LES VOIX DE REMPLACEMENT LA VOIX TRACHEO ŒSOPHAGIENNE Conférence du Docteur LUBOINSKY Historique - Principe - Types de prothèses - Complications C'est le concept global de préservation d'organe qu'il faut avoir présent à l'esprit pour aborder le sujet de cet entretien : les prothèses. - Les premières prothèses vocales : Comme il reste des laryngectomisés totaux, on essaie, par tous les moyens, de leur rendre une qualité vocale la meilleure possible. C'est un problème qui date de la première laryngectomie totale, en Décembre 1873 ; l'assistant du chirurgien de Vienne, Wilroth, met au point une prothèse vocale qui n'a évidemment rien à voir avec ce que l'on met en place actuellement. C'était une espèce de shunt externe, qui était quand même le principe de la dérivation de l'air respiratoire pour le réintroduire dans la cavité buccale pour pouvoir parler. Sans entrer dans le détail des multiples systèmes qui ont été imaginés, il faut bien se rendre compte que c'est aussi vieux que la laryngectomie totale. - Le principe : C'est de mettre à la partie supérieure de la trachée une petite valve, qui grossièrement ressemble à un petit diabolo, et qui va faire communiquer la trachée et le pharynx. On crée donc une fistule entre la trachée et la pharynx. Bien entendu, il ne faut pas qu'il y ait communication directe, car chaque fois que l'on avalerait sa salive par exemple, celle ci passerait du pharynx dans la trachée. Il y a donc dans le diabolo, une petite valve qui ne fonctionne que dans un sens : elle s'ouvre dans le sens trachée pharynx, pour faire passer l'air, et se ferme dans le sens pharynx trachée, quand il y a de la salive (ou un liquide) qui veut passer du pharynx dans la trachée. Cela permet, en bouchant le trachéostome avec le doigt, de faire passer de l'air sous pression vers le pharynx et de rétablir ainsi le mécanisme normal de la parole, bien sûr sans passage par les cordes vocales, qui n'existent plus. Donc le principe est intéressant ; quand va t on l'utiliser ? On peut l'utiliser de deux façons. On peut l'utiliser en première intention, c'est à dire le mettre en place sur le patient que l'on est en train d'opérer. On enlève le larynx, on va refermer le pharynx pour rétablir la continuité du circuit digestif, et on va mettre en place, dans ce temps opératoire, cette petite prothèse. Cela demande exactement cinq minutes. C'est un geste simple, facile à réaliser ; la prothèse est en place quand le patient se réveille. Deuxième possibilité, c'est de le mettre en place secondairement, pour des raisons diverses ; la raison principale étant l'impossibilité d'acquérir la voix œsophagienne. On a opéré le patient, on lui a fait une longue radiothérapie, il a essayé en toute bonne foi, avec un bon phoniatre, ou un bon orthophoniste, de récupérer une voix œsophagienne. C'est un échec, on va donc essayer de lui mettre cette prothèse pour lui donner la possibilité de récupérer un moyen de communication verbale. - Les prothèses Il y en a de multiples modèles sur le marché, elles ont toutes des caractéristiques qui se ressemblent, elles sont basse pression, c'est à dire qu'il faut relativement peu d'air pour que la valve réagisse, on va les mettre en place, si possible en première intention. Il y a des contre indications. Malheureusement, celles ci rejoignent, pour certaines, les défauts d'acquisition de la voix œsophagienne. Lorsque l’on fait de grandes exérèses avec beaucoup de muqueuse, c'est là que l'on a le plus d'échecs dans l'utilisation de ces prothèses : 30 à 40 %, voir plus. Ni la voix œsophagienne, ni la prothèse ne donnent de résultat satisfaisant. Par contre, pour seulement une laryngectomie totale, où l'on conserve beaucoup de muqueuse, les prothèses apportent une voix satisfaisante dans 70 à 80 % des cas, c'est donc un progrès immédiat, beaucoup plus rapide que la voix œsophagienne, puisque quelques jours après la mise en place de la prothèse, le patient peut commencer à émettre les premiers sons, avec l'aide d'un professionnel de la voix phoniatre ou orthophoniste. - les complications Nous avons beaucoup de mal à "nous dépêtrer" de toutes les séries qui ont été publiées quant au devenir de ces prothèses à long terme. On ne sait pas, à trois ans, cinq ans, combien resteront en place et seront fonctionnelles. Il y a des complications, qui ne sont pas négligeables. La première de toutes, c'est la fuite. On a crée, chirurgicalement, un orifice dans lequel on introduit la prothèse. Et l'on voit, malheureusement, dans un certain nombre de cas, s'organiser une fuite de salive, et l'on considère actuellement que l'on peut avoir à retirer vingt pour cent de ces prothèses pour des fuites que l'on n'arrive pas à stopper. On a des méthodes, on injecte des produits autour, pour essayer de diminuer la largeur du vide, on prend des prothèses un peu différentes, on augmente le diamètre, mais cela reste un des problèmes les plus importants. Le deuxième, est que ces matériaux inertes mis en place au niveau du pharynx sont relativement fréquemment le siège d'infections, et notamment de colonisation par des champignons. Ces mycoses sont assez préoccupantes lorsqu'elles deviennent importantes, et peuvent entraîner, si il y a surinfection, des réactions locales extrêmement importantes. Il y a des cas décrits dans la littérature, où l'on voit des réactions inflammatoires très importantes qui vont entraîner des rétrécissements du trachéostome, voire des rétrécissements du pharynx. Je peux vous dire, en ayant vu que c'est impressionnant, que cela pose des problèmes, au point que l'on se pose la question de savoir si cela n'est pas la reprise de la maladie. Nous avons eu un tel cas et le diagnostic d'évolution évolutive a été retardé. - Durée de vie La prothèse doit être changée, et cela à un rythme différent suivant les patients. On parle de dix mois, mais il y a des patients où il faut les changer tous les trois mois, tous les quatre mois. Cela est contraignant, il faut un suivi très régulier, il faut des patients qui sachent venir au moindre signe. Cela ne peut pas se mettre en place non plus chez n'importe qui : il faut des gens qui soient attentifs aux petits signes, soucieux de leur hygiène, de façon à intervenir rapidement si il y a une infection qui se déclare. Enfin il peut y avoir un dernier facteur, une certaine lassitude de ne pas avoir toujours les deux mains libres : pour parler Il faut obturer le trachéostome. A cela il y a un palliatif : la possibilité de mettre une valve externe. Il faut que celle-ci soit collée, un peu comme le Cyranose, ce qui nécessite une conformation anatomique adaptée, et une peau qui résiste bien aux colles. Donc cette technique si elle est intéressante, si elle permet de rendre une voix dans 70 % des cas, a quand même des contraintes, liés à la fois aux problèmes locaux et aux problèmes psychologiques et à la durée de vie définitive. Conférence AG Paris / Mars 1996 / Archives de l’Association CONFERENCES organisées par les Laryngectomisés et Mutilés de la Voix de la Région Parisienne à l’occasion de leurs Assemblées Générales.