FICHE t e c h n i q u e Score HER2 pour les carcinomes gastriques Principales différences avec le score HER2 des carcinomes mammaires – Réalisation en pratique F. Penault-Llorca*, G. Monges** s du marquage HER2 Figure 1. Particularité s. les cancers gastrique L’efficacité des thérapies ciblant HER2 dépend du statut HER2 pour les tumeurs gastriques aussi bien que pour les tumeurs mammaires. Une surexpression et/ou une amplification de HER2 a été détectée dans 15 à 25 % des carcinomes gastriques localement avancés. Comme dans le cancer du sein, un statut HER2 positif est un facteur pronostique péjoratif du fait de l’agressivité de la maladie et de la diminution de la survie. Une Autorisation de mise sur le marché (AMM) a été donnée le 19 janvier 2010 pour les cancers de la jonction œsogastrique et les cancers gastriques métastatiques surexprimant HER2 par immunohistochimie (IHC) [3+ ou 2+ amplifiés par hybridation in situ (HIS) fluorescente (FISH)] à la suite des résultats positifs de l’étude ToGA (1). Une extension d’AMM a été apportée le 6 août 2010, incluant la technique d’hybridation in situ Silver (SISH). À la différence des cancers du sein, l’expression de HER2 dans les carcinomes gastriques est plus volontiers hétérogène (au moins 30 % de cellules tumorales marquées, contre moins de 3 % pour les tumeurs mammaires) et, en raison du pôle sécrétoire, plus la tumeur est différenciée (et intestinale), moins le marquage membranaire est complet (figure 1). Il y a donc eu une adaptation des pratiques (avec multiplication des biopsies) et de l’interprétation des résultats pour le test HER2 gastrique (2-4). Cette hétérogénéité conduit également à tester à nouveau le statut HER2 sur la pièce de gastrectomie, et/ ou les métastases ganglionnaires à distance en cas de statut négatif sur les biopsies initiales. GGContingences méthodologiques du test HER2 Phase préanalytique Fixation Une fixation optimale est un prérequis indispensable à l’obtention de tests IHC et HIS fiables. Pour une bonne pénétration du fixateur, la mise en fixation doit être Hétérogénéité Marquage basolatéral (3+) Marquage non significatif du tissu normal ou métaplasique : absence de contrôles internes négatifs réalisée rapidement (moins de 1 heure après le prélèvement en cas de pièce opératoire). Le fixateur recommandé est le formol à 10 % tamponné. Le temps de fixation doit être de 24 à 48 h pour les pièces opératoires et au moins de 6 h pour les biopsies. Inclusion en paraffine La température de la paraffine doit être idéalement de 56 à 57 °C ; elle ne doit pas excéder 60 °C. Une fois fixés et inclus en paraffine, les échantillons sont stables pendant plusieurs dizaines d’années. Ils doivent être conservés dans une pièce fraîche (température maximale tolérée : 27 °C). Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 2 - avril-mai-juin 2012 * Centre Jean-Perrin, Clermont-Ferrand. ** Institut Paoli-Calmettes, Marseille. I dans FICHE t e c h n i q u e Sections Plusieurs travaux ont montré, après section et étalement, une chute de l’antigénicité avec le temps. Pour la technique d’IHC, il est recommandé de préparer les lames le jour même ou au maximum 2 semaines à l’avance et de conserver les coupes tissulaires à l’abri de la lumière et de la poussière, à 4 °C. Par contre, l’utilisation de rubans de paraffine gardés à température ambiante est possible , et n’altère pas la qualité des tests. Description des méthodes disponibles La technique d’IHC est suffisante pour déterminer le statut HER2 des tumeurs dans environ 90 % des cas. Seuls les cas ambigus sont actuellement vérifiés par une technique d’HIS. Technique immunohistochimique Deux kits standardisés, approuvés par la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, sont largement répandus et utilisés : • HercepTest™, le premier commercialisé, par Dako (Glostrup, Danemark), utilise l’anticorps polyclonal A485. L’étude ToGA a été réalisée avec ce kit ; • Pathway®, commercialisé par Ventana-Roche (Tucson, Arizona, États-Unis), utilise le clone 4B5. Plusieurs anticorps spécifiques anti-HER2 sont également disponibles, hors kits standardisés. Les plus utilisés sont l’anticorps monoclonal NCL-CB11 (Novocastra, Newcastle-upon-Tyne, Royaume-Uni), l’anticorps monoclonal SP3 (Microm, Lyon, France), l’anticorps monoclonal 4B5 (Ventana-Roche) et l’anticorps polyclonal A485 (Dako), tous dirigés contre la partie intracytoplasmique de la protéine HER2. L’anticorps Tab250 (Invitrogen, Carlsbad, Californie, États-Unis) reconnaît le domaine extracellulaire de HER2. Sources de variation des tests IHC Les principales étapes susceptibles de faire varier les résultats pour les techniques IHC non standardisées sont, hormis les étapes préanalytiques que nous venons de voir, les conditions de démasquage antigénique (tampon utilisé, pH de la solution, etc.), la concentration de l’anticorps utilisé, le type d’anticorps, la réalisation ou non d’aliquotes et leur mode de conservation, le temps d’incubation, le type de révélation utilisée. L’utilisation des micro-ondes et des cocotte-minute n’est pas recommandée, en raison de l’instabilité des résultats. II Utilisation de témoins ou contrôles pour valider ­la technique IHC Il est impératif d’utiliser des témoins externes (un ou plusieurs cas dont le degré de positivité HER2 est connu) lors de la réalisation de chaque test. Il est important également de contrôler le pourcentage de cas positifs obtenus dans l’année en le corrélant aux données anatomocliniques. Il n’y a pas de témoins internes négatifs, puisque les glandes normales peuvent être positives en IHC. Hybridation in situ fluorescente Trois tests FISH sont approuvés par la FDA : les kits PathVysion (Abott/Vysis, Downers Grove, Illinois, États-Unis) et HER2 FISH pharmDx™ (Dako), incluant tous 2 la sonde centromérique du chromosome 17, et INFORM/HER2 (Ventana-Roche), comportant la sonde HER2 seule. D’autres sondes sont également disponibles (ZytoVision, Kreatech, etc.), mais elles sont moins répandues et utilisées selon la littérature. L’avantage de disposer de la sonde pour le centromère du chromosome 17 est que son évaluation permet un contrôle interne de la qualité de la technique et l’évaluation des éventuelles variations du nombre de chromosomes (polysomie en cas d’augmentation du nombre de chromosomes 17 ou monosomie en cas de perte de l’un des chromosomes 17). Hybridation in situ non fluorescente Plusieurs systèmes d’hybridation in situ non fluorescente (BrISH) sont commercialisés, dont les kits de CISH (Chromogenic In Situ Hybridization) de Zymed/Invitrogen, à révélation par un chromogène, et de SISH de VentanaRoche. Leur excellente concordance avec les techniques de FISH et la meilleure visualisation des structures tissulaires en font des techniques de choix dans le cancer gastrique. La plupart sont commercialisés en double couleur, sinon, lorsque la connaissance du nombre de chromosomes 17 est nécessaire, il faut réaliser une seconde technique d’HIS sur une coupe consécutive. Contraintes liées à l’HIS La technique d’HIS est réservée à des centres spécialisés, car l’interprétation des signaux nucléaires d’une hybridation est longue et minutieuse et demande une expertise. Des variations intra- et interlaboratoires sont possibles, liées à des variations techniques (fixation, épaisseur des coupes, prétraitements, etc.) et à des difficultés d’interprétation (difficulté de repérage des zones invasives, superpositions nucléaires fréquentes dans les adénocarcinomes bien différenciés, autofluorescence, difficultés liées à l’interprétation des polysomies). Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 2 - avril-mai-juin 2012 FICHE t e c h n i q u e d’intensité. Figure 2. IHC : score che standardisée. ro pp Proposition d’a Le prétraitement est l’étape la plus critique de la technique. Parfois, le tissu normal ne requiert pas les mêmes conditions de digestion que le tissu tumoral. La digestion tissulaire est conditionnée par la nature même de la tumeur (en particulier si le stroma tumoral est fibreux) et surtout par le fixateur utilisé. Les fixations alcooliques entraînent souvent des surdigestions avec des phénomènes de “noyaux vides ou troués”. Score 3+ 2+ 1+ 0 Grossissement : objectif X (nécessaire en cas de marquage équivoque) 2,5/5 × – (10 ×) 10 × – (20 ×) 20 × – (40 ×) 40 × Réalisation du score HER2 Faible à modéré À peine visible (nécessite un fort agrandissement) Négatif Marquage membranaire clairement distinct La biologie des carcinomes gastriques étant totalement différente de celles des carcinomes mammaires, il faut complètement réapprendre à interpréter les tests HER2 pour le cancer gastrique. Répondre strictement aux critères utilisés pour le sein entraîne une forte sous-estimation de la sensibilité de l’IHC à détecter les cas amplifiés. Il n’y a pas de contrôles internes négatifs. La détermination du statut HER2 pour les patients atteints de cancers gastriques se fait par IHC. Le test est réalisé sur la tumeur primitive (pièce opératoire ou biopsies). Le score de l’IHC est basé sur l’intensité du marquage membranaire et sur le pourcentage de cellules marquées (figures 2 et 3). Un marquage membranaire est significatif s’il est net, complet ou basolatéral en U. Règle du microscope (figures 2 et 3) : pour évaluer de façon reproductible l’intensité du marquage par IHC, le degré du grossissement microscopique (X) auquel le marquage membranaire est clairement visible doit être pris en compte, avec un seuil de 10 % de cellules D’abord à 2,5 (5 ×) – (10 ×) confirmé à plus fort grossissement s du score. Figure 3. IHC : critère Score 0 Pas de marquage au 40 × Marquage membranaire significatif Complet, basolatéral ou latéral Score 1+ À peine visible (à 40 ×) Intensité du marquage Faible à modéré (à 10 – 20 ×) Score 2+ Fort (à 2,5 × – 5 ×) Score 3+ Doit être au moins : • 5 cellules cohésives regroupées pour les biopsies • 10 % pour les cas chirurgicaux marquées pour les pièces opératoires et le marquage d’au moins 5 cellules adjacentes cohésives pour les biopsies, soit : • grossissement faible (2,5 à 5 ×) : identification du score 3+ (complet, en U ou latéral) ; • grossissement intermédiaire (10 à 20 ×) : score 2+ (complet, en U ou latéral) ; • fort grossissement (40 ×) : score 1+ (tout marquage membranaire) ou négatif. Les cas ambigus ou 2+ seront testés par une technique d’HIS, à la recherche d’une éventuelle amplification du gène HER2 qui rendrait le patient éligible au traitement par trastuzumab au stade métastatique. L’utilisation systématique de la technique d’HIS n’est pas recommandée, car la présence d’une amplification sans surexpression de la protéine HER2 n’est pas un critère d’éligibilité au traitement en Europe. Fort (visible à l’œil) Les résultats de FISH et SISH sont exprimés par un ratio entre le nombre de copies des HER2 et le nombre de copies du chromosome 17, dans 20 à 40 cellules comptées. La définition de la positivité de la FISH ou la BrISH dans les tumeurs gastriques ou de la jonction est un rapport HER2/CEP17 ≥ 2. Avec une sonde HER2 unique, un cas est considéré comme positif à partir de 6 copies. En raison de l’hétérogénéité tumorale, les techniques d’hybridation in situ avec sondes non fluorescentes semblent les plus adaptées à la pratique de routine. Lorsque le ratio est compris entre 1,8 et 2,2, il est suggéré de compter plus de noyaux (au moins 20 de plus) et dans d’autres zones tumorales et/ou d’autres coupes. Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 2 - avril-mai-juin 2012 III FICHE t e c h n i q u e GGSynthèse des recommandations Recommandations pour la pratique du test HER2 dans les cancers de l’estomac et de la jonction œsogastrique (4) 1. Oublier tout ce que l’on a appris pour l’interprétation du test HER2 dans le cancer du sein. 2. Tout patient ayant un cancer gastrique doit être testé pour HER2. 3. Il convient de réaliser au moins 8 biopsies endo­ scopiques pour les cancers inopérables (mais aussi pour les cancers opérables, car la chimiothérapie préopératoire peut rendre difficile l’interprétation du test HER2 sur la pièce opératoire). 4. L’IHC doit être le test initial : – elle permet la localisation de zones HER2 positives dans des tumeurs hétérogènes (importance de l’échantillonnage) ; – l’évaluation du score HER2 est différente de celle utilisée dans le cancer du sein (le marquage membranaire n’est pas obligatoirement complet, et le pourcentage de cellules marquées nécessaires est plus faible : 10 % sur pièces opératoires et au moins 5 cellules cohésives sur biopsies) [tableau]. 5. Les tumeurs IHC 2+ doivent être testées par FISH ou SISH. 6. Le test doit être réalisé dans des laboratoires entraînés et inscrits dans une démarche active d’évaluation externe de la qualité. 7. Les résultats doivent être rendus rapidement (idéalement dans les 5 jours). ifié pour l’évaluation Tableau. Score mod er de l’estomac. nc du statut HER2 du ca Caractéristiques du marquage Score/classification Pas de marquage ou marquage membranaire dans < 10 % des cellules 0/négative Marquage membranaire faible/imperceptible dans ≥ 10 % des cellules ; les cellules ne sont marquées que sur une petite partie de leur membrane Tout marquage ne rentrant pas dans la catégorie 2+ ou 3+ 1+ /négative Marquage membranaire complet ou basolatéral, faible à modéré dans ≥ 10 % des cellules 2+/équivoque Marquage membranaire complet ou basolatéral modérée à fort dans ≥ 10 % des cellules 3+/positive Les prélèvements biopsiques endoscopiques montrant des “clones” IHC 3+ et/ou FISH+ cohésifs sont considérés comme positifs indépendamment de leur taille (même si < 10 %), avec, néanmoins, une limite inférieure à au moins 5 cellules cohésives. P o u r e n s avo i r p l u s … 1. Bang YJ, Van Cutsem E, Feyereislova A et al.; ToGA Trial Investigators. Trastuzumab in combi- nation with chemotherapy versus chemotherapy alone for treatment of HER2-positive advanced gastric or gastro-oesophageal junction cancer (ToGA): a phase 3, open-label, randomised controlled trial. Lancet 2010;376:687-97. 2. Penault-Llorca F, Vincent-Salomon A, Bellocq JP et al. Mise à jour des recommandations 3. Penault-Llorca F, Chenard MP, Bouché O et al. HER2 et cancer gastrique, application pour la pratique clinique en 2011. Ann Pathol 2011;31(2):78-87. 4. Rüschoff J, Hanna W, Bilous M et al. HER2 testing in gastric cancer: a practical approach. Mod Pathol 2012;25(5):637-50. du GEFPICS pour l’évaluation du statut HER2 dans les cancers du sein en France. Ann Pathol 2010;30:357-73. IV Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. I - n° 2 - avril-mai-juin 2012