Nombres premiers Dany-Jack Mercier IUFM de Guadeloupe, Morne Ferret, BP399, Pointe-à -Pitre cedex 97159, France [email protected] 14 mai 2002 Pré requis pour les Sections 1 à 4 : - Dé …nitions et proprié té s des ensembles N et Z, raisonnement par ré currence, - Divisibilité dans un anneau intègre, et en particulier dans Z, - Nombres premiers entre eux, Thé orème de Gauss. 1 Dé … nition et premières proprié té s Dé … nition 1 Un entier relatif n distinct de § 1 est premier si ses diviseurs sont les seuls diviseurs triviaux § 1 et § n. L’entier n est premier si et seulement si son opposé ¡n l’est. L’é tude des nombres premiers de Z se ramène à celle des entiers naturels premiers. Notons que n est premier si et seulement si n = ab entraî ne a = § 1 ou b = § 1. Lemme 1 Tout nombre di¤ é rent de § 1 admet un diviseur premier. Preuve : Si n 2 Nn f1g, l’ensemble des diviseurs de n strictement supé rieurs à 1 n’est pas vide, donc possède un plus petit é lé ment d. Montrons que d est premier. Si a est un diviseur de d strictement supé rieur à 1, alors a · d. Par transitivité de la relation ”divise”, l’entier a divisera n et donc d · a. En conclusion a = d et les seuls diviseurs positifs de d sont 1 et d. Lemme 2 Tout nombre premier est premier avec tout nombre qu’il ne divise pas. Preuve : Si p est premier, l’ensemble de ses diviseurs sera f§ 1; § pg et les diviseurs communs à p et à n, où n est un entier quelconque non divisible par p, appartiendront à f§ 1g. Lemme 3 Si p est premier, alors (pjab ) pja ou pjb): 0 [cari0007] v 1.00 http://perso.wanadoo.fr/megamaths °c 2002, D.-J. Mercier. Vous pouvez faire une copie de ces notes pour votre usage personnel. 1 Preuve : Si p ne divise pas a, p est premier avec a, donc p j b d’après le Thé orème de Gauss. Remarque : Les proprié té s des deux derniers Lemmes sont, en fait, des conditions né cessaires et su¢santes pour qu’un nombre p distinct de § 1 soit premier. En e¤ et : 1) Si p est premier avec tout nombre qu’il ne divise pas, soit p = ab. Si p ne divise pas a, p est premier avec a et le Thé orème de Gauss entraî ne pjb d’où b = pu et 1 = au d’où a = § 1. Si p divise a, a = pu entraî ne encore 1 = ub d’où b = § 1. Cela prouve que p est premier. 2) Supposons la proprié té “ pjab ) pja ou pjb” vraie pour tous a; b. Si p = ab, alors pja ou pjb. Si p divise a, alors a = pu, d’où 1 = ub et b = § 1. De la même manière pjb entraî ne a = § 1. 2 Thé orème fondamental de l’arithmé tique L’existence d’une division euclidienne dans Z permet de prouver que Z est un anneau principal. Un Thé orème classique montre que tout anneau principal est factoriel ([2], [3]) et par consé quent Z sera un anneau factoriel. Notons au passage que les mêmes raisonnements s’appliquent à l’anneau des polynômes à une indé terminé e K [X] lorsque K dé signe un corps commutatif. Nous donnons ci-dessous une preuve directe de la factorialité de Z. Thé orème 1 Théorè me fondamental. L’anneau Z est factoriel, autrement dit pour tout n 2 Zn f0; § 1g, 1) Il existe " 2 f§ 1g, des nombres premiers naturels p1 ; :::; pk distincts deux àdeux et des ®k 1 entiers naturels non nuls ® 1 ; :::; ® k tels que n = "p® 1 :::pk . 2) Il y a unicité de cette dé composition àl’ordre des facteurs près. Cela signi…e que ¯ ¯ ®k 0 1 m 1 n = "p® 1 :::pk = " q1 :::qm entraîne " = "0 , k = m et l’existence d’une permutation ¾ de Nk = f1; :::; kg telle que qi = p¾ (i) et ¯ i = ® ¾ (i) pour tout i. Preuve : On peut supposer n 2 N¤ et " = 1. L’existence et l’unicité se montrent chacune par ré currence sur n. ² Existence : Si n = 2, (p1 ; ® 1 ) = (2; 1). Si n > 2, n possède au moins un diviseur premier p d’après le Lemme 1, et l’on peut é crire n = pm avec m < n. Si m = 1, c’est …ni. Sinon on applique l’hypothèse ré currente à m pour obtenir une dé composition de n. ¯ ¯ ² Unicité : Elle est acquise si n = 2 puisque 2 = q1 1 :::qmm montre que qi divise 2 pour tout i, autrement dit m = 1, q1 = 2 et ¯ 1 = 1. Supposons que l’unicité soit dé montré e ¯1 ¯m ®k 1 jusqu’au rang n, et considé rons les é critures n + 1 = p® 1 :::pk = q1 :::qm avec ® 1 , :::, ® k , ¯ ¯ ¯ 1 , :::, ¯ m 2 N¤, et où les p1 , :::, pk , q1 , :::, qm 2 N sont premiers. pk divise q1 1 :::qmm donc divisera l’un des qi d’après le Lemme 3, par exemple pk jqm . Comme pk est premier, cela entraî ne pk = qm et n+1 ¯ ¯ ¡1 ®k ¡1 1 = p® = q1 1 :::qmm : 1 :::pk pk 2 On applique l’hypothèse ré currente à cette dé composition en distinguant deux cas pour que les exposant soient tous strictement positifs : si ® k = 1 alors ¯ m = 1 autrement qm diviserait l’un des pi avec i 6= k, absurde. Si ® k > 1, alors ¯ m > 1 autrement pk diviserait l’un des qi avec i 6= m, absurde. 3 In… nitude des nombres premiers Thé orème 2 L’ensemble des nombres premiers est in…ni (et donc dé nombrable). Preuve : Supposons par l’absurde que l’ensemble P des nombres premiers positifs soit …ni, et notons-le P = fp1 ; :::; pm g. L’entier naturel n = p1 :::pm + 1 est strictement supé rieur à 1, donc admet un diviseur premier dans P. C’est impossible car la division euclidienne de n par l’un quelconque des pi est toujours de reste 1. 4 Algorithmes de recherche des nombres premiers Lemme 4 Un nombre n 2 Nn f0; 1g est premier si et seulement si il n’admet pas de diviseur premier p tel que p2 · n. Preuve : Si n admet un diviseur premier p tel que p2 · n, ce diviseur est un diviseur non trivial de n, et par consé quent n n’est pas premier. Ré ciproquement si n n’est pas premier, il s’é crit n = ab avec 1 < a · b. Tout diviseur premier p de a (il en existe d’après le Lemme 1), vé ri…era p2 · a2 · ab = n: Remarque : On peut remplacer ”diviseur premier”par ”diviseur di¤ é rent de § 1”dans l’é noncé du Lemme. 4.1 Premier algorithme Pour savoir si n 2 Nn f0; 1g est premier, on le divise successivement par tous les entiers d supé rieurs à 2 et tels que d2 · n. Si l’une des divisions tombe juste, n n’est pas premier. Sinon, n est premier. En fait, si 2 ne divise pas n, il est inutile d’envisager les cas où d est pair, et ainsi de suite, de sorte que l’on puisse amé liorer l’algorithme en testant seulement les divisibilité s par 2 et par des nombres d impairs. program premier1; {reconnaî t si un nombre est premier ou pas} var n: longint; r,d: integer; begin write(’Nombre à tester : ’); read(n); r:=1; d:=1; while (d*d<=n) and (r<>0) do begin d:=d+1; r:= n mod d; 3 end; if r=0 then writeln(n, ’n’est pas premier et il est divisible par’,d) else writeln(n, ’est premier’); end. 4.2 Deuxième algorithme On dé cide si un nombre n tel que n est premier ou non en essayant toutes les divisions de n par les nombres premiers p vé ri…ant p2 · n. Pour cela il faut trouver tous les nombres p premiers infé rieurs à n. Exemple : 97 est-il premier ? Il n’est pas divisible par 2; 3; 5; 7; 11 et 112 ¸97, donc 97 est premier. program premier2 ; {recherche de la liste des nombres premiers infé rieurs à n} var p:= array[1..500] of longint ; m,n: longint ; r,s,i: integer ; begin write(’Chercher les nombres premiers compris entre 2 et ? ’); read(n); p[1]:=2 ; s:=1 ; m:=3; while m<=n do begin r:=1; i:=0; while (i<=s) and (p[i]*p[i]<=m) and (r<>0) do begin; i:=i+1; r:= m mod p[i]; end ; if r<>0 then begin s:=s+1; p[s]:=m; end; m:=m+1; end; writeln (’Il y a’, s ,’nombres premiers infé rieurs ou é gaux à ’, n); i:=0; repeat i:=i+1 ; writeln (’i =’, i ,’ ’, p[i]) ; until i=s; end. 4.3 Crible d’Eratosthène La mé thode utilisé e dans ce programme est celle du cé lèbre crible d’Eratosthène. Elle permet d’obtenir la liste des nombres premiers infé rieurs ou é gaux à un nombre n …xé à l’avance. La voici : - Choisir n, Ecrire la liste des nombres de 2 à n, Entourer 2, Supprimer tous les multiples de 2 dans la liste, 4 - Entourer le premier nombre non barré de la liste suivant 2, soit 3. Ce nombre ne possède pas de diviseur premier strictement infé rieur à lui, donc sera premier, - Supprimer tous les multiples de 3 dans la liste, - etc - S’arrêter dès que le dernier nombre entouré é levé au carré dé passe n. Tous les nombres premiers de la liste sont alors entouré s. Exemple : n = 40. Notons qu’on peut s’arrêter à 7 car 72 > 40. 11 21/ 31 2 12/ 22/ 32/ 3 13 23 33/ 4/ 14/ 24/ 34/ 6/ 16/ 26/ 36/ 5 15/ 25/ 35/ 7 17 27/ 37 8/ 18/ 28/ 38/ 9/ 19 29 39/ 10/ 20/ 30/ 40/ program eratosth ; {Crible d’Eratosthène} const n=100; {ou tout nombre infé rieur ou é gal à 32765} var p: array[2..n] of boolean; m,i,k: longint ; begin for i:=2 to n do p[i]:=true; {initialisation} m:=2; while (m<=n) do begin {é criture du dernier nombre premier m trouvé } writeln(m); k:=m; {suppression des multiples de m} while (k+m<=n) do begin k:=k+m; p[k]:=false; end; i:=m+1; {recherche du premier nombre non barré situé après m} while (i<=n) and (p[i]:=false) do begin i:=i+1; end; m:=i; end; end. 5 Application du Thé orème fondamental : calcul des PGCD et PPCM de 2 entiers Soient ½ ®n 1 a = up® 1 :::pn ¯ ¯ b = vp1 1 :::pnn les dé compositions en produit de facteurs premiers des deux entiers relatifs a et b. L’entier a divise b si, et seulement si, ® i · ¯ i pour tout i. En e¤ et a divise b si, et seulement si, 5 ° ° il existe c tel que b = ac. Si l’on note c = wp1 1 :::pnn la dé composition en produit de facteurs premiers de c, et si l’on utilise l’unicité de la dé composition de b, cela é quivaut à l’existence d’entiers naturels °i tels que ¯ i = ® i + °i pour tout i. ° ° Par consé quent, l’entier d = wp1 1 :::pnn divise a et b si, et seulement si, d divise ± = Inf(® ;¯ ) Inf(® ;¯ ) p1 1 1 :::pn n n , et ± sera un pgcd de a; b. En recommenç ant avec le ppcm, on obtient les formules : ( Inf(® ;¯ ) Inf(® ;¯ ) pgcd (a; b) = p1 1 1 :::pn n n ; Sup(®1 ;¯1 ) Sup(®n ;¯n ) ppcm (a; b) = p1 :::pn : 6 Remarques et complé ments 6.1 Table de Sundaram La table de Sundaram est un tableau carré in…ni construit de la faç on suivante. La 0-ième ligne et la 0-ième colonne du tableau contiennent les termes de la progression arithmé tique de premier terme 4 et de raison 3. La première ligne contient, de gauche à droite, les termes de la progression arithmé tique de premier terme 7 et de raison 5. Et ainsi de suite... La i-ème ligne contient, de gauche à droite, les termes de la progression arithmé tique de raison 3 + 2i. ligne 0 ligne 1 ligne 2 .. . ligne i .. . colonne 0 4 7 10 colonne 1 7 12 17 4 + 3i ¢ ¢ ¢ colonne 2 10 17 24 colonne 3 13 22 31 ¢ ¢ ¢ ¢ ¢ ¢ áraison 3 ¢ ¢ ¢ áraison 5 ¢ ¢ ¢ áraison 7 .. . ¢ ¢ ¢ áraison 3 + 2i Le nombre inscrit dans la i-ème ligne et la j-ème colonne sera Nij = 4 + 3i + (3 + 2i) j; de sorte que Nij = Nji et que le tableau soit symé trique par rapport à sa diagonale principale. On peut alors dé terminer si un nombre M donné est premier. Pour cela ont regarde d’abord si M = 2. Dans le cas où M 6= 2, on dé termine N tel que M = 2N + 1 et l’on utilise le Thé orème : Thé orème 3 Soit N 2 N¤. Alors 2N +1 n’est pas premier si et seulement si N est inscrit dans le tableau ci-dessus. Preuve : On a 2Nij + 1 = 8 + 6i + 6j + 4ij = (3 + 2i) (3 + 2j) donc 2Nij + 1 n’est pas premier. Ré ciproquement, tout nombre 2N + 1 qui n’est pas premier s’é crit 2N + 1 = ab avec a et b impairs et ¸ 3, donc s’é crit aussi sous la forme 2N + 1 = (3 + 2i) (3 + 2j) avec i ¸ 0 et j ¸ 0. Le calcul ci-dessus montre alors que N = Nij . 6 6.2 Complé ments sur l’in… nitude des nombres premiers Il existe de nombreuses preuves de l’in…nitude des nombres premiers. Celle que nous pré sentons ici est tiré e de l’article de Guinot [1] qui renvoit lui-même au numé ro de mars 1971 de l’American Mathematical Monthly p. 272. Notons P l’ensemble des nombres premiers (dans N). L’in…nitude de P est ici un simple corollaire du ré sultat suivant assez é tonnant : P 1 Thé orème 4 La somme p est divergente. p2P Preuve : On observe que tout entier naturel n ¸1 s’é crit de faç on unique sous la forme n = qc2 où q est un nombre sans facteurs carré s. Si N 2 N¤Ã, chacun des termes !à ! de la P 1 P 1 P 1 somme , donc n apparaissent dans le dé veloppement du produit q c2 q· N p· N 0 10 c· N 1 X1 X 1 X 1 A@ A: · @ n q c2 q· N n· N c· N P1 P 1 Cette iné galité , allié e au fait que la sé rie harmonique la sé rie n diverge et que P n2 1 1 1 1 converge (é crire n12 · n(n¡ = ¡ et sommer...), montre que la sé rie diverge. n¡1 n q 1) q· N P 1 Si la sé rie p convergeait vers un ré el a, on aurait p2P a P e ¸ep· N 1 p = Y p· N 1 ep ¸ Yµ 1+ p· N ¶ 1 : p En dé veloppant le produit …nal, on obtient en particulier tous les nombres et q sans facteur carré s, et l’on dé duit ¶ Yµ X1 1 a e ¸ 1+ ¸ p q p· N en contradiction avec la divergence de References 1 q avec q · N q· N P1 q. [1] M. Guinot, L’arithmé tique, pourquoi ?, APMEP 432, pp. 46-58, 2001. (Très bon article montrant en particulier que tout nombre premier de la forme 4n+1 s’é crit comme somme de 2 carré s, P et que la sé rie 1 p des inverses de nombres premiers est divergente, ce qui fournit encore une preuve de l’in…nitude des nombres premiers) [2] M.-P. Malliavin, Algèbre commutative : applications en gé omé trie et thé orie des nombres, Masson, coll. Maî trise de Mathé matiques Pures, 1985. [3] J. Querré , Cours d’Algèbre, Maî trise de Mathé matiques, Masson, 1976 (voir en particulier la page 65). [4] P. Tauvel, Mathé matiques Gé né rales pour l’Agré gation, Masson 1995. 7