SYrie. Opinions en crises

publicité
JUILLET 2014
SYRIE : OPINIONS EN CRISES
REGARD DU MOIS SUR LA CRISE DES DROITS
HUMAINS EN SYRIE
AMNESTY INTERNATIONAL S'ENTRETIENT AVEC DES PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ
DANS LES BANLIEUES DE DAMAS ASSIÉGÉES PAR LE GOUVERNEMENT
Dans toute la Syrie, des dizaines de milliers de civils, y
compris des enfants, sont soumis à des conditions
extrêmement dures en raison du siège. La plupart des
sièges sont le fait des forces loyales au gouvernement du
président Bachar el Assad. Les autres sont tenus par les
groupes armés d'opposition et autres groupes non
étatiques. Le gouvernement et les groupes armés ont
commis des crimes de guerre et diverses atteintes
graves aux droits humains dans les zones assiégées.
Trois professionnels de la santé ont parlé à Amnesty
International des effets terribles de ces sièges sur les
1
localités de Moadamiya, la Ghouta orientale et Daraya,
situées dans les environs de Damas.
Les forces gouvernementales assiègent Moadamiya,
située à environ 16 kilomètres au sud-ouest de Damas,
où vivent quelque 20 000 personnes. Ce siège dure
depuis avril 2012 et en novembre 2012, il s'est
renforcé. Il avait été dit qu'une « trêve locale »
s'appliquerait à compter du 25 décembre 2013, mais
les forces gouvernementales ont poursuivi leurs frappes
aériennes, y compris sur des infrastructures civiles, et
notamment sur les réservoirs d'eau.
JUILLET 2014 SYRIE : OPINIONS EN CRISE
Une pharmacie à Yarmouk, autre zone assiégée par les autorités syriennes, détruite dans
un bombardement des forces gouvernementales, mai 2014,
© Rame Alsayed.
LES CIVILS ASSIÉGÉS MANQUENT DE SOINS MÉDICAUX
Le 1er juillet 2014, un responsable de la santé de
Moadamiya a déclaré à Amnesty International : « Nous
n'avons pas d'oxygène. Nous manquons de
médicaments et beaucoup seront bientôt périmés.
Parfois nous réussissons à nous procurer des doses
d'anesthésiants, mais pas plus de cinq et à un prix
10 fois supérieur au tarif habituel. Nous n'avons plus
d'électricité depuis 18 mois. Pour les opérations, nous
dépendons donc d'un générateur qui fonctionne au
diesel, mais le prix du diésel est astronomique. Quant
à l'eau, elle est actuellement coupée. La ville a donc
un problème d'eau potable, car elle est contaminée par
les eaux usées à cause des bombardements. À cause
de cela, nous avons 25 cas d'empoisonnement à
l'hôpital. Le principal problème de santé est la pénurie
de vaccins pour les 6 000 enfants. Nous n'avons plus
de vaccins depuis un an et demi. Cette pénurie de
vaccins aura des effets à long terme. Elle détruira une
génération entière.
« Nous avons aussi plus de 6 000 cas de diabète et
d'hypertension. Ces gens souffrent de la pénurie de
médicaments, notamment d'insuline. Certaines
personnes âgées meurent d'un blocage du muscle
cardiaque, d'hypertension artérielle et de diabète.
« Les lésions à la poitrine et les problèmes
respiratoires ont plus que doublé après l'utilisation des
armes chimiques sur la ville le 21 août 2013. C'est
pour cette raison que les anesthésiants ne sont pas
aussi efficaces pendant les opérations et qu'il faut
administrer des doses triples aux personnes exposées
aux gaz chimiques. De plus, leurs corps ne réagissent
plus aux analgésiques, aux somnifères ou aux relaxants
musculaires. Nous en sommes aussi réduits à utiliser
des anesthésiants périmés. Récemment, nous avons
observé une recrudescence de cas potentiels de
méningite, que nous ne pouvons pas confirmer
d'emblée parce qu'il n'y a pas de laboratoires. Les
rayons X sont importants pour diagnostiquer la
tuberculose, mais on ne peut pas toujours les utiliser.
Toute une génération aura besoin d'un soutien
psychologique à cause des effets de la guerre et des
multiples massacres. »
Les forces gouvernementales continuent à assiéger des
villes et des villages dans la Ghouta orientale, à l'est
de Damas, où selon les estimations, il resterait
150 000 personnes, pour la plupart des civils. La
majeure partie de la Ghouta orientale est assiégée
depuis novembre 2012.
Le 10 juillet 2014, un professionnel de la santé a
déclaré à Amnesty International à Duma (Ghouta
orientale) : « De temps en temps, nous devons
déplacer les centres
2
Immeuble détruit à Zamalka (Ghouta orientale), © Mohammed Abdullah.
médicaux pour éviter les obus et les frappes aériennes.
Des médecins ont indiqué qu'ils avaient demandé du
matériel médical pour les opérations et des
médicaments mais ils ont ajouté que le gouvernement
syrien ne permettrait pas aux Nations unies de le leur
apporter. Au début, quand les routes menant à la
Ghouta orientale étaient encore ouvertes, les médecins
arrivaient à entreposer beaucoup de médicaments et
de matériel, mais maintenant leurs stocks sont
presque épuisés. Toute aide médicale était interdite
avant la troisième distribution d'aide à laquelle les
Nations unies ont procédé le 27 mars 2014. Or celleci a été minime. Elles avaient inclus quelques produits
pour pallier les problèmes de malnutrition, notamment
un beurre d'arachides spécial et des biscuits à haute
teneur en calories. Mais ces produits étaient très vieux
et la date de péremption approchait : le beurre
d'arachide serait périmé trois jours plus tard.
« À part le manque de nourriture, l'un de nos grands
problèmes, c'est la pénurie d'eau propre et
d'électricité. La pénurie d'électricité empêche les
centres médicaux d'aider les gens à certains moments.
Cela veut dire aussi que les gens n'ont aucun moyen
de conserver la nourriture qu'ils se procurent. L'eau
contaminée que boivent les gens contribue également
à l'affaiblissement général du système immunitaire.
Un rapport de l'Organisation mondiale de la santé
(OMS) affirme qu'au Moyen-Orient 30 % des gens sont
porteurs de la tuberculose, mais que seules les
personnes dont le système est affaibli attrapent la
maladie et présentent ses symptômes. C'est pourquoi
il y a une recrudescence de cas en Syrie :
l'insuffisance de nourriture et de sa variété, l'eau
affaiblissent le système. Les médecins ont du mal à
dépister la tuberculose à un stade précoce parce qu'ils
manquent du matériel et des équipements médicaux
indispensables au fonctionnement des appareils ou
pour effectuer les examens nécessaires.
JUILLET 2014 SYRIE : OPINIONS EN CRISE
Cela signifie que le diagnostic est établi à un stade
avancé, quand les symptômes sont déjà visibles et que
la maladie est devenue difficile à traiter.
Cela signifie également que le patient aura
communiqué la bactérie avant que celle-ci ne soit
détectée et le patient isolé. Les médecins ont
tendance à s'occuper d'abord des patients qui ont de
fortes chances de survivre, car ils ne veulent pas
gaspiller leurs ressources sur des patients qui risquent
fortement de mourir.
« Il y a des niveaux élevés de détresse psychologique
et de dépression chez les enfants mais il y a qu'un
psychologue pour toute la Ghouta orientale et en
général ce genre de problème n'est pas traité. Les
dialyses sont l'un de nos grands problèmes
maintenant. Il en coûte 20 000 dollars par mois pour
faire fonctionner le dialyseur pour les 30 patients qui
en ont besoin. Ils dépendent de donateurs particuliers
mais les dons diminuent et cela devient ingérable. »
L'un des deux cimetières de Daraya utilisé pour enterrer les personnes
décédées depuis le début de la crise en mars 2011, © Conseil municipal
de Daraya.
Daraya, située à une dizaine de kilomètres au sudouest de Damas, est assiégée par les forces
gouvernementales depuis novembre 2012. Depuis lors
la ville n'a été autorisée à recevoir aucune aide. Selon
les estimations, il y aurait jusqu'à 7 000 personnes à
Daraya dont 1 500 seraient des combattants affiliés à
l'Armée syrienne libre. Les forces gouvernementales
n'ont cessé d'attaquer Daraya avec des barils
d'explosifs.
Un hôpital de campagne à Daraya, mai 2014, © Conseil municipal de Daraya.
Un hôpital de campagne à Daraya, © Conseil municipal de Daraya.
Il a décrit les dommages importants subis par l'hôpital
de campagne au cours de la nuit du 16 au 17 mai,
quand trois barils d'explosifs sont tombés aux abords.
Personne n'a été tué mais trois professionnels de la
santé ont souffert de brûlures. » Il a ajouté :
« Nous sommes vraiment affectés par la pénurie
générale de médicaments et d'équipements médicaux
due au siège. Tous notre équipement est maintenant
obsolète à cause de la surutilisation, ou endommagé à
cause des bombardements répétés. Dans de nombreux
cas, nous n'avons pas les moyens d'établir des
diagnostics, alors nous devons revoir les traitements
pour les adapter. Les gens ne peuvent pas se faire
traiter ailleurs à cause du siège. Nous avons un
nourrisson âgé de 50 jours. Il a une hernie inguinale
qui met sa vie en danger et que nous ne pouvons pas
traiter par manque d'anesthésiants. Des nouveau-nés
sont morts à cause du manque de couveuses. »
Plus tard, ce professionnel de la santé a déclaré à
Amnesty International que le 8 juillet, trois enfants
avaient été tués par un obus, tombé sur le jardin où ils
jouaient. Mus ab Wehbe, sept ans, est mort sur le
coup. Aye Wehbe, cinq ans, et Qusai Wehbe,
quatre ans, sont décédés plus tard à l'hôpital de
campagne.
Le 16 juin 2014, un professionnel de la santé
travaillant à l'hôpital de campagne de Daraya a déclaré
à Amnesty International que l'hôpital avait été visé
trois fois en deux mois par les forces
gouvernementales et que des missiles et des barils
d'explosifs étaient tombés à proximité.
Un habitant de Daraya remonte du cratère laissé par un baril d'explosif en
mai 2014, © Conseil municipal de Daraya.
3
JUILLET 2014 SYRIE : OPINIONS EN CRISE
FOCUS – CAS DE PRISONNIERS D’OPINION
MAZEN DARWISH, HANI AL ZITANI ET HUSSEIN GHARIR DU CENTRE SYRIEN
POUR LES MÉDIAS ET LA LIBERTÉ D'EXPRESSION
Ils ont été inculpés le 27 février 2013 et, après de
nombreux ajournements prononcés par le tribunal, ils
sont actuellement jugés par le tribunal antiterroriste de
Damas, qui les accuse, en vertu de l'article 8 de la loi
antiterroriste, d'avoir « rendu publics des actes
terroristes » sous couvert de leur travail de promotion
et de protection des droits humains en Syrie. Les
autres charges pesant contre ces trois hommes
concernent les précisions qu'ils ont apportés sur des
cas de détenus, victimes de disparitions forcées, puis
assassinés en Syrie.
Bien que les chefs d'inculpation relevant de l'article 8
de la loi antiterroriste aient fait l'objet d'une amnistie
présidentielle le 9 juin 2014, Mazen Darwish, ses
collègues, de nombreux autres militants de la société
civile et défenseurs des droits humains, employés des
médias et d'organisations humanitaires sont encore en
détention. Amnesty International considère ces trois
hommes comme des prisonniers d’opinion et demande
leur libération immédiate et sans condition.
Mazen Darwish, © particulier.
Mazen Darwish (sur la photo) est à la tête du Centre
syrien pour les médias et la liberté d'expression (Syrian
Centre for Media and Freedom of Expression, SCM).
Cette organisation, dont le siège est à Damas, mène et
publie des études sur la situation des droits humains
en Syrie. Hani al Zitani et Hussein Gharir travaillent
également au SCM.
4
Pour faire campagne en faveur de leur libération,
veuillez consulter la page (en anglais) :
http://free-syrian-voices.org/take-action/
Pour en savoir plus sur ce cas,
veuillez consulter la page (en anglais) :
amnesty.org/en/library/info/MDE24/014/2014/en
POUR EN
SAVOIR PLUS
CAMPAGNE
Ces trois hommes, et d'autres personnes, ont été
arrêtés le 16 février 2012 par les services de
renseignements de l'armée de l'air syrienne. Ils ont été
soumis à une disparition forcée qui a duré plusieurs
mois. Pour Amnesty International, Mazen Darwish et
Hussein Gharir ont été torturés pendant leur détention.
Ils ont été présentés pour la dernière fois au juge le
21 juillet. Celui-ci a à nouveau décidé d'ajourner le
jugement, cette fois au 24 septembre. Mansour al
Omari, l'un de ses collègues, également poursuivi mais
qui a fui la Syrie après une libération conditionnelle en
février 2013, a déclaré à Amnesty International : « Ce
procès n'est, pour les autorités syriennes, qu'une façon
détournée de punir Mazen et les autres pour le
courageux travail en faveur des droits humains qu'ils
ont mené. Pour nous, qui sommes leurs amis et
collègues, leur détention, qui dure maintenant depuis
près de deux ans et demi, et les reports incessants de
leur procès constituent une douloureuse injustice :
tout ce que nous voulons c'est qu'ils rentrent chez
eux. »
JUILLET 2014 SYRIE : OPINIONS EN CRISE
Téléchargement