans le
cas des tumeurs qui dépassent les 3 à 4 cm de
diamètre, il faut parfois plus d’une séance de traitement pour les détruire.
Stade de la réglementation
Santé Canada a homologué plusieurs systèmes servant à la coagulation et à l’ablation des lésions des
tissus mous par RF. Il s’agit des générateurs de
radiofréquence RF 2000TM et RF 3000®, fabriqués par
la Boston Scientific Corporation (de San Jose, en
Californie), du système d’ablation par radiofréquence
CooltipTM de ValleylabTM (de Boulder, au Colorado) et
du générateur de radiofréquence RITA® de RITA
Medical Systems, Inc. (de Fremont, en Californie)4,5.
Ces systèmes peuvent être utilisés avec diverses électrodes. Aux États Unis, les systèmes par radiofréquence ont reçu l’approbation à l’avis 510(k) de la
Food and Drug Administration pour l’ablation des
tissus mous et sont utilisés dans le traitement d’autres
organes, notamment dans les cas de cancers du foie
et du poumon6.
Groupe cible
La technologie
Chaque année, environ 4 500 Canadiens reçoivent un
diagnostic de cancer du rein et environ 1 500 d’entre
eux en meurent1. La forme la plus fréquente de cancer du rein est l’hypernéphrome, lequel représente
environ 90 % de tous les cas2.
L’ablation par radiofréquence (ARF) est l’une des
quelques interventions les moins effractives ayant fait
l’objet de recherches dans le traitement du cancer du
rein. Dans cette technique, une électrode génératrice
de courants électriques de radiofréquence (RF) transmet de l’énergie dans la tumeur visée. L’impédance
tissulaire entraîne la génération de chaleur, l’atteinte
de températures létales, puis l’ablation des tissus3.
Jusqu’à maintenant, l’ARF a été utilisée le plus souvent chez des adultes atteints de petites tumeurs
rénales. Parmi les indications de cette technique, on
compte les affections concomitantes qui empêchent
le recours à la chirurgie, de même que les cas où les
patients n’ont qu’un seul rein ou sont atteints d’un
hypernéphrome à foyers multiples. D’abord expérimentée chez les patients sans métastases, l’ARF a
ensuite été utilisée chez les patients présentant un
nombre limité de métastases et une lente évolution
documentée de la maladie7.
Pratique courante
Le traitement habituel de l’hypernéphrome nécessite
le recours à la chirurgie. La néphrectomie radicale
L'Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé (OCCETS)
est financé par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens. (www.ccohta.ca)
dernières ne sont pas situées au centre du rein
(tumeurs exophytiques ou parenchymateuses). Dans
l’étude réalisée par Gervais et ses collaborateurs7, une
analyse multivariable a permis d’obtenir des résultats
qui correspondaient à ceux d’autres chercheurs. Ces
résultats montrent que les tumeurs de petite taille et
le fait qu’elles ne soient pas situées au centre d’un
organe constituent des paramètres de prédiction de
réussite. Une analyse de leurs résultats révèle que l’utilisation de tumeurs ayant un diamètre de 4,2 cm ou
de 5,8 cm à titre de critères d’exclusion pourrait permettre d’inclure 90 % ou 99 % respectivement de
toutes les tumeurs pour lesquelles une nécrose complète peut être obtenue.
par laparoscopie est une intervention établie dans la
prise en charge des patients atteints de tumeurs localisées, tandis que la néphrectomie partielle par laparoscopie est une technique en émergence comme
moyen de conserver le néphron8.
Données probantes
Plusieurs études, dont quelques récents exemples
apparaissent au tableau 1, prouvent les bienfaits de
l’ablation par radiofréquence. En effet, plusieurs
groupes ont montré des taux de réussite élevés lors
de l’ablation de petites tumeurs, surtout lorsque ces
Tableau 1 : Résultats d’études sur l’ARF de tumeurs du rein
Étude
Gervais7
(2005)
Nombre de
patients et de
tumeurs
85 patients;
100 tumeurs
Taille
moyenne de
la tumeur
3,2 cm
Matsumoto9
(2005)
91 patients;
109 tumeurs
2,4 cm
58 %
Veltri10 (2004)
13 patients;
18 tumeurs
89 %
85 %
Zagoria11
(2004)
Hwang12
(2004)
22 patients;
24 tumeurs
17 patients;
24 tumeurs
(8 interventions par
voie percutanée,
9 interventions par
laparascopie)
20 patients;
35 tumeurs
(2 traitées en
période
intraopératoire)
32 patients;
32 tumeurs
29 patients;
25 tumeurs
2,4 cm pour
17 tumeurs;
1 tumeur de
7,5 cm
3,5 cm
Tous les patients
ont été suivis
pendant plus de
6 mois et 60
d’entre eux ont été
suivis pendant plus
de 12 mois
12 mois
38 %
100 %
7 mois
2,2 cm
42 %
23 sur 24 ou
96 %
13 mois
1,7 cm
63 %
100 %
9 mois
2,6 cm
91 %
100 %
9 mois
2,2 cm
80 %
100 %
9 mois
Farrel13 (2003)
Mayo-Smith14
(2003)
Su15 (2003)
Localisation
exophytique ou
parenchymateuse
68 %
Taux de
réussite*
< 3 cm : 52 sur
52 ou 100 %; de
3 à 5 cm : 36 sur
39 ou 92 %;
> 5 cm : 2 sur 8
ou 25 %
107 sur 109 ou
98 % après
6 semaines; 35
sur 36 ou 97 %
après 19,4 mois
Durée moyenne
du suivi
28 mois
* D’après les résultats obtenus lors de suivis tomodensitométriques.
L’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé (OCCETS)
est financé par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens. (www.ccohta.ca)
On a signalé une destruction incomplète des tumeurs
chez certains patients d’une étude. Rendon et ses collaborateurs16 ont traité quatre patients après une exposition chirurgicale de la tumeur suivie
immédiatement d’une néphrectomie; puis, six
patients ont subi une ablation par voie percutanée
suivie d’une néphrectomie sept jours plus tard.
L’examen pathologique a montré la présence de cellules tumorales résiduelles viables au sein de 5 % du
volume de quatre des cinq tumeurs du premier
groupe, et de trois des six tumeurs du groupe traité
plus tard. Dans une étude menée par Michaels et ses
collaborateurs17,15 patients ont subi une ARF avant
une néphrectomie partielle. L’examen pathologique
des 20 tumeurs réséquées a montré la présence de
cellules tumorales viables. Chez un groupe de huit
patients traités avant une chirurgie effractive, on a
noté la nécrose de sept des huit tumeurs. L’étendue
de la nécrose variait entre 15 et 90 % (moyenne de
60 %)18.
ont comparé leurs résultats à ceux d’études
antérieures sur des biopsies rénales réalisées par voie
percutanée et des laparoscopies urologiques. Ils ont
conclu que les techniques d’ablation sur le rein
entraînaient peu de complications lorsqu’elles servaient à traiter de petites tumeurs rénales. En effet, le
taux de complications était comparable à celui
d’autres interventions par laparoscopie et par voie
percutanée. À cet effet, parmi les 85 patients étudiés
par Gervais et ses collaborateurs7, l’hémorragie était
la complication la plus fréquente. Deux patients ont
dû recevoir une transfusion sanguine et deux patients
ont souffert de douleurs neuropathiques. Des cas
uniques de constriction urétérale, de miction
impérieuse, de brûlures et de masse asymptomatique
non cancéreuse à la paroi abdominale ont également
été signalés.
Lors de ces études, des générateurs de faibles
courants électriques de radiofréquence étaient utilisés
(50 watts, 90 watts et 150 watts)16-18. Hwang et ses
collaborateurs ont laissé entendre que l’utilisation de
générateurs de courants plus forts pourrait entraîner
une déposition d’énergie plus uniforme et un taux
plus élevé de mort cellulaire12. Au cours de leur
étude, 23 des 24 tumeurs réséquées à l’aide d’un
générateur de 200 watts ne présentaient pas de prise
de contraste à la tomodensitométrie après une période
de suivi minimal de deux ans. Les résultats pouvaient
laisser croire à une amélioration de l’efficacité, sans
être définitifs en raison de l’absence de preuves
histopathologiques. Gervais et ses collaborateurs ont
observé qu’un cas de leur étude illustrait les limites
des techniques d’imagerie dans la détection des
tumeurs résiduelles. L’évolution localisée du cancer
après l’ablation de la tumeur a été liée à la présence
de tissus malins résiduels qui n’avaient pu être différenciés d’un artéfact lors de la tomodensitométrie7.
Le coût d’un générateur de radiofréquence varie entre
20 000 et 30 000 $CAN et les électrodes à usage
unique jetables coûtent généralement entre 600 et
1 000 $CAN4.
Effets indésirables
Les complications associées à l’ARF et à la cryoablation ont été évaluées par Johnson et ses collaborateurs dans le cadre d’une étude multicentrique qui
regroupait 271 cas (133 ARF et 139 cryoablations)19.
Des 30 complications étudiées (11 liées à l’ARF), 26
étaient attribuables à la technique employée. Par
ailleurs, cinq complications étaient considérées
comme importantes. Trois d’entre elles sont survenues après l’ARF, soit une occlusion intestinale, une
obstruction formée par le tissu cicatriciel résultant de
la lésion tissulaire et une fuite urinaire. Les auteurs
Coût
Selon Lotan et Cadeddu, le coût d’une intervention
utilisant l’ARF dans un établissement de Dallas, au
Texas, est de 4 454 $US, ce qui est plus économique
que le coût d’une laparoscopie ou d’une néphrectomie effractive (dont le coût est de 7 013 $US et de
7 767 $US, respectivement)7. En Ontario, le coût
approximatif d’une ablation hépatique par radiofréquence est de 1 554 $CAN. Le coût des honoraires
professionnels, des frais de radiologie et des fournitures chirurgicales sont tous plus élevés dans l’étude
américaine, laquelle inclut certains éléments qui ne
font pas partie de l’estimation de l’Ontario4.
Activités dans le domaine
Des travaux ont été réalisés quant à l’application
d’ultrasons focalisés de haute intensité dans le traitement des tumeurs rénales. Des analyses ont permis
de conclure qu’il s’agissait d’une technique prometteuse, mais qu’elle devait être considérée comme
expérimentale et réservée à certains patients dans le
cadre de solides études cliniques8,20. L’utilisation de la
radiochirurgie stéréotaxique a également fait l’objet
d’études21.
Taux d’utilisation
L’ARF est utilisée dans le traitement d’autres types
de cancer et d’autres affections. On peut s’attendre à
L’Office canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la santé (OCCETS)
est financé par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens. (www.ccohta.ca)
ce que la disponibilité des équipements d’ARF augmente. Il est possible que leur taux d’utilisation
dépende du perfectionnement de la technologie, des
données restreintes sur les résultats à plus long terme
chez les patients et du jugement des spécialistes sur
les bienfaits de cette approche comparativement à
ceux d’autres techniques peu effractives.
Questions d’implantation
L’ARF est une technique en émergence comme solution de rechange utile à la néphrectomie dans la prise
en charge de certains types de cancer du rein. Son
utilité semble plus marquée dans les cas de petites
tumeurs non centrales et dans les cas où la chirurgie
est contre indiquée. Plusieurs aspects doivent être
portés à l’attention des personnes qui se servent de
cette technique. Un de ses inconvénients est la possibilité que les cancers résiduels ne soient pas détectés
par l’imagerie diagnostique lors du suivi. En outre,
on ne dispose d’aucun résultat provenant d’essais
randomisés, et la période de suivi chez les patients
ayant subi ce type d’intervention est courte. Seules
les évaluations menées lors de suivis de plus longue
durée (sur 5 à 10 ans) permettront de réaliser des
comparaisons pertinentes avec la néphrectomie radicale et partielle3.
La normalisation de l’ARF risque de poser problème.
En effet, Veltri et ses collaborateurs ont observé que
ce type d’intervention avait été effectuée à l’aide de
divers systèmes et techniques d’ablation, lesquels
comportaient plusieurs modèles d’électrodes et utilisaient des puissances et des durées différentes10.
Enfin, la mise en ouvre de cette technique dépendra
de deux facteurs importants, soit le fait que l’utilisation de cette technique nécessite une formation
appropriée et la prise en considération des bienfaits
connus, du coût et des inconvénients des solutions de
remplacement dans la prise en charge des tumeurs du
rein.
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Citer comme suit : Hailey D. L’ablation par radiofréquence
dans le traitement du cancer du rein [Notes sur les technologies de la santé en émergence, numéro 80]. Ottawa : L’Office
canadien de coordination de l’évaluation des technologies de la
santé; 2006.
**********************
L'OCCETS apprécie les commentaires de ces examinateurs.
Examinateurs : Edward D. Matsumoto MD MEd, Université
McMaster, Hamilton ON; David Valenti BSc MDCM, Centre
universitaire de santé McGill, Montreal QC.
Ce rapport ainsi que la version anglaise de ce rapport intitulée
Radiofrequency Ablation in the Treatment of Kidney Cancer
sont affichés sur le site Web de l’OCCETS.
La production de ce rapport a été rendue possible par l’apport
financier de Santé Canada et des gouvernements d’Alberta, de
la Colombie-Britannique, du Manitoba, du Nouveau Brunswick,
de la Terre-Neuve-et-Labrador, des Territoires du Nord-Ouest,
de la Nouvelle-Écosse, du Nunavut, de l’Ontario, de la
Saskatchewan et du Yukon. L’Office canadien de coordination
de l’évaluation des technologies de la santé assume l’entière
responsabilité de la forme finale et du contenu de ce rapport.
Les opinions exprimées dans ce rapport ne représentent pas
forcément celles du Santé Canada ou de gouvernements
provinciaux ou territoriaux.
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ISSN 1486-2972 (imprimée)
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est financé par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux canadiens. (www.ccohta.ca)
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