Développer un contre-pouvoir efficace face aux - industriAll

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2nd Congress
industriAll Europe
Madrid 7-9/06/2016
Résolution Politique
Adoptée par le 2ème Congrès d’industriAll Europe le 8 juin 2016
En tant que fédération syndicale européenne, industriAll Europe doit se concentrer sur les intérêts essentiels
de ses membres.
Nos objectifs
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Créer des emplois de meilleure qualité, plus sûrs et bien rémunérés dans l’industrie européenne ;

Promouvoir des systèmes de négociation collective avec une large couverture pour obtenir de bonnes
conditions de travail partout en Europe ;

Développer un contre-pouvoir efficace face aux entreprises multinationales ;

Renforcer les syndicats en Europe et au niveau national par un travail de syndicalisation ciblée.
Une grande partie de l’Europe continue de traverser une période de stagnation économique et de recul social : le
chômage (en particulier le chômage des jeunes) est beaucoup trop élevé, les inégalités de richesse se creusent au sein
des pays de l’UE et entre eux, les conditions de travail se détériorent et la pauvreté progresse. Près d’un Européen sur
quatre est menacé par la pauvreté ; les jeunes, les femmes, les migrants ainsi que les retraités sont touchés de façon
alarmante. Cela est inacceptable.
Les politiques d’austérité et les réformes structurelles mises en place pour lutter contre la crise et dans le but de
rétablir la « compétitivité » des Etats membres ont échoué et ont encore accentué les problèmes sociaux. Ces mesures
idéologiques et dictées par des intérêts particuliers mettent sous pression de nombreux Etats membres qui souffrent
d’attaques sans précédent sur les salaires, la protection sociale et les droits des travailleurs et des syndicats. Ces
attaques se sont traduites par une augmentation des emplois précaires, par une baisse des salaires, et par plus de
flexibilité et d’insécurité des travailleurs. Les plans d’austérité nationaux et européens diminuent le pouvoir d’achat
et ont une influence négative sur la consommation, l’emploi et la juste répartition des salaires et des richesses. Ces
mesures démantèlent fondamentalement le corps même du modèle social européen, y compris les systèmes de
négociation collective, les systèmes de sécurité sociale et les droits sociaux individuels et collectifs, au détriment des
travailleurs, des citoyens et de la cohésion sociale.
Ces politiques compliquent la relance économique basée sur une hausse du pouvoir d’achat, des investissements, une
augmentation de la productivité et une concurrence entre les entreprises induite par l’innovation technologique et
sociale. Elles mènent à une concurrence à la baisse entre les entreprises, basée sur le dumping social. L’impact social
des politiques actuelles est énorme. Elles génèrent du chômage de masse et conduisent à une détérioration des
conditions de vie, pas seulement au sein de la zone euro mais bien dans toute l’Europe. Ces politiques s’inscrivent
dans les objectifs du capitalisme : l’individualisation des relations industrielles via l’affaiblissement des
règlementations collectives et des syndicats dans la plupart des pays et pas seulement dans le sud de l’Europe.
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Les politiques d’austérité déchirent l’Europe et créent des divisions entre les pays prospères et les pays en stagnation
de l’UE. Elles contraignent les travailleurs, entre et au sein même des pays, à se faire concurrence, ce qui nuit à chacun
d’entre eux. Le désespoir de nombreux travailleurs dans les pays les plus gravement touchés les pousse à migrer, à la
recherche d’un emploi temporaire ou permanent dans d’autres pays de l’UE et en dehors du marché du travail
réglementé, les mettant dans une situation de mobilité forcée plutôt que de libre circulation souhaitée.
L’incapacité de la classe politique à faire face à l’instabilité sociale éloigne un grand nombre de citoyens européens
des valeurs essentielles de démocratie et de solidarité et du projet européen. IndustriAll Europe s’oppose résolument
à la montée en Europe des forces xénophobes, nationalistes et anti-européennes et de l’extrémisme de droite.
Les décideurs politiques de l’UE ne peuvent pas se permettre d’ignorer les risques et les dangers de leur politique.
Nous avons d’urgence besoin d’une Europe basée sur les valeurs fondamentales de l’Europe telles que le progrès
démocratique, économique et social, la durabilité environnementale, la solidarité et l’égalité.
Les murs érigés à l’intérieur même de l’Europe sont une attaque au droit à la libre-circulation et au traité de Schengen,
sapant le fondement même de l’UE. La liberté de mouvement doit être garantie pour tous les hommes et toutes les
femmes au sein de l’UE.
Les terribles souffrances de ceux qui veulent échapper à la pauvreté, à la guerre et aux persécutions requièrent une
réponse européenne basée sur l’humanité, la solidarité et l’intégration. IndustriAll Europe exhorte l’Europe et les Etats
Membres de l’UE à surmonter leurs divisions et leur nationalisme et à apporter une réponse commune à cette urgence
humanitaire, au lieu de transformer l’Europe en une forteresse. Tous les pays d’Europe doivent endosser la même
responsabilité dans l’accueil des réfugiés. L’Europe doit aussi aider les pays en développement à résoudre des conflits
qu’elle a elle-même contribués à créer et soutenir leur développement économique afin d’améliorer la qualité de vie
des populations et leur capacité à subvenir à leurs besoins. Cela signifie aussi que l’Europe doit enfin supprimer les
causes de l’exode des réfugiés, y compris les accords commerciaux inéquitables. Les syndicats ont un rôle à jouer dans
l’intégration des réfugiés dans la société et ils ont une responsabilité particulière en s’assurant que les réfugiés ont
des conditions équitables sur le marché du travail. L’accès à l’apprentissage de la langue, à la formation et l’éducation,
aux soins de santé et à l’emploi est indispensable à une intégration juste dans la société. IndustriAll Europe refuse que
les réfugiés servent de main d’œuvre bon marché dans des emplois précaires.
Les droits sociaux, la protection sociale et les droits du travail doivent être au centre de l’ordre économique mondial.
Les gouvernements et les entreprises multinationales ne peuvent utiliser la mondialisation pour miner les droits des
travailleurs et des syndicats ni pour contourner les règlementations sociales. L’Europe doit prôner une mondialisation
équitable et durable, basée sur la reconnaissance de normes sociales, environnementales et fiscales fortes et efficaces,
en imposant notamment le respect des droits fondamentaux du travail lors de négociations de l’Organisation mondiale
du commerce (OMC) et de négociations d’accords de libre-échange.
IndustriAll Europe réclame que la nouvelle génération d’accords commerciaux tels que l’Accord économique et
commercial global (AECG) avec le Canada et le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP)
avec les Etats-Unis soit impérativement négociée avec l’objectif de servir l’intérêt public et pas les intérêts particuliers
de quelques investisseurs privés. Il faut à cet effet une politique commerciale qui repose sur un commerce équitable,
sur des normes élevées pour les salariés et en matière de santé et d’environnement au niveau mondial ainsi que sur
la démocratie et la transparence. IndustriAll Europe appelle à une politique commerciale et à des accords
commerciaux qui profitent aux travailleurs dans les secteurs industriels européens. Les accords commerciaux et les
accords en matière d’investissements ne doivent entrainer ni l’affaiblissement des normes sociales et
environnementales, ni la mise en place d’un système de règlement des litiges. Les salariés et leurs syndicats
s’opposeront fermement à tout accord n’apportant pas ces garanties.
Les politiques de l’Union européenne doivent être recentrées sur la promotion de politiques monétaires et
budgétaires axées sur la croissance durable et sur la justice sociale. L’UE mais aussi chaque Etat membre doit enfin
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prendre des mesures pour combattre le travail précaire, la pauvreté et le chômage des jeunes ainsi que pour assurer
l’avenir de l’industrie manufacturière et la création d’emplois industriels en Europe. Nous réclamons des emplois
durables et de qualité, qui assurent une rémunération juste et des conditions de vie et de travail décentes. Le
renforcement du dialogue social et des systèmes de négociation collective est à cet effet absolument nécessaire. Une
Europe plus sociale implique également la promotion de droits sociaux et de droits du travail décents, droits syndicaux
et droit de grève y compris. De plus, une Europe sociale est impossible sans une fiscalité juste, qui ne met pas en
concurrence les pays et leurs industries. Face aux stratégies des entreprises multinationales qui utilisent de manière
générale la mondialisation, et plus particulièrement les restructurations, pour opposer les travailleurs les uns aux
autres – souvent avec l’aide des gouvernements – les organisations affiliées à industriAll Europe s’engagent à renforcer
leur coopération pour défendre les intérêts des travailleurs à travers toute l’Europe. Afin d’empêcher un nouveau
nivellement vers le bas, en particulier dans les régions et les secteurs européens, le marché unique de l’UE doit être
un outil de progrès social pour tous et non un outil encourageant les profits privés. Il faut s’opposer activement à
toutes les formes de déréglementation inéquitable et de dumping social afin d’empêcher une pression à la baisse sur
les salaires et les conditions de travail ainsi que sur les structures de négociation collective.
IndustriAll Europe insiste également sur l’importance d’un dialogue social de qualité face à ces enjeux. Le dialogue
social est un instrument qui doit être utilisé pleinement et être reconnu par la Commission européenne, les
interlocuteurs sociaux et les autres acteurs européens pour répondre aux enjeux industriels et sociaux. En ce sens,
industriAll Europe condamne toute tentative de la Commission européenne de réduire les moyens et le rôle du
dialogue social européen.
Assurer l’avenir de l’industrie manufacturière & créer des emplois
industriels durables en Europe
Une base manufacturière forte et durable est essentielle pour la prospérité économique durable et la stabilité en
Europe. L’Europe a enfin abouti à un consensus sur le fait que les économies ne peuvent prospérer qu’en maintenant
une base industrielle forte et qu’un seuil critique d’industrie doit être assuré pour préserver la durabilité du modèle
économique et social européen. Toutefois, la crise, qui a été exacerbée par les mesures d’austérité récessives, a
enclenché un processus de désindustrialisation marqué par de nombreuses faillites d’entreprises et des pertes
massives d’emplois industriels, en particulier dans les pays les plus durement frappés par ces politiques.
Les travailleurs de l’industrie ont été les premières victimes de la crise financière, avec 3,8 millions de personnes ayant
perdu leur emploi. L’érosion de notre tissu industriel et la création d’une « désertification industrielle » dans certaines
régions doivent d’urgence être inversées pour stimuler l’activité économique et l’emploi, en mettant en place des
politiques de relance industrielle approuvées et coordonnées conjointement par les interlocuteurs sociaux à tous les
niveaux décisionnels politiques. Nous avons besoin de stratégies quant à la manière de reconstruire le tissu industriel
dans les pays en crise et à la manière de développer l’industrie dans les pays de l’UE les moins touchés.
L’Europe doit mettre un terme aux conséquences désastreuses de la crise financière et des politiques d’austérité sur
l’économie réelle et relancer l’économie en poursuivant des politiques macroéconomiques coordonnées fondées sur
la demande, combinant des augmentations de salaires destinées à augmenter le pouvoir d’achat à des dépenses
publiques massives. L’Europe a besoin d’investissements. Le plan Juncker est un petit pas en avant, mais il ne suffira
pas à compenser les investissements qui ont été perdus depuis 2008, et il est peu probable qu’il conduira à des
investissements importants dans les pays qui en ont le plus besoin. IndustriAll Europe soutient le plan « Une nouvelle
voie pour l’Europe » de la Confédération européenne des syndicats (CES) visant à investir 2 % du produit intérieur brut
(PIB) de l’UE par an pour les dix années à venir. Des politiques monétaires, fiscales et budgétaires axées sur la
croissance durable doivent être encouragées par les décideurs politiques et les banques centrales de l’UE.
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Il faut combattre la concurrence fiscale et le dumping fiscal dans l’UE. A cette fin, l’harmonisation de la fiscalité des
entreprises doit être encouragée tout en prenant des mesures contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale.
La crise a également révélé les failles de l’Union économique et monétaire (UEM), qui a encore été fragilisée et
déstabilisée par la crise grecque. La crise de l’euro ne peut être résolue qu’en mettant l’accent sur une meilleure
coordination économique et fiscale, en renforçant les efforts de la Banque centrale européenne (BCE) en matière de
financement de la dette souveraine, en assurant une meilleure répartition des charges dans la lutte contre les
disparités économiques entre les pays et en encourageant la relance de l’économie européenne. Les efforts de la BCE
ne peuvent porter leurs fruits sur le long terme qu’en étant accompagnés d’un renforcement de la demande interne
et de la mise en œuvre d’un plan d’investissements ambitieux. La consolidation de l’UEM ne peut aller de pair qu’avec
un développement massif de la dimension sociale, autrement les forces anti-européennes seront renforcées.
La domination continuelle de la sphère financière sur l’économie réelle doit prendre fin. La re-réglementation du
secteur bancaire doit garantir que les marchés financiers encouragent la croissance de l’économie réelle plutôt que
de la menacer. La crise financière continue de miner l’accès au financement, ce qui touche en particulier les PME qui
dépendent le plus du crédit bancaire. La création d’une union bancaire robuste à laquelle industriAll Europe a appelé
à maintes reprises, est donc absolument nécessaire pour restaurer un système financier qui soutient et développe
l’économie réelle.
Une stratégie de politique industrielle cohérente et globale doit relever un certain nombre de défis essentiels, qui ont
des impacts différents dans nos secteurs. Elle doit soutenir la transformation du secteur manufacturier européen en
un nouveau modèle de croissance basé sur des technologies durables, l’efficience énergétique, l’utilisation efficace
des ressources et une production pauvre en carbone, et assurer un agenda concret en matière d’investissement
industriel, une politique énergétique européenne efficace et des règles équitables en Europe et au niveau mondial. En
matière de politique industrielle, industriAll Europe défend une approche qui repose sur un équilibre juste entre les
questions transversales et sectorielles.
IndustriAll Europe préconise une politique industrielle et sectorielle axée sur l’emploi, qui relève les différents défis
de la numérisation et de l’automatisation dans le contexte de la mondialisation et de l’évolution démographique, en
adoptant une stratégie paneuropéenne et spécifique aux secteurs, dans l’intérêt des travailleurs.
L’Europe a besoin que toutes les institutions européennes adoptent une approche commune ambitieuse en matière
de politique industrielle (accompagnée de politiques industrielles nationales fortes et coordonnées dans tous les Etats
membres de l’UE), une approche qui reconnaît aussi les syndicats comme acteur politique central et le rôle du dialogue
social. Toutefois, l’Europe doit débloquer les moyens financiers permettant de mettre en œuvre cette politique. La
coopération entre les Etats membres de l’UE est plus que jamais nécessaire pour mutualiser les ressources et mobiliser
d’importants moyens financiers permettant de financer de grands projets industriels, en particulier dans la R&D et les
technologies de pointe. Nous avons besoin d’une politique industrielle qui ne repose pas uniquement sur les forces
actuelles des secteurs. L’innovation doit être encouragée tant dans les technologies de pointe que dans les industries
traditionnelles. Renforcer la coopération entre les fournisseurs de technologies de pointe et de milieu de gamme est
un élément essentiel de la capacité à innover de l’Europe.
L’industrie européenne souffre aujourd’hui non seulement d’une baisse des investissements globaux dans les sites
industriels et les équipements mais également dans un atout essentiel de l’Europe : ses citoyens et leurs compétences.
Des systèmes d’éducation de grande qualité combinés à d’ambitieuses stratégies d’apprentissage tout au long de la
vie sont essentiels pour le succès de l’Europe dans la concurrence mondiale, la gestion de la transition vers une
économie bas carbone, efficiente en ressources et en énergie et dans l’amélioration de l’employabilité des travailleurs.
Ces systèmes d’enseignement doivent encourager et développer des compétences spécifiques telles que les
compétences dans le domaine des TIC, de la science, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques. Le
renforcement du dialogue social est essentiel pour encourager l’émergence d’une main-d’œuvre hautement qualifiée
avec des emplois stables, sûrs et de qualité.
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Les salariés n’adhéreront aux objectifs d’une entreprise que si une réelle participation des travailleurs à ce que
l’entreprise prévoit et produit existe. Le dialogue social au niveau de l’entreprise est nécessaire pour permettre aux
salariés de contribuer à l’innovation. Cela ne sera possible que s’ils bénéficient de conditions de travail bonnes et sûres
et d’une bonne rémunération.
IndustriAll Europe estime que l’objectif premier de la politique environnementale de l’UE est d’assurer une juste
transition qui établit des synergies entre la compétitivité, la lutte contre le réchauffement de la planète, la promotion
de l’efficacité des ressources et des nouvelles technologies tout en créant des emplois de qualité. Les objectifs sociaux,
économiques et environnementaux ne doivent pas être opposés les uns aux autres mais être pris en compte de
manière égale dans la création d’une économie européenne durable et juste socialement. L’Europe est déjà leader
dans les technologies durables et elle devrait bénéficier de la demande croissante en éco-technologies et produits et
services plus durables. IndustriAll Europe s’engage à soutenir les synergies entre les politiques industrielles et
environnementales.
La compétitivité des prix de l’énergie revêt la plus grande importance pour préserver la compétitivité de l’industrie
européenne et notamment celle des industries énergivores. L’accès à une énergie abordable est également essentiel
pour protéger les foyers contre la précarité énergétique. La création d’une Union de l’énergie dans le but de mutualiser
les ressources, d’investir conjointement, d’intégrer pleinement le marché européen de l’énergie, de mieux coordonner
les politiques nationales et de travailler ensemble sur les grands sujets tels que la recherche, les émissions de gaz à
effet de serre et les contrats d’approvisionnement pourrait marquer un tournant pour l’UE en termes d’amélioration
de la sécurité énergétique, de coûts abordables et d’accès à l’énergie ainsi que de décarbonisation de l’économie.
L’Europe ne peut réussir la transformation de sa base manufacturière en une industrie durable qu’avec une dimension
sociale forte. Un dialogue social renforcé, une participation et un engagement ferme des travailleurs ainsi que des
politiques sociales actives dotées de ressources financières suffisantes sont essentiels pour anticiper et accompagner
le changement structurel. La participation des interlocuteurs sociaux et la mise en place de structures de dialogue
social solides sont un préalable à la transformation socialement responsable et durable de l’industrie européenne.
Renforcer la solidarité, la politique sociale & les négociations
collectives pour des emplois de qualité
Les politiques d’austérité n’apportent pas de solution à la crise, elles ne font que l’aggraver. Elles n’ont pas permis de
renouer avec la relance et ont contraint des millions de travailleurs au chômage – plus de 26 millions de personnes
sont aujourd’hui sans emploi dans l’UE – et un plus grand nombre encore à des emplois précaires avec le
remplacement croissant des salaires stables par des systèmes de rémunération variable et la baisse des salaires réels
dans 18 des 28 Etats membres de l’Union européenne.
Le programme de déréglementation imposé par la Commission européenne conjointement avec d’autres
organisations internationales non élus au suffrage direct telles que le FMI et la BCE a conduit à une attaque sans
précédent et non démocratique contre les conventions collectives, les systèmes de sécurité sociale, les droits acquis
et les droits sociaux ainsi que contre les systèmes de négociation collective eux-mêmes. Ce programme qui a été mis
en œuvre dans certains pays sans consultation adéquate des interlocuteurs sociaux (en dépit de leur rôle légitime) a
eu un effet désastreux sur les marchés européens du travail. Une tendance accrue à la décentralisation des
négociations collectives et davantage de pression pour plus de flexibilité aggravent le sentiment d’insécurité des
travailleurs. L’érosion des formes « standards » ou « typiques » des contrats d’emploi a donné naissance aux contrats
« zéro heures », aux emplois temporaires et à d’autres formes d’emplois précaires, créant une génération de
travailleurs pauvres. Cette situation affaiblit la durabilité financière des systèmes de soins de santé et de retraite.
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IndustriAll Europe est résolument opposée aux assauts néolibéraux contre les négociations collectives et les droits
acquis et emploiera et soutiendra tous les moyens syndicaux pour les contrer. IndustriAll Europe incite vivement les
dirigeants de l’UE à se détourner du programme de déréglementation, qui est économiquement et socialement
inacceptable et insoutenable. Ils doivent au contraire encourager un programme de re-réglementation assurant des
emplois de qualité, une amélioration des conditions de vie et de travail et une protection sociale adéquate. Elle
réclame également l’arrêt du programme REFIT qui, sous couvert de promouvoir un « meilleur programme de
réglementation », menace les droits fondamentaux du travail, la protection sociale des travailleurs et leur santé et
sécurité.
Les conventions collectives offrent des conditions de vie et de travail décentes à une majorité de travailleurs ainsi
qu’une paix sociale dans les entreprises et les relations professionnelles en général. En tant que telles, elles sont un
des principaux instruments qui règle les relations industrielles à travers l’UE et sont un pilier du modèle social
européen. IndustriAll Europe rejette toute ingérence dans l’autonomie des interlocuteurs sociaux aux niveaux national
et européen et réclame des systèmes de négociation collective renforcés avec des conventions collectives bénéficiant
à tous les travailleurs. A cet égard, industriAll Europe s’engage à renforcer le pouvoir des syndicats afin de conclure
des conventions collectives en plus grand nombre et de meilleure qualité, garantissant les conditions de vie et de
travail des travailleurs et une répartition juste des richesses et des salaires.
Des syndicats nationaux forts et des stratégies européennes de négociation collective étroitement coordonnées
restent des instruments essentiels de la lutte contre l’emploi précaire et le dumping social ainsi que de la protection
des normes sociales des travailleurs. IndustriAll Europe et ses organisations affiliées regagneront de la visibilité et du
pouvoir pour défendre les intérêts des travailleurs vis-à-vis des institutions de l’UE, des gouvernements nationaux et
des employeurs. Nous devons aussi identifier les synergies potentielles avec d’autres forces et mouvements sociaux
et politiques dans leur lutte pour de meilleures conditions de vie et de travail.
Une Europe sociale et démocratique ne peut exister sans organisations syndicales et patronales nationales fortes et
représentatives. De la même manière, une Europe sociale et démocratique ne peut exister sans droits à la négociation
collective pleinement développés.
L’UE souffre d’une augmentation alarmante de la pauvreté. De plus, les inégalités de richesse se creusent au sein des
pays de l’UE et entre eux. Le revenu réel baisse et les salaires accusent un retard par rapport à la productivité dans 23
Etats membres de l’UE. Il est urgent de stimuler la demande et la croissance et de compenser la baisse des niveaux de
vie en augmentant les salaires des travailleurs européens. C’est une question non seulement d’équité et de justice
sociale mais aussi de nécessité économique !
La crise a accentué la pression sur les travailleurs en faveur d’une organisation plus flexible du travail et d’une
augmentation du temps de travail réel. La réglementation du temps de travail et l’organisation du travail, qui
continuent d’être au cœur des négociations collectives, doivent défendre des solutions qui tiennent compte des
nouvelles évolutions technologiques telles que la numérisation de l’économie et qui conduisent à une amélioration
des conditions de vie et de travail des travailleurs. L’organisation du temps de travail, y compris la réduction de celuici par le biais de différents modèles, est un des instruments importants pour améliorer les conditions de travail et de
vie et peut mener à une redistribution du temps de travail. Trouver un meilleur équilibre entre temps de travail et vie
privée est l’une de nos préoccupations majeures. En période de crise économique, des politiques actives en matière
de temps de travail, qui assurent, créent et redistribuent l’emploi peuvent être un instrument important et utile.
Les problèmes d’emploi persistants ainsi que les emplois précaires, associés aux évolutions démographiques,
constituent des défis majeurs pour les systèmes de protection sociale de l’UE, qu’il s’agisse des régimes de retraite
(lorsqu’ils sont des régimes de retraite contributifs) ou des systèmes de santé. En outre, les travailleurs séniors sont
exclus du marché de l’emploi malgré le fait que, dans de nombreux pays de l’UE, la réforme des régimes de retraite a
généralement conduit à un recul de l’âge de la retraite et/ou à un allongement de la durée de cotisation permettant
de partir à la retraite. Dans ces circonstances, une hausse générale de l’âge de la retraite ne peut être la solution et ne
créera qu’une pression supplémentaire sur le chômage des jeunes. Il est important d’assurer la pérennité des systèmes
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de protection sociale et en particulier des régimes de retraite tout en défendant les principes d’un pilier de retraite
solide et de solidarité intergénérationnelle, le maintien des régimes de retraite contributifs, des retraites décentes et
un âge de départ à la retraite qui soit compatible avec une espérance de vie en bonne santé et tienne compte de la
pénibilité des conditions de travail.
Les changements dans la vie professionnelle, les nouvelles technologies, la concurrence mondiale et la démographie
sont autant d’enjeux qui requièrent un développement continu des conditions et de l’environnement de travail centré
sur la prévention des risques physiques et psychosociaux. Cela nécessite une politique/stratégie claire en matière de
santé et sécurité au travail ainsi qu’une mise en œuvre résolue par les décideurs politiques de l’UE. La législation
européenne et nationale en matière de santé et sécurité au travail doit être sans cesse améliorée. Il est également
important que le respect de la législation européenne et nationale en matière de santé et sécurité au travail soit
surveillé par les autorités compétentes au niveau national et que cette supervision soit au moins conforme aux normes
minimales européennes établies et/ou aux législations nationales améliorées. IndustriAll Europe ne peut pas
permettre que les lois européennes existantes ou futures en matière de santé et sécurité au travail soient affaiblies
par le programme REFIT.
Développer un contre-pouvoir efficace face aux entreprises
multinationales
Les disparitions d’entreprises, les licenciements, les restructurations, les transferts de production, les délocalisations
ou menaces de délocalisation qui ont été alimentés par la crise financière et économique sont autant de facteurs qui
accentuent la pression sur les travailleurs de l’industrie manufacturière en Europe. Les stratégies d’entreprise, qui
mettent en concurrence les travailleurs les uns contre les autres, engendrent du dumping social et des emplois
précaires et minent les droits syndicaux, ne sont pas acceptables. Nous réclamons au contraire un modèle de
gouvernance d’entreprise qui encourage la croissance durable des entreprises sur la base d’investissements
substantiels dans l’innovation, les technologies et les équipements ainsi que dans les personnes et ce, grâce à des
politiques de formation et de reconversion qualifiantes. Cela implique également de limiter l’étendue des emplois
précaires, de développer des emplois stables et de promouvoir l’évolution professionnelle au sein des entreprises.
L’implication des travailleurs, qui est un pilier du modèle social européen, est une valeur démocratique et
émancipatrice puisqu’elle encourage l’auto-détermination des travailleurs. Les entreprises sont clairement plus
stables et plus robustes lorsque les travailleurs contribuent activement à façonner l’avenir de leur entreprise en
participant à la définition des politiques d’entreprise. IndustriAll Europe condamne le fait que la Commission
européenne, ainsi que certains Etats membres de l’UE, remettent constamment en question et sapent les droits
existants à l’information, à la consultation et à la participation, qui sont perçus comme une charge potentielle pour les
entreprises plutôt que comme un élément essentiel et stable pour la gouvernance durable des entreprises, comme
c’est le cas avec le programme REFIT. Des normes élevées d’implication des travailleurs doivent être une priorité de
l’UE afin d’assurer l’exercice effectif de ces droits fondamentaux et de garantir l’anticipation et la gestion socialement
responsables du changement. Les droits à l’information et à la consultation aux niveaux national et européen doivent
être pleinement exercés mais aussi renforcés afin de garantir que les travailleurs prennent part aux décisions
stratégiques à un stade très précoce et qu’ils puissent avoir une influence sur les mesures planifiées et leurs
conséquences sociales. Il faut également atteindre des normes ambitieuses en matière de représentation des
travailleurs dans les conseils d’administration et les conseils de surveillance car il s’agit d’une source supplémentaire
d’influence des travailleurs. La législation européenne a un rôle clé à jouer en comblant l’écart entre les droits
nationaux à l’information, à la consultation et à la participation et les droits établis au niveau européen (par exemple :
la refonte de la Directive sur les comités d’entreprise européens, le statut de la société européenne en ce qui concerne
la Directive sur l’implication des travailleurs) afin d’assurer que les travailleurs peuvent exercer une influence au niveau
approprié et renforcer leur pouvoir de négociation au cours du temps.
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Les entreprises transnationales se sont imposées comme les principaux acteurs et les principaux vainqueurs de
l’intégration européenne. Tout en façonnant l’intégration économique et l’intégration sur les marchés de l’UE de
manière à répondre à leurs besoins, elles profitent également d’un modèle social européen fragmentaire qui, au lieu
d’encourager des normes sociales au niveau européen, donne naissance à un régime de concurrence entre les pays et
les régions qui, à son tour, alimente un « nivellement vers le bas ».
Bien que les décideurs politiques de l’UE doivent corriger d’urgence les lacunes juridiques qui nourrissent la
concurrence interne entre les législations sociales et fiscales nationales, industriAll Europe doit aussi renforcer les
efforts de coordination syndicale afin de formuler des réponses européennes et de contrer la pression exercée par les
entreprises multinationales. La coordination des syndicats dans les secteurs et les entreprises multinationales est
essentielle pour encourager un engagement mutuel à avancer ensemble, élaborer des stratégies communes et décider
d’actions conjointes au niveau européen. Les réseaux et alliances de syndicats ainsi que les organes d’information et
de consultation et la représentation dans les conseils d’administration et de surveillance – tant aux niveaux national
qu’européen – font tous partie de cette coordination.
Les processus de restructurations et de transition touchent toutes les entreprises et sont une caractéristique
permanente du développement économique. Toutefois, nous n’acceptons pas que les coûts des restructurations et
des changements, dans nos systèmes néolibéraux, soient exclusivement supportés par les travailleurs ou la société.
Le dialogue social, l’implication et la participation des travailleurs, les négociations et de solides structures de
représentation des travailleurs sont autant d’éléments essentiels pour une gestion socialement responsable du
changement. Avec la crise, les coûts sociaux des restructurations ont radicalement augmenté. Nous avons également
constaté qu’avec l’érosion des droits à la protection et à la participation en cas de restructurations, les moyens d’action
des représentants des salariés dans les différents pays européens sont de plus en plus inégaux. Dans certains pays, les
mesures d’austérité et la déréglementation ont affaibli les systèmes qui, auparavant, permettaient d’anticiper et de
gérer le changement de manière socialement responsable. Par conséquent, force est de constater des inégalités
croissantes dans le traitement des restructurations à travers l’Europe, et, dans un certain nombre de pays, le rôle des
représentants des travailleurs et des syndicats en matière d’influence et de négociation du changement a été
constamment miné. Parallèlement, nous avons aussi observé les résultats positifs d’une plus forte coopération et d’un
dialogue social bien établi dans d’autres pays. Il est clair que, pour garantir une gestion socialement responsable des
restructurations, à savoir que personne ne reste sans emploi ou dans un emploi précaire, des instruments de solidarité,
comme des réunions de coordination syndicale, la formulation de propositions alternatives communes et des journées
de mobilisation européenne, doivent être rétablis et renforcés. En outre, de nouvelles mesures doivent être élaborées
afin de garantir, d’une part, une meilleure anticipation du changement, en particulier grâce à des politiques de
formation ambitieuses et, d’autre part, qu’un système de protection soit offert aux travailleurs afin de garantir que
tous aient une alternative au licenciement. La responsabilité (financière et autres) des entreprises et en particulier des
entreprises multinationales doit être assurée en toute circonstance.
Renforcer le pouvoir syndical & l’identité d’industriAll Europe
Au vu de la crise économique, sociale et politique actuelle, nous réclamons une réorientation fondamentale du projet
européen qui, actuellement, n’est dominé que par un programme néo-libéral. L’UE doit d’urgence renouer avec les
valeurs de solidarité et de démocratie afin de retrouver la voie de la prospérité pour tous et la cohésion sociale.
Les syndicats européens sont à l’avant-garde d’une intégration européenne qui crée la prospérité, la cohésion sociale,
la paix et la liberté pour tous, ainsi que des emplois sûrs et de qualité et la justice sociale. IndustriAll Europe luttera
pour sa vision d’une Europe sociale. Pour ce faire, un développement industriel et économique solide, réglementé
démocratiquement et respectueux de l’environnement est absolument indispensable. Cependant, face à un
changement de paradigme qui remet en question le compromis existant et établi entre capital et travail, il ne suffit
pas de réclamer une Europe plus sociale. Il est temps d’agir !
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industriAll Europe
Madrid 7-9/06/2016
Les syndicats doivent adopter une stratégie plus offensive. Pour ce faire, il est essentiel que les syndicats soient forts
et unis. La défense des intérêts des travailleurs en Europe réside dans le renforcement de la solidarité entre les
travailleurs à travers l’Europe mais elle est également basée sur des syndicats nationaux forts.
IndustriAll Europe doit traiter la question de l’augmentation du pouvoir syndical. L’organisation, le recrutement et la
rétention des membres doit être une priorité majeure de nos affiliés nationaux. En plus des secteurs
traditionnellement bien organisés, il faut d’urgence poursuivre la syndicalisation des jeunes, des femmes, des migrants
et des cols blancs par le biais de politiques ciblées. Bien que cette tâche incombe manifestement aux syndicats
nationaux, industriAll Europe a également un rôle crucial à jouer dans la coordination des activités, des politiques et
des stratégies visant à regagner un pouvoir syndical. IndustriAll Europe développera ces activités en mettant l’accent
sur la promotion des bonnes pratiques et la coordination de projets et de mesures.
Les droits syndicaux sont un pilier fondamental des sociétés démocratiques, qui doit être défendu par tous et dans la
solidarité. Ceci nécessite que les syndicats aient une identité européenne forte.
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