1 Sous-groupes distingués et table des caractères.

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Exemples d’utilisations de la théorie des
représentations.
Simon C.
bXc
1 Sous-groupes distingués et table des caractères.
1.1 Commentaires.
Ce développement est issu de [ulm, 2012], § 17.3, mais il est aussi en exercice dans
[col, 2011] (chapitre I) et dans [h2g, 2015]. Il nécessite comme prérequis :
— La théorie des représentations.
— La construction des tables de caractères d’un groupe fini.
L’objectif est de montrer comment la table des caractères d’un groupe fini permet
de tirer certaines informations sur le groupe. Par exemple, la table des caractères donne
directement la liste explicite de tous les sous-groupes distingués d’un groupe.
1.2 Les sous-groupes distingués comme noyaux de caractères.
Dans toute la suite, G est un groupe fini d’ordre n.
P ROPOSITION 1.1. — Soit V une représentation de G de morphisme structurel ρ et de
caractère χ. Alors, ∀g ∈ G, on a |χ(g )| ≤ χ(e) = n. De plus, χ(g ) = χ(e) si et seulement si
g ∈ ker(ρ).
¡
¢
Démonstration. Par définition du caractère, on a χ(g ) = Tr ρ(g ) . Or, ρ(g ) est diagonalisable sur C et ses valeurs propres sont des racines de l’unité. Notons-les λ1 , ..., λn .
Alors,
¯
¯
|χ(g )| = ¯λ1 + ... + λn ¯ ≤ |λ1 | + ... + |λn | = n = χ(e)
Supposons que χ(g ) = n. Alors |χ(g )| = n et, par le cas d’égalité dans l’inégalité triangulaire, il existe a 2 , ..., a n des nombres réels positifs tels que λk = a k λ1 . Ainsi, |χ(g )| =
1 + a 2 + ... + a n =. Comme a k ≤ 1, on en déduit que a k = 1 et toutes les valeurs propres
sont égales, et nécessairement égales à 1 puisque χ(g ) = n. Donc, ρ(g ) est semblable à
la matrice identité : c’est la matrice identité, et g ∈ ker(ρ). La réciproque est évidente.
♥
D ÉFINITION 1. — Soit G un groupe et χ un caractère de G. On appelle noyau de G
l’ensemble K χ = {g ∈ G : χ(g ) = χ(e)}.
1
Q
Utilisation des représentations de groupes.
Q
R EMARQUE 1. La première proposition montre donc que le noyau d’un caractère est
un sous-groupe distingué en tant que noyau du morphisme structurel.
T HÉORÈME 1.1. — Soit G un groupe fini ayant m classes de conjugaison et χ1 , ..., χm les
caractères irréductibles de G. Alors, tout sous-groupe distingué H de G est de la forme
H=
\
ker(χ j )
j ∈J
avec J ∈ P {1, ..., m}.
Démonstration. Montrons d’abord que tout sous-groupe distingué de G est noyau d’un
caractère (pas forcément irréductible) de G.
Montrons ensuite que ker(χ) est une intersection de noyaux de caractères irréductibles. En effet, V se décompose comme somme de représentations irréductibles :
L
Pm
V = m
i =1 n i Vi . Ainsi, χ = i =1 a i χi . Or, chaque Vi est stable sous l’action de G, et en
particulier stable par ρ(g ). Donc si g ∈ ker(χ) = ker(ρ), alors pour tout v i ∈ Vi on a
ρ(g ) · v i = v i , donc ρi (g ) = idVi et χi (g ) = χi (e). DOnc, g ∈ ∩ ker(χi ). La réciproque est
évidente.
♥
C OROLLAIRE 1. — Un groupe fini G est simple si et seulement si tout caractère irréductible non trivial de G a un noyau trivial.
1.3 Lecture d’une table de caractères.
Commutation et ordre.
La formule de Burnside permet immédiatement de déterminer l’ordre du groupe
P
G : |G| = m
i =1 χi (e). On lit également le nombre de classes de conjugaison de G, qui est
le nombre de caractères irréductibles.
On sait ensuite si le groupe est abélien ou pas en regardant s’il a des caractères
irréductibles de degré supérieur à 1.
Si le groupe n’est pas abélien, on sait que le nombre de caractères irréductibles de
degré 1 est l’ordre de l’abélianisé de G, ce qui nous donne directement l’ordre de DG .
Sous-groupes distingués.
Pour chaque caractère, on considère ker(χ) : s’il est égal à {e}, c’est que le morphisme associé à χ est fidèle. Sinon, on dispose d’un sous-groupe distingué à travers
ker(χ) et on voit tout de suite que le groupe n’est pas simple.
Pour chaque caractère, le noyau de ce caractère donne un sous-groupe distingué
que l’on connaît explicitement (c’est une réunion de classes de conjugaisons). Le théorème précédent donne alors la liste de tous les sous-groupes distingués : ce sont les
intersections des noyaux. En général, cela permet de trouver explicitement le groupe
dérivé (on connaît déjà son ordre).
R EMARQUE 2. Un groupe abélien fini est cyclique si et seulement s’il possède un caractère irréductible fidèle ([ulm, 2012], ex.17.5).
2
Q
Q
Utilisation des représentations de groupes.
Démonstration. S’il un tel groupe est cyclique d’ordre n, il est clairement isomorphe à
Un . Réciproquement, s’il y a un caractère fidèle, alors G s’injecte dans U et son image
est un sous-groupe fini de U, c’est-à-dire un Un (les sous-groupes de U sont cycliques
et finis ou denses et infinis).
♥
1.3.1 Premier exemple : un groupe d’ordre 36.
Donner en exemple la table du neuvième groupe d’ordre 36, donné dans [ulm, 2012],
page 159.
R EMARQUE 3. Un groupe d’ordre 36 n’est jamais simple.
Démonstration. Supposons que G est simple. Alors, n 3 ∈ {1, 4} donc n 3 = 4 et G agit
(fidèlement car il a été supposé simple) sur Syl3 (G), ce qui fournit une injection G →
S4 , ce qui est absurde pour des raisons de cardinalité. La même démonstration permet
de montrer qu’il n’y a pas de groupe simple d’ordre 24.
♥
1.3.2 Deuxième exemple : S4 .
Voici la table des caractères de S4 .
Classe C
1
ε
χ
VX
VX ⊗ ε
{Id}
1
1
2
3
3
Double-transp.
1
1
2
-1
-1
3-cycles
1
1
-1
0
0
transp.
1
-1
0
1
-1
4-cycles
1
-1
0
-1
1
Le noyau de la signature est donné par l’union de l’identité, des double transpositions et des 3-cycles : il s’agit bien de A4 . Le noyau de χ est le sous-groupe formé
de l’identité et des double-transpositions, il est isomorphe au groupe de Klein. On
obtient ainsi tous les sous-groupes distingués de S4 . On notera également que les
deux dernières représentations ont un noyau trivial, donc fournissent des injections
S4 ,→ GL(V X ) où V X est de dimension 3.
2 Caractères des groupes abéliens finis.
Dans cette section, on montre le théorème de Kronecker (de classification des groupes
abéliens finis) en utilisant la théorie des caractères. C’est directement inspiré de [col, 2011],
chapitre I, §5. On suppose cependant que la théorie des caractères est connue. En particulier, on suppose vérifiés :
— Le lemme de Schur et le théorème de Mashke.
— Le théorème de Frobenius (les caractères irréductibles forment une base orthonormale des fonctions centrales).
P ROPOSITION 2.1. — Un groupe fini G est abélien si et seulement si tous ses caractères
irréductibles sont de degré 1.
3
Q
Utilisation des représentations de groupes.
Q
Démonstration. S’il est abélien, tous ses caractères sont de degré 1 par codiagonalisation. Si tous ses caractères irréductibles sont de degré 1, par la formule de Burnside
X
|G| =
n χ2
χ∈Car(G)
on voit qu’il y n caractères irréductibles, donc n classes de conjugaison, donc elles sont
réduites à un seul élément et G est abélien.
♥
En fait, plus il y a de caractères de degré 1, plus le groupe est abélien : en effet,
± les
caractères de degré différent de 1 correspondent aux caractères de l’abélianisé G Z(G).
2.1 Caractères des groupes abéliens finis.
Dorénavant, G est un groupe abélien fini.
T HÉORÈME 2.1. — Toute fonction de G dans C est combinaison linéaire de caractères.
Démonstration. Tout caractère est irréductible et Fcent (G, C) = F (G, C) puisque les
classes de conjugaison de G sont les singletons. Il suffit donc d’appliquer le théorème
de Frobenius.
♥
D ÉFINITION 2. — Soit f ∈ F (G, C). La transformée de Fourier de f , notée fˆ, est la fonction Ĝ → C définie par
fˆ(χ) = ⟨χ, f ⟩
T HÉORÈME 2.2 (Inversion de Fourier). — Soit f ∈ F (G, C). Alors,
X
∀g ∈ G,
f (g ) =
χ(g ) fˆ(χ)
χ∈Ĝ
E XEMPLE 1. Soit f = 1a pour un certain a ∈ G. Alors,
f (g ) = δa,g =
1 X
fˆ(χ)χ(g ) =
χ(a)χ(g )
|G| χ∈Ĝ
χ∈Ĝ
X
D ÉFINITION 3. — Soit D un entier. Un caractère de (Z/DZ)× est appelé caractère de
Dirichlet modulo D.
P ROPOSITION 2.2. — Si a ∧ D = 1, alors
X
1
χ(a)χ(n)
φ(D) χ∈Dir(D)
vaut 1 si n ≡ a (mod D) et 0 sinon.
4
Q
Utilisation des représentations de groupes.
Q
2.2 Le groupe dual.
b
b donnée par
Pour tout groupe G, on a une injection canonique ι : G → G,
ι(g ) = ξg
où ξg : χ → χ(g ).
b est un isomorphisme de groupes.
T HÉORÈME 2.3. — Si G est abélien fini, ι : G → Gb
Démonstration. ι est clairement un morphisme de groupes. Il nous suffit donc de véb
b donc |G| = |G|.
b Il suffit donc
rifier qu’il est bijectif. D’après le lemme XXX, on a |G| = |G|
de vérifier que ι est une injection. Soient a, b dans G tels que ι(a) = ι(b). Alors, pour
b on a ι(a)(χ) = ι(b)(χ), c’est-à-dire
tout χ ∈ G,
χ(a) = χ(b)
Soit f = 1a et g = 1b . Par la formule d’inversion de Fourier, on a pour tout x ∈ G :
1 X
f (x) =
χ(a)χ(x)
|G| χ∈Ĝ
Et de même,
g (x) =
1 X
χ(b)χ(x)
|G| χ∈Ĝ
Donc f = g et a = b. Le morphisme ι est injectif, donc bijectif par cardinalité, et c’est
un isomorphisme.
♥
2.3 L’exposant d’un groupe.
D ÉFINITION 4. — Soit G un groupe. On appelle ordre de G le le maximum des ordres
des éléments de G. On le note ω(G). Par extension, on notera aussi ω(x) l’ordre d’un
élément x : il coïncide avec l’ordre du groupe ⟨x⟩.
L EMME 2.1. — Soit G un groupe abélien fini et x, y deux éléments de G d’ordres respectifs n, m. Si pgcd(m, n) = 1, alors ω(x y) = nm.
L EMME 2.2. — Soit G un groupe abélien fini et x, y deux éléments de G d’ordres respectifs n, m non nuls. Alors, G contient un élément d’ordre ppcm(n, m).
T HÉORÈME 2.4. — Soit G un groupe abélien fini. Alors, G contient un élément d’ordre
ω(G) et on a
ω(G) = inf{n ∈ N : x n = e, ∀x ∈ G}
C OROLLAIRE 2. — Soit k un corps fini de cardinal q. Son groupe multiplicatif k× est
cyclique d’ordre q − 1.
P ROPOSITION 2.3. — Un groupe abélien fini et son dual ont le même exposant.
b Soit n = ω(G). Alors, ∀x ∈ G, on a χn (x) = χ(x n ) = χ(e) = 1.
Démonstration. Soit χ ∈ G.
b
b
b ≤ n. De même, ω(Gb
b ≤ ω(G)
b ≤ n mais comme G ' G,
b on a ω(G)
b = n et il y a
Donc ω(G)
des égalités partout.
♥
5
Q
Utilisation des représentations de groupes.
Q
2.4 La classification des groupes abéliens finis.
T HÉORÈME 2.5. — Soit G un groupe abélien fini. Il existe r ∈ N et des entiers n 1 , ..., n r
tels que
— n 1 = ω(G).
— n i +1 |n i
— On a un isomorphisme
r
M
±
G'
Z ni Z
i =1
Démonstration. On raisonne par récurrence sur n = |G|. Lorsque n = 1, il n’y a rien à
montrer (pareil lorsque n = 2, 3, 4, 5 en fait).
Supposons que le résultat est vérifié pour n. Notons N = n 1 = ω(G). Pour tout x ∈ G,
b le nombre complexe χ(x) est une
on a x N = e. Donc, pour tout x ∈ G et pour tout χ ∈ G,
racine N -ème de l’unité.
Ê L’ordre de Gb est également N , de sorte qu’il existe χ1 ∈ Gb tel que ω(χ1 ) = N Montrons par l’absurde qu’il existe x 1 ∈ G tel que χ1 (x 1 ) est d’ordre N .
Supposons que pour tout x ∈ G, χ(x) est d’ordre strictement inférieur à N . L’ordre
du groupe Im(χ1 ) serait
alors
¡
¢m strictement inférieurm à N , disons m, et pour tout x ∈ G,
m
on aurait χ1 (x) = χ1 (x) = 1. Donc on aurait χ1 = 1, ce qui est faux car ω(χ) = N .
Donc, il existe x 1 ∈ G tel que χ1 (x 1 ) est d’ordre N .
Ë En particulier, χ1 (G) = UN . Mais l’ordre de x 1 est également un diviseur de N .
Si c’était un diviseur strict, là encore χ1 (x 1 ) ne ±serait pas d’ordre N . Donc ω(x 1 ) = N .
FInalement, si l’on note H1 = ⟨x 1 ⟩, alors H1 ' Z N Z.
Ì Posons G 1 = ker(χ1 ). Nous allons montrer que
G = H1 ⊕G 1
Remarquons déjà que χ1 : H1 → UN est un isomorphisme de groupes (il est injectif ).
Notons α : UN → H1 son inverse. Soit x ∈ H1 ∩ G 1 . Alors, χ1 (x) = 1 car x ∈ G 1 , donc
¡
¢−1
x = e, et H1 ∩ G 1 = {e}. Soit maintenant x ∈ G. On pose y = α(χ1 (x)) x. Il est clair
¡
¢−1
que x = α(χ1 (x))y et que α(χ1 (x)) ∈ H1 . D’autre part, χ1 (y) = χ1 (x) χ1 (x) = 1, donc
y ∈ G 1 . Ceci montre bien que G = H1 ⊕G 1 .
Í G 1 est un groupe abélien fini dont l’ordre divise N , et lui est même strictement
inférieur. Appliquons l’hypothèse de récurrence : il existe s et n 1 , ..., n s qui se divisent
successivement et tels que n 1 = ω(G 1 ). Or, l’ordre d’un sous-groupe divise l’ordre du
groupe, donc n 1 |N et le résultat est démontré.
♥
T HÉORÈME 2.6. — Les entiers r et n 1 , ..., n r du théorème précédent sont uniques.
La démonstration qui suit vient de [ulm, 2012], proposition 12.12. Elle se trouve
aussi dans [ALG, 2014], exercice 2.20 et n’importe où ailleurs.
± On commence par un
lemme qui est intéressant en soi dans l’étude des anneaux Z nZ.
L EMME 2.3. — Le nombre de solutions de l’équation q x = 0 dans le groupe
±
±
Z m 1 Z × ... × Z m l Z
est pgcd(q, n 1 ) × ... × pgcd(q, n r ).
6
Q
Utilisation des représentations de groupes.
Q
Démonstration±du lemme. Soit x = (x 1 , ..., x r ) tel que q x = 0. Alors, pour tout i , on a
q x i = 0 dans Z n i Z. L’ensemble des éléments qui vérifient ceci est l’ensemble kd , où
♥
d = pgcdn(q,n ) et où k ≤ pgcd(q, n i ), d’où le résultat.
i
Démonstration du théorème d’unicité. Soient G et H deux groupes isomorphes, et soient
r, l ∈ N et n 1 , ..., n r , m 1 , ..., m l tels que n i |n i +1 et m j |m j +1 , et tels que
±
±
G ' Z n 1 Z × ... × Z n r Z
et
±
±
G ' Z m 1 Z × ... × Z m l Z
Nous allons montrer que r = l et que n i = m i pour tout i . Supposons (par exemple)
que r > s. On va compter le nombre de solutions de l’équation n 1 x = 0 dans les deux
groupes G et H . Dans le groupe G. On utilise pour cela le lemme. Dans le groupe G,
comme n 1 est l’ordre du groupe, il est clair qu’il y a n 1r solutions. Par le lemme, dans le
deuxième groupe, il y a
s
Y
pgcd(n 1 , mi )
i =1
solutions. Mais on se rend vite compte que pgcd(n i , m i ) ≤ n 1 et donc, comme r > s,
on ne peut avoir égalité que si r = s et si pgcd(n i , m i ) = n 1 . En faisant le même raisonnement pour m 1 , on obtient donc m 1 = n 1 . Une récurrence rapide donne le résulat. ♥
Références
[col, 2011] (2011). Eléments d’analyse et d’algèbre. Pierre Colmez.
[ulm, 2012] (2012). Théorie des groupes. Félix Ulmer.
[ALG, 2014] (2014). Exercices de mathématiques : Algèbre 1. Francinou and Gianella
and Nicolas.
[h2g, 2015] (2015). Histoires hédonistes de groupes et de géométries. Caldero et Germoni.
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