Communiqué de presse de la SFNEP Vendredi 12 juin 2009 Front commun européen pour lutter contre la dénutrition, un enjeu majeur de santé publique. A l’heure où ce communiqué est diffusé en France, les ministres européens de la santé et un panel d’experts mondiaux planchent ensemble à Prague, à l’initiative de la présidence tchèque, sur la lutte à mener contre la dénutrition en Europe, un enjeu de santé majeur encore trop méconnu. De la prise de conscience à l’action En France, comme dans toute l’Europe, pourtant parmi les régions les plus riches du monde, la dénutrition secondaire aux maladies les plus diverses reste un préoccupation majeure de santé pour les patients et pour les systèmes de soins, à l’hôpital comme à domicile. Cette situation a été soulignée récemment par l’Union Européenne, notamment par la publication en 2003 par une résolution du Conseil de l’Europe sur « L’alimentation et la prise en charge nutritionnelle à l’hôpital », suivie plus récemment d’une résolution analogue concernant les institutions de personnes âgées. A l’automne 2008, le parlement européen a décidé de faire de la lutte contre la dénutrition à l’hôpital et dans les différentes lieux de soins un des thèmes forts pour les 5 prochaines années de la stratégie commune « Ensemble pour la santé » au niveau de l’Union. La présidence tchèque reprend cette orientation en invitant à Prague les ministres de la santé des différents pays, en s’appuyant sur l’expertise européenne en nutrition clinique, pour définir les moyens d’une action concertée face à ce fléau de santé publique. Au cours de la prochaine présidence, confiée à la Suède, une conférence analogue sera consacrée à la dénutrition chez les personnes âgées, particulièrement concernées, en particulier dans le cadre institutionnel. La partie émergée de l’iceberg En Europe, à la différence de nombreux pays du tiers monde, la dénutrition ne se croise pas au coin des rues. C’est plutôt une maladie cachée, derrière les murs des hôpitaux, dans les institutions de personnes âgées et au domicile. Au moins 25% des patients qui rentrent à l’hôpital pour telle ou telle maladie sont déjà dénutris, ou à risque de dénutrition. En cours d’hospitalisation, du fait de l’aggravation liée à la maladie et, trop souvent encore, à l’insuffisance de prise en charge, la dénutrition peut toucher jusqu’à 40% des patients hospitalisés, et même plus dans certains services de gériatrie ou de réanimation par exemple. Globalement, on estime que la dénutrition touche au moins 5% de la population européenne générale, ce chiffre étant au moins doublé dès qu’il existe une maladie évolutive, en particulier chez les patients âgés. A titre d’exemple, une étude suédoise récente montre que, parmi les plus de 75 ans vivant à domicile, près de 15% sont concernés par la dénutrition, des données confirmant d’autres études françaises et européennes. La dénutrition peut être favorisées par de multiples pathologies, médicales et chirurgicales. A son tour, elle entraîne une augmentation marquée du risque de complications, de comorbidités, une dégradation de la qualité de vie et un recours accru aux soins aussi bien à domicile que dans les hôpitaux ou les institutions de convalescence ou de personnes âgées. Au bout du compte, les patients dénutris ont une mortalité plus élevée que les patients en bon état nutritionnel. Une grande étude européenne (Nutrition Day) menée à l’iniative de la Société Européenne de Nutrition Clinique (ESPEN) a permis d’évaluer l’état nutritionnel de 70 000 patients institutionnalisés. A partir de ces résultats, et de ceux d’autres études en particulier anglaises,il est possible d’estimer que plus de 30 millions d’européens souffrent de dénutrition. Le coût lié à cette dénutrition a été estimé à 15 milliards d’euros au Royaume Uni, soit une extrapolation d’au moins 170 milliards d’euros à l’échelon européen. Un appel à des actions concertées De très nombreuses études ont montré qu’il est possible d’agir efficacement. Il existe des outils simples et validés pour évaluer l’état nutritionnel, et la prise en charge active nutritionnelle active des patients dénutris améliore leur évolution clinique, réduit les complications, en particulier infectieuses ou de cicatrisation, améliore la qualité de vie, réduit les durées d’hospitalisation et les coûts de santé. Cette prise en charge est très « coût-efficace », une étude réalisée au Royaume Uni montrant par exemple que le coût de la prise en charge nutritionnelle ne représente que 2,5% du coût liés aux complications de la dénutrition. D’autres études montrent que les économies générées par l’utilisation de compléments nutritionnels oraux à l’hôpital sont de l’ordre de 1000 € par patient, principalement grâce à la réduction de la durée de séjour et des besoins d’autres prises en charge. Dans ce contexte, la France est certainement déjà parmi les plus mobilisés. Dans le cadre du Programme National Nutrition Santé (PNNS), depuis 2001, et au travers de la Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme, de nombreuses initiatives ont été lancées pour promouvoir le dépistage systématique de la dénutrition, et former les équipes médicales et paramédicales à la prise en charge de la dénutrition. La Haute Autorité de Santé a promulgué des recommandations fortes et l’évaluation nutritionnelle fait maintenant partie des figures imposées pour tout patient hospitalisé, et figure dans les critères d’accréditation. Les acteurs de la prise en charge nutritionnelle à l’hôpital se retrouveront le 19 juin prochain au Mans pour la journée nationale des CLANs (Comité de Liaison Alimentation Nutrition).Toutefois, beaucoup reste à faire encore pour transcrire ces recommandations consensuelles en pratique quotidienne. Plus globalement, à l’échelon européen, les freins à la mise en œuvre d’actions plus systématiques d’évaluation et de prise en charge nutritionnelle semblent liées à une méconnaissance de ce problème dans la population générale mais aussi une conviction encore insuffisante de la part des décideurs et des professionnels de santé. Face à ce défi, la Société Européenne de Nutrition Clinique, en concertation avec les sociétés savantes analogues (en France, la Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme), en collaboration avec l’Alliance Européenne « Nutrition for Health », développe une forte action concertée pour améliorer la prise en charge nutritionnelle. Pour améliorer la prise en charge de la dénutrition, les objectifs visés sont : améliorer la prise de conscience du grand public développer l’éducation thérapeutique des patients définir et diffuser des recommandations de prise en charge développer la formation en nutrition clinique rendre systématique le dépistage de la dénutrition développer des programmes nationaux en nutrition renforcer la recherche dans le domaine de la dénutrition En phase avec les ministres réunis en conférence à Prague, les experts européens en nutrition clinique sont prêts à développer ce mouvement pan-européen pour limiter les conséquences de la dénutrition en Europe. En unissant la volonté politique et l’expertise médicale et scientifique, il est possible de faire face ensemble à ce défi majeur de santé publique que représente la dénutrition. Pr Xavier HEBUTERNE, Président de la Société Francophone Nutrition Clinique et Métabolisme Pr Olle LJUNGQVIST, Président de la Société Européenne de Nutrition Clinique Frank de Man, Secrétaire Général, Alliance Européenne « Nutrition for Health » Contact presse : Agence KNoé : [email protected] tel : 01 56 20 28 28 www.sfnep.org (Société francophone) www.espen.org (Société européenne) www.sante.gouv.fr (Ministère de la santé, rubrique nutrition) www.clan2009.com (journée des CLANs le 19 juin)