Analyses Stat 2007 - n° 01 Thérapeutiques Maladie de Parkinson Entre octobre 2005 et septembre 2006, parmi les personnes traitées pour maladie de Parkinson, 10 % ont eu au moins une prescription de neuroleptiques anti-psychotiques, 6 % une prescription de neuroleptiques anti-émétiques. Une association médicamenteuse déconseillée ou contre-indiquée était retrouvée chez 29 % des personnes traitées par inhibiteur de la COMT1. Parmi les patients parkinsoniens traités par anti-cholinergiques, 13 % avaient un traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate et/ou du glaucome. La maladie de Parkinson idiopathique est une affection dégénérative d’étiologie inconnue, touchant initialement les neurones dopaminergiques du locus niger et atteignant environ 1,5 % de la population âgée de plus de 65 ans [1-2]. Le traitement vise à rétablir un équilibre entre les neurones dopaminergiques et les neurones cholinergiques : - essentiellement en augmentant l’activité dopaminergique, par apport de dopamine sous forme de L-Dopa (précurseur de la dopamine) ou d’agonistes dopaminergiques, - ou en inhibant les enzymes impliqués physiologiquement dans la destruction de la dopamine (monoamine oxydaxe, COMT1), - ou bien en limitant l’activité du système cholinergique par les médicaments atropiniques. La L-Dopa a largement fait la preuve de son efficacité à long terme sur la triade symptomatique de la maladie de Parkinson idiopathique. Cependant, des complications motrices, souvent sévères, fluctuations motrices et dyskinésies, apparaissent dans 86 % des cas après la période de « lune de miel »[1,3-5]. Au cours de l’évolution de la maladie de Parkinson idiopathique, certaines situations fréquentes sont à l’origine d’associations de médicaments à risque d’interactions : l’association d’antiparkinsoniens chez des malades pour lesquels la L-Dopa ne suffit plus, l’utilisation de médicaments qui interagissent avec la pathologie parkinsonienne et aggravent les troubles extra-pyramidaux comme les neuroleptiques ou les anti-dépresseurs. A partir des données de remboursement, l’objectif de ce numéro est de faire l’état des lieux des 1 COMT : Catécho-O-Méthyltransférase Sommaire 1. Choix thérapeutiques ........................... 2 2. Médicaments aggravant les troubles extrapyramidaux ....................................... 3 3. Les agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot de seigle .................................. 3 4. Les inhibiteurs de la COMT .................. 4 5. La sélégiline ....................................... 4 6. Les anti-cholinergiques .......................... 4 7. Références ........................................ 4 thérapeutiques médicamenteuses indiquées dans la maladie de Parkinson idiopathique et de rechercher les associations médicamenteuses pouvant recouvrir un risque potentiel. 1. Choix thérapeutiques • Les références[1] En l’absence de retentissement moteur, les traitements médicamenteux ne sont pas indispensables. Tableau I - Répartition de la population étudiée selon les associations thérapeutiques, Auvergne, octobre 2005 à septembre 2006 Fréquence (%) Traitement L-Dopa seule 50,6 50,6 Dopaminergiques seuls 17,5 68,1 Dopaminergiques + L-Dopa 7,0 75,1 (L-Dopa et/ou Dopaminergiques) + inhibiteurs de la COMT 6,8 81,9 Anticholinergiques seuls Autres Lorsqu’il existe un retentissement fonctionnel, l’âge du patient conditionne le traitement : - chez le sujet jeune, il convient de privilégier les agonistes dopaminergiques, le plus longtemps possible. Le recours à la dopathérapie se justifie en cas d’intolérance ou de réponse thérapeutique insuffisante. La dose de L-Dopa devra rester la plus faible possible, - chez le sujet âgé, la L-Dopa peut être utilisée en première intention. L’apparition d’un déclin cognitif doit conduire à utiliser les doses minimales efficaces. • Les pratiques observées La population étudiée comprenait 3 799 personnes dont 89,5 % ont bénéficié d’au moins un traitement par L-Dopa. 87,8 100,0 100 Anticholinergiques L-Dopa 80 Dopaminergiques 60 40 20 0 40-44 Plus de la moitié de la population étudiée a été traitée uniquement par L-Dopa et 17,5 % uniquement par dopaminergiques (Tableau I). 5,9 12,2 Le recours à la L-Dopa (utilisée seule ou en association) augmentait avec l’âge, tandis que le recours aux dopaminergiques ou aux anticholinergiques (utilisés seuls ou en association) diminuait avec l’âge (Fig. 1). % de patients avec au moins une presc. remboursée Lorsque la gêne est minime : agonistes dopaminergiques, sélégiline, anticholinergiques peuvent être utilisés en fonction du symptôme prédominant et de l’âge. Fréquence cumulée (%) 50-54 60-64 70-74 80et+ Classe d'âge Fig. 1 - Pourcentage de patients avec au moins une prescription remboursée de L-Dopa, dopaminergiques et anticholinergiques, selon l’âge, Auvergne, octobre 2005 à septembre 2006 Méthode : Origine des données Le régime général de l’Assurance maladie des travailleurs salariés dispose d’une base de données où sont enregistrées toutes les prescriptions remboursées aux assurés sociaux avec l’identification précise des médicaments (sous forme de code CIPa). La population étudiée était l’ensemble des assurés et bénéficiaires du régime général des travailleurs salariésb stricto sensu, affiliées dans l’une des quatre caisses primaires d’Assurance maladie de la région Auvergne et auxquels a été remboursé entre octobre 2005 et septembre 2006 au moins un médicament anti-parkinsonien. Nous avons exclu : - les patients ayant eu des remboursements d’anti-cholinergiques associés à des neuroleptiques compte tenu de leur utilisation comme correcteurs des effets extra-pyramidaux et neuroleptiques, - les patients âgés de moins de 40 ans, compte tenu de la rareté de cette affection chez les sujets jeunes. a Le code CIP (Club Inter-Pharmaceutique) est le numéro d’identification à sept chiffres de l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) attribué à chaque spécialité pharmaceutique et publié au Journal Officiel. b La région Auvergne compte 1 332 065 habitants dont 81 % sont affiliés au régime général. 2 Les anti-parkinsoniens Principe actif L-Dopa + inhibiteurs de la dopadécarboxylase Nom commercial Modopar, Sinemet Agonistes dopaminergiques BROMOCRIPTINE LISURIDE PERGOLIDE PRAMIPEXOLE ROPINIROLE Bromokin, Parlodel Dopergine Celance Sifrol Requip Inhibiteurs de COMT ENTACAPONE TOLCAPONE Comtan Tasmar L-Dopa + inhibiteurs de la dopadécarboxylase et de la COMT IMAO B SELEGILINE Stalevo Deprenyl, Otrasel ANTI-CHOLINERGIQUES Akineton, Artane, Lepticur, Parkinane AMANTADINE Mantadix 2. Médicaments aggravant les troubles extrapyramidaux Les neuroleptiques anti-psychotiques • Les références[6] Il existe un antagonisme réciproque entre les neuroleptiques anti-psychotiques (à l’exception de la clozapine) et 1/ la lévodopa, 2/ les dopaminergiques. Deux situations fréquentes posent des problèmes d’interaction : - un syndrome parkinsonien préexistant peut être aggravé par un neuroleptique, prescrit dans le cas de troubles psychotiques provoqués par les dopaminergiques. - le syndrome parkinsonien peut être un effet indésirable du traitement neuroleptique. Les médicaments dopaminergiques ne sont pas efficaces pour traiter ce syndrome parkinsonien. Il convient d’utiliser un anti-parkinsonien atropinique. Selon les RCP2, les neuroleptiques anti-psychotiques sont déconseillés en association avec la L-Dopa et les dopaminergiques. Si un anti-émétique est nécessaire, il est préférable d’avoir recours à des substances ayant moins d’actions antidopaminergiques centrales (notamment des antihistaminiques). La dompéridone est un neuroleptique proche du métoclopramide qui semble avoir moins d’effets centraux aux doses habituelles (le passage de la barrière hématoencéphalique semble faible). • Les pratiques observées Six pour cent de la population étudiée a eu au moins une prescription remboursée de neuroleptiques anti-émétiques. Le metopimazine (Vogalène) représentait 54,2 % de ces prescriptions, le metoclopramide (Primpéran, Prokinyl) 45,5 % et l’alizapride (Anausin) 0,3 %. Vingt quatre pour cent de la population étudiée a eu au moins une prescription remboursée de dompéridone (Motilium) et 0,3 % au moins une prescription d’autres anti-émétiques dépourvus d’effets neuroleptiques. • Les pratiques observées Dix pour cent de la population étudiée a eu au moins une prescription remboursée de neuroleptiques anti-psychotiques. Parmi les patients traités par L-Dopa et/ou dopaminergiques, 9 % ont eu au moins une prescription remboursée de neuroleptiques anti-psychotiques. La clozapine représentait 18 % des neuroleptiques remboursés (Tableau II). Tableau II - Neuroleptiques prescrits à des personnes avec au moins une prescription remboursée de L-Dopa et/ou de dopaminergiques, Auvergne, octobre 2005 à septembre 2006 Nb de presc. remboursées Fréquence (%) Fréquence cumulée (%) RISPERIDONE 332 19,3 19,3 CLOZAPINE 311 18,1 37,4 HALOPERIDOL 229 13,3 50,7 TIAPRIDE 170 9,9 60,6 CYAMEMAZINE 161 9,4 70,0 OLANZAPINE 152 8,9 78,9 AUTRES 362 21,1 100,0 1717 100,0 Classe ATC Total Les neuroleptiques anti-émétiques • Les références[6] Les médicaments dopaminergiques provoquent des nausées et vomissements et bon nombre d’anti-émétiques (tels le métoclopramide, l’alizapride ou le métopimazine) sont des neuroleptiques cachés. Ces neuroleptiques anti-émétiques ne doivent pas être utilisés chez le patient parkinsonien. 3. Les agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot de seigle : bromocriptine, lisuride, pergolide • Les références[6] Il est déconseillé de les associer avec d’autres dérivés de l’ergot de seigle (comme l’ergotamine, la dihydroergotamine et la méthylergométrine) et avec des sympathomimétiques indirects (comme l’éphédrine, la phénylpropanolamine, la phényléphrine et la pseudoéphédrine). Ces associations exposent à un risque de vasoconstriction et de crises hypertensives. Selon les RCP2, les macrolides (sauf la spiramycine) sont déconseillés en association avec les agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot de seigle. Ces associations, dont le risque est moins bien étayé que celui des associations « macrolides et dérivés de l’ergot de seigle anti-migraineux », exposent tout de même à des risques de crise hypertensives ou de vasoconstriction coronaire. • Les pratiques observées Parmi les personnes avec au moins une prescription remboursée d’un agoniste dopaminergique dérivé de l’ergot de seigle, 7 % ont eu au moins une prescription remboursée associant un agoniste dopaminergique dérivé de l’ergot de seigle à un autre dérivé de l’ergot de seigle (5,8 %) ou un macrolide (1,2 %). 2 L’Autorisation de Mise sur le Marché d’un produit de santé est accompagnée d’un Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) - (défini par l’art. L 5128-2 du Code de la Santé Publique). Les monographies des spécialités du dictionnaire VIDAL® sont élaborées à partir des RCP. 3 4. Les inhibiteurs de la COMT 6. Les anti-cholinergiques • Les références[6] • Les références[6] Il existe un risque de crise hypertensive en cas d’association de ces inhibiteurs à un IMAO non sélectif (iproniazide). Cette association est contre-indiquée. Les médicaments anti-cholinergiques commercialisés en France pour le traitement de la maladie de Parkinson et des syndromes extra-pyramidaux induits par les neuroleptiques sont le bipéridène, le trihexyphenidyle et la tropatépine. Ils ont un effet antiparkinsonien faible comparé à celui de la lévodopa, et agissent surtout sur le tremblement et l’hypertonie. Du fait de l’expérience limitée, ces produits devront être utilisés avec prudence chez des patients traités par : les IMAO sélectifs A ( tels que le moclobémide) , les IMAO sélectifs B ( tels que la sélégiline), les antidépresseurs imipraminiques, les antidépresseurs ayant un effet inhibiteur de la recapture de la noradrénaline (tels que la venlafaxine et le milnacipran) et les médicaments métabolisés par la COMT (tels que l’adrénaline, la noradrénaline, la dobutamine, l’isoprénaline, l’apomorphine, la paroxétine, la méthyldopa). • Les pratiques observées Parmi les personnes avec au moins une prescription remboursée d’un inhibiteur de la COMT, 29 % ont eu au moins une prescription remboursée associant un inhibiteur de la COMT avec un médicament contre-indiqué ou nécessitant des précautions d’emploi. La sélégiline, la paroxétine et la venlafaxine étaient les principes actifs les plus fréquemment associés. 5. La sélégiline • Les références[6] Plusieurs médicaments, en association avec la sélégiline, sont contre-indiqués ou déconseillés car ils exposent à des risques de syndrome sérotoninergique et de crise hypertensive : la péthidine, le tramadol, les triptans et les antidépresseurs sérotoninergiques purs (citalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine, sertraline). • Les pratiques observées Parmi les personnes avec au moins une prescription remboursée de sélégiline, 12 % ont eu au moins une prescription remboursée associant la sélégiline avec un médicament contreindiqué ou déconseillé. Le citalopram et le paroxétine étaient les principes actifs les plus fréquemment associés. Ces médicaments sont contre-indiqués en cas de risque de glaucome par fermeture de l’angle et en cas de risque de rétention urinaire liée à des troubles urétroprostatiques. • Les pratiques observées Parmi les personnes avec au moins une prescription remboursée d’anti-cholinergiques, 13 % étaient traitées pour une hypertrophie bénigne de la prostate et/ou pour une pathologie glaucomateuse. 7. Références [1] Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé - Fédération française de neurologie. La maladie de Parkinson : critères diagnostiques et thérapeutiques. Conférence de consensus du 3 mars 2000. Paris, Hôpital de la Pitié-Salpétrière 2000 (www.hassante.fr). [2] Lajugie D, Bertin N, Chantelou ML et al. Prévalence de la maladie de Parkinson et coût pour l’Assurance maladie en 2000 en France métropolitaine. Rev Med Ass Maladie 2005;2.113-22 (www.ameli.fr). [3] Soubrouillard C, Blin O, Bruguerolle B. 3-0-méthyldopa, inhibiteurs de la catéchol-O-méthyltransférase et traitement de la maladie de Parkinson. Lett Pharmacol 1998;12(7):151-5. [4] Supiot F, Sternon J, Zegers de Beyl D. Les agonistes dopaminergiques dans le traitement de la maladie de Parkinson. Rev Med Brux 2000;21:493-9. [5] Bonnet AM, Houeto JL. Le pergolide : un agoniste utile dans le traitement de la maladie de Parkinson. Rev Neurol (Paris) 2002;158:744-5. [6] Interactions médicamenteuses. Comprendre et décider. Patients parkinsoniens. La Rev Presc 2005;25(259 sup):67-72. Service Médical d’Auvergne - 48-50, boulevard Lafayette BP n° 48 - 63002 CLERMONT-FERRAND CEDEX 1 Contact : Docteur Jérôme LECADET - Tél. 04.73.98.47.33 - e-mail : [email protected] Conception : Docteur Jérôme LECADET - Docteur Patricia VIDAL - Statisticienne : Karine VIALARET Maquette : Danièle PARRAIN - Valérie SALSON ISSN 1777-182X 4 Date d’édition : JANVIER 2007