DOSSIER Pr N. Mesli*, à Santé Mag, Hémophilie: Mettre l'accent sur la prophylaxie Santé Mag: Depuis quand êtes-vous impliquée dans la prise en charge de l'hémophilie? Pr Mesli: Depuis mon affectation au service d’hématologie du chu Oran, en 1985. Par ailleurs, j’ai produit un mémoire en fin de cursus, en 1988, ayantpour titre la recherche d’anticoagulant circulant et le dépistage d’HIV, chez les hémophiles, suivis au niveau du service d’hématologie et du service de pédiatrie du CHU ORAN. Que pouvez-vous nous dire sur les modalités de traitement, chez vos patients hémophiles ? Je dois dire que la prise en charge du patient hémophile, en Algérie, a connu une nette amélioration et ce, grâce à la disponibilité du traitement et plus précisément, des facteurs anti-hémophiliques depuis le début des années 2000. Cela nous a permis de traiter les patients à la demande et de ce fait, drainer l’urgence et arrêter le saignement; mais, aussi et surtout, initier les patients et leurs parents au traitement à domicile. L’intérêt du traitement à domicile est de permettre au patient de sesubstituer et de recevoir son traitement dans les plus brefs délais et de stopper, ainsi, le saignement ou, du moins, réduire la douleur, jusqu’à l’arrivée du patient au sein du centre de traitement. Aussi, nous avons pu instaurer, chez nos patients, une nouvelle modalité de traitement, qui est la prophylaxie. Le but est de prévenir les saignements et par conséquent, la maladie articulaire, qui en résulte et qui est, surtout, irréversible. Les enfants bénéficient de la prophylaxie primaire, 26 Santé-MAG N°29 - Avril 2014 afin de garder leurs articulations saines et leur permettre de vivre normalement. Par contre, la prophylaxie secondaire se pratique plus chez l’adolescent et le jeune adulte, chez qui le but est de stabiliser l’évolution des arthropathies et empêcher l’aggravation de l’atteinte osseuse et articulaire. Selon votre expérience, quel est le pourcentage de patients hémophiles sous traitement, qui développeraient des inhibiteurs aux facteurs sanguins et au bout de combien de temps de traitement? L’apparition des inhibiteurs, qu’on appelle, aussi, ACC (Anticorps circulant) survient, théoriquement, après 50 JCPA, ou les jours cumulés d’exposition au facteur anti-hémophilique. Il s’agit d’une résistance que le patient développe, malheureusement, contre le traitement anti-hémophilique et cela se traduit par l’inefficacité du traitement classique. Le pourcentage d’apparition des ACC est de l’ordre de 25% pour l’hémophilie A sévère et 5% pour l’hémophile B sévère. Cependant, selon mon expérience il est de l’ordre de 5 à 10%. Aussi les patients sont-ils susceptibles de développer des ACC, lorsqu’ils reçoivent une grande quantité de facteur anti-hémophilique, suite à une chirurgie, ou à un trauma majeur. Cependant, le diagnostic et la recherche d’ACC doit se faire régulièrement; au moins, tous les 06 mois. En quoi la prise en charge des patients hémophiles, avec inhibiteurs, est-elle difficile? L’apparition des inhibiteurs complique, très sérieusement, la prise encharge des patients hémophiles. L’arthropathie est plus agressive et la morbidité est plus importante. La notion de la douleur est, aussi, plus présente chez les patients avec inhibiteurs; ce qui rend la gestion du saignement beaucoup plus difficile. Ces patients sont traités avec les agents court-circuitant, appelés aussi facteurs by passing (FEIBA & Novoseven). Ces traitements coûtent plus cher que le facteur classique et la disponibilité n’est pas assurée, de manière continue. Que préconisez-vous, pour ces patients, afin de réduire les saignements et améliorer leur qualité de vie ? Afin de réduire les saignements et améliorer la qualité de vie de nos patients hémophiles, nous avons, déjà, initié le traitement prophylactique, chez les patients hémophiles. J’aimerai souligner, aussi, le fait qu’on ait instauré la prophylaxie chez un de mes patients hémophiles avec inhibiteurs, vu l’intérêt qu’elle représente chez le patient avec ACC, quant à la réduction, significative, des saignements articulaires. Je suis très confiante quant aux résultats encourageants que je vais observer, très rapidement,chez ce patient. Par ailleurs, un programme d’éducation de nos hémophiles et de leurs parents est fait, afin de leur apprendre à se prendre en charge, en se piquant eux même, pour leur éviter le déplacement au service. Pour cela, ils sont approvisionnés en facteur tous les mois et donc, aucunepénurie n’est tolérée * Pr N. Mesli, Chef de service Hématologie, CHU de Tlemcen.