PLATYHELMINTHES 1. Présentation du groupe · · · · · · · · · · · Métazoaires, triploblastiques, acoelomates À symétrie bilatérale Protostomiens Corps aplati, avec une partie antérieure (tête) enrichie en structures nerveuses et sensorielles Cavité gastro-vasculaire ouverte sur l’extérieur par la bouche, assurant les fonctions digestive et circulatoire, absente chez certaines formes parasites Système d’excrétion différencié, à protonéphridies Système nerveux formé d’une double chaîne ventrale, avec des parties plus développées (cerveaux) dans la partie antérieure Reproduction sexuée et asexuée (fission, bourgeonnement) Hermaphrodites, avec des systèmes reproducteurs complexes Marins, dulçaquicoles, ou terrestres Libres ou parasites Figure PL1.1. : Un ver solitaire enroulé sur une plaque de verre Figure PL 1.2. Une planaire marine Comme leur nom le suggère, le groupe des platyhelminthes rassemble les vers au corps aplati dorso-ventralement. Ils sont généralement de petite taille, de 1 à 3 cm de long, bien que certaines formes parasites, comme les Taenia, puissent mesurer plusieurs mètres. Celui-ci a été extrait de l’intestin d’un homme, et enroulé sur une plaque. Les formes libres, comme les planaires, sont principalement aquatiques, habitant les eaux douces ou marines. Certains sont richement colorés et arborent des expansions de leur surface corporelle. Les formes libres se déplacent essentiellement sur leur surface ventrale, et peu sont capables de nager en pleine eau. Les platyhelminthes terrestres sont rares, et confinés à des milieux très humides, comme ce ver coloré vivant dans les forêts tropicales humides. Figure PL 1.3. Une planaire de forêt tropicale 2. Exemple(s)-type(s) (organisme à voir au TP) : description et physiologie 21.. La planaire, Dendrocoelum lacteum 2.1.1. Examen externe La planaire est un ver plat de 1 à 2 cm de long, de couleur blanchâtre. Il présente une symétrie bilatérale de part et d’autre d’un axe longitudinal antéro-postérieur. Sa partie antérieure est élargie par deux petits lobes latéraux et porte ventralement un appareil adhésif (ventouse) et, dorsalement, deux taches pigmentées, les yeux. Figure PL 2.1. La planaire Dendrocoelum lacteum avec ses organes internes vus par transparence des téguments Figure PL 2.2. La partie antérieure d’une planaire, vue par transparence Figure PL 2.3. Examen externe d’une planaire Sur la face dorsale, on peut observer des paires d’orifices excréteurs. La faible épaisseur du corps permet de voir des structures internes par transparence. La bouche n’est pas située dans la partie antérieure du corps, mais dans la partie médiane de la face ventrale du corps. Un peu plus en arrière, on observe un orifice génital communiquant avec les organes génitaux de la planaire. 2.1.2 Examen interne Figure PL 2.4. Examen interne d’une planaire Cette planaire est découpée pour que nous y voyions les différents feuillets cellulaires. Nous pouvons en observer trois. En plus de l'ectoderme, coloré ici en bleu, et de l'endoderme, coloré en jaune, présents chez les Cœlentérés, un feuillet intermédiaire est inséré entre les deux précédents. C’est le mésoderme, coloré ici en rouge. A partir d’ici, nous conserverons ce code couleur pour indiquer l’origine mésoderme des tissus adultes. Au centre, la cavité gastro-vasculaire, entourée d’endoderme, est laissée blanche. Sur cet autre schéma présentant une coupe transversale, on voit bien la structure triploblastique du corps. 2.1.3 Tégument Figure PL 2.5. Schéma présentant l’organisation des tissus internes de la planaire, depuis l’extérieur du corps jusqu’à la paroi de la cavité gastrovasculaire Le tégument comporte un épiderme reposant sur une lame basale épaisse et des couches musculaires. L’épiderme est de type unistratifié et présente des cellules ciliées et des cellules glandulaires. Celles-ci déversent leur sécrétion muqueuse à la surface du corps qui est dépourvu de cuticule. Des cellules nerveuses sensorielles y sont également présentes. Sous l’épiderme, une lame basale épaisse confère une certaine rigidité au tégument. Sous cette dernière, une couche musculeuse formée de cellules musculaires lisses agencées de manière assez peu organisée, dont l'orientation est principalement circulaire à l’extérieur et longitudinale à l’intérieur. Des cellules musculaires orientées obliquement joignent ces deux couches. Ces muscles permettent la déformation du corps. 2.1.4. Mésenchyme Figure PL 2.6. Mésenchyme de la planaire L’espace compris entre les téguments et la cavité digestive est remplie d’un tissu constitué de cellules diverses, certaines libres, d’autres immobilisées, agencées en un parenchyme lâche présentant des espaces (lacunes) contenant du liquide interstitiel. Ce mésenchyme est issu du mésoderme, ce qui le différencie de la mésoglée des Cœlentérés, cette dernière étant principalement d’origine ectodermique. La densité cellulaire y est nettement plus importante que dans la mésoglée des cnidaires, qui ne contenait que des cellules éparses dans une matrice fibreuse. Ces cellules sont impliquées dans le soutien et la mobilité du corps, et le stockage de réserves énergétiques. Certaines cellules de ce mésenchyme conservent la capacité de se différencier en un grand nombre de types cellulaires, et sont à l’origine de la grande capacité de régénération tissulaire chez ces vers. Nous verrons cela plus en détails dans la partie consacrée à la reproduction. 2.1.5.. Système locomoteur Figure PL 2.7. Cellules glandulaires et musculaires de la planaire La planaire se déplace principalement par glissement à l’aide des cellules ciliées recouvrant sa surface ventrale. Le mucus déchargé par les cellules glandulaires sur cette même surface procure une lubrification facilitant le glissement de l’animal et un milieu visqueux contre lequel peuvent agir les cils. Elle utilise également les contractions de ses cellules musculaires pour modifier la forme de son corps et ainsi changer d’orientation. Cette musculature est également utile pour modifier l’épaisseur corporelle, lui permettant de s’insinuer dans des interstices du substrat. 2. 1.6. Système digestif. Cette petite séquence vidéo vous montre une planaire placée dans une boîte de Pétri dans laquelle on dépose un morceau de viande. Observez le comportement de la planaire. Figure PL 2.8 Le système digestif de la planaire La planaire, comme de nombreux platyhelminthes libres, est carnivore. L’animal possède des récepteurs sensoriels capables de détecter des molécules dissoutes dans l’eau. C’est ce qui se produit lorsque le morceau de chair est déposé. Des molécules diffusent dans l’eau, la planaire les perçoit et se dirige vers leur source. Ensuite, un renflement apparaît à la surface ventrale du corps, à mi-chemin de l’axe antéropostérieur de l’animal. Là se situe une bouche prolongée par un pharynx musculeux blanchâtre et évaginable. Cet organe est capable d’aspirer des proies. D’origine ectodermique, le pharynx est cilié et muqueux comme les téguments; il mène à un intestin ou enteron, formé d’endoderme. Celui-ci n’est ouvert que par l'extrémité buccale, et on ne parlera pas donc d’un véritable tube digestif, mais d’une cavité gastrovasculaire, comme chez les Cœlentérés. Figure PL 2.9. Disposition de la bouche et du pharynx chez la planaire La digestion est initiée à l’extérieur du corps, par la libération d’enzymes protéolytiques, dans la cavité formée par le pharynx. La proie est ainsi partiellement digérée et réduite en un liquide avant son aspiration aux muscles pharyngiens. La cavité gastro-vasculaire forme des extensions qui s’insinuent vers l’avant et l’arrière du corps, dans le parenchyme. Sa paroi est formée de cellules glandulaires, qui déversent des enzymes digestifs, et de cellules absorbantes qui phagocytent les particules alimentaires et terminent le processus digestif grâce aux enzymes lysosomiales, après fusions des phagosomes avec des lysosomes. Le matériel non digéré est éliminé par expulsion au niveau du pharynx. Les ramifications de la cavité gastro-vasculaire servent à accroître la surface digestive et absorbante. 2.1.7.. Système respiratoire Figure PL 2.10. Le système respiratoire de la planaire Par sa forme aplatie et sa petite taille, la planaire dispose d’une grande surface corporelle par rapport au volume de ses tissus. En outre, la distance de diffusion des gaz respiratoires entre les cellules et le milieu extérieur demeure faible. Couplées à une activité métabolique qui reste limitée, ces caractéristiques permettent d’assurer un échange des gaz suffisamment rapide par rapport aux besoins de la planaire. Aussi, la planaire ne dispose-t-elle d’aucun organe respiratoire spécialisé. 2.1.8. Système circulatoire Figure PL 2.11. Le système circulatoire de la planaire On l’a vu, la cavité gastro-vasculaire s’insinue vers l’avant et l’arrière du corps, au sein du parenchyme. Si cette complexité procure une extension de la surface intestinale propice à une digestion rapide, elle permet également la distribution des nutriments issus de la digestion dans l’ensemble du corps. Cette distribution est facilitée par les mouvements corporels. Il n’y a donc pas de système circulatoire différencié. 2.1.9. Système excréteur Une des caractéristiques importantes des platyhelminthes est le développement de véritables organes excréteurs, les protonéphridies. Celles-ci sont formées de bulbes creux et ciliés. Chaque bulbe est formé d’une cellule creusée d’une cavité. Figure PL 2.12. Système excréteur de la planaire Par leur battement au sein de la cavité, les cils créent un flux d’eau qui transite depuis le mésenchyme vers l’intérieur de la protonéphridie au travers des cellules délimitant cette dernière. Disposées dans l’ensemble du parenchyme, les protonéphridies déversent leur liquide dans un réseau de canaux ciliés qui communiquent avec l’extérieur du corps par des pores, les néphridiopores. Notons que les déchets du métabolisme azoté, sont éliminés sous forme d'ammoniaque diffusant librement au travers des téguments, et non par les néphridiopores. Les protonéphridies ont essentiellement une fonction osmorégulatrice, visant à éliminer l’excédent d’eau douce qui pénètre en masse dans le corps de la planaire. 2.1.10. Système nerveux Figure PL 2.13. Mise en évidence des cellules nerveuses de la planaire Le système nerveux de la planaire a évolué avec la symétrie bilatérale et l’adoption d’une locomotion unidirectionnelle. Le système nerveux est constitué de deux cordons nerveux ventraux longitudinaux, reliés entre eux par des anastomoses, formant une sorte d’échelle alignée selon l’axe antéro-postérieur du corps. On les voit clairement sur cette image réalisée au microscope à fluorescence du turbellarié Macrostomum lignano, dans laquelle les cellules nerveuses sont mises en évidence grâce à des anticorps spécifiques de ces cellules et unis par un lien covalent à un composé fluorescent. Ces anticorps ont été obtenus en injectant des protéines qui ne sont présentes que sur les cellules nerveuses à des lapins, dont les cellules immunitaires (lymphocytes B) ont produits des anticorps capables de se fixer sur ces protéines. Après purification de ces anticorps, ceux-ci ont été fusionnés de manière covalente à des molécules fluorescentes. Ensuite, les planaires ont été sacrifiées et immergées dans une solution contenant l’anticorps devenu fluorescent. Une fois l’anticorps fixé, la préparation est rincée de manière à éliminer les molécules d’anticorps qui ne se sont pas liées, puis placée sous un microscope capable de mettre en évidence la fluorescence des anticorps. De cette double chaîne émanent des ramifications cellulaires qui irradient dans l’ensemble du corps. Figure PL 2.14. Le système nerveux de la planaire La concentration en cellules nerveuses et sensorielles est plus grande dans la partie antérieure du corps, notamment dans les deux lobes latéraux de la tête. Dans la tête, les cellules nerveuses forment deux masses, les ganglions cérébraux, qui contiennent une quantité importante de corps cellulaires (péricaryons). Parmi les récepteurs sensoriels, des cellules sensibles aux stimuli tactiles qui permettent à l’animal de percevoir la présence d’obstacles. Ils sont disposés sur l’ensemble du corps, avec une densité plus élevée au niveau de la tête et du pharynx. On trouve également des récepteurs aux substances chimiques présentes dans l’environnement (chémorécepteurs), particulièrement abondants sur les expansions latérales de la tête. Lorsqu’elle chasse, la planaire va faire osciller sa tête, balayant l’environnement chimique, de manière à percevoir d’éventuels gradients de substances qui lui permettraient de détecter des proies. Ce sont eux qui permettent à la planaire de s’orienter vers la source de nourriture dans la séquence vidéo que vous avez visionnée plus haut. Figure 2.15. Coupe transversale dans une ocelle de planaire La planaire possède également deux photorécepteurs assez complexes, appelés ocelles, placés sous l’épiderme, de part et d’autre de la ligne médiane de la tête. Ceux-ci sont constitués d’une cupule de cellules pigmentaires au sein de laquelle s’insinuent des cellules photoréceptrices dont la partie sensible est accolée de la couche pigmentée. Cette disposition est proche de celle que l’on retrouve dans l’œil (dit inversé) des vertébrés. Ces cellules vont faire synapse avec des cellules nerveuses des ganglions cérébraux. De telles structures photoréceptrices sont incapables de former de véritables images. Leur rôle est plutôt de percevoir la direction d’une source lumineuse et de ses variations d’intensité. Selon l’origine du faisceau lumineux, la zone éclairée du fond de l’ocelle sera différente. Ce ne serait pas le cas si l’ocelle était une surface plane totalement accessible à la lumière. La planaire est un animal présentant un phototactisme négatif: elle va fuir les sources de lumière, préférant les endroits sombres où elle sera moins visible pour d’éventuels prédateurs. 2.1.11. Système reproducteur Figure PL 2.16. Le système reproducteur de la planaire La planaire est hermaphrodite. Le système reproducteur, mâle et femelle, occupe un large volume. La partie mâle est constituée de nombreuses masses testiculaires dispersées au sein du mésenchyme. Ces testicules sont reliés à des tubules qui confluent en deux spermiductes qui se réunissent dans le plan médian, en une vésicule séminale, connectée au pénis logé dans une chambre musculeuse, l’atrium génital. Les organes génitaux femelles sont composés de deux masses latérales, les ovaires, logés dans la partie antérieure du mésenchyme. Les cellules germinales qu’ils produisent transitent par deux tubes, les oviductes, dans lesquels des glandes vitellogènes déversent leur production de vitellus; les oviductes confluent en un utérus unique, connecté à l’atrium génital. Bien que ces animaux soient hermaphrodites, il y a accouplement, donc fécondation croisée, et non auto-fécondation. Les spermatozoïdes sont déposés par le pénis d'un individu dans l'atrium génital de son partenaire; ils remontent les oviductes jusqu'aux ovaires, où se fait la fécondation. Les œufs fécondés descendent les oviductes, sont entourés au passage de cellules vitellines produites par les glandes vitellogènes, et débouchent dans l'atrium génital, où ils sont entourés d'une substance produite par l'utérus. Cette substance durcit et forme des cocons rigides, qui sont pondus par le pore génital. Dans le cocon, les oeufs se développent et donnent en 2-3 semaines des petits vers semblables à leurs parents. Les planaires peuvent aussi se reproduire de manière asexuée. Une constriction apparaît spontanément derrière le pharynx, et aboutit finalement à la séparation de deux individus complets. Ce phénomène est assez proche de celui de la régénération qui permet de restaurer une partie du corps ou d'un organe perdu accidentellement. La capacité de régénération de la planaire est exceptionnelle: en 1898, Morgan a montré qu’un 279ème d’une planaire était capable de régénérer un animal entier! Figure PL 2.17. Reproduction asexuée chez la planaire Procédons à une expérience. De multiples sections transversales sont réalisées au travers toute la longueur du corps d’une planaire. Figure PL 2.18. Expérience de régénération lors de coupes transversales d’une planaire 1. Décrivez ensuite vos observations et tentez de répondre aux questions suivantes.. Question 1. Les segments conservent-ils la polarité originale? Oui, les segments conservent la polarité antéro-postérieure qu’ils avaient dans le corps de l’individu. En effet, pour chaque segment, le bord qui se trouvait du côté de la tête régénère une tête, tandis que le bord qui se trouvait du côté de la queue régénère une queue. Question 2. La capacité de régénération est-elle la même de la tête à la queue? Non. Observez le fragment le plus antérieur. Celui-ci a régénéré une planaire complète, aux yeux et pharynx bien formés; en revanche, le morceau le plus postérieur n'a pu régénérer qu'une planaire informe, assez méconnaissable! Entre les deux extrémités, les planaires régénérées sont plus ou moins complètes: l'avant-dernière par exemple, n'a qu'un œil ...Cela indique que la capacité de régénération est plus grande du côté de la région antérieure, et diminue progressivement en direction de l'extrémité postérieure. Cela indique que les cellules de la partie antérieure du corps ont une pluripotence plus développée, qui peut aller jusqu’à la totipotence. 2. Dans une dernière expérience, des entailles longitudinales sont réalisées au niveau de la tête. Observez le résultat. Pensez-vous que l’individu qui résulte de cette régénération soit aussi efficace qu’avant cette opération? L’individu ainsi mutilé régénère souvent plusieurs têtes.. Vivre avec plusieurs têtes ne doit pas constituer un avantage sélectif, bien au contraire! La capacité d’exploration du milieu et de réaction par rapport à un danger éventuel doit s’en trouver perturbée…. En fait, les expériences montrent que la régénération d’une partie perdue accidentellement peut parfois s’avérer utile lorsque la régénération s’opère bien. Mais, elle est problématique dans la plupart des cas! En fait, les chercheurs pensent que la capacité de régénération va de pair avec la reproduction asexuée dont elle ne serait qu’un sousproduit. Le coût associé à la formation d’individus aberrants serait largement compensé par les bénéfices de la capacité de se multiplier par simple fission corporelle! 2.2. La douve hépatique, Fasciola hepatica Comme on peut le voir dans la photo présentant une dissection du tube digestif d’un mouton infesté par des douves hépatiques, ce platyhelminthe parasite les canaux biliaires des Mammifères herbivores (mouton, vache,...). Elle peut parfois parasiter l'homme, s'il mange du cresson infecté. Figure PL 2.19. Canaux biliaires de mouton infesté 2.2.1. Examen externe Figure PL 2.20. Une douve hépatique vue en totalité, pare transparence. La Douve mesure 2 à 3 cm de long. Comme la planaire, le corps blanchâtre de la douve est fortement aplati. La bouche s'ouvre à l'extrémité antérieure du corps, au niveau du cône céphalique et est entourée d'une ventouse. Une seconde ventouse est présente ventralement, à proximité de l’orifice génital. A l'extrémité postérieure du corps et dorsalement, se trouve un pore excréteur. La minceur et la faible pigmentation des téguments laissent entrevoir les organes internes de la douve. Sur ce schéma, on peut retrouver l’ensemble de ces structures. L’orifice du canal de Laurer, situé dorsalement, reçoit l’organe copulateur mâle lors de l’accouplement. Figure PL 2.21. Caractéristiques externes d’une douve hépatique 2.2. Examen interne Figure PL 2.22. Organes internes d’une douve hépatique 2.2.1. Tégument Les téguments ne comportent pas un épiderme classique, comme chez la planaire. La couverture externe est formée d’une couche de cytoplasme syncytial riche en mitochondries et en vésicules de pinocytose. A sa surface, on remarque une absence totale de cils, et la présence de replis irréguliers qui augmentent la surface d’échange. Cette masse cytoplasmique est constituée d’expansions cytoplasmiques de cellules mésenchymateuses dont les corps cellulaires sont situés sous la lame basale, au-delà des couches de cellules musculaires. L’abondance de mitochondries et la présence de nombreuses vésicules de pinocytose dans ces expansions cytoplasmiques révèlent l’existence de transports actifs intenses, probablement de nutriments, prélevés chez l’hôte parasité. Il est probable que cette disposition particulière participe également à la protection de la douve contre les enzymes digestives et le système immunitaire de l’hôte. A la surface du corps, on observe des épines qui sont insérées dans le cytoplasme superficiel. Il est possible que ces structures servent à la libération de substances assurant une défense chimique vis-à-vis de l’hôte. Figure XXX. Tégument de la douve 2.2.2. Mésenchyme Le mésenchyme est semblable à celui de la planaire, avec ici et là des cellules musculaires lisses circulaires et longitudinales. 2.2.2. Système locomoteur Le système locomoteur des douves est réduit par rapport à une planaire. L’absence totale de cils donne à la musculature un rôle prépondérant dans les déplacements qui demeurent néanmoins très réduits, et qui bénéficient des mouvements des fluides corporels de l’hôte. Une fois dans son hôte, la douve tend à bouger très peu, et s’arrime par ses deux ventouses aux tissus de l’hôte. 2.2.3. Système digestif La douve se nourrit par deux voies. La première, associée à une pinocytose active par l’épithélium tégumentaire, a été décrite plus haut. La seconde consiste en un pompage des liquides corporels de l’hôte par le pharynx situé dans la partie antérieure. Le liquide ainsi absorbé va s’écouler via un court œsophage dans des diverticules, les caeca, dont la paroi est constituée de cellules absorbantes (les phagocytes) et de cellules glandulaires libérant des enzymes lytiques. La digestion est donc en partie extracellulaire. Ce schéma pourrait être repris pour illustrer les systèmes digestif, reproducteur et excréteur. 2.2.4. Système respiratoire La douve ne possède aucun système respiratoire propre. Les gaz respiratoires sont échangés à tout endroit de la surface corporelle. Notez que la douve est capable de survivre avec des quantités d’oxygène extrêmement faibles, voire nulles, comme cela peut se produire localement dans les voies digestives de l'hôte. Dans ces circonstances, elle dépend d’une alimentation énergétique basée sur la glycolyse anaérobie. 2.2.5. Système circulatoire Comme mentionné dans la description du système digestif, la cavité gastro-vasculaire, qui assure la fonction de système circulatoire pour les nutriments, est très réduite. 2.2.6. Système excréteur Comme la planaire, la douve possède des protonéphridies, connectées à des tubules confluant vers un pore excréteur unique. Elles interviendraient dans l’excrétion de l’ammoniaque et l’osmorégulation. 2.2.7. Système nerveux Le système nerveux de la douve est très proche de celui de la planaire, avec une double chaîne nerveuse ventrale anastomosée. De nombreux récepteurs tactiles sont concentrés autours des ventouses. En revanche, la douve ne possède pas d’ocelles. 2.2.8. Système reproducteur Comme la planaire, la douve est hermaphrodite. Le système reproducteur, mâle et femelle, occupe la majeure partie du corps. Deux masses testiculaires ramifiées antérieure et postérieure sont placées au centre du corps et connectées par deux spermiductes qui se déversent dans une vésicule séminale commune, associée à un appareil copulatoire évaginable, le cirrus. Le système femelle comporte un seul ovaire, connecté à un utérus contourné. De très nombreuses glandes vitellogènes sont dispersées autours des masses testiculaires. Elles déversent leurs productions à la sortie de l’ovaire, via deux canaux vitellins, à proximité de l’intersection de l’oviducte avec une autre glande qui sécréterait un mucus utile à la lubrification de l’utérus. Lors de l’accouplement, chaque partenaire introduit son cirrus dans l’orifice génital de l’autre partenaire. Le sperme est amené dans un réceptacle séminal, connecté à l’oviducte, et les deux partenaires se séparent. Ensuite, les ovocytes passent dans l’oviducte où ils sont fertilisés par le sperme du réceptacle séminal, puis recouverts de cellules vitellines, avant d’être recouvert d’une enveloppe et transférés dans l’utérus. Une douve peut produire des quantités énormes d’œufs, jusqu’à plus de 100,000 fois la quantité produite par une planaire! La douve adulte, qui mesure quelques centimètres, vit dans les canaux biliaires d’un mammifère, dont l’homme. Lorsqu’elles sont nombreuses, elles peuvent causer de sérieux problèmes... Les œufs qu’elles produisent vont être envoyés dans les voies digestives de l’hôte, et passer dans les excréments de ce dernier. S’il atterrit dans l’eau, l’œuf éclot et forme une larve, le miracidium (ou miracidie). Sur cette photo, on peut voir à droite, un œuf éclos, et trois larves miracidies à gauche. Cette larve, ciliée et nageuse et longue d’une centaine de micromètres, présente une ébauche de système digestif, un système nerveux, des yeux, des muscles, et des amas de cellules indifférenciées dans la partie postérieure. La larve doit rapidement trouver un hôte, un mollusque de type limnée, et pénétrer dans son poumon pour continuer son développement. Là, elle se transforme en un autre stade de développement, le sporocyste. Ce stade est très simplifié: pas d’yeux, de cils, ni de tube digestif, mais un grand nombre de cellules germinales qui, par multiplication, donnent naissance à des larves rédies. Une larve rédie, contenant des larves cercaires en formation. Ces larves, pourvues cette fois d'un système digestif simple, et contenant encore des cellules embryonnaires, elles crèvent le sporocyste, et migrent depuis le poumon vers la glande digestive de leur hôte, où elles se nourrissent, grossissent, bourgeonnent pour former de nouvelles générations de rédies. Puis après un certain nombre de générations, les rédies forment en elles des cercaires. Ces douves miniatures de 300 µm, possèdent un appendice caudal, leur procurant une certaine mobilité. Des larves cercaires, avec leur appendice caudal. Elles sortent du mollusque en perforant ses tissus et nagent vers une plante aquatique, perdent leur queue, et sécrètent une enveloppe kystique. Ce stade enkysté est appelé métacercaire. Ce stade ne continuera son développement que lorsque la métacercaire sera avalée par un hôte convenable; à ce moment, la paroi du kyste est perdue, et la jeune douve se développe dans le tube digestif de l’hôte définitif où elle gagne les canaux biliaires et devient adulte. Chaque œuf pondu par la Douve adulte pourrait donner naissance à des dizaines de milliers de cercaires, étant donné la multiplication asexuée qui se produit dans le sporocyste et la rédie. Or la Douve pond des milliers d'œufs par jour ! L’hôte intermédiaire (mollusque) et les hôtes définitifs (mouton, vache, ... homme) se retrouvant dans le monde entier, la douve est cosmopolite. Les Douves irritent le foie, les canaux biliaires et produisent une atrophie hépatique. Le bétail en est très affaibli et peut même en mourir. Chez l'homme, cette parasitose, appelée distomatose, est redoutable par sa durée. Elle occasionne une fatigue, des douleurs abdominales et une fièvre continue. 3. Origine, diversité et évolution du groupe Quatre classes de platyhelminthes ont été identifiées. Les turbellariés, les trématodes, les monogènes et les cestodes. La planaire est représentative des turbellariés, qui comprend principalement des formes aquatiques libres. La douve hépatique appartient elle à la classe des trématodes, dont la plupart sont des endoparasites (qui vivent à l’intérieur de l’hôte). Les monogènes sont des vers principalement parasites externes (ectoparasites) recouverts d’un tégument semblable à celui de la douve. Enfin, les cestodes, dont le taenia est un des représentants les plus connus, forment une troisième classe de vers plats exclusivement endoparasites. Décrivons rapidement la structure d’un cestode parasite de l’homme, le ver solitaire ou taenia. Ce ver parasite l'intestin grêle de l'Homme à l'état adulte, et les muscles du Cochon, à l'état larvaire. Il mesure 2-3 mètres de long mais n'atteint au maximum qu'un cm de large. La partie antérieure est un petit renflement en massue, le scolex, gros comme une tête d'épingle et muni au sommet d'une couronne de crochets rigides et de 4 ventouses latérales. La partie antérieure du taenia, montrant le scolex et des proglottis. Le reste du corps est composé d'environ un millier de segments identiques, les proglottis, provenant d'un bourgeonnement continu du scolex. Le tégument, semblable à celui de la douve, protège à la fois le ver des sucs digestifs de son hôte, et permet l'absorption des nutriments. Des cellules musculaires sont présentes dans le mésenchyme. Le système nerveux comporte 2 ganglions cérébraux anastomosés dans le scolex, prolongés par deux cordons nerveux latéraux qui font toute la longueur du corps. Ce dernier ne présente aucune cavité gastrovasculaire. Un appareil excréteur formé de protonéphridies associés à des canaux sont présentes dans chaque proglotti. Le système génital hermaphrodite est construit selon un schéma semblable à celui de la douve. Les organes des deux sexes sont bien développés dans les segments moyens; en revanche, les proglottis antérieurs, plus jeunes, sont plutôt mâles; L'accouplement se réalise entre des proglottis antérieurs fonctionnellement mâles et des moyens, fonctionnellement femelles. Par cette disposition, les proglottis les plus postérieurs seront remplis d’oeufs. Ils peuvent se détacher, et transiter avec le bol alimentaire vers l’anus. Une fois éliminés dans les fèces, ces proglottis peuvent se désintégrer et libérer les oeufs, dont le développement peut démarrer s’ils sont ingérés par un nouvel hôte. Avant de poursuivre, faites l’exercice suivant: recherchez, chez le taenia, les caractéristiques communes avec la planaire et la douve. L’origine et l’évolution au sein du groupe des platyhelminthes sont sujettes à d’intenses débats au sein de la communauté des biologistes. L’existence même d’un clade qui rassemblerait tous les vers classés parmi les platyhelminthes est sujette à caution. En effet, aucune synapomorphie autre que la forme aplatie du corps ne permettrait de les distinguer des autres animaux triploblastiques! Les platyhelminthes sont des animaux à symétrie bilatérale, appelés Bilateria. Celle symétrie était déjà présente chez certains cœlentérés dérivés, comme les anthozoaires. Les platyhelminthes présentent les synapomorphies propres aux animaux triploblastiques: la présence du mésoderme, la céphalisation et la centralisation du système nerveux, et la présence d’organes vrais. Cependant, la simplicité morphologique de certains platyhelminthes, et la difficulté de mettre en évidence des synapomorphies propres à tous les platyhelminthes soutient l’idée que leur ancêtre serait à l’origine, non seulement de tous les platyhelminthes actuels, mais aussi de tous les protostomes actuels. Dans ce cas, le phylum des platyhelminthes serait un groupe paraphylétique, puisque leur phylum ne comprendrait pas toutes les lignées de leur ancêtre. Quelle pouvait être la structure de cet ancêtre? Actuellement, deux théories s’affrontent pour expliquer les origines des triblastiques. Selon la première théorie, l’absence de cavité corporelle pourrait être un caractère primitif (plésiomorphie) présent chez les premiers animaux triploblastiques. Cet ancêtre aurait donné naissance aux platyhelminthes modernes, ainsi qu’à tous les autres organismes triploblastiques dont certains auraient acquis une cavité corporelle coelomique. Une autre théorie suggère que les premiers organismes triploblastiques possédaient une cavité corporelle, le cœlome, creusée au sein du mésoderme. Nous en reparlerons dans les chapitres suivants. Les platyhelminthes pourraient avoir perdu cette cavité et adopté une forme aplatie. Nous verrons par la suite qu’une manière de perdre ce cœlome serait de conserver des caractéristiques propres à la larve, dans un processus qualifié de néoténie. Dans ce cas, l’absence de cavité serait une synapomorphie des platyhelminthes qui ne serait plus paraphylétique. L’absence de synapomorphies chez les turbellariés suggère que l’ancêtre des platyhelminthes était un turbellarié, qui aurait, d’une part, mené aux turbellariés actuels, et évolué, avec l’acquisition de nouveaux caractères (apomorphies), en cestodes, monogènes et trématodes. Ces trois groupes auraient un ancêtre commun. Dans le passé, un groupe supplémentaire était inclus dans le groupe platyhelminthes. Celui des acoelomorphes. Les dernières analyses suggèrent que ce groupe, serait proche des deutérostomes dont ils auraient perdu les cavités digestive et coelomique, ainsi que les fentes branchiales et ne devrait donc pas être inclus dans les platyhelminthes! Questions 1. De nombreux organismes d’eau douce limitent les problèmes d’entrée d’eau par une réduction de la perméabilité des téguments. Pourquoi les platyhelminthes n’ont-ils pas recouru à cette stratégie? 2. Les quelques espèces de platyheminthes terrestres sont confinés à des milieux extrêmement humides. Quelles en seraient les raisons? 3. En comparant la planaire et la douve, identifiez les adaptations de la douve au parasitisme. 4. Identifiez les avantages sélectifs, et les éventuels inconvénients, du cycle vital de la douve hépatique 5. Chez les cestodes de petite taille, la fécondation croisée est la règle. Pas chez les espèces de grande taille. Comment expliqueriez-vous cette différence?