Le traitement chirurgical du cancer bronchique non à petites cellules

Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 971-82 © 2004 SPLF, tous droits réservés 971
Rev Mal Respir 2004 ; 21 : 971-82
Série « considérations chirurgicales pour le pneumologue »
Coordonnée par V. Ninane et G. Decker
Le traitement chirurgical du cancer bronchique
non à petites cellules
P. de Leyn1, G. Decker1, 2
Résumé
Introduction La chirurgie reste la meilleure option thérapeuti-
que à visée curative pour les stades précoces de cancer bron-
chique non-à-petites-cellules (CBNPC). Cet article analyse la
situation actuelle et les perspectives de la chirurgie du CBNPC.
État des connaissances L’intervention chirurgicale débute par
stadification peropératoire qui comprend une dissection systé-
matique des ganglions hilaires et médiastinaux et se poursuit
par une résection complète, déterminant majeur du pronostic.
Perspectives La stratégie d’économie du parenchyme pulmo-
naire explique le développement de lobectomies souvent élar-
gies avec bronchoplastie (sleeve) en remplacement de la
pneumonectomie. La thoracoscopie a une place dans la stadifi-
cation invasive du cancer bronchique et la résection des CBNPC
périphériques T1N0 (lobectomie thoracoscopique vidéo-assis-
tée) avec des résultats en terme de survie pour ces petites
tumeurs périphériques au moins aussi bons qu’ après chirurgie
ouverte. En cas d’atteinte ganglionnaire médiastinale (N2), un
traitement systémique d’induction est administré dans la plupart
des centres et les répondeurs ont une survie significativement
améliorée par rapport aux non-répondeurs. La re-stadification
médiastinale après traitement d’induction reste pour le moment
très imprécise. Pour les tumeurs localement avancées (cT4), de
nouvelles techniques et approches chirurgicales rendent réali-
sables des résections carénaires, vertébrales ou de la veine
cave avec une morbidité et mortalité acceptable mais des étu-
des complémentaires sont nécessaires.
Conclusions Une sélection rigoureuse des patients, une techni-
que chirurgicale méticuleuse avec une prise en charge per- et
postopératoire adéquate ont permis de réduire la morbidité et la
mortalité de la chirurgie du CBNPC. L’évolution des techniques
chirurgicales et la multidisciplinarité devraient permettre d’amé-
liorer encore les résultats de ce traitement qui reste associé aux
meilleures chances de guérison.
Mots-clés : Cancer bronchique • Chirurgie • Chimiothérapie •
Thoracoscopie.
Tirés à part : P. de Leyn
Hôpital universitaire de Leuven, Herestraat 49, 3000 Leuven,
Belgique.
1 Hôpital universitaire de Leuven, Leuven, Belgique.
2Chirurgie Thoracique, Centre Hospitalier Luxembourg,
Luxembourg.
Réception version princeps à la Revue : 18.06.2004.
Retour aux auteurs pour révision : 21.06.2004.
Réception 1ère version revisée : 29.06.2004.
Acceptation définitive : 30.06.2004.
P. De Leyn, G. Decker
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Summary
Introduction Surgery remains the best option for curative treat-
ment of early stages Non-small cell lung cancer (NSCLC). In this
article we review the current status and future perspectives of
surgical treatment of NSCLC.
State of art An important part of the surgical procedure is the
final determination of the staging with evaluation of the resect-
ablity of the tumor and its nodal status. This requires a system-
atic hilar and mediastinal nodal dissection and a complete
resection that remains a major prognostic factor.
Perspectives In order to preserve pulmonary function, lobecto-
mies with the use of broncho- or arterioplasty have been devel-
oped with reduction in the number of pneumonectomies. For
peripheral T1N0 NSCLC, videoassisted (VATS) lobectomy has
become technically feasible with survival, in non-randomised
studies, at least as good as the survival after open resection.
While VATS has a clear role in staging of lung cancer, its role in
the treatment of lung cancer however remains debatable. In
case of involved mediastinal nodes (N2 disease) induction ther-
apy is given in many centers and patients with mediastinal
downstaging have a significantly better survival than non-
responders. Restaging of the mediastinum is at the moment far
from accurate. In case of locally advanced tumour (cT4), new
surgical techniques and approaches make resection of carina,
vena cava superior, vertebrae feasible with acceptable morbid-
ity and mortality but additional studies are required.
Conclusions Surgery remains the treatment of choice for cura-
tive treatment of NSCLC. The evolution of surgical techniques
and the use of multimodality treatment further improve the
results of surgical management. Rigorous patient selection,
meticulous surgical technique and adequate peri- and postoper-
ative management can keep operative morbidity and morbidity
acceptable.
Key-words: Lung cancer • Surgery • Chemotherapy •
Thoracoscopie.
Surgical treatment
of non-small cell lun
g
cancer
P. De Leyn, G. Decker
Introduction
Le cancer bronchique est la première cause de mortalité
par cancer. Globalement, 80 % des nouveaux cas de cancer
bronchiques sont de type non à petites cellules (CBNAPC).
Malheureusement, la plupart des cas sont diagnostiqués à un
stade avancé et seulement 15 % des patients présentent lors
du diagnostic une maladie localisée au poumon. Pour les
patients à un stade précoce de la maladie (stades I et II) ainsi
que pour des patients sélectionnés ayant une maladie locale-
ment avancée (stade IIIa) la résection chirurgicale complète
de la tumeur reste le meilleur espoir de guérison. La survie du
patient après résection chirurgicale dépend du stade anatomo-
pathologique définitif de la tumeur.
Cet article discutera l’étendu de la résection pulmonaire
et des curages ganglionnaires, la place de la chirurgie dans le
cancer localement avancé, la place de la thoracoscopie dans le
traitement du cancer bronchique, la morbidité et mortalité
actuelle des résections pulmonaires ainsi que du rôle éventuel
de traitements adjuvants après une résection complète du
cancer bronchique.
Étendue de la résection chirurgicale
Résection pulmonaire
Résections anatomiques
Il est bien établi qu’une résection anatomique (lobecto-
mie ou pneumonectomie) est préférable à une résection limi-
tée ou « à la demande » de la tumeur pulmonaire car ces
dernières ont un taux supérieur de récidives locales et une
moindre survie à long terme.
Les termes résection « en-coin » ou « à la demande » se
réfèrent à une résection du parenchyme pulmonaire compor-
tant la tumeur qui est non anatomique, c’est-à-dire qui ne suit
pas les divisions anatomiques lobaires voire segmentaires. Le
parenchyme pulmonaire y est réséqué en sectionnant à travers
des structures bronchiques, vasculaires et lymphatiques, lais-
sant donc en place des structures pouvant augmenter le risque
de récidive locale.
Le Lung Cancer Study Group a rapporté la première
étude prospective contrôlée multicentrique et randomisée qui
a comparé la lobectomie avec des résections plus limitées pour
des tumeurs non à petites cellules T1N0 [1]. Seules des
tumeurs T1N0 étaient incluses dans l’étude. Le chirurgien
devait avoir la conviction que la tumeur était complètement
réséquable au moyen d’une résection « en coin ». Pendant
l’intervention le traitement était tiré au sort entre une lobec-
tomie ou une résection limitée mais macroscopiquement
complète. Au total sur 247 patients éligibles, 122 patients ont
eu une résection limitée et 125 ont bénéficié d’une lobecto-
mie. Le taux de récidive par patient et année était de
0,101 dans le groupe résection limitée contre 0,057 dans le
groupe lobectomie. Cette différence de 75 % était statistique-
ment significative. Le délai jusqu’à la récidive était également
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significativement différent. La fonction respiratoire n’a pu
être évaluée chez tous les patients. Néanmoins à 6 mois, la
fonction respiratoire était significativement meilleure dans le
groupe avec une résection plus limitée. Cette différence s’est
ensuite significativement estompée à 12 et 18 mois de suivi.
La survie était identique dans les deux groupes jusqu’à
48 mois. À partir de là, la survie était meilleure dans le groupe
ayant eu une lobectomie.
D’autres études plus petites ont étudié la même question
[2, 3]. Dans la plupart de ces études, les patients qui ont eu
une résection limitée avaient une mauvaise fonction respira-
toire ou une comorbidité importante. Dans l’étude de
Pittsburgh rapportée par Landreneau, 41 patients atteints de
cancer non à petites cellules ont eu une résection limitée par
voie ouverte, 60 % une résection limitée par voie thoracosco-
pique et 118 patients ont eu une lobectomie avec lymphadé-
nectomie [2]. La survie à 5 ans était respectivement de 58 %
et 65 % après résection non-anatomique ouverte et thoracos-
copique contre 70 % après lobectomie ouverte (p = 0,02). Il
faut souligner que les décès non liés au cancer étaient plus fré-
quents après résection limitée (38 %) qu’après lobectomie
(18 %).
Une étude japonaise a comparé des petites tumeurs T1
traitées par résection limitée ou par lobectomie. Il n’y avait
pas de différence en terme de fonction respiratoire préopéra-
toire ni en morbidité liée au geste chirurgical. La survie glo-
bale à 5 ans était de 93 % après segmentectomie contre 88 %
dans le groupe lobectomie. Il n’y avait pas de différence signi-
ficative en terme de mortalité due au cancer bronchique ni en
récidive tumorale [3]. Néanmoins, cette étude n’était pas ran-
domisée et la taille des tumeurs était significativement plus
grande dans le groupe des patients traités par lobectomie que
dans celui traité par segmentectomie, ce qui a pu favorable-
ment influencer les résultats du groupe segmentectomie.
Sur la base de ces études, nous devons conclure que la
résection anatomique (lobectomie) reste le standard du traite-
ment chirurgical du cancer bronchique même pour des
tumeurs T1 de moins de 3 cm de diamètre. Il est cependant
évident que pour des patients, qui sur le plan fonctionnel, ne
pourraient tolérer une lobectomie, une résection non-anato-
mique est justifiée pour des tumeurs de moins de 3 cm ou
toute autre tumeur localisée dans le tiers extérieur (périphéri-
que) du parenchyme pulmonaire.
Classiquement, chaque fois qu’une lobectomie ne per-
met pas une résection complète, une bi-lobectomie voire
pneumonectomie s’imposait pour les patients qui avaient une
réserve respiratoire suffisante pour un tel geste. Actuellement
ces résections parenchymateuses majeures peuvent souvent
être évitées par une lobectomie avec bronchoplastie (sleeve
resection).
Lobectomie avec bronchoplastie (Sleeve lobectomy)
Quand la tumeur envahit l’origine d’une bronche
lobaire, une lobectomie simple est insuffisante. Dans ce cas
une pneumonectomie peut être évitée et une résection com-
plète obtenue au moyen d’une lobectomie élargie emportant
la division bronchique envahie suivie d’une réimplantation
du lobe restant sur la bronche souche. Il s’agit d’une lobecto-
mie avec bronchoplastie ou sleeve lobectomy. La bronchoplas-
tie la plus souvent réalisée est la bronchoplastie du lobe
superieur droit (fig. 1). Ce type de résection peut également
être pratiqué quand des ganglions N1 sont fixés à l’origine de
la bronche lobaire à réséquer. Une sleeve lobectomie semble
adéquate pour environ 5 à 8 % de toutes les résections pour
cancer bronchique.
La réalisation des lobectomies avec bronchoplastie dimi-
nue le nombre de pneumonectomies avec des résultats onco-
logiques similaires. Ainsi, dans notre centre pendant la
période 1970-1984, 648 résections majeures pour cancer
bronchique non à petites cellules ont été réalisées, dont
287 pneumonectomies (44 %) [4]. En comparaison, en 2002
et 2003, seules 15,6 % de ces résections étaient des pneumo-
Fig. 1.
Lobectomie avec bronchoplastie du lobe supérieur droit.
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nectomies. L’avantage est qu’après une lobectomie avec bron-
choplastie, les patients bénéficient d’une meilleure qualité de
vie car ils gardent une meilleure réserve respiratoire qu’après
pneumonectomie. Par ailleurs, une résection subséquente
reste plus souvent possible si une nouvelle tumeur primitive
devait ultérieurement apparaître.
Particulièrement après chimio- ou radio-chimiothérapie
d’induction, une pneumonectomie devrait être évitée aussi
souvent que possible car dans ce contexte elle est grevée d’un
risque de mortalité élevé. Dans la mesure où, après un traite-
ment d’induction, un curage ganglionnaire radical est réalisé,
ce qui entraîne une dévascularisation bronchique, la question
se pose également de savoir si une résection lobaire avec
bronchoplastie peut être réalisée en toute sécurité. Rendina
et coll. [5] ont rapporté une série de 27 patients opérés par
lobectomie avec bronchoplastie après traitement d’induc-
tion. Des complications majeures sont survenues chez 11 %
des patients et il n’y a eu aucun décès post-opératoire. La sur-
vie à 4 ans dans cette série était de 39 %. Dans notre propre
expérience de lobectomies et bronchoplasties après traite-
ment d’induction aucune mortalité n’est à signaler. Sur la
base de ces observations, nous croyons en la faisabilité des
résections avec bronchoplastie après un traitement d’induc-
tion systémique, mais le chirurgien doit garder à l’esprit que
souvent, l’intervention est techniquement plus difficile dans
ce contexte.
La survie à 5 ans après lobectomie et bronchoplastie se
situe entre 45 et 50 % [4, 6, 7]. Dans une étude rétrospective
[4] nous avons analysé la survie des patients porteurs d’un car-
cinome épidermoïde aux stades T2-3N0-1 après pneumonec-
tomie ou après lobectomie avec bronchoplastie. Nous n’avons
trouvé aucune différence de survie puisque dans ce sous-groupe
de patients la survie à 5 ans était de 48,1 % après pneumonec-
tomie contre 50,2 % après lobectomie avec bronchoplastie.
Okada et coll. [8] ont comparé la survie après lobectomie et
bronchoplastie ou après pneumonectomie en fonction du
stade d’envahissement ganglionnaire. Un groupe apparié de
60 patients opérés par lobectomie avec bronchoplastie était
comparé à un groupe similaire de patients pneumonectomisés.
La mortalité opératoire était de 0 % dans le groupe avec bron-
choplastie contre 2 % dans le groupe avec pneumonectomie.
Une récidive locale est survenue chez 5 patients (8 %) après
lobectomie et bronchoplastie versus 6patients (10%) après
pneumonectomie. La survie à 5 ans était significativement
meilleure après lobectomie et bronchoplastie (48 %) que pour
les patients pneumonectomisés (29 %).
Pour les patients ayant des métastases ganglionnaires N1
chez lesquels une résection complète peut être obtenue par
l’une ou l’autre de ces techniques, la lobectomie avec bron-
choplastie a également été recommandée plutôt que la pneu-
monectomie [9].
La même technique de bronchoplastie permet, chez
des patients ayant une atteinte d’une bronche souche (pré-
férentiellement la droite) mais sans atteinte ganglionnaire
de type N2, de procéder à une résection complète empor-
tant la carène tout en réanastomosant le poumon restant
(généralement le gauche). La faisabilité de ces résections
carénaires étant notoires, leur morbi-mortalité en est néan-
moins élevée [10].
Le curage ganglionnaire
La détermination préopératoire du stade clinique est
actuellement loin d’être parfaite. Lors de la thoracotomie, le
chirurgien a le rôle important d’évaluer l’extension locale de la
tumeur mais également le degré d’atteinte ganglionnaire. Ces
deux facteurs pourront être décisifs pour décider quel type de
résection devra (ou ne pourra pas) être réalisé. Aussi bien le
stade ganglionnaire (N) que le stade tumoral (T) sont souvent
sous-estimés en préopératoire et ce n’est que lors de la thora-
cotomie que le stade précis de la maladie devient apparent.
Si tout le monde est d’accord sur le fait que la mise au
point préopératoire devrait aboutir à la stadification clinique
la plus correcte possible, l’évaluation ganglionnaire médiasti-
nale pendant le geste chirurgical reste controversée et très
variable d’un centre à l’autre. Un sondage bien suivi parmi la
majorité des chirurgiens faisant des résections pulmonaires au
Royaume-Uni a montré que 45 % de ces chirurgiens ne prélè-
vent jamais des ganglions qui macroscopiquement paraissent
grossièrement normaux alors que seulement 23 % procédaient
à une résection systématique de tous les tissus ganglionnaires
médiastinaux [11]. Il existe donc une grande variabilité dans
l’attitude face à l’exploration ganglionnaire médiastinale. La
pratique chirurgicale actuelle varie d’une inspection visuelle
du médiastin fermé jusqu’au curage médiastinal radical et sys-
tématique. La connaissance précise de la technique opératoire
de chaque centre est importante si on veut analyser ses résul-
tats thérapeutiques à la lumière des données de la littérature.
En général, le terme « échantillonnage » (sampling)
signifie que seuls les ganglions manifestement anormaux sont
enlevés. « L’échantillonnage systématique » (systematic sam-
pling) signifie que, aux niveaux ganglionnaires spécifiés par
l’auteur, les ganglions sont systématiquement biopsiés. Le
curage ganglionnaire médiastinal complet (mediastinal lymph
node dissection) indique que tous les tissus contenant des
structures ganglionnaires sont systématiquement réséqués aux
stations ganglionnaires indiquées par l’auteur.
La stadification intra-thoracique est essentielle pour :
– évaluer l’exactitude de la stadification préopératoire ;
– identifier et classer correctement des groupes de patients ay-
ant un pronostic différent ;
comparer les résultats de différents protocoles thérapeutiques ;
promouvoir une utilisation rationnelle des traitements adju-
vants disponibles dans le futur.
Il est évident que la méthodologie actuelle de stadifica-
tion clinique préopératoire n’est pas optimale. Ceci est
notamment illustré par le fait que dans notre centre, malgré
une attitude de mise au point maximale du médiastin, 14 %
des patients avaient une atteinte N2 inattendue (unforeseen)
au moment de la thoracotomie [12]. Durant cette période,
une médiastinoscopie cervicale était systématiquement réali-
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sée sauf chez les patients porteurs d’un carcinome épider-
moïde cT1-T2 sans adénopathie médiastinale significative au
CT-scan. Dans la série du Brompton, bien qu’une médiasti-
noscopie était réalisée chaque fois que le CT-scan montrait
des ganglions médiastinaux élargis, une atteinte ganglionnaire
N2 « inattendue » ou « imprévisible » était trouvée lors de
25 % des thoracotomies [13].
Chez environ un tiers des patients, les ganglions
médiastinaux sont atteints alors que les ganglions hilaires ou
intra-pulmonaires ne le sont pas [14]. Ces « sauts » de relais
ganglionnaires (skip metastasis) s’expliquent probablement par
des lymphatiques sous-pleuraux qui se drainent directement
vers le médiastin. Ceci a été suggéré par les travaux de Riquet
et coll. [15] qui avaient injecté un colorant bleu dans les
lymphatiques pleuraux d’un segment pulmonaire. Un passage
direct du colorant vers les ganglions médiastinaux a été
observé à droite chez 22 % des sujets et à gauche chez 25 %, le
plus fréquemment en cas d’atteinte lobaire supérieure. Ces
connexions lymphatiques directes avec le médiastin, par des
voies souvent superficielles, sous-pleurales expliquent donc les
sauts métastatiques qui rendraient nécessaire le curage
ganglionnaire systématique même lorsque les ganglions
interlobaires et hilaires sont indemnes.
Une large variabilité technique semble aussi exister dans
la technique de stadification peropératoire et même la dési-
gnation des aires ganglionnaires semble souffrir d’une large
variabilité entre observateurs. Dans l’étude de Watanabe [16],
424 aires ganglionnaires ont été excisées chez 41 patients opé-
rés par thoracotomie pour un cancer non-à-petites cellules.
De façon indépendante, deux chirurgiens devaient attribuer
les ganglions aux différentes aires ganglionnaires de la carte de
Naruke [17]. Le choix de ces positions était ensuite analysé.
Dans 68,5 % seulement des ganglions, la position attribuée
par les deux observateurs était concordante. La variabilité
entre les observateurs était lourde de conséquences puisque
pour 34 % des patients elle aboutissait à un stade N1 pour
l’un des observateurs alors que l’autre classait ces mêmes gan-
glions comme N2. La variabilité dans les techniques d’échan-
tillonnage ou de curage ganglionnaire et celle dans
l’interprétation de la localisation ganglionnaire ne doit être
perdue de vue quand on veut interpréter différents résultats
chirurgicaux dans la littérature.
Les résultats de l’étude IALT (international adjuvant
lung trial) viennent récemment d’être présentés [18]. Dans
cette étude une chimiothérapie adjuvante à base de Cisplatine
donnait un avantage de survie à 5 ans de 5 % aps résection
chirurgicale complète. Le sous-groupe ayant le plus bénéficié
du traitement adjuvant est le groupe IIIA. Une stadification
opératoire précise est donc requise afin de pouvoir bien sélec-
tionner les patients pour un tel traitement adjuvant.
Une question importante est également de savoir si le
curage médiastinal influence la survie. Dans la seule étude
prospective randomisée, le curage médiastinal radical n’a amé-
lioré ni la survie, ni le taux de récidives [19]. Néanmoins dans
le sous-groupe des patients pN1 et pN2 qui n’avaient une
atteinte que d’un seul niveau ganglionnaire, la survie était
meilleure après lymphadénectomie radicale qu’après simple
échantillonage ganglionnaire. Dans une étude non-randomi-
sée comparant l’échantillonnage ganglionnaire systématique
au curage radical, la survie était meilleure après curage radical
[20]. Mais ceci ne s’appliquait que pour des interventions à
droite et des patients aux stades II et IIIA. La principale criti-
que que l’on puisse faire de cette étude repose sur le fait qu’il
s’agissait d’une étude multicentrique étudiant l’effet de la chi-
mio-thérapie adjuvante. Sur 190 chirurgiens participants,
131 n’ont inclus qu’un seul patient dans l’étude ce qui en
limite très fortement la validité.
Même s’il n’est donc pas formellement prouvé qu’un
curage ganglionnaire médiastinal améliore la survie ou le taux
de récidives, il est généralement admis que la résection com-
plète d’un cancer bronchique requiert une résection pulmo-
naire adéquate et un curage ganglionnaire médiastinal. Le
curage systématique permet sans aucun doute d’obtenir une
stadification chirurgicale plus précise et donc une classifica-
tion plus précise des patients en stades histologiques I, II et
IIIA définitifs (pTNM), ce qui devrait se traduire par une
amélioration de la survie dans chacun de ces stades.
Depuis une réunion internationale de consensus orga-
nisé par lInternational Association for the Study of Lung Can-
cer à Londres en 1996, la façon de procéder est appelée
« curage systématique » ou systematic nodal dissection [21]. Ce
geste est réalisé lors de la thoracotomie, dans le but de mieux
stadifier la tumeur, et consiste à réséquer et examiner de
façon systématique les ganglions médiastinaux, hilaires et
lobaires. La tumeur primitive étant jugée réséquable, on
débute par le curage médiastinal avant la résection pulmo-
naire. Il est recommandé de disséquer tous les ganglions
médiastinaux, au moins trois niveaux doivent être disséques,
et toujours les ganglions sous-carénaires. Idéalement, pour
les ganglions médiastinaux, du côté droit, les niveaux 2R
(paratrachéal haut), 4R (trachéo-bronchique), 7 (sous-caré-
naire), 8 (para-oesophagien) et 9 (ligament pulmonaire infé-
rieur) sont réséqués. À gauche, les ganglions des niveaux 4L,
5 (fenêtre aorto-pulmonaire), 6 (para-aortique), 7, 8 et
9 sont réséqués [22].
Dans notre propre expérience comme dans celle de
beaucoup d’autres équipes, ce curage systématique est réalisa-
ble sans aucune morbidité ou mortalité surajoutée [23, 24].
Une autre approche est de faire le curage ganglionnaire
en fonction de la localisation bronchique de la tumeur pul-
monaire. Ceci est inspiré par le travail de Naruke [17] et
reflète le drainage principal de la tumeur. Ceci inclut pour les
tumeurs du lobe supérieur droit les ganglions 4R (trachéo-
bronchique), pour la tumeur du lobe moyen les ganglions
7 (sous-carénaires), pour la tumeur du lobe inférieur droit les
ganglions de l’aire 7 (sous-carénaire), 8 (para-oesophagien) et
9 (ligament pulmonaire inférieur). À gauche, en cas de
tumeur du lobe supérieur les ganglions 4L, 5 (fenêtre aorto-
pulmonaire) et 6 (para-aortique), pour les tumeurs du lobe
inférieur les ganglions 7, 8 et 9.
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