Chapitre 3 : Mise en place de la face et de la cavité buccale

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Morphogenèse crâniofaciale et Odontogenèse
UE Spécifique Odontologie ‐ Première Année Commune aux Etudes de Santé
Année 2012‐2013
Chapitre 3 : Mise en place de la face et de la cavité buccale
Dr Agnès BLOCH‐ZUPAN
Professeur des Universités – Praticien Hospitalier
Collège
National des
Enseignants en
Sciences
Biologiques
Odontologiques
Nous aborderons dans ce cours la mise en place de la face et le développement de la cavité buccale notamment du palais.
Les objectifs sont les suivants:
‐ décrire la mise en place des bourgeons crâniofaciaux et leur devenir
‐ identifier les structures concernées sur des schémas et être capable de redessiner les grandes étapes de ce développement
‐ replacer l’origine embryologique de ces structures
‐ connaître la chronologie des évènements.
Les aspects moléculaires liés à la mise en place de ces éléments, et leur devenir seront évoqués.
1
1. Introduction
1.1. Evolution du développement embryonnaire
(Souris RARElacZ; source M RHINN, Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire IGBMC)
1. Introduction
La mise en place de la face et de la cavité buccale s’effectue entre la quatrième et la dixième semaine du développement chez l’homme et est indissociable de la formation des arcs pharyngés et de leur colonisation par les cellules issues des crêtes neurales céphaliques.
1.1. L’évolution du développement embryonnaire chez la souris génétiquement modifiée présentée sur ces images illustre bien les profonds remaniements nécessaires à la formation du massif crâniofacial. L’âge de l’embryon est donné en nombre de somites et ensuite en jour E (la durée de gestation chez la souris est d’environ 19 jours). Ces souris transgéniques possèdent un élément de réponse à l’acide rétinoïque lié au lacZ qui permet un crible de sélection par la coloration bleue (soit ici la construction RARElacZ). La coloration bleue marque ainsi les zones où l’activité acide rétinoïque est effective (objectivée par la production d’acide rétinoïque le métabolite actif de la vitamine A ou rétinol). Regardez ainsi au jour embryonnaire E9.5 le massif crâniofacial signalé par une flèche.
L'acide rétinoïque est une molécule indispensable au développement, elle peut aussi se révéler un puissant tératogène (c’est à dire une substance ou un procédé qui provoque des malformations chez l’embryon ou le foetus quand la mère est exposée) affectant en particulier le développement de la face et du palais. 2
1.2. Coupes frontales de souris E10.5 Foxg1‐Cre;ROSA26R (source M. RHINN, IGBMC)
1.2. Coupes frontales de souris E10.5 Foxg1‐Cre;ROSA26R Sur ces coupes frontales de souris génétiquement modifiées (par une construction différente nommée Foxg1‐Cre;ROSA26R) au jour E10.5 du développement embryonnaire, la coloration bleutée (à la béta‐galactosidase) est un marqueur, entre autre, des dérivés des crêtes neurales et se retrouve tout autour de la cavité buccale (voir flèche) en particulier dans les arcs pharyngés.
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2. Mise en place de la face
2.1. La semaine 4
Jour 21/22
Jour 24
Embryon
rectiligne
Neuropore
cranial
Somites
Tube neural fermé
Neuropore
caudal
Bourgeon frontonasal
1er arc
2ème arc
Dépression
otique
Saillie
cardiaque
Au début de la semaine 4 du développement humain les régions crâniales et cervicales (cou) constituent environ 1/2 de la longueur de l’embryon. La face en développement est représentée par la région frontonasale et le premier arc pharyngé.
2. Mise en place de la face
2.1. La semaine 4
Tout commence à la quatrième semaine du développement.
‐ L’embryon mesure entre 2 (début) et 5 (fin) millimètres. Les régions crâniales et cervicales (cou) constituent environ la moitié de la longueur de l’embryon.
‐ Au début de la 4ème semaine, l’embryon est encore rectiligne. Les somites forment des saillies nettement visibles à sa surface (le 1er somite est apparu au 20ème jour). Leur nombre sert à exprimer l’âge de l’embryon jusqu’à la fin de la 4ème semaine qui correspond au stade de développement 28 somites. Le tube neural est fermé en regard des somites mais est ouvert au niveau des neuropores.
‐ Les plis limitant céphalique et caudal apparaissent respectivement au 22ème et au 23ème jours.
‐ Au 24ème jour, le neuropore crânial se ferme. A ce moment les 2 premiers arcs branchiaux sont visibles. Le cœur constitue une volumineuse saillie sous l’embryon.
‐ Au jour 26, le neuropore postérieur se ferme. Trois arcs branchiaux sont visibles. Il y a apparition au niveau de l’encéphale, des courbures mésencéphalique et cervicale. L’ébauche du membre supérieur apparaît, les fossettes auditives (dépression otique) sont visibles.
‐ Au jour 28, quatre paires d’arcs pharyngés sont visibles ainsi que les bourgeons des membres inférieurs et les placodes ectoblastiques cristalliniennes à l’origine du cristallin (développement de l’œil). La paroi ventrale est pratiquement achevée.
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2.2. Les semaines 4/5
Bourgeon frontonasal
Bourgeon maxillaire
Bourgeon mandibulaire
2ème arc
2.2. Les semaines 4/5
La face en développement est représentée par la région frontonasale (en vert) et le premier arc pharyngé (en orangé) scindé en bourgeons maxillaires et mandibulaires. Elle est mise en place au cours du deuxième mois par le développement et la fusion de 5 bourgeons : le bourgeon frontal ou frontonasal
(en vert), les deux bourgeons maxillaires, les deux bourgeons mandibulaires. 5
2.3. La semaine 6
Bourgeon frontonasal
Bourgeon nasal médial ou
médian
Bourgeon nasal latéral
Depression nasale
Bourgeon maxillaire
Bourgeon mandibulaire
2ème arc
2.3. La semaine 6
Au cours de la cinquième semaine deux épaississements ectoblastiques ou placodes olfactives ou nasales apparaissent sur les aspects latéraux du bourgeon frontonasal. A la semaine 6 l’ectoblaste au centre de chaque placode nasale s’invagine pour former une dépression nasale ce qui divise le bord surélevé de la placode en bourgeons nasaux latéraux (externes, en bleu) et médiaux (internes, en jaune).
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2.4. Les semaines 6/7 ‐ semaines 7/8
Oeil
Bourgeon frontonasal
Bourgeon nasal médial
Oeil
Bourgeon nasal latéral
Gouttière
Bourgeon nasal latéral
Gouttière
naso‐lacrymale
Bourgeon maxillaire
naso‐lacrymale
Bourgeon Bourgeon maxillaire
mandibulaire
Bourgeon mandibulaire
2ème arc
2.4. Les semaines 6/7 ‐ semaines 7/8
Les extrémités latérales des bourgeons nasaux médiaux rejoignent les extrémités des bourgeons nasaux latéraux.
Les bourgeons nasaux latéraux fusionnent avec les bourgeons maxillaires. Ils participent à la formation des ailes du nez.
A la semaine 6, les processus nasaux médiaux se développent pour s’unir sur la ligne médiane; ils constitueront la partie médiane du nez.
A la semaine 7, ces processus nasaux médiaux s’étendent vers le bas et les côtés et fusionnent pour donner naissance au processus intermaxillaire.
Les extrémités des bourgeons maxillaires grandissent pour rencontrer le processus intermaxillaire et s’unir à lui. La dépression entre le processus nasal latéral et le bourgeon maxillaire est la gouttière naso‐lacrymale à l’origine du conduit lacrymo‐nasal qui draine l’excès
de larme de la conjonctive de l’œil vers la cavité nasale.
Les parties latérales des bourgeons mandibulaires fusionnent avec les bourgeons maxillaires et constituent la partie inférieure de la joue et limitent l’ouverture de la bouche.
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2.5. Visage et nez
semaine 7‐ semaine 10
Aile du nez
Dos du nez ‐Pointe du nez
Joue
Philtrum de la lèvre supérieure
Bourgeon nasal latéral
Bourgeon nasal médial
Processus intermaxillaire
Bourgeon maxillaire
Bourgeon mandibulaire
2.5. Visage et nez semaine 7‐ semaine 10
Voici schématisée l’évolution des différents bourgeons et les étapes de formation du nez
Les bourgeons nasaux latéraux fusionnent avec les bourgeons maxillaires. Ils participent à la formation des ailes du nez. Les bourgeons nasaux médiaux se développent pour s’unir sur la ligne médiane; ils constitueront le dos, la partie moyenne et la pointe du nez.
Ces bourgeons nasaux médiaux fusionnés constituent le processus intermaxillaire d’où dérivent le palais primaire, la partie antérieure de l’arcade dentaire maxillaire et le philtrum ou partie moyenne de la lèvre supérieure.
Le massif latéral de la face à l’origine des parties latérales de la lèvre supérieure et de la joue est constitué par la confluence entre les extrémités des bourgeons maxillaires et le processus intermaxillaire.
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2.6. Formation des cavités nasales
Semaine 6
1
2
Fosse nasale primitive
Processus intermaxillaire
Membrane bucconasale
Cavité buccale
3
4
Palais primaire
Palais secondaire
Choane définitif
Fosse nasale
Choane primitif
Palais primaire
Semaine 7
Semaine 9
2.6. Formation des cavités nasales
Quant à la formation de la cavité nasale, les dépressions nasales s’invaginent (semaines 5‐6) pour former une cavité nasale unique séparée de la cavité
buccale par une cloison épaisse l’aileron nasal (6ème semaine). Cet aileron s’amincit et forme la membrane bucconasale qui disparait pour constituer le choane primitif (semaine 7). Le plancher de la cavité nasale est alors limité par le palais primaire issu du bourgeon intermaxillaire.
Pendant que se forme le palais secondaire, le septum nasal médian formé à
partir du bourgeon frontonasal et des bourgeons nasaux médiaux s’allonge vers le bas pour fusionner avec la face supérieure du palais primaire et ensuite secondaire, séparant les fosses nasales droites et gauches.
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3. Formation et ouverture de la cavité buccale
Sillon
intermaxillaire
Stomodeum
3. Formation et ouverture de la cavité buccale
Comment se forme plus spécifiquement la cavité buccale?
Lors de la formation du mésoderme (3ème semaine du développement embryonnaire), il persiste deux zones circulaires d’accolement de l’ectoderme et de l’endoderme. La membrane du côté céphalique est appelée membrane buccopharyngée, celle du côté caudal est appelée
membrane cloacale. Ces membranes deviendront les 2 extrémités de l'intestin primitif. A la fin du 1er mois, l’ébauche de la face est centrée par le stomodeum, ou cavité buccale primitive, qui est limitée : ‐ En haut par l'extrémité du bourgeon frontonasal qui renferme l'extrémité antérieure du tube neural et forme le plafond du stomodeum. Plus tard, la cavité buccale sera limitée dans sa partie supérieure par le palais. ‐ Latéralement par les bourgeons maxillaires. ‐ En bas par les bourgeons mandibulaires qui ont fusionné dès la quatrième semaine et qui forment le plancher du stomodeum. A l'endroit où ils se rejoignent se trouve sur leur partie inférieure une fissure médiane ventrale qui disparaîtra durant la 5ème semaine pour donner la lèvre inférieure. Les bourgeons mandibulaires sont séparés des bourgeons maxillaires par les sillons intermaxillaires. Au début du 2ème mois, la cavité buccale a l'aspect d'une fente élargie. Au cours du deuxième
mois, les portions latérales des bourgeons maxillaires et mandibulaires, jusque‐là séparées par les sillons intermaxillaires, fusionnent pour former les joues qui délimitent définitivement la cavité buccale.
La membrane bucco‐pharyngée se rompt aux environs du 24ème jour et fait communiquer la cavité buccale primitive avec la partie antérieure (pharyngée) de l'intestin primitif.
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4. – 4.1. Aspects moléculaires du développement de la face
Souris
Poulet
Brugmann et al, Am J Med Genet 2006
Reproduit avec la permission de Wiley & Sons, Inc.
4. Aspects moléculaires du développement de la face
4.1. Nous allons aborder quelques aspects moléculaires du développement de la face en examinant les travaux de Brugmann et collaborateurs.
Sur ces vues de différents stades de développement de la face de la souris à
gauche et du poulet à droite il est possible de repérer le devenir de structures issues du bourgeon frontonasal et leur participation respective à la formation du museau ou du bec. Les stades précoces du développement sont relativement superposables.
Looking different: understanding diversity in facial form. Brugmann SA, Kim J, Helms JA. Am J Med Genet A. 2006 Dec 1;140(23):2521‐9. Reproduit avec la permission de Wiley & Sons, Inc.
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• Poulet
4.2.
• Caille
• Canard
Brugmann et al, Am J Med Genet 2006
Reproduit avec la permission de Wiley & Sons, Inc.
4.2. Si l’on s’intéresse comme Brugmann et collaborateurs à différentes espèces d’oiseaux, à partir de stades précoces identiques (17) et de bourgeons frontonasaux pratiquement similaires, il est possible de générer des morphogenèses et morphologies de la face distinctes spécifiques de l’espèce. Les variations morphologiques spécifiques de l’espèce sont précédées par l’expression différentielle de molécules de signalisation de type facteurs de croissance comme Fgf8 (fibroblast growth factor 8, facteur de croissance des fibroblastes 8) ou Bmp4 (bone morphogenetic protein 4, protéine morphogénétique de l’os 4) ou comme shh sonic hedghog. Des différences subtiles dans l’expression de ces molécules sont à l’origine de la diversité de formes.
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5. Formation du palais
Chez les mammifères,
Nez
le palais secondaire participe à…
• l’alimentation
Bouche
• la succion/déglutition
• la phonation
5. Formation du palais Nous allons maintenant aborder plus en détails la formation du palais véritable toit de la cavité buccale et plancher des cavités nasales. Chez les mammifères il participe à l’alimentation, la succion/déglutition et la phonation.
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5.1. Palais primaire et secondaire
*
Palais
primaire
Palais secondaire
•Palais dur (2/3)
*
•Palais mou (1/3)
Foramen incisif
5.1. Palais primaire et secondaire Ce palais se compose de deux parties: le palais primaire en avant du foramen incisif contenant les quatre incisives maxillaires et le palais secondaire subdivisé
en palais dur parcouru de reliefs, les rugae, et palais mou ou voile du palais dans sa partie la plus postérieure. Sur le bord postérieur du palais mou se trouve la luette qui lorsque le palais est relâché repose sur la langue.
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5.2. Origine embryologique du palais
Semaine 7
Semaine 10
Palais primaire
Palais secondaire
Semaine 7
5.2. Origine embryologique du palais
Rappelons tout d’abord l’origine embryologique
‐ du palais primaire à savoir le bourgeon frontonasal via les bourgeons nasaux médiaux ou internes et le processus intermaxillaire
‐ du palais secondaire via le premier arc pharyngé et les bourgeons maxillaires.
La formation du palais représente un évènement majeur du développement crâniofacial. Elle résulte de la confluence dans une suture en forme de Y de trois bourgeons: le bourgeon prémaxillaire ou palais primaire dérivant du bourgeon frontonasal et les deux processus ou bourgeons palatins, émanations des bourgeons maxillaires. Ce processus morphogénétique aboutit au cloisonnement du stomodeum, ou cavité buccale primitive, en cavité buccale définitive et fosses nasales. La fusion de ces bourgeons implique une jonction (suture) locale de leurs épithélia de recouvrement suivie de la dispersion de cette barrière épithéliale aboutissant à la continuité du mésenchyme. Des perturbations de ces évènements complexes sont à la base d’une des anomalies congénitales les plus fréquentes: les fentes palatines. Ces fentes palatines et/ou labiales peuvent être diagnostiquées in utero ou à la naissance. Une fente sous muqueuse peut être plus difficile à mettre en évidence.
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5.3. Développement du palais secondaire
Mésenchyme
N
d
L
bp
E13
Section frontale
Epithelium
Nasal
Epithélium future jonction médiane (MEE)
Coupe frontale de la tête d’un embryon de souris (E13):
Buccal
les cavités nasales (N), les bourgeons dentaires (d), les bourgeons palatins (bp), la langue (L)
5.3. Développement du palais secondaire
Sur cette coupe histologique frontale de la tête d’un embryon de souris du jour E13 du développement il est possible de repérer la langue (L), les cavités nasales (N), les bourgeons dentaires (d) et les bourgeons palatins (bp). A partir des bourgeons maxillaires s’individualisent les bourgeons palatins qui se développent verticalement et parallèlement aux faces latérales de la langue. Le gros plan montre que ces bourgeons palatins sont composés d’un corps de mésenchyme et recouvert d’un épithélium. Cet épithélium peut être divisé en partie nasale (en vert), en épithélium de la future jonction médiane correspondant à l’extrémité du bourgeon palatin) (MEE medial edge epithelium
en anglais; en rouge) et en épithélium buccal (en bleu).
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5.3.1. Développement du palais secondaire ‐ Chronologie semaine 7
semaine 9
Max
semaine 12
Processus
palatin
Palais
2ndaire
Bourgeon
Palatin
http://embryology.med.unsw.edu.au/
Croissance
Juxtaposition
Fusion
Adhésion
Max
bp
L
bp
E13
MES
MEE
E14
E15
*
*
E16
5.3.1. Développement du palais secondaire ‐ Chronologie
La formation du palais qui est très rapide chez la souris soit environ 4 jours s’étale de la sixième à
la douzième semaine du développement embryonnaire chez l’homme.
Elle peut être divisée en différents stades:
L’élévation et la juxtaposition: Les bourgeons palatins (bp) d’abord verticaux de part et d’autre de la langue (L) se développent, s’élèvent, changent d’orientation en devenant horizontaux et viennent au contact sur la ligne médiane.
L’adhésion: Les deux épithélia de recouvrement des bourgeons palatins (MEE medial edge
epithelium) adhèrent, s’intriquent et forment l’épithélium médian de jonction ou MES (medial
epithelial seam en anglais).
La dispersion/fusion: pour assurer la fusion et la continuité des mésenchymes, les cellules épithéliales doivent se disperser et disparaître.
La chronologie du développement du palais chez l’homme est la suivante:
‐ Semaine 6&7 Le processus intermaxillaire (processus nasaux médiaux) donne le palais primaire
‐ Semaines 8&9 les parois médiales des processus maxillaires produisent les processus palatins verticaux parallèles aux faces latérales de la langue
‐ Semaine 9 élévation et fusion sur la ligne médiane, constitution du palais secondaire
Fusion du palais primaire et secondaire et séparation des fosses nasales de la cavité buccale.
10 jours environ sont nécessaires pour achever la fusion des bourgeons palatins. La dispersion de l’épithélium de jonction est souvent incomplète et est associée à la persistance de restes épithéliaux appelés les perles d’Epstein sur la ligne médiane du palais.
Cette fusion induit la formation d’une structure équivalente à une suture qui restera active jusqu’à l’âge adulte.
‐ La fusion du palais est terminée à la semaine 12.
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5.3.2. Dispersion de l’épithélium médian de jonction
*
…continuité du mésenchyme et fusion
Mécanismes
1. Transition épithélio‐mésenchymateuse (EMT) (Gibbins et al, 1999)
2. Apoptose
3. Migration cellulaire
4. Rétraction ‐ contraction du feuillet épithélial
5.3.2. Dispersion de l’épithélium médian de jonction
Revenons à cette étape cruciale du développement du palais qu’est la dispersion de l’épithélium médian. Quatre mécanismes pourraient expliquer la dispersion de la barrière épithéliale: la rétraction/contraction du feuillet épithélial, la migration des cellules épithéliales de la suture en direction nasale ou orale, l’apoptose ou la transition épithélio‐mésenchymateuse ("trans‐différenciation"). Les résultats de la littérature suggèrent que les quatre mécanismes sont actifs. Des reconstructions tridimensionnelles dans le plan sagittal ont établi que des zones limitées d’apoptose apparaissent au sein de la suture épithéliale la divisant en îlots individualisés. Ces îlots semblent disparaître ensuite par transition épithélio‐mésenchymateuse.
Le facteur de croissance Tgf‐beta3 est indispensable à la dispersion de l’épithélium médian de jonction. Son expression est retrouvée dans l’épithélium de jonction avant et pendant la fusion. 18
5.3.3. Après la fusion
Jour 1 Postnatal
Différenciation cellulaire après fusion
• Epithélium: Oral, Nasal • Mésenchyme: Os, Muscle, Nerf, Vaisseau sanguin
5.3.3. Après la fusion
Après la fusion s’observent les différenciations cellulaires épithéliales et mésenchymateuses en particulier la formation osseuse. 19
5.3.4. Eléments osseux du palais secondaire
Souris CD1
Homme
Palais 1o
Palais 2o
Suture palatine médiane
Processus palatin du maxillaire
Suture palatine transverse
Os palatin
Abrahams et al., 1998
5.3.4. Eléments osseux du palais secondaire
Voici détaillés sur cette figure les éléments osseux du palais à savoir le processus palatin du maxillaire et l’os palatin séparés par la suture palatine transverse. La suture palatine médiane séparant les processus palatins est également bien visible. Ce schéma explicite également la correspondance des éléments osseux chez la souris et l’homme. 20
5.4. Anomalies du développement du palais
5.4.1. Fente labio FL et/ou palatine FP
FL/P
FL L’anomalie congénitale la plus fréquente
Prévalence 1:500 à 1:2500
5.4. Anomalies de développement du palais
5.4.1. Les fentes labio FL et/ou palatines FP L'origine embryologique de la fente palatine diffère de celle de la fente labiale mais celles‐ci peuvent coexister. La prévalence des fentes labiales ou labiopalatines varie de 1 sur 500 à 1 sur 2500 naissances, selon l'origine géographique et le groupe ethnique.
On distingue donc les FP isolées sans fente labiale de celles associées à une fente labiale ou labio‐maxillaire. ‐ Les FP isolées sans fente labiale représentent 25‐30 % des fentes, soit 1 sur 3300 à 1 sur 10 000 naissances. On retrouve 20% de formes héréditaires. ‐ Les FP associées à une fente labiale représentent 45% des fentes, soit 1 sur 2000 à 5000 naissances. La fente palatine met en communication la cavité
buccale avec une seule fosse nasale ou les deux. Environ 70% des fentes labiopalatines sont des anomalies isolées, non syndromiques. 21
5.4.2. Etiologie des fentes palatines
5.4.2.1. Génétique
5.4.2.1.1. Syndromique
– Maladies monogéniques (Mendel)
•
•
•
•
OFD1: Syndrome Oro‐facial‐digital type I (OMIM 311200)
TBX22: FP liée à l’X et ankyloglossie (OMIM 303400)
Craniosynostoses (Apert‐ FGFR2, Saethre‐Chotzen: TWIST)
IRF6 syndrome Van der Woude (OMIM 119300)
– Aberrations Chromosomiques
• délétion 22q11
5.4.2.1.2. Non‐syndromique
• Mutations TGF‐beta3 dans certaines populations
(Beaty et al., 2002, Jugessur et al., 2003)
5.4.2. Etiologie des fentes palatines
5.4.2.1. Génétique
L’hérédité des fentes est dites polygénique, multifactorielle.
5.4.2.1.1. Syndromique
30% des fentes labiales ou labiopalatines font partie d'environ 300 syndromes malformatifs différents à hérédité mendélienne (1 gène ‐ 1 syndrome; dont le syndrome de Van der Woude cité ici en exemple) dans lesquels, le plus souvent, la fente est une anomalie observée parmi d'autres. Dans le syndrome de Van der Woude la fente peut être associée à des puits/fissures des lèvres, des dents manquantes ou agénésies dentaires. Le gène responsable IRF6 (situé sur le bras long du chromosome 1 en 1q32‐q41) code pour un facteur de transcription appelé facteur de régulation de l’interféron 6.
5.4.2.1.2. Non‐syndromique
Des mutations de TGF‐beta3 sont responsables de fente palatine uniquement
sans association avec d’autres signes cliniques.
22
5.4.2. Etiologies multifactorielles
des fentes palatines
5.4.2.2. Environnement
– Tératogènes
ET Génétiques:
• Dioxine (pesticide)
• Phénytoine
• Tabac/ Alcool
– Nutrition
• TGF‐beta3
• TGF‐alpha
• RAR‐alpha
• Vitamine A (excès/ déficience)
• Acide Folique
• Cholestérol
– Infection 5.4.2.2. Environnement ‐ Etiologies multifactorielles
Pour les fentes labiales ou labiopalatines non syndromiques, les causes sont souvent complexes et mal connues, multifactorielles mais elles impliquent à la fois les facteurs génétiques (loci TGF‐alpha; TGF‐beta3, RAR‐alpha) environnementaux et toxiques. En effet, les facteurs environnementaux, tels que l'exposition à des produits tératogènes pendant le premier trimestre de la grossesse (alcool, tabac ou médicaments comme la phénytoine un antiépileptique), peuvent moduler la susceptibilité génétique.
23
5.5. Fentes palatines et modèles animaux
• 5.5.1. Rongeurs : Rat et *Souris
–
–
–
–
Mammifère
Etudes, Elevage
Modèle de développement
Susceptibilité aux FP
C57BL/6
Swiss‐Webster (CD1)
5.5. Fentes palatines et modèles animaux
5.5.1. La souris est un bon modèle d’étude des anomalies du développement. L’apparition d’une fente palatine chez le souriceau nouveau‐né est léthale. Il existe une susceptibilité particulière aux fentes palatines de la souche de souris
C57BL/6 par rapport à la souche CD1.
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5.5. Fentes palatines et modèles animaux
• 5.5.2. Souris Transgénique
– Inactivation (Knock‐out)
– Knockout Conditionnel
– (Gritli‐Linde, 2008)
• Tbx22 Facteur de transcription T‐box
• Tgf‐beta 3 Transforming growth factor beta‐3
Tbx22 knockout (Pauws et al., 2009)
Tgfβ3‐/‐ E16.5 (Taya et al., 1999)
5.5. Fentes palatines et modèles animaux
5.5.2. Il est possible chez la souris d’inactiver un gène d’intérêt totalement (knock‐out) ou de manière conditionnelle (par exemple pour différer dans le temps l’inactivation) afin de reproduire le phénotype clinique rencontré chez l’homme lorsque le même gène est inactivé. La souris permet ainsi l’étude des maladies génétiques de l’homme.
Les souris mutantes pour le facteur de transcription T‐box Tbx22‐/Y pour les males et Tbx22‐/‐ pour les femelles montrent des fentes palatines sous muqueuses (b2, c2) ou complètes (b3, c3) et une ankyloglossie reproduisant ainsi le tableau clinique rencontré chez l’homme dans ce contexte particulier de fente palatine liée au chromosome X et ankyloglossie.
Le frein de la langue est une mince membrane qui relie sa face inférieure au plancher de la bouche. L'ankyloglossie est une malformation de ce frein lingual, trop court ou trop rigide, qui entraîne un déficit de mobilité de la langue.
Notez sur l’image de microscopie électronique à balayage et les coupes histologiques frontales sériées au jour 16.5 du développement embryonnaire l’absence de fusion du palais secondaire en zone antérieure (a) et postérieure (d) chez la souris Tgf beta‐3 ‐/‐ (c’est à dire après inactivation complète du gène).
25
5.6. Culture organotypique
Palais sur le filtre
lèvre
lèvre
milieu
Bourgeon
Bourgeon palatin
palatin
fusion
Boîte de Petri
E13 embryon souris
Système de culture en milieu Palais fusionnés en avant la fusion
chimiquement défini
culture après 2 jours
Pungchanchaikul et al, 2005
5.6. Culture organotypique
Il est également possible de cultiver en boîte de Petri, sur un milieu chimiquement défini, des bourgeons palatins des souris disséqués avant la fusion au jour 13 du développement embryonnaire et d’observer la fusion in vitro après deux jours de culture.
26
5.6.1. FP artificielle ‐ Eloignement des bourgeons palatins en culture
Séparation
Contrôle
bp
bp
N
N
7dAF
7dAF
E13 = 0hr, fusion = 2 jours en culture
cultivés pour 3, 5 et 7 jours après fusion (dAF)
N: nasal, bp: bourgeon palatin
5.6.1. FP artificielle ‐ Eloignement des bourgeons palatins en culture Dans ce système de culture il est possible de créer une fente palatine artificielle mécaniquement en éloignant les bourgeons palatins.
Chez les contrôles, la fusion intervient environ 2 jours après le début de mise en culture de bourgeons palatins prélevés à E13.5. Ces explants sont cultivés pour 3, 5 et 7 jours après la date de fusion.
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5.6.2. Fusion empêchée chimiquement en culture en interférant avec la synthèse protéique
5.6.2.1. Le principe des oligonucleotides antisens
transcription
T traduction
ARNm
C T
T
T
A C
a u g a a g a…
DNA t a c t t c t…
antisens
a t g a a g a…
sens
Tgf ‐3
contrôle
5.6.2. Fusion empêchée chimiquement in vitro en interférant avec la synthèse protéique
Il est également possible de traiter les explants avec des oligonucléotides
antisens dirigés contre Tgf‐beta 3. 5.6.2.1. Oligonucleotides antisens – le principe
Comment cela fonctionne t’il? La séquence oligonucléotidique antisens, complémentaire d’une séquence spécifique de l’ARN messager, se lie à cette dernière et inhibe sa traduction en la protéine correspondante. Dans notre cas il n’existe plus de Tgf‐beta3. La séquence sens est utilisée comme contrôle car elle ne doit pas perturber la traduction.
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5.6.2.2. FP en culture après traitement par
oligonucléotides antisens Tgf‐beta3 contrôle
N
sens
N
bp
antisens
N
bp
bp
E13 = 0hr, fusion = 2 jours en culture
Traités toutes les 12 heures
5.6.2.2. FP en culture après traitement par oligonucléotides antisens Tgf‐beta3
En traitant les explants avec des oligonucléotides antisens dirigés contre Tgf‐beta 3, les bourgeons adhèrent mais ne fusionnent pas: l’épithélium médian persiste. Il existe donc une fente palatine. Dans les conditions de culture témoin ou contrôle ou en présence d'oligonucléotides sens la fusion des bourgeons palatins s’effectue normalement in vitro.
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5.6.2.3. Efficacité et contraintes de temps
des oligonucléotides antisens Tgfbeta3
E13
‐2d
‐1d
Fusion
1dAF
2dAF
3dAF
fusion
*
fusion
fusion
bloqué
fusion
* (Brunet et al., 1995)
5dAF
5.6.2.3. Efficacité et contraintes de temps des Oligonucléotides antisens Tgfb3 Dans nos expériences de culture de bourgeons palatins, le traitement avec les
oligonucléotides antisens doit être commencé dès le jour embryonnaire E13 et poursuivi 2 jours après le jour présumé de fusion pour bloquer celle‐ci.
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5.6.2.4. 3 jours après la fusion
contrôle
N
antisens
O
sens
Barre=50µm, N: nasal, O: oral
5.6.2.4. 3 jours après la fusion Sur des coupes histologiques de bourgeons palatins traités par antisens Tgfbeta3 on remarque bien la persistance de la ligne épithéliale médiane et ceci même 3 jours après la date de fusion. Notez la disparition de cette ligne épithéliale médiane lorsque les bourgeons sont traités avec des oligonucléotides sens.
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6. Références
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Looking different: understanding diversity in facial form. Brugmann SA, Kim J, Helms JA. Am J Med Genet A. 2006 Dec 1;140(23):2521‐9.
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Tbx22null mice have a submucous cleft palate due to reduced palatal bone formation and also display ankyloglossia and choanal atresia phenotypes.Pauws E, Hoshino A, Bentley L, Prajapati S, Keller C, Hammond P, Martinez‐Barbera JP, Moore GE, Stanier P.Hum Mol Genet. 2009 Nov 1;18(21):4171‐9. Epub
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The etiopathogenesis of cleft lip and cleft palate: usefulness and caveats of mouse models.Gritli‐Linde
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Gene expression during palate fusion in vivo and in vitro.Pungchanchaikul P, Gelbier M, Ferretti P, Bloch‐
Zupan A.J Dent Res. 2005 Jun;84(6):526‐31.
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Embryologie Humaine ‐ 2ème édition・William‐J Larsen・De Boeck Université (Ed)
6. Références
A titre informatif, je vous propose des références ayant servi de base à la construction de ce cours. 32
6.1. Références Internet
http://cvirtuel.cochin.univ‐
paris5.fr/Embryologie/AnimEntre/AnimEntre1.html
http://www.embryology.ch/
http://embryology.med.unsw.edu.au/embryo.htm
http://www.visembryo.com/baby/index.html
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/omim/
6.1. Références Internet Les sites Internet vous permettront d’approfondir et de tester vos connaissances.
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