Résumé de la conférence sur le cancer de la vessie et des voies excrétrices supérieures Le 13 novembre 2016, le Professeur Stéphane CULINE, chef du service d’oncologie médicale de l’Hôpital Saint-Louis a donné une conférence d’une heure sur le cancer de la vessie et des voies excrétrices supérieures. Description anatomique et histologique de l’appareil urinaire et de l’urothélium siège de la survenue du cancer L’arbre urinaire est caractérisé par un épithélium spécifique appelé urothélium qui recouvre les cavités excrétrices sur trois étages, le bassinet à l’intérieur du rein, les uretères entre le rein et la vessie, la vessie elle-même. C’est le contact avec les produits toxiques éliminés par voie urinaire qui peut transformer les cellules urothéliales en cellules cancéreuses. La fonction de réservoir de la vessie fait que son urothélium est en contact avec les toxiques de façon beaucoup plus prolongée que dans les étages supérieurs. C’est pourquoi 90% des cancers urothéliaux se développent dans la vessie, 10% dans les uretères ou les bassinets. La paroi de la vessie (et des voies urinaires hautes) comporte plusieurs couches tissulaires : au contact de la lumière, l’urothélium composé de couches cellulaires superficielles, intermédiaires et basales, limité par une membrane basale, un chorion, puis une couche musculaire dont l’importance est majeure pour le développement du cancer. En dehors de la couche musculaire, la graisse périvésicale la sépare des organes environnants, notamment du rectum chez l’homme et de l’appareil gynécologique chez la femme Epidémiologie et facteurs de risque Le cancer de la vessie touche 2.700.000 nouveaux cas par an dans le monde, représente 6% des cancers de l’homme et 2% des cancers de la femme. En France, d’après les données de 2011, l’âge médian des nouveaux cas est d’environ 70 ans, 1720 nouveaux cas féminins soit le 16° cancer en fréquence, 7.950 nouveaux cas chez l’homme, soit le 4° cancer en fréquence, la mortalité étant de 1098 femmes et 3384 hommes. On peut compter en gros 10.000 nouveaux cas et 4.500 décès par an. On peut cependant noter qu’en France, l’incidence comme la mortalité chez l’homme et chez la femme sont régulièrement en baisse depuis 1990 et jusqu’aux statistiques connues de 2005. Les facteurs de risque sont avant tout le tabac, responsable de deux cancers de vessie sur trois par le jeu des composés nicotiniques, puis les expositions professionnelles responsables d’un cancer de vessie sur cinq par les colorants, les élastomères, les teintures pour textiles, certaines peintures. Certains cancers sont iatrogéniques, après radiothérapie locale ou exposition à certains médicaments. Enfin, des agents infectieux, comme la bilharziose, ou d’autres agents irritants comme les calculs ou les sondes urinaires peuvent entrainer le développement du cancer. Enfin, et notamment dans les voies excrétrices supérieures, on peut trouver des formes familiales avec notamment des mutations constitutionnelles pouvant être à l’origine de tumeurs coliques et endométriales comme de tumeurs des voies excrétrices, pouvant toucher des sujets plus jeunes autour de 55 ans, qui doivent donc faire rechercher ces mutations transmissibles. Diagnostic, symptômes, bilan Le signe révélateur le plus fréquent est l’hématurie, et peut être la dysurie (difficulté d’élimination) ou la pollakiurie (fréquence excessive du besoin), parfois des signes révélateurs de métastases comme une gène respiratoire ou des douleurs osseuses. Le bilan repose d’abord sur la cystoscopie qui sans anesthésie générale (AG) permet de voir des lésions mais requiert une AG pour réaliser des prélèvements ou l’exérèse de toute lésion visible. La principale caractéristique de la tumeur est son degré d’extension dans la paroi vésicale. On distingue les tumeurs n’infiltrant pas le muscle (TVNIM) qui ne sont pas en principe la source de métastases mais peuvent être de bas ou de haut grade (pTa, pTis, pT1), et les tumeurs infiltrant le muscle (TVIM) de façon plus ou moins profonde, toutes de haut grade et pouvant être la source de métastases (pT2, pT3, pT4). La recherche de métastases est habituellement basée sur un scanner thoraco-abdomino-pelvien et une scintigraphie osseuse. Le traitement A) Pour les tumeurs n’infiltrant pas le muscle, le traitement est confié exclusivement aux urologues et basé sur la préservation vésicale, avec résection simple des tumeurs (pTa, tumeurs de bas grade), ou adjonction d’instillations endo-vésicales de mitomycine-C ou de BCG pour les formes plus sévères. L’arrêt du tabac est très important. On programme une surveillance périodique par cystoscopie pour repérer et traiter précocement, avant si possible l’infiltration du muscle, une récidive locale, et éviter si possible une perte de vue B) Le traitement des tumeurs infiltrant le muscle implique les chirurgiens urologues, les oncologues médicaux et éventuellement les radiothérapeutes. Le traitement standard est la cystectomie (pelvectomie antérieure chez la femme avec exérèse simultanée de l’appareil gynécologique et cysto-prostatectomie chez l’homme). Les uretères sont re-implantés soit dans un segment de tube digestif ouvert à la peau garnie d’une poche (montage de BRICKER) soit dans une néovessie fabriquée à partir d’une anse digestive et permettant d’éliminer les urines par voie naturelle (reconstruction vésicale au résultat fonctionnel plus incertain). Le résultat de la cystectomie est la guérison dans 70% des cas de pT2 mais seulement 30% des cas supérieurs à pT2, c’est pourquoi aujourd’hui la stratégie comporte une chimiothérapie néo-adjuvante (préopératoire) par MVAC ou CMV avant la cystectomie ce qui améliore de 5% le taux de survie à 5 ans. Y a-t-il des alternatives ? En cas d’impossibilité ou de refus de la cystectomie, on peut traiter par chimio-radiothérapie concomitante mais il n’y a pas eu d’essai randomisé pour démontrer une efficacité équivalente. C) Pour la maladie métastatique, le traitement est aujourd’hui la chimiothérapie, avec le cisplatine comme molécule de référence, notamment dans la combinaison dite MVAC (Méthotrexate, Vinblastine, Adriamycine, Cisplatine) mais aussi dans la combinaison GC (Gemcitabine, Cisplatine) prédominante en France pour sa meilleure tolérance. Il est parfois nécessaire de remplacer le cisplatine par le carboplatine, mais qui est moins efficace. En conclusion Pour les tumeurs non infiltrantes, il faut préserver la vessie, ne pas perdre de vue le patient, arrêter le tabac. Il est souhaitable de l’arrêter aussi dans les formes infiltrantes, qui impliquent une chimiothérapie péri-opératoire. Les résultats actuels impliquent le besoin de nouvelles molécules qui sont développées en ce moment dans les maladies avancées après la chimiothérapie, et en particulier les molécules d’immunothérapie qui favorisent la destruction des cellules tumorales par le système immunitaire. Ainsi en est-il du pembrolizumab, qui augmente de 13% la survie à un an et de 3 mois la médiane de survie, mais n’est pas encore validé dans toutes les situations du cancer de la vessie.