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Maladie de Charcot : de
nombreuses pistes
Mots clés : MALADIE DE CHARCOT, NEUROLOGIE, PISTES
Par
Martine Lochouarn
18/10/2010 | Mise à jour : 17:59 Réagir
La mort du motoneurone dans la SLA résulte de mécanismes multiples pour la plupart
mal élucidés. Une multitude de pistes mobilise de nombreuses équipes de recherche,
notamment françaises.
La présence dans certaines SLA familiales, et parfois sporadiques, de mutations du gène SOD1,
impliqué dans le contrôle du stress oxydatif, serait à l'origine d'une susceptibilité accrue du
motoneurone à certains mécanismes toxiques. Récemment, d'autres mutations ont été
découvertes: celle du gène TDP43, qui se traduit par des agrégats de cette protéine anormale dans
le motoneurone, ou celle du gène FUS. On ne connaît pas précisément leur rôle, mais ces deux
gènes sont, comme le gène SOD1, très associés aux mitochondries, des structures dont dépend le
métabolisme énergétique au sein de la cellule. Or, des anomalies de morphologie et de
fonctionnement des mitochondries sont présentes au cours de la SLA dans le motoneurone et les
cellules environnantes. Un essai, Trophos, évalue l'intérêt d'un modulateur des pores de la paroi
des mitochondries.
La piste du glutamate
Par ailleurs, des taux anormalement élevés de glutamate ont parfois été retrouvés. Or le
glutamate, neuromédiateur naturel entre neurones, peut, en excès, être à l'origine d'une
hyperexcitation toxique pour les motoneurones. Le riluzole limite la toxicité du glutamate. Comme
l'indique Séverine Boillée, qui étudie à l'ICM* les interactions cellulaires dans la SLA, «la
dégénérescence des motoneurones provoque l'activation des cellules annexes qui l'environnent, les
astrocytes et la microglie. On peut imaginer que ces cellules, qui aident normalement à évacuer le
glutamate après l'excitation, aient perdu cette capacité dans la SLA, d'où l'accumulation toxique de
glutamate dans l'environnement du motoneurone».
La découverte, par l'équipe de Jean-Philippe Loeffler à Strasbourg et celle du Pr Meininger, d'une
protéine anormale, Nogo, dans le muscle des malades, pourrait aboutir à la mise au point d'un
marqueur spécifique de la maladie. Des essais sont en cours pour tester un anticorps anti-Nogo qui
permettrait son identification dans le muscle.
Hyperlipidémie
L'équipe de Jean-Philippe Loeffler s'intéresse surtout à l'hypermétabolisme qui semble à l'œuvre
dans la SLA, et que pourrait traduire la fonte musculaire observée chez les malades. «Le simple fait
de rendre une cellule musculaire hypermétabolique suffit à faire dégénérer le motoneurone
afférent. Des anomalies du métabolisme énergétique existent chez le modèle animal comme chez
les malades. L'hyperlipidémie semble par exemple protectrice.» À Limoges, le Pr Couratier cherche
à évaluer l'intérêt d'une alimentation hyperlipidique chez les malades.
L'activité physique intense semble être un facteur de risque, et les agriculteurs semblent plus
touchés. Ce qui ramène au glutamate et au métabolisme énergétique. Tout comme le taux
anormalement élevé de SLA relevées autrefois dans l'île de Guam, ou plus récemment chez les
vétérans de la guerre du Golfe. Ces observations paraissent compatibles avec l'implication de
cyanobactéries présentes dans l'environnement. Or, celles-ci libèrent du BMAA, un composé qui
mime l'effet du glutamate sur les motoneurones. Des études sont en cours, en France, pour tester
cette hypothèse dans des lieux où semble exister un excès de SLA.M. L.
* L'ICM, l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, est une fondation de recherche et de
soins de dimension internationale ouverte en septembre 2010 à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à
Paris.
LIRE AUSSI :
» Enquête sur la maladie de Charcot
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Les recherches progressent sur la sclérose latérale amyotrophique, une maladie
qui entraîne une paralysie progressive des muscles et des troubles de la motricité.
«De plus en plus d'arguments nous conduisent à penser que la sclérose latérale amyotrophique
n'est peut-être pas une maladie unique, mais plutôt un syndrome, un ensemble de symptômes.
Cela pourrait expliquer son caractère très hétérogène et pourquoi nous nous heurtons à ces échecs
dans la recherche de nouveaux traitements.» Le Pr Vincent Meininger, qui dirige au CHU PitiéSalpêtrière le centre référent d'Ile-de-France pour cette maladie neurologique, espère donc
beaucoup de l'étude transversale qui doit être lancée en janvier : l'étude et le suivi d'un millier de
malades devraient permettre de voir si l'extrême diversité de cette maladie ne masque pas en
réalité des sous-groupes différents, ce qui aurait des conséquences considérables sur l'orientation
des recherches futures.
Parfois appelée maladie de Charcot, du nom du neurologue qui l'a décrite voici plus de cent ans,
la sclérose latérale amyotrophique, ou SLA, est une grave maladie neurodégénérative. Elle se
caractérise par une paralysie progressive des muscles et par des troubles de la motricité dus à une
atteinte des neurones moteurs centraux et périphériques qui, du cerveau à la moelle épinière puis
au muscle, commandent les mouvements volontaires.
«Nous ne disposons d'aucun paramêtre permettant de prédire l'évolution pour un patient donné» affirme
le Pr Vincent Meininger, directeur du centre référent d'Île de France.
Avec 4 nouveaux cas par jour, la SLA frappe environ 5.500 personnes en France, soit 2,5 cas pour
100.000 habitants, trois fois plus entre 45 et 70 ans. Les premiers signes de la maladie sont très
divers et non spécifiques. Dans un tiers des SLA, dites bulbaires, l'atteinte concerne d'abord les
motoneurones innervant la face et le pharynx, et provoque par exemple des difficultés d'élocution,
de déglutition, une voix nasale… Dans les formes spinales, majoritaires, les motoneurones
innervant les membres ou le tronc sont touchés en premier. Cela peut se traduire par une difficulté
à effectuer certains gestes de la main, un trouble de la marche, etc. Les fonctions intellectuelles,
elles, ne sont jamais perturbées.
Aucun test biologique ou médical ne permet le diagnostic. «Celui-ci repose sur la présence de
signes cliniques compatibles avec la maladie, sur sa progressivité, et sur des examens
complémentaires qui permettent surtout d'écarter d'autres causes, explique le Pr Philippe Corcia,
neurologue et responsable du centre SLA régional de Tours. Mais l'évolution de la maladie est
totalement imprévisible, qu'il s'agisse de la localisation des atteintes ou de sa vitesse de
progression.» Celle-ci peut se compter en années, voire en décennies comme pour le physicien
anglais Stephen Hawking qui a pu poursuivre malgré tout sa carrière. «Mais nous ne disposons
d'aucun paramètre permettant de prédire l'évolution pour un patient donné», insiste le
Pr Meininger.
Origine multifactorielle
S'il n'existe aucun traitement curatif de la SLA, un médicament neuroprotecteur, le riluzole, ralentit
les effets de la maladie. Systématiquement prescrit, il est d'autant plus efficace qu'il est donné tôt.
La rapidité du diagnostic est donc importante. «Depuis la création des centres référents pour la
SLA, le délai entre l'apparition des premiers signes et le diagnostic est passé de 18 mois à 6,
7 mois», précise le neurologue. L'atteinte des fonctions respiratoires ou digestives est un facteur
de mauvais pronostic, d'où l'importance d'une prise en charge multidisciplinaire précoce pour en
limiter l'impact. «Mais certains malades nous sont encore adressés tardivement, ce qui constitue
une perte de chance», souligne le Pr Philippe Couratier, responsable du centre SLA régional de
Limoges.
L'origine multifactorielle de la SLA ne fait plus guère de doute. Elle semble impliquer des facteurs
environnementaux et des facteurs de risque génétiques, mais ses causes et les mécanismes en jeu
restent largement méconnus. La maladie, qui touche les adultes des deux sexes, comporte 5% à
10% de formes familiales, dont 20% présentent une mutation du gène SOD1, lié à la réponse au
stress oxydant. De nouvelles mutations sur les gènes TDP43 ou FUS ont été découvertes
récemment. La piste d'une toxicité du glutamate, un neurotransmetteur, reste aussi ouverte.
D'autres perturbations sont présentes, comme l'accumulation de protéines anormales dans le
motoneurone. «Le processus de dégénérescence touche non seulement le motoneurone, mais aussi
ses cellules annexes, astrocytes et microglie, ainsi probablement que le muscle, et cet ensemble de
perturbations est nécessaire au déclenchement de la maladie. Tout comme probablement les
interactions entre motoneurones et cellules inflammatoires», précise le Pr Meininger.
Compte tenu du caractère redoutable de la SLA, élucider ces mécanismes pour en tirer parti dans
de nouveaux traitements reste une priorité.
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Des structures de prise en charge
labellisées
Mots clés : MALADIE DE CHARCOT, centres SLA, Maisons départementales des personnes handicapées
Par
Martine Lochouarn
19/10/2010 | Mise à jour : 15:49 Réagir
Tout le territoire est couvert par les 17 centres SLA régionaux.
Beaucoup de spécialistes de maladies handicapantes regardent avec intérêt l'organisation, par
beaucoup d'aspects exemplaire, de la prise en charge des malades atteints de SLA. «Il y a 20 ans,
hormis dans quelques centres historiques comme Paris ou Angers, ces malades étaient surtout vus
au moment du diagnostic. Avec l'arrivée du riluzole en 1997, dont la prescription devait être
renouvelée, les neurologues ont été confrontés plus souvent à la maladie, aux difficultés des
patients, et ont commencé à structurer un ensemble de soins autour d'eux pour améliorer leur
prise en charge», rappelle le P r Corcia.
Après un livre noir sur la SLA et des états généraux en 2000, le ministère reconnaît la nécessité de
centres référents, labellise les plus expérimentés et en confie la coordination au centre SLA de
Paris que dirige le P r Meininger. En 2005, un protocole unique de diagnostic et de soins des
malades est adopté.
«Maintenant, tout le territoire est couvert par les 17 centres SLA régionaux. Que vous viviez en
Paca ou en Bretagne, l'un d'eux est à proximité, avec des neurologues, des pneumologues, des
rééducateurs, des ergothérapeutes, des psychologues, des nutritionnistes, etc., qui connaissent
bien la maladie.» Ces centres sont tous regroupés en un réseau permanent, coopèrent, et se
réunissent une fois par an pour partager et optimiser leur pratique.
Dès le diagnostic, le patient peut bénéficier de cette prise en charge médicale globale.
Actuellement, 80% des malades diagnostiqués sont suivis par un centre SLA. Chacun est reçu tous
les trois mois pour une évaluation médicale multidisciplinaire, dont les résultats sont communiqués
à tous les professionnels de santé qui le suivent. Des infirmières et des assistantes sociales
assurent la coordination, et le malade peut joindre le centre en permanence.
Un réseau de soins de ville dédié à la SLA complète dans quelques régions l'action de l'hôpital et
facilite la prise en charge à domicile. «L'adhésion des malades est volontaire. Nous comptions, en
2009, 295 malades pour 850 professionnels de santé, médecins, infirmiers, kinés, psychologues,
etc., ayant tous l'expérience de la SLA, que nous sollicitons selon les besoins, explique le
Dr Dominique Lardillier, qui anime le réseau Paca. Nous coordonnons leurs interventions,
cherchons les solutions adaptées aux divers handicaps, assurons la continuité des soins, le partage
des informations… Tout est centré autour des besoins du patient.»
Un rôle déterminant
La situation s'est aussi beaucoup améliorée avec la création en 2005 des MDPH *, qui financent et
soutiennent les malades handicapés de moins de 60 ans. «Mais les plus âgés sont souvent très
démunis et confrontés à d'énormes difficultés sociales.»
«Ces réseaux ont un rôle déterminant, insiste le Pr Meininger. Celui d'Ile-de-France prend en
charge 480 malades, et il y a un énorme besoin de coordination des soins de ville car le centre
référent est éloigné pour certains patients, et au bord de la saturation. Avec la restriction des
moyens des MDPH, qui sont un support important dans la SLA, et la rigueur budgétaire dont les
effets se font sentir tant sur les réseaux que sur le fonctionnement de l'hôpital, nous sommes donc
assez inquiets pour l'avenir.» M. L.
* Les Maisons départementales des personnes handicapées, créées en 2005 par la loi sur l'égalité
des droits des personnes handicapées, regroupent les prestations et services publics qui leur sont
destinés.
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Maladie de Charcot : de
nombreuses pistes
Mots clés : MALADIE DE CHARCOT, NEUROLOGIE, PISTES
Par
Martine Lochouarn
18/10/2010 | Mise à jour : 17:59 Réagir
La mort du motoneurone dans la SLA résulte de mécanismes multiples pour la plupart
mal élucidés. Une multitude de pistes mobilise de nombreuses équipes de recherche,
notamment françaises.
La présence dans certaines SLA familiales, et parfois sporadiques, de mutations du gène SOD1,
impliqué dans le contrôle du stress oxydatif, serait à l'origine d'une susceptibilité accrue du
motoneurone à certains mécanismes toxiques. Récemment, d'autres mutations ont été
découvertes: celle du gène TDP43, qui se traduit par des agrégats de cette protéine anormale dans
le motoneurone, ou celle du gène FUS. On ne connaît pas précisément leur rôle, mais ces deux
gènes sont, comme le gène SOD1, très associés aux mitochondries, des structures dont dépend le
métabolisme énergétique au sein de la cellule. Or, des anomalies de morphologie et de
fonctionnement des mitochondries sont présentes au cours de la SLA dans le motoneurone et les
cellules environnantes. Un essai, Trophos, évalue l'intérêt d'un modulateur des pores de la paroi
des mitochondries.
La piste du glutamate
Par ailleurs, des taux anormalement élevés de glutamate ont parfois été retrouvés. Or le
glutamate, neuromédiateur naturel entre neurones, peut, en excès, être à l'origine d'une
hyperexcitation toxique pour les motoneurones. Le riluzole limite la toxicité du glutamate. Comme
l'indique Séverine Boillée, qui étudie à l'ICM* les interactions cellulaires dans la SLA, «la
dégénérescence des motoneurones provoque l'activation des cellules annexes qui l'environnent, les
astrocytes et la microglie. On peut imaginer que ces cellules, qui aident normalement à évacuer le
glutamate après l'excitation, aient perdu cette capacité dans la SLA, d'où l'accumulation toxique de
glutamate dans l'environnement du motoneurone».
La découverte, par l'équipe de Jean-Philippe Loeffler à Strasbourg et celle du Pr Meininger, d'une
protéine anormale, Nogo, dans le muscle des malades, pourrait aboutir à la mise au point d'un
marqueur spécifique de la maladie. Des essais sont en cours pour tester un anticorps anti-Nogo qui
permettrait son identification dans le muscle.
Hyperlipidémie
L'équipe de Jean-Philippe Loeffler s'intéresse surtout à l'hypermétabolisme qui semble à l'œuvre
dans la SLA, et que pourrait traduire la fonte musculaire observée chez les malades. «Le simple fait
de rendre une cellule musculaire hypermétabolique suffit à faire dégénérer le motoneurone
afférent. Des anomalies du métabolisme énergétique existent chez le modèle animal comme chez
les malades. L'hyperlipidémie semble par exemple protectrice.» À Limoges, le Pr Couratier cherche
à évaluer l'intérêt d'une alimentation hyperlipidique chez les malades.
L'activité physique intense semble être un facteur de risque, et les agriculteurs semblent plus
touchés. Ce qui ramène au glutamate et au métabolisme énergétique. Tout comme le taux
anormalement élevé de SLA relevées autrefois dans l'île de Guam, ou plus récemment chez les
vétérans de la guerre du Golfe. Ces observations paraissent compatibles avec l'implication de
cyanobactéries présentes dans l'environnement. Or, celles-ci libèrent du BMAA, un composé qui
mime l'effet du glutamate sur les motoneurones. Des études sont en cours, en France, pour tester
cette hypothèse dans des lieux où semble exister un excès de SLA.M. L.
* L'ICM, l'Institut du cerveau et de la moelle épinière, est une fondation de recherche et de
soins de dimension internationale ouverte en septembre 2010 à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à
Paris.
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