Chapitre 3 LA CONCURRENCE MONOPOLISTIQUE Jusque dans les années 1920, la théorie traditionnelle des prix reposait essentiellement sur deux modèles explicatifs : 1. la concurrence pure et parfaite 2. le monopole La théorie du duopole existait depuis le milieu du XIXe siècle, mais était considérée comme un jeu intellectuel plutôt que comme modèle censé décrire le monde réel. Mais progressivement, une certaine insatisfaction apparut car il devenait clair que le modèle de concurrence n’était pas adapté à la description du comportement des entrepreneurs en ce sens qu’il avait des difficultés à décrire des situations empiriques évidentes. Un des aspects des critiques adressées à la théorie traditionnelle était son incapacité de rendre compte de la différenciation des produits, du rôle de la publicité, etc. Par une coïncidence dont l’histoire de l’économie n’est pas avare, deux « jeunes économistes » ont écrit séparément et publié la même année deux ouvrages développant un modèle de marché où de nombreuses entreprises sont confrontées à des courbes de demande individuelles décroissantes . Il s’agit de : Joan Robinson (1904-1983) universitaire anglaise de Cambridge (GB), qui publie en 1933 The Economics of Imperfect Competition (Traduction française : Dunod, 1975, sous le titre L’économie de la concurrence imparfaite) Edward Chamberlin universitaire américain de Harvard qui se trouve à Cambridge (USA), qui publie la même année The Theory of monopolistic Competition. t Nous développerons dans ce qui suit le modèle de Chamberlin. 1 3.1 Définition On dit qu’un marché est en concurrence monopolistique lorsqu’il comprend un grand nombre de vendeurs dont les produits sont différenciés mais fortement substituables face à un grand nombre d’acheteurs. Si l’on excepte l’élément de différenciation du produit, les autres hypothèses de la CPP sont vérifiées. En particulier, il n’y a pas d’entrave à l’entrée ou à la sortie du marché. concurrence monopolistique biens différenciés biens substituables pouvoir de monopole concurrence 3.1.1 La différenciation des produits Produits différenciés C’est un ensemble de produits qui répondent à un même type de besoin mais qui ne sont pas absolument homogènes. Parmi les éléments de différenciation, Chamberlin cite : 2 la différenciation basée sur les caractéristiques du produit lui-même. qualité dessin couleur emballage différenciation présentation marques noms commerciaux brevets La différenciation basée sur les conditions de vente : proximité différenciation standing de l'établissement efficacité qualité du service courtoisie amabilité 3 Dans nos économies, il existe peu de biens manufacturés qui ne soient pas délibérément différenciés par les entrepreneurs de ceux du concurrent. Les exceptions notables relèvent le plus souvent du domaine des matières premières industrielles : produits agricoles ou produits de base (métaux, minerais, acide nitrique, soude, etc.) 3.2 La notion d’industrie et de groupe de produits La différenciation des produits crée des difficultés lorsqu’on passe d’une analyse individuelle à une analyse de marché : il est en effet impossible d’additionner des offres hétérogènes pour obtenir une demande et une offre de marché. Chamberlin introduit pour résoudre cette réelle difficulté la notion de groupe de produits et d’industrie produisant ce groupe de produit. Groupe de produits appartiennent à un même groupe de produits des biens qui sont de proches substituts économiques. 1. on parle de substituts techniques lorsque deux biens répondent à un même besoin ; 2. on parle de substituts économiques lorsque deux biens répondent à un même besoin et qu’ils ont des prix similaires. Exemple : une Renault « Espace » et une « Peugeot 807 » sont considérés comme des substituts, mais une « Fiat 500 » et une « Mercedes classe C » ne le seront pas. On dit que des produits appartiennent à un même groupe lorsque leurs demandes individuelles révélent des élasticités-prix croisées très fortes à l’égard des autres produits du groupe. En bref, toute variation du prix d’un produit du groupe modifie non seulement sa demande mais a un impact sur la demande qui s’adresse aux autres produits du groupe. C’est l’ effet de report d’un produit sur l’autre. 3.3 La demande en concurrence monopolistique Du fait de la différenciation des produits au sein d’un groupe de produits, la demande qui s’adresse à chaque entreprise de l’industrie lui est spécifique. Pourtant, la forte substituabi- 4 lité entre les produits d’un même groupe font que les prix pratiqués par les concurrents ont une influence forte sur cette demande. On peut donc écrire : ¡ ¢ qi = D i p 1 , p 2 , . . . , p i , . . . , p n q désigne un même bien (différencié) i : indice de l’entreprise, i varie de 1 à n p i : prix pratiqué par l’entreprise i . A partir de cette relation, on peut construire les deux courbes de demande caractéristiques d’une entreprise du groupe. Supposons que l’industrie soit en équilibre en t 0 pour une certaine structure de prix ¡ ¢ p1, p2, . . . , pi , . . . , pn . Demande effective On appelle courbe de demande effective de l’entreprise n la courbe de demande qui s’adresse à elle lorsque l’ensemble des concurrents modifient leurs prix dans la même proportion ou, ce qui revient au même, lorsque les rapports de prix restent constants. On peut la formaliser de la façon suivante : ¡ ¢ qn = D n p 1 , p 2 , . . . , p i , . . . , p n ∀i = 1, . . . , n − 1, d pn d pi = pn pi Demande préférentielle La demande préférentielle de l’entreprise n est la demande qui s’adresse à elle lorsqu’ aucun des concurrents ne modifie son prix . On peut la formaliser de la façon suivante : ¡ ¢ qn = D n p 1 , p 2 , . . . , p i , . . . , p n ∀i = 1, . . . , n − 1, d pi = 0 On représente ces deux courbes de demande de la façon suivante : 5 8 7 Demande effective (D) 6 5 4 (p n )0 3 Effet de report 2 Demande préférentielle (d) 1 1 −1 −1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 (q n )0 En t 0 , l’industrie est en équilibre et l’entreprise n constate : ¡ ¢ 1. qu’au prix p n 0 qu’elle pratique ; ¡ ¢ 2. étant donnée la structure des prix p 1 , p 2 , . . . , p i , . . . , p n 0 existant dans l’industrie ¡ ¢ la demande qui s’adresse à elle est q n 0 . Supposons qu’elle envisage en t 1 de baisser le prix de son produit et que ses concurrents baissent ¡leurs ¢ prix dans une même proportion. Dans ce cas, elle doit s’attendre à une demande q n 1D . Cette demande traduit le fait que : 1. les quantités globales demandées à l’industrie seront plus importantes ; 2. cette augmentation des quantités demandées sera équitablement répartie entre toutes les entreprises de l’industrie au prorata de leur part de marché telle qu’elle existait à la période t 0 . 6 Supposons maintenant qu’elle envisage de baisser son prix alors que de ses ¡ ceux ¢ concurrents ¡ ¢ restent ¡ ¢ stables. ¡ ¢ Dans ce cas, elle doit s’attendre au prix p n 1 à une demande q n 1d ( q n 1d > q n 1D ). Ceci traduit le fait que : 1. la baisse de son prix augmente la demande de sa clientèle traditionnelle comme dans le cas précédent ; 2. elle bénéficie d’un report sur son produit d’une partie de la clientèle des autres entreprises. Ce report est partiel — contrairement à ce qui se passe en CPP — puisque la différenciation des produits entraîne un attachement plus ou moins fort d’une partie de la clientèle à chaque entreprise (lorsque le prix d’une Mercedes diminue, la plupart des clients de BMW continueront à acheter une BMW ; inversement, si le prix d’une Mercedes augmente de nombreux clients continueront à acheter une Mercedes). On vérifie cependant que l’effet de report de clientèle est d’autant plus important que la baisse de prix envisagée est forte (Si Mercedes diminue ses prix de 15 000 (, BMW perdra la quasi-totalité de ses clients, si la baisse n’est que de 1 000 (, le report sera plus faible). L’existence d’un effet de report montre que la part de marché d’une entreprise du groupe n’est pas forcément fixe. Exemple : On suppose que dans une industrie, il y a 101 entreprises. La demande s’adressant à la 101e entreprise à la forme suivante : q 101 = −10p 101 + 100 X 0, 05p i + 20 i =1 On vérifie que la forme générale de la fonction de demande est bien : ¡ ¢ q 101 = D 101 p 1 , p 2 , . . . , p 100 , p 101 d q 101 <0 d p 101 d q 101 >0 d pi ∀i = 1, . . . , 100 Supposons qu’en t 0 , toutes les entreprises pratiquent le même prix p = 2. Demande effective si toutes les entreprises font varier leurs prix dans la même proportion, on aura : p 101 = p i ∀i = 1, . . . , 100 q 101 = −10p 101 + 100 X 0, 05p 101 + 20 = −10p 101 + 5p 101 + 20 = −5p 101 + 20 i =1 =⇒ p 101 = −0, 20 q 101 + 4 7 Demande préférentielle Si les autres entreprises ne réagissent pas, on aura : q 101 = −10p 101 + 100 X 0, 05 × 2 + 20 i =1 = −10p 101 + 10 + 20 = −10p 101 + 30 =⇒ p 101 = −0, 10 p 101 + 3 La représentation de ces deux courbes est : 4 p 101 = −0, 20 q 101 + 4 3 2 1 p 101 = −0, 10 p 101 + 3 5 10 15 20 25 30 On voit qu’au prix de 1, si l’entreprise 101 est seule à baisser ses prix, elle produit une quantité q 101 = 20, alors que si toutes les entreprises baissent leur prix, elle ne produit que q 101 = 15. Remarque : si toutes les entreprises baissent leur prix et le fixent à 1, la courbe de demande préférentielle va glisser le long de la courbe de demande effective. En effet en t 1 son équation sera : pi = 1 ∀i = 1, . . . , 100 q 101 = −10p 101 + 100 X 0, 05p 101 + 20 = −10p 101 + 5 × 1 + 20 = −10p 101 + 25 i =1 8 3.4 L’équilibre d’un marché de concurrence monopolistique On examine successivement l’équilibre de courte période et l’équilibre de longue période. 3.4.1 L’équilibre de courte période courte période En courte période, on suppose que le nombre d’entreprises appartenant à l’industrie est fixe et égal à n. On admettra afin de simplifier l’exposé qu’en t 0 la demande globale se répartit équitablement entre les n entreprises de l’industrie et que les n entreprises possèdent des fonctions de coût identiques. Dans ces conditions, chaque entreprise de l’industrie est parfaitement identique aux autres et il revient au même de parler d’une entreprise ou de parler de l’industrie dans son ensemble. Le comportement de l’entreprise Le comportement d’une entreprise particulière repose sur les hypothèses suivantes : 1. l’entreprise maximise son profit 2. comme un monopole, elle tient compte de la demande particulière qui s’adresse à elle ; 3. elle fait l’hypothèse que — quoiqu’elle fasse — ses concurrents ne modifieront pas leur prix. petite taille maximisation du profit pas d'impact sur les concurrents quelle demande utiliser ? pas de modification de leurs prix demande effective demande préférentielle Son programme est donc le suivant : 9 ¡ ¢ max Di (q i , p 1 , p 2 , . . . , p i −1 , p i +1 , . . . , p n ) × q i −C i (q i ) p j = p̄ j ∀ j , j 6= i La condition du premier ordre d’un maximum est, comme pour un monopole : Rm i (q i , p̄ j , p̄ j , . . . , p̄ j ) = C m i (q i ) La recette marginale doit être égale au coût marginal. Il s’agit de la recette marginale lorsque les prix des concurrents sont supposés être fixes. C.-à-d. la recette marginale calculée à partir de la demande préférentielle . 8 7 Demande effective 6 5 Coût marginal 4 b situation initiale 3 équilibre final b 2 b Rm = C m Demande préférentielle 1 1 −1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 −1 On suppose qu’initialement, le prix pratiqué par l’ensemble des entreprises est p t0 . À ce prix, elles produisent une quantité q t0 . À ce prix p t0 la courbe de demande préférentielle coupe la courbe de demande effective (« situation initiale » sur le graphique). L’équilibre final de l’entreprise est obtenu au point d’intersection des courbes Rm (calculé avec la demande préférentielle) et Cm. L’entreprise modifie sa production et son prix par rapport à la situation de départ. 3.4.2 Équilibre de l’entreprise et équilibre de l’industrie Le déséquilibre 10 Le comportement de maximisation du profit tel qu’il a été défini ne conduit pas forcément à un équilibre. On a supposé que toutes les entreprises de l’industrie étaient identiques à l’entreprise représentative. Chacune d’elle faisant le même calcul, elles sont toutes amenées comme l’entreprise représentative à réduire leur prix et à augmenter les quantités offertes. Donc les n entreprises ont fixé leur prix au niveau (p i )e en offrant une quantité (q i )e . Par conséquent, la demande qui s’adresse effectivement à chaque entreprise du groupe est déterminée par la courbe de demande effective puisque toutes les entreprises ont fait varier leur prix dans la méme proportion. L’hypothése de fixité des prix se révéle en définitive fausse. C’était pourtant la meilleure hypothèse. Graphiquement on a pour chaque entreprise de l’industrie la situation suivante : 8 7 Demande effective 6 5 Coût marginal 4 bc situation initiale 3 b l rée re b i l ui équilibre calculé éq bc 2 bc Rm = C m Demande préférentielle 1 1 −1 2 3 4 5 invendus −1 11 6 7 8 9 10 Contrairement à ce qu’elles croyaient, aucune entreprise n’est en équilibre puisque chacune a parié sur la stabilité des prix des autres entreprises. Or, l’ensemble des prix ayant varié, la demande qui s’adresse à chaque entreprise est en réalité la demande effective. Chaque entreprise peut 1. maintenir son prix et accumuler des invendus ; 2. écouler toute sa production mais en vendant « au rabais » L’équilibre Les entreprises constatent qu’elles sont en déséquilibre. Elles refont leurs calculs sur la base des derniers prix constatés. On peut montrer que ce processus converge vers une situation d’équilibre de chaque entreprise et donc de l’ensemble de l’industrie. En concurrence monopolistique l’équilibre d’une entreprise suppose l’équilibre de l’industrie et vice versa. ¡ ¢ L’équilibre effectif de l’entreprise représentative est atteint lorsque le couple p i , q i qu’elle sélectionne est tel que : 1. il maximise son profit ; 2. il assure l’égalité entre la demande effective et la demande préférentielle de l’entreprise. L’équilibre de l’entreprise représentative est représenté de la façon suivante : 12 10 9 8 7 Demande effective 6 5 Coût marginal 4 ¡ ¢3 pi e équilibre final b 2 bc Rm = Cm Demande préférentielle 1 1 −1 2 3 4 qi ¡ ¢ 5 e 6 7 8 9 10 −1 Exemple numérique Supposons une industrie composée de 101 entreprises identiques. Elles se partagent 1 e la demande (chacune ayant 101 de la demande) et leurs coûts sont identiques. Cette situation correspond par exemple à une différenciation par les marques, le style ou la présentation, chaque marque ayant — lorsque les prix pratiqués par les entreprises sont identiques — le même nombre de « fidèles ». Le produit étant « techniquement homogène » les coûts peuvent légitimement être considérés comme identiques. la demande qui s’adresse à la 101e entreprise est : q 101 = −10p 101 + 100 X 0, 05p i + 20 i =1 ou, sous forme inverse : p 101 = −0, 1q 101 + 100 X i =1 La fonction de coût s’écrit : 13 0, 005p i + 2 2 C (q 101 = 0, 025 q 101 On suppose enfin que le prix pratiqué dans l’ensemble de l’industrie est p i = 2, ∀i = 1, . . . , 100. Étape no 1 L’entreprise maximise son profit en se basant sur sa demande préférentielle. Celle-ci est égale à: p 101 = −0, 1q 101 + 100 X 0, 005 × 2 + 2 = −0, 1q 101 + 3 i =1 Le profit de l’entreprise 101 s’écrit donc : ¡ ¢ 2 Π101 = −0, 1q 101 + 3 q 101 − 0, 025 q 101 La quantité optimale à produire vérifie : δΠ101 = −0, 25q 101 + 3 = 0 =⇒ q 101 = 12 δq 101 et le prix affiché en tenant compte de la demande préférentielle est : p 101 = −0, 1q 101 + 3 = 1, 8 Conclusion : l’entreprise représentative a intérêt à modifier sa production et son prix afin de maximiser son profit. En fait, toutes les entreprises étant identiques, elles ont toutes fait ce même calcul et estiment qu’il est profitable de produire 12 en affichant un prix de 1,8. À ce prix commun, la demande qui s’adresse à l’entreprise représentative est donc : q 101 = −10p 101 + 100 X avec p i = 1, 8 0, 05p i + 20 ∀i = 1, . . . , 101 i =1 q 101 = −10 × 1, 8 + 5 × 1, 8 + 20 = 11 La quantité effectivement demandée est inférieure à la quantité produite : c’est le symptôme du déséquilibre. Étape no 2 Les entreprises ont pris conscience que le prix « pratiqué par les concurrents » est p i = 1, 8. Le processus de calcul reprend sur les mêmes bases. L’entreprise maximise son profit en se basant sur sa demande préférentielle. Celle-ci est égale à: 14 p 101 = −0, 1q 101 + 100 X 0, 005 × 1, 8 + 2 = −0, 1q 101 + 2, 9 i =1 Le profit de l’entreprise 101 s’écrit donc : ¡ ¢ 2 Π101 = −0, 1q 101 + 2, 9 q 101 − 0, 025 q 101 La quantité optimale à produire vérifie : δΠ101 = −0, 25q 101 + 2, 9 = 0 =⇒ q 101 = 11, 6 δq 101 et le prix affiché en tenant compte de la demande préférentielle est : p 101 = −0, 1q 101 + 2, 9 = 1, 74 Conclusion : l’entreprise représentative a intérêt à modifier sa production et son prix afin de maximiser son profit. En fait, toutes les entreprises étant identiques, elles ont toutes fait ce même calcul et estiment qu’il est profitable de produire 11,6 en affichant un prix de 1,74. À ce prix commun, la demande qui s’adresse à l’entreprise représentative est donc : q 101 = −10p 101 + 100 X avec p i = 1, 74 0, 05p i + 20 ∀i = 1, . . . , 101 i =1 q 101 = −10 × 1, 74 + 5 × 1, 74 + 20 = 11, 3 La quantité effectivement demandée diffère de la quantité produite. Il y a donc déséquilibre de l’entreprise représentative, donc de l’ensemble de l’industrie. Cependant, on constate que le déséquilibre entre quantités prévues et effectivement demandées s’amenuise : Table 3.1 – évolution des quantités « d’équilibre » Période 1 Période 2 q optimal q effectif écart 12 11,6 11 11,3 9% 2,65 % Étape no 3 L’équilibre de l’industrie peut étre conçu comme la limite d’un processus récurrent qui prend le dernier niveau des prix comme point de départ de l’étape suivante. La fonction de demande préférentielle de l’entreprise représentative s’écrit : ¡ p 101 ¢ t X ¡ ¢ 100 ¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢ = −0, 1 q 101 t + 0, 005 × p i t −1 + 2 = −0, 1 q 101 t + 0, 5 p i t −1 + 2 i =1 15 Le profit de l’entreprise 101 s’écrit donc : ¡ ¡ ¢ ¡ ¢ ¢¡ ¢ ¡ ¢2 (Π101 )t = −0, 1 q 101 t + 0, 5 p i t −1 + 2 q 101 t − 0, 025 q 101 t La quantité optimale à produire vérifie : ¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢ δ (Π101 )t ¡ ¢ = −0, 25 q 101 t + 0, 5 p i t −1 + 2 = 0 =⇒ q 101 t = 2 p i t −1 + 8 δ q 101 t et le prix affiché est : ¡ ¢ ¡ ¡ ¢ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢ p 101 t = −0, 1 2 p i t −1 + 8 + 0, 5 p i t −1 + 2 = 0, 3 p i t −1 + 1, 2 ¡ ¢ Puisque le prix p i t −1 était aussi pratiqué par l’entreprise 101, on peut écrire : ¡ ¢ ¡ ¢ p 101 t = 0, 3 p 101 t −1 + 1, 2 La quantité effectivement demandée est : q 101 = −10p 101 + 100 X 0, 05p i + 20 ∀i = 1, . . . , 101 i =1 X ¡ ¡ ¢ ¢ 100 ¡ ¡ ¢ ¢ ¡ ¢ q 101 = −10 0, 3 p 101 t −1 + 1, 2 + 0, 05 0, 3 p 101 t −1 + 1, 2 + 20 = −1, 5 p 101 t −1 + 14 i =1 La relation donnant le prix d’équilibre est une équation de récurrence dont la solution est : ¡ p 101 ¢ t = 0.3t ¡¡ p 101 ¢ 0 − 1, 7142... ¢ + 1, 7142... Lorsqu’on laisse passer un temps « infini », le prix se stabilise et vaut p 101 = 1, 7142... Or, pour ce prix, la quantité produite par l’entreprise et effectivement demandée est : q t = 2p t −1 + 8 = 11, 428 q t = −1, 5p t −1 + 14 = 11, 428 On est donc en équilibre puisqu’il n’y a plus d’écart entre production mise en œuvre et demande effective. RSolve[u[n + 1] == .3u[n] + 1.2, u[n], n]//Simplify ©© u[n] → 1.71429 + e −1.20397n (−1.71429 + 3.33333C [1]) ªª Solution qui ne ressemble pas à la notre sauf si on remarque que : e −1.203972804325936 0.3 16 On demande la liste des valeurs en supposant que le premier prix était 3 : listamoi = RecurrenceTable[{p[t + 1] == (3/10)p[t ] + 1.2, p[1] == 3}, p, {t , 1, 15}]//N {3., 2.1, 1.83, 1.749, 1.7247, 1.71741, 1.71522, 1.71457, 1.71437, 1.71431, 1.71429, 1.71429} On demande le graphe de la suite des prix et on constate que la convergence est rapide : ListLinePlot[listamoi, PlotRange → {0, 3}] 3.0 2.5 2.0 1.5 1.0 0.5 2 4 6 8 10 12 14 3.5 L’équilibre de longue période En courte période, le nombre d’entreprises dans l’industrie est fixe. En longue période, le nombre d’entreprise est variable . La variation du nombre d’entreprise vient de l’existence ou non de profits (c’est à dire : de profits exceptionnels) dans l’industrie. Comme en concurrence pure et parfaite, l’industrie est en équilibre de longue période lorsque les profits exceptionnels sont nuls : En longue période, toutes les entreprises présentes dans l’industrie réalisent un profit normal , aucune nouvelle entreprise n’a plus intérêt à entrer dans l’industrie. 17 3.5.1 Profits normaux, profits exceptionnels Dans une analyse de longue période, on fait la distinction entre profits normaux et profits exceptionnels. Profits exceptionnels = profits effectivement constatés - profits normaux Les profits normaux correspondent à la rémunération normale du capital . On les inclut dans les coûts de longue période de la même façon qu’on inclut tous les revenus dans les coûts : salaires (revenu du travail), loyer (revenus de la propriété immobilière) . . . Les variations du profit autour de son niveau normal explique les mouvements d’expansion et de contraction d’une industrie dans le temps . industrie en courte période profit constaté supérieur au profit normal inférieur au profit normal intéressant à long terme intenable à long terme entrée d'entreprises départ d'entreprises baisse des profits hausse des profits convergence vers le profit normal Le mouvement de contraction/expansion prend fin quand le motif d’entrée et de sortie a disparu : les profits exceptionnels sont nuls . On est en équilibre stable de longue période . 18 3.5.2 libre entrée dans l’industrie et variations de la courbe de demande L’entrée de nouveaux concurrents dans l’industrie a pour effet immédiat de réduire la part de marché des entreprises déjà installées. On illustre ce phénomène de la façon suivante. Supposons que la demande globale des produits d’un groupe de produit soit : q = −ap + b où : 1. q désigne la demande totale d’un groupe de produit 2. p désigne le prix moyen des produits du groupe Supposons de plus qu’il y a n entreprises identiques sur le marché et qu’elles se répartissent équitablement le marché. Dans cas, la demande s’adressant à chaque entreprise est : qn = q −ap + b a b = =− p+ n n n n On constate alors que : — lorsque n = 1, la demande s’adressant à une entreprise est identique à la demande de marché (monopole) ; — lorsque n augmente, la part de marché de chaque entreprise diminue. Graphiquement, l’augmentation du nombre d’entreprises dans l’industrie se traduit par un déplacement « vers la gauche » des courbes de demande individuelles Cela signifie que, pour un prix donné, les quantités demandées à l’entreprise représentative sont d’autant moins importantes que le nombre de concurrents est élevé. 19 10 9 8 7 q = −p + 10 6 prix 5 q 2 = −0,5p + 5 4 3 2 q 5 = −0,20p + 2 1 b −1 3.5.3 1 C b 2 3 B b 4 5 6 7 A 8 9 10 quantités L’équilibre à long terme en concurrence monopolistique Il y a équilibre de longue période lorsque trois conditions sont réunies : 1. chaque entreprise de l’industrie égalise son coût marginal et sa recette marginale, 2. la demande effective de chaque entreprise est égale à sa demande préférentielle, 3. le profit est nul (le profit normal étant inclus dans les coûts) Le mécanisme d’annulation du profit à long terme est le résultat de l’entrée de nouveaux concurrents dans l’industrie. 20 10 9 8 7 Coût marginal prix 6 A bc B bc 5 4 Coût moyen de LT bc Rm = C m 3 2 bc D bc 1 bc 1 −1 2 C Rm = C m 3 4 5 6 7 8 9 10 quantités −1 Initialement, l’équilibre de courte période se trouve au point B . Chacune des n entreprises de l’industrie fait un profit exceptionnel (surface ABC D) Ce profit exceptionnel incite de nouvelles entreprises à entrer sur le marché. Lorsque le nombre d’entreprise passe de n à n +∆n, les courbes de demande préférentielle et de demande effective glissent vers la gauche. Les entreprises doivent donc ajuster leur production à la nouvelle demande. L’entreprise maximise son profit en égalisant son Cm à sa Rm (on suppose pour simplifier le graphique que la demande préférentielle est égale à la demande effective). 21 Lorsque n augmente : 1. la production diminue pour chaque entreprise 2. le prix diminue 3. le profit exceptionnel diminue Le mécanisme d’entrée dans l’industrie prend fin lorsque le profit est nul. Graphiquement, l’équilibre de longue période est atteint lorsque la courbe de demande préférentielle de l’entreprise représentative est tangente à la courbe de coût moyen 3.5.4 L’inefficacité de la concurrence monopolistique La concurrence monopolistique est sans doute la forme de marché où le nombre d’offreur est grand la plus répandue à l’époque actuelle. Cependant, comme le monopole, c’est une structure de marché inefficace. Elle est inefficace à un double point de vue : 1. en courte période, l’équilibre de l’industrie est tel que pour chaque entreprise Rm = Cm mais, à l’équilibre, on a p > C m. Comme pour le monopole, il y a perte de poids-mort et transfert de surplus entre les consommateurs et les producteurs de l’industrie. 2. en longue période, on retrouve ce phénomène auquel il faut ajouter le fait que l’équilibre de longue période ne se situe pas au minimum des coûts moyens comme ce serait le cas en CPP. La concurrence monopolistique ne conduit pas à produire au coût moyen le plus faible possible. 22