Enjeux juridiques et risques contentieux de l`enquête Publique

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Enjeux juridiques et risques contentieux de l’enquête Publique
Plan (V1)
I : AVANT L’ENQUÊTE
11 - La délibération préalable:
C’est généralement par une délibération de la collectivité qu’est décidé la mise à l’enquête
publique:
- Commune s’il s’agit d’un PLU ou d’une DUP (demande dans ce cas adressée au
préfet),
- Conseil de communauté ou conseil d’agglomération
- Conseil Général (enquête parcellaire sur voirie départementale)
- Conseil Régional, (Schéma Directeur, PDU régional, etc...
- STIF, etc...
Ou par les préfectures (DUP, enquêtes environnementales, parcellaires, etc...)
12 - La décision portant organisation de l’enquête publique. Article L123-3
« L'enquête publique est ouverte et organisée par l'autorité compétente pour prendre la décision en
vue de laquelle l'enquête est requise.
Lorsque l'enquête publique porte sur le projet, plan, programme ou autre document de planification
d'une collectivité territoriale, d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'un des
établissements publics qui leur sont rattachés, elle est ouverte par le président de l'organe
délibérant de la collectivité ou de l'établissement. Toutefois, lorsque l'enquête est préalable à une
déclaration d'utilité publique, la décision d'ouverture est prise par l'autorité de l'Etat compétente
pour déclarer l'utilité publique. »
Concrètement, si le maire est compétent pour prendre la décision justifiant l'organisation
d’une enquête publique, il se chargera d’organiser cette dernière. De la même façon, si le
préfet est compétent pour édicter l'acte final, il sera compétent pour ouvrir l’enquête
publique.
Ce principe posé, les articles L. 123-3 et R. 123-3 du Code de l’environnement apportent
une réponse spécifique dans cinq cas particuliers.
• En premier lieu, la loi Grenelle 2 reprend le principe posé par la loi dite de
«démocratie et de proximité» du 27 février 2002. Il s’en infère, comme sous le
régime antérieur, que «lorsque l'enquête publique porte sur le projet, plan,
programme ou autre document de planification d'une collectivité territoriale, d'un
établissement public de coopération intercommunale ou d'un des établissements
publics qui leur sont rattachés, elle est ouverte par le président de l'organe
délibérant de la collectivité ou de l'établissement ».
• En second lieu, il est prévu que lorsque l’enquête est préalable à une déclaration
d’utilité publique, la décision d’ouverture sera toujours prise par l’autorité de l’État
compétente pour déclarer l’utilité publique. En fonction du projet, l’autorité
compétente au sein de l'État variera (il peut s'agir du ou des préfets concernés, du
ministre responsable du projet ou d’un décret en Conseil d’État). Peut-être aurait-il
été préférable de préciser que l’enquête sera toujours ouverte par le préfet, quelle
que soit l’autorité compétente.
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Si la décision en vue de laquelle l’enquête est requise relève d’une autorité
nationale de l’État, l’ouverture et l’organisation de l’enquête sont, sauf dispositions
particulières, assurées par le préfet territorialement compétent.
Dans le cas où l’enquête relève d’un établissement public de l'État comportant des
échelons territoriaux dont le préfet de région ou de département est le délégué
territorial en vertu de l’article 59-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, la
compétence relative à l’ouverture et à l’organisation de l’enquête peut alors être
déléguée par l’organe exécutif de l’établissement à ce préfet.
Une dernière hypothèse est visée par l'article R. 123-3 du Code de l’environnement,
celle où le projet soumis à enquête publique porte sur le territoire de plusieurs
communes, départements ou régions. Dans un tel cas de figure, l’enquête peut être
ouverte et organisée par une décision conjointe des autorités compétentes pour
ouvrir et organiser l'enquête. Dans ce cas, la décision 2
conjointe désigne l’autorité chargée de coordonner l’organisation de l’enquête et
d’en centraliser les résultats (Cas de l’AFA).
13 - La décision de nomination du commissaire enquêteur
La désignation sollicitée doit en théorie intervenir dans un délai de quinze jours (Code
environnement – article R.123-5-2ème alinéa) à compter de la demande formulée par
l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête. Dans l’hypothèse où il est décidé
de confier l'enquête publique à une commission d’enquête plutôt qu’à un commissaire
enquêteur unique, le président du tribunal administratif doit alors désigner un nombre
impair de membres de cette commission parmi lesquels il désigne un président.
Le législateur a généralisé le principe de la désignation de suppléants, qui était jusqu’alors
une simple faculté offerte au président du tribunal, peu utilisée semble- t-il, en tout cas
pour les projets « ordinaires ». L’article L. 123-4 du Code de l’environnement prévoit en
effet que « le président du tribunal administratif ou le conseiller délégué par lui nomme (et
non peut nommer) un ou plusieurs suppléants au commissaire enquêteur ou aux membres
de la commission d'enquête ». L'objectif recherché est de disposer de quelqu’un
immédiatement disponible afin de remplacer, le cas échéant, le titulaire en cas de
défaillance (Code environnement – article R.123-5-3ème alinéa). À cette fin d’ailleurs, le
dossier d'enquête doit également être transmis - ce qui est nouveau par rapport au régime
antérieur - au(x) suppléant(s).
L'objectif est louable ; il améliorera sans doute la sécurité juridique des enquêtes, trop
souvent fragilisées par la défaillance d’un commissaire (maladie, absence à des réunions,
retard dans la 3
remise du rapport, incapacité révélée en cours d'enquête). L'alternative ne sera plus
seulement résumée à « prendre le risque » ou « tout recommencer » et comportera une
nouvelle branche: faire intervenir le suppléant...
On peut toutefois regretter que la mission du suppléant ne soit pas mieux précisée.
L'article R. 123-5 du Code de l'environnement rappelle en effet que «le suppléant
n'intervient pas dans la conduite de l'enquête ni pour l'élaboration du rapport et des
conclusions qui restent de la seule compétence du commissaire enquêteur ou des
membres de la commission titulaires». Une telle précision était presque superfétatoire. En
revanche, il eût été judicieux de préciser si le commissaire enquêteur suppléant peut
assister aux réunions préparatoires avec le responsable du projet ou aux visites sur les
lieux organisés par le commissaire enquêteur « titulaire » et, le cas échéant, de prévoir les
modalités de son indemnisation. Si le suppléant est associé en amont de la phase
d’enquête, il pourrait plus facilement intervenir, en aval, dans l’hypothèse où il serait
désigné pour rédiger le rapport et les conclusions motivées de l'enquête en lieu et place
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du commissaire enquêteur «titulaire», en raison de sa défaillance à remettre ces
documents dans le délai de trente jours qui lui était imparti.
14 - La responsabilité de l’Etat pour faute dans la désignation d’un commissaire
enquêteur incompétent
Le nouvel article R. 123-20 du Code de l'environnement prévoit un mécanisme original de
contrôle par le président du tribunal administratif d’une éventuelle insuffisance de
motivation des conclusions du commissaire enquêteur, soit d'office, soit à la demande de
l'autorité compétente pour organiser l'enquête, nous verrons cela dans la 3ème partie :
Après l’enquête. En cas de rejet, explicite ou implicite, et d’annulation contentieuse
ultérieure, en raison précisément d’une insuffisante motivation des conclusions du
commissaire enquêteur, la question de la responsabilité du président du tribunal
administratif - et donc de l’État - sera forcément posée.
Au reste, il ne faut pas exagérer les chances de succès d'une éventuelle action
indemnitaire. Car l'État, en défense, ne manquera pas de relever, en s'appuyant sur la
jurisprudence de la Cour administrative d'appel de Lyon, (V2) que «si la commune, comme
l'État, n'ont pas la possibilité d'adresser des instructions au commissaire enquêteur au
cours de l'enquête ou lors du dépôt de son rapport, la commune peut, après réception des
conclusions du commissaire enquêteur qu'elle estimerait irrégulières, ne pas approuver le
document d'urbanisme, informer le préfet de la situation et solliciter la désignation d'un
autre commissaire pour une nouvelle enquête ». Peu réaliste, eu égard aux compétences
nécessaires pour analyser la régularité de conclusions de commissaire enquêteur, cette
solution constitue toutefois le droit positif.
15 - La composition du dossier soumis à enquête publique.
151 - Les éléments de base devant obligatoirement figurer au dossier d’enquête
La composition du dossier soumis à enquête publique est abordée aux articles L. 123-12
et R. 123-8 du Code de l’environnement.
Le mécanisme adopté est celui d'un « socle » minimal de pièces, reprenant assez
largement des exigences déjà formulées sous l’ancien régime des enquêtes, auquel
viennent s’adjoindre, en tant que de besoin, des documents propres aux réglementations
considérées.
Ainsi, selon l’article R.123-8 précité, doivent a minima figurer au dossier soumis à
l’enquête publique, les pièces suivantes:
1 - l'étude d'impact et son résumé non technique ou l’évaluation environnementale et
son résumé non technique.
2 - en l'absence d’étude d’impact ou d’évaluation environnementale, une note de
présentation;
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3 - la mention des textes qui régissent l'enquête publique en cause et l'indication de
la façon dont cette enquête s'insère dans la procédure administrative relative au
projet, plan ou programme considéré, ainsi que la ou les décisions pouvant être
adoptées au terme de l’enquête et les autorités compétentes pour prendre la décision
d'autorisation ou d'approbation;
4 - lorsqu’ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire
préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet de plan ou le
programme. Incidemment, on relèvera que seuls doivent être joints au dossier les
avis obligatoirement recueillis «préalablement» à l'ouverture de l’enquête;
5 - le bilan de la procédure de débat public organisée dans les conditions définies aux
articles L. 121-8 à L. 121-15 du Code de l’environnement ou de la concertation
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définie à l'article L. 121-16 du même code ou de toute autre procédure prévue par
les textes en vigueur;
6 - la mention d’ autres autorisations nécessaires
152 - Les éléments complémentaires exigés par d’autres législations
Le dossier d'enquête publique doit par ailleurs comporter les pièces et avis exigés par les
législations et réglementations applicables au projet soumis à enquête. Bien souvent, il
s'agit du dossier de demande présenté par le pétitionnaire en vue d'obtenir l'autorisation
qui a nécessité l'organisation de la procédure d'enquête publique.
Ainsi, par exemple, le dossier d'enquête publique doit-il être complété par le dossier de
demande d'autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de
l'environnement (ICPE), lorsque l’enquête publique concerne sa création. D’autres
éléments peuvent également être requis, selon les réglementations particulières, tels que,
par exemple, les avis des personnes publiques consultées dans le cadre de l’élaboration
d'un plan local d’urbanisme.
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Il conviendra donc de se reporter à chaque fois aux dispositions applicables au projet pour
s’assurer du contenu exact du dossier, dont la consistance pourra varier en fonction de la
réglementation.
153 - Le cas particulier de l'enquête unique
En cas d'enquête unique organisée conformément à l'article L. 123-6 du Code de
l'environnement, le dossier soumis à la procédure d’enquête doit comporter les pièces ou
éléments exigés au titre de chacune des enquêtes initialement requises. Mais pour plus de
clarté, il est désormais exigé de compléter le dossier par une note de présentation non
technique du projet. L'idée est de présenter dans un document unique le projet en
question. Le public pourra, après lecture de cette synthèse, approfondir telle question de
son choix en se reportant aux pièces « techniques », insérées dans chaque « sousdossier ».
16 - Le contrôle opéré par le juge sur le dossier mis à l’enquête
161 - En cas d'absence d'un document
En cas d’absence de l’un des documents devant figurer au dossier conformément à
l'article R. 123-8 du Code de l’environnement, la sanction est a priori radicale : la
procédure d'enquête publique est viciée et la décision adoptée à l'issue de la procédure
est annulée par voie de conséquence (V4). Au demeurant, dans certains cas, il a pu être
jugé que l’absence d'un document au dossier d’enquête n'était pas de nature à vicier la
procédure (V5). Si de telles solutions demeurent encore isolées, elles pourraient à l'avenir
prospérer, eu égard à l'assouplissement notable en matière de contrôle du juge sur les
enquêtes publiques et plus largement sur les formalités préalables à l'adoption d'une
décision.
La solution, sévère dans sa mise en œuvre actuelle, est cependant limitée aux pièces
requises par un texte législatif ou réglementaire. Lorsqu'un document n'est pas obligatoire,
son absence n'est pas susceptible d'affecter la régularité de la procédure d'enquête,
quand bien même il serait établi que ce document serait utile à la bonne information du
public.
162 - En cas d’insuffisance d'un document
Lors d'une enquête publique, il se peut aussi qu'un document requis pour l’enquête
publique ait bien été joint au dossier d’enquête publique, mais s'avère insuffisant ou peu
intelligible.
C’est ainsi qu’a été censurée une procédure dans laquelle le document destiné à
l'appréciation sommaire des dépenses avait informé le public de ce que le coût total du
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projet soumis à son examen était de 3 234 000 francs, alors qu’en réalité le projet pouvait
être estimé à un coût de 10 265 000 francs. De sorte que le document en question «ne
permettait pas de connaître le coût total du projet tel qu'il pouvait raisonnablement être
apprécié» au moment de l'enquête.
Mais en dehors des erreurs aussi grossières, la jurisprudence est plus nuancée.
Progressivement, le juge a accepté de mesurer l'incidence concrète qu’a pu avoir
l’insuffisance dénoncée par les requérants sur la qualité de l’information délivrée au public;
en d'autres termes, les lacunes invoquées par un requérant ont-elles été susceptibles de
«nuire à la bonne information du public»? La jurisprudence, d'inspiration commune avec
l’arrêt Danthony, est désormais bien fixée en ce sens et s’applique même en matière
d'étude d'impact, qui constitue désormais la pièce centrale du dossier. Le principe est que
«les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles
de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette
étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population
ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité
administrative » (V6).
17 - La question de la communication du dossier d’enquête aux tiers
171 - Règle générale
Aux termes de l’article L. 123-11 du Code de l'environnement, le dossier d'enquête
publique est désormais communicable à toute personne, à sa demande et à ses frais, et
non plus aux seules associations agréées. La différence par rapport à l’ancien régime est
donc de taille.
Plus encore, l'article R. 123-9 du Code de l’environnement précise qu’une telle demande
de communication est recevable à compter de la publication de l’arrêté d'ouverture de
l’enquête, qui lui-même intervient souvent un mois avant l’enquête elle-même.
Concrètement, cela signifie, au moins en théorie, qu'il sera possible de disposer du
dossier avant même l’ouverture de l’enquête.
Sont également communicables aux frais de la personne en faisant la demande, pendant
toute la durée de l’enquête, les observations émises par le public.
En termes de transparence, il s’agit bien évidemment d’une avancée importante. Au
demeurant, le nouveau principe posé n'est pas sans inconvénient. Les modalités de
communication du dossier ne sont en effet pas précisées dans le Code de
l'environnement. Ainsi, en l’absence de toute référence explicite à la loi de 1978 sur
l'accès aux documents administratifs, on peut s’interroger sur le délai dans lequel les
documents dont la communication est demandée doivent être transmis. Le délai de droit
commun d’un mois imparti à l'Administration est-il applicable ? Si tel est le cas, le dossier
sera souvent communiqué, en pratique, après l'achèvement de l'enquête. Au reste, il sera
parfois difficile pour certaines collectivités dépourvues de services de reprographie de
répondre dans un délai aussi bref, eu égard au volume habituel des dossiers d’enquête
publique.
On attend donc avec impatience les premières solutions jurisprudentielles précisant les
sanctions encourues par l'autorité responsable en cas de refus de faire droit à une telle
demande de communication. On pourrait concevoir que la solution jurisprudentielle soit
assez radicale. En son temps, la reconnaissance du droit à communication « général »,
issu de la loi de 1978, a été assez énergique : c’est à ce prix seulement que l’on peut faire
respecter la garantie de procédure accordée aux administrés...
Reste donc, au-delà de la première impression, toujours favorable à la transparence, à
s'interroger sur la portée pratique et même théorique de cette évolution. L'enquête n'est
plus seulement l'occasion d’une présentation un peu superficielle du projet au public, qui
ne pouvait, à vrai dire, s'en imprégner véritablement. Le contraste était souvent saisissant
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entre la masse de documents réunis et le temps dont disposaient, en pratique, les
administrés pour en prendre connaissance. Avec la communication préalable ou
concomitante des pièces, ce sont des administrés informés, ayant « expertisé » les
documents soumis à enquête, qui formuleront des observations et viendront aux réunions
avec le commissaire enquêteur. Ce dernier devra donc s'attendre à des réactions ou des
questions beaucoup plus structurées que celles auxquelles il est actuellement confronté...
172 - Et les communes?
L'information des communes concernées est également améliorée par le décret du 29
décembre 2011.
En premier lieu, « un exemplaire du dossier soumis à enquête est adressé pour
information, dès l'ouverture de l'enquête, au maire de chaque commune sur le territoire de
laquelle le projet est situé et dont la mairie n'a pas été désignée comme lieu d'enquête ».
Pour éviter un excès de formalisme, il est toutefois précisé que « cette formalité est
réputée satisfaite lorsque les conseils municipaux concernés ont été consultés en
application des réglementations particulières, ou lorsque est communiquée à la commune
l'adresse du site internet où l'intégralité du dossier soumis à enquête peut être
téléchargé».
En second lieu, il est prévu, plus largement, qu’« un exemplaire du dossier est adressé à
chaque commune qui en fait la demande expresse». On peut penser que cette demande
peut intervenir «dès l'ouverture de l'enquête»; il n'y a objectivement pas de raison que les
communes non directement concernées par le projet - mais riveraines par exemple puissent disposer du dossier soumis à enquête avant la commune accueillant ce projet.
Mais de la même façon, on peine à discerner pourquoi les communes ne peuvent disposer
de ce dossier à compter de la publication de l'arrêté d’ouverture de l'enquête...
173 - La communication électronique
À titre expérimental, l’article L. 123-10-11 du Code de l'environnement prévoit non
seulement une publicité de l'avis d'ouverture de l'enquête par voie électronique, mais aussi
une «communication» de l’évaluation environnementale et de son résumé non technique
ou de l’étude d’impact et de son résumé non technique ou, à défaut, du dossier
d'informations environnementales se rapportant à l'objet de l'enquête publique ainsi que,
lorsqu'ils sont rendus obligatoires, les avis émis par une autorité administrative sur
certains plans ou projets.
Un décret du 29 décembre 2011 a précisé les projets, plans et programmes devant faire
l’objet d'une communication au public par voie électronique dans le cadre de
l’expérimentation prévue au II de l'article L. 123-10 du Code de l’environnement.
La liste est très vaste : seront donc concernées - à l’exception notable des enquêtes
publiques portant sur l'approbation ou l’évolution de documents d'urbanisme - de très
nombreuses enquêtes environnementales... Dans la pratique, la communication des
documents précités sera à la charge de l'autorité compétente pour ouvrir et organiser
l'enquête et devra intervenir au plus tard à la date d'ouverture de cette dernière.
18 - L’arrêté d’organisation de l’enquête
181 - Le contenu de l'arrêté d’ouverture
Quinze jours au moins avant l’ouverture de l'enquête publique et pendant sa durée,
l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête doit informer le public. Aux termes
de l'article R. 123-9 du Code de l'environnement, l’information du public doit en principe
porter sur tous les points suivants:
1 - l'objet de l’enquête, notamment les caractéristiques principales du projet, plan ou
programme, la date à laquelle celle-ci sera ouverte et sa durée;
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2 - la ou les décisions pouvant être adoptées au terme de l'enquête et les autorités
compétentes pour prendre la décision d’autorisation ou d’approbation; cette
précision est destinée à mieux informer le public du processus décisionnel dans
lequel s'insère l'enquête publique;
3 - le nom et les qualités du commissaire enquêteur ou des membres de la commission
d'enquête et de leurs suppléants;
4 - les lieux, ainsi que les jours et heures où le public pourra consulter le dossier
d’enquête et présenter ses observations sur le registre ouvert à cet effet ; en cas
de pluralité de lieux d'enquête, l’arrêté désigne parmi eux le siège de l'enquête, où
toute correspondance relative à l’enquête peut être adressée au commissaire
enquêteur ou à la commission d’enquête;
5 - les lieux, jours et heures où le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête,
représentée par un ou plusieurs de ses membres, se tiendra à la disposition du
public pour recevoir ses observations; il s'agit, concrètement, de ce qu’on appelle
les «permanences », dont le nombre doit être adapté à l’importance du projet;
6 - le cas échéant, la date et le lieu des réunions d’information et d'échange
envisagées;
7 - la durée et les lieux où, à l’issue de l’enquête, le public pourra consulter le rapport et
les conclusions du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête ; on
précisera qu’en tout état de cause, ces pièces constituent un document
administratif communicable au sens de la loi de 1978;
8 - l’existence d’une évaluation environnementale, d’une étude d’impact ou, à défaut,
d’un dossier comprenant les informations environnementales se rapportant à l’objet
de l’enquête et du lieu où ces documents peuvent être consultés; cette précision
illustre l’objectif poursuivi par la réforme d’améliorer l'articulation entre l’enquête
publique et les procédures de participation instituées en amont;
9 - l’existence de l'avis de l’autorité administrative de l'État compétente en matière
d’environnement mentionné aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du Code de
l’environnement ou de l’article L. 121-12 du Code de l’urbanisme et le lieu où il
peut être consulté;
10 - l’information selon laquelle, le cas échéant, le dossier d’enquête publique est
transmis à un autre État, membre de l’Union européenne ou partie à la
Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte
transfrontière, signée à Espoo le 25 février 1991, sur le territoire duquel le projet
est susceptible d’avoir des incidences notables;
11 - l’identité de la ou des personnes responsables du projet, plan ou programme ou de
l’autorité auprès de laquelle des informations peuvent être demandées ; cela
permettra notamment aux personnes qui le souhaitent de solliciter la
communication du dossier d'enquête, avant même le début de l’enquête, puis la
communication du registre d'enquête;
12 - le cas échéant, l’adresse du site internet sur lequel des informations relatives à
l’enquête pourront être consultées ou les moyens offerts au public de
communiquer ses observations par voie électronique.
RAPPEL:
Les modalités d'organisation de l'enquête publique édictées dans l'arrêté d'ouverture
peuvent être critiquées à l'occasion d'un recours formé à l’encontre de la décision finale,
l'arrêté d’ouverture d'enquête lui-même n'étant susceptible d'aucun recours direct en
annulation Plus largement, on rappellera que les éventuelles irrégularités entachant
l'arrêté d'ouverture d'enquête ne vicient la procédure que lorsqu'elles ont eu des
conséquences sur le déroulement de l'enquête publique.
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Nombre d’arrêtés d’organisation d’enquête élaborés depuis le 1er juin 2012 présentent
des lacunes en ne traitant pas ou en ne mentionnant pas certains des points figurant dans
cet article R.123-9.
Voici quelques exemples : V9, V10, V11 et V12
Que se passe t-il s’il manque un ou plusieurs des éléments devant figurer dans l’arrêté
d’organisation de l’enquête.
Il est bon de se souvenir que les modalités d’organisation de l’enquête publique
édictées dans l’arrêté d’ouverture peuvent être critiquées à l’occasion d’un recours formé à
l’encontre de la décision finale, l’arrêté d’ouverture d’enquête lui-même n’étant susceptible
d’aucun recours direct en annulation.
Plus largement, on rappellera que les éventuelles irrégularités entachant l’arrêté
d’ouverture d’enquête ne vicient la procédure que lorsqu’elles ont eu des conséquences
sur le déroulement de l’enquête publique.
Prenons par exemple le point 3 qui précise que l’on doit mentionner la « qualité » du
commissaire enquêteur.
J’ai largement développé ce point dans le bulletin N°78 « L’enquête publique » en
démontrant, jurisprudences à l’appui que l’omission de la qualité du commissaire
enquêteur ne vicie pas la procédure (V13) et (V14).
182 - La période d’enquête
Aucune disposition ne précise la période durant laquelle doit se dérouler l’enquête. En
pratique, la question est souvent posée de savoir s’il est possible d’organiser une enquête
pendant une période de vacances scolaires. La réponse, en droit, est très claire : il n'y a
aucune interdiction de principe. Une enquête publique organisée pendant les vacances et
a fortiori juste avant n’est pas, pour cette seule raison, irrégulière. (V15)
Au demeurant, on constate qu'en pratique, les services de l'État, lorsqu'ils sont
compétents pour instruire les demandes d’ouverture d’enquête formulées par les
collectivités, sont souvent hostiles à organiser une enquête pendant une telle période. En
opportunité pourtant, il est des hypothèses inverses où l’enquête toucherait précisément
un plus large public si elle était organisée, au moins partiellement, pendant une période de
vacances scolaires: on pense aux communes touristiques, balnéaires ou accueillant une
forte proportion de résidences secondaires. Tout est donc affaire de circonstances, de
temps et de lieux: aucune période de l’année n’est a priori proscrite ou recommandée.
Tout est dans le résultat: le public pourra-t-il participer? La réponse réside généralement,
en cas de doute, par un (léger) allongement de la période d’enquête.
On relèvera également qu’aucune disposition n’interdit d’organiser une enquête pendant la
période précédant une élection, on l’av u ci-dessus; les services de l’État invoquent
souvent à cet égard un «devoir de réserve » ou une « période de réserve » qui interdirait,
selon eux, d'organiser une enquête juste avant un scrutin. À grands traits, ce principe
implique une stricte neutralité des services de l’État. Concrètement, la communication de
l'ensemble des services de l'État est généralement réduite et les membres du corps
préfectoral s’abstiennent de participer à des manifestations publiques (hors manifestations
nationales).
On peut douter du bien-fondé d'une telle position. A priori en effet, une enquête publique
ne s'analyse pas comme une «campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de
la gestion d'une collectivité», au sens de l'article L. 52-1 du Code électoral. Une enquête
publique n'a en effet pas pour objet d’assurer la « promotion » de tel ou tel élu ; de sorte
que le risque de « dérive », implicitement redouté par les services de l’État, est peu
probable. On ajoutera que le chevauchement de calendrier ne devrait pas être de nature à
empêcher le public de participer.
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La durée totale de l'enquête est par principe supérieure à celle d'élections qui
n’occuperont tout au plus que deux dimanches. Pour ces raisons, le déroulement
d’élections ne constitue pas un obstacle à l'organisation d’une enquête publique et rien ne
justifie, en droit, de retarder ou d’avancer une procédure en fonction du calendrier
électoral.
183 - La durée de l’enquête publique
Le Code de l'environnement encadre strictement la durée de l’enquête publique.
En premier lieu, une durée minimale est fixée à trente jours. Cette durée doit bien
évidemment être respectée. Il a certes pu être jugé que le fait qu’une enquête se soit
déroulée sur une période inférieure à la durée légale n’était pas nécessairement de nature
à vicier la procédure s’il n’était pas établi que des personnes intéressées auraient été
empêchées, pour ce motif, de présenter leurs observations sur le projet (V16). Mais cette
jurisprudence est demeurée isolée.
L’on conseillera, en pratique, de prévoir systématiquement une durée légèrement
supérieure (35 jours), voire largement supérieure (40 jours ou plus) quand la période
d’enquête se déroule en partie sur une période sujette à débat : vacances scolaires ;
périodes comprenant de nombreux jours fériés (mai et novembre par exemple). Un tel
choix, qui n'a généralement pas de véritable incidence sur le phasage de l'opération,
contribue très clairement à éviter une multiplication des critiques reprochant une durée
d'enquête trop courte (V17).
Le Code de l’environnement fixe par ailleurs une durée maximale: l'enquête initiale (hors
prolongation) ne peut dépasser deux mois. Au reste, on peut s'interroger sur la
conséquence d'un éventuel dépassement sur la légalité de la procédure, eu égard à la
ligne directrice de la jurisprudence en matière d'enquête : en quoi en effet le dépassement
de la durée maximale - par exemple de deux jours - pourrait-il nuire à la bonne information
du public?
Au total, la durée d’une enquête publique peut donc théoriquement atteindre trois mois,
prolongation comprise (mais non comprises une éventuelle suspension de l’enquête ou
l’organisation d’une enquête complémentaire).
19 - La publicité de l’enquête et l’information du public.
191 - Un objectif: informer le public
L'article L. 123-10-11 du Code de l’environnement pose un principe général selon lequel
l'information du public quant à la tenue de l’enquête publique est assurée par tous moyens
appropriés, selon l’importance et la nature du projet, plan ou programme, notamment par
voie d’affichage sur les lieux concernés par l'enquête, par voie de publication locale ou, et
il s'agit d'une nouveauté, par voie électronique.
S'agissant de la publicité de l’avis relatif à l’ouverture de l’enquête, le texte de référence
est l'article R. 123-11 du Code de l’environnement, lequel prévoit trois modalités de
publicité différentes: la publicité par insertion dans la presse, par voie d'affiches et,
désormais, par voie électronique.
192 - La publicité par l'insertion dans la presse locale
La publicité de l’avis d’ouverture de l’enquête publique se fait d'abord classiquement par
voie d'insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les
départements concernés, quinze jours au moins avant que ne débute l'enquête. Une
nouvelle insertion, dans les mêmes journaux, a lieu dans les huit premiers jours du
déroulement de l’enquête.
S'agissant de la notion de «journal régional ou local», la jurisprudence est pragmatique; on
relèvera, par exemple, que le journal choisi peut n’être pas diffusé dans la totalité du
département considéré dès lors qu’il est diffusé dans une zone incluant la commune en
cause (V18). Encore faut-il que ce journal soit un journal « généraliste » et non, par
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exemple, un organe de presse spécialisé dans un domaine particulier, quand bien même
ce journal figurerait sur la liste préfectorale des journaux autorisés à publier les annonces
légales (V19).
Au reste, il ne faut pas dissimuler que cette exigence de publication de l'avis d’enquête
dans deux journaux locaux peut, en pratique, poser de sérieux problèmes à l’autorité
organisatrice, notamment dans certains départements dont l'offre de presse est restreinte.
La difficulté est d’ailleurs connue du législateur qui à l'occasion de la loi SRU avait décidé,
pour cette raison, que la publicité de la délibération d'approbation du plan local
d’urbanisme serait désormais effectuée non plus dans deux mais dans «un» journal
diffusé dans le département.
On aurait pu espérer que cet allégement-justifié-soit étendu aux autres matières
nécessitant une publicité locale. Tel n’a pas été le choix du législateur, puis du
Gouvernement, les textes continuant à exiger une insertion dans deux journaux
«régionaux ou locaux diffusés dans le département».
Pour être complet, il faut rappeler que s'agissant de projets, plans ou programmes
"d'importance nationale", une publication de l'avis dans deux journaux à diffusion nationale
est "en outre" requise avant le début de l'enquête. En revanche le Code n'exige pas pour
ces projets une nouvelle insertion dans la presse nationale dans les huit premiers jours de
l'enquête. Pour ces projets, six insertions dans la presse seront donc nécessaires au total
(soit avant l'enquête, deux insertions dans des journaux locaux et deux insertions dans
des journaux nationaux et après le début de l'enquête, deux insertions dans des journaux
locaux).
193 - La publicité par voie d’affiches
La publicité de l'avis d'ouverture de l'enquête publique se fait également par voie
d’affiches, quinze jours au moins avant l'ouverture de l’enquête et pendant toute la durée
de la procédure.
Mais contrairement au droit antérieur, qui exigeait de publier l’avis sur tous les panneaux
d’affichage de la collectivité concernée, les lieux où l'avis doit être publié sont désignés au
préalable par l’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête. Des indications sont
données par le Code, l'affichage doit avoir lieu, a minima, dans toutes les mairies des
communes sur le territoire desquelles se situe le projet. Il doit également être procédé à
un affichage dans les préfectures et sous-préfectures pour les projets de niveau
départemental ou régional. Il est à noter que lorsque certaines des communes concernées
sont situées dans un autre département, l'autorité chargée de l'ouverture de l’enquête doit
obtenir l'accord du préfet du département concerné pour cette désignation. C’est alors ce
dernier qui assurera la publication de l’avis dans ces communes.
CONSEIL PRATIQUE
Dès lors que le Code impose de réaliser une formalité particulière (affichage) dans un
délai donné, il est impératif de pouvoir justifier, pièces à l’appui, d’une preuve de son
accomplissement. Classiquement, les maires des communes concernées pourront
utilement établir un certificat d'affichage une fois la formalité accomplie, même si
l’exigence de cette formalité a disparu du Code de l’environnement (V20). De même, bien
entendu, il peut être fait appel aux services d’un huissier, dont les constatations seront
difficilement contestables ultérieurement. Mais la crainte des coûts liés à ce type de
constat ne doit pas conduire à renoncer à constituer un dossier : à défaut d'acte «
incontestable », des photographies, idéalement complétées de témoignages, peuvent
être prises, que le juge accueille généralement très bien.
À cela s'ajoute que l’affichage doit, sauf « impossibilité matérielle justifiée », avoir lieu sur
les lieux prévus pour la réalisation du projet soumis à l’enquête publique. Le texte prévoit à
cet égard que les affiches doivent être visibles et lisibles depuis la voie publique.
Concrètement, ces affiches doivent mesurer au moins 42 x 59,4 cm (format A2) et
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comporter, outre le titre «avis d'enquête publique» en caractères gras majuscules d’au
moins 2 cm de hauteur, les informations visées à l’article R. 123-9 du Code de
l’environnement, c'est-à-dire les informations indiquées dans l'avis d’ouverture, en
caractères noirs sur fond jaune. En cela, cette obligation se rapproche sensiblement de
l'obligation pesant sur le titulaire d'une autorisation de construire; or, l’on connaît les
difficultés pratiques auxquelles sont parfois confrontés les constructeurs : panneaux
vandalisés, arrachés... On conseillera donc de se caler sur les pratiques des constructeurs
les plus avisés: affichage du panneau en léger retrait de la rue, tout en restant parfaitement
visible depuis cette dernière, pour éviter les vols ou dégradations, constat d'affichage
réalisé par voie d'huissier ou à défaut photographies, témoignages...
194 - La publicité par voie électronique
Enfin, lorsque l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête dispose d’un site
internet - ce qui est de plus en plus le cas pour les collectivités -, l'avis d’enquête devra
également être publié sur celui-ci.
Le texte ne précise ni le moment, ni la durée de la publication sur internet. Toutefois, la
disposition prévoyant cette modalité de publicité particulière étant insérée dans le
paragraphe dédié à la publicité par voie d'affichage, on peut raisonnablement penser que
la publication de l'avis d'ouverture d’enquête sur le site internet de l’autorité compétente
doit avoir lieu quinze jours au moins avant l’ouverture de l'enquête et pendant toute la
durée de la procédure, ainsi qu’il est prévu pour la publicité par voie d’affiches.
En tout état de cause, on rappellera que dans le cadre de l'expérimentation prévue au II
de l'article L. 123-10 du Code de l’environnement, l’autorité compétente pour ouvrir et
organiser l'enquête publique doit communiquer au public, par voie électronique, au plus
tard à la date d'ouverture de l’enquête, les éléments mentionnés dans l'arrêté d’ouverture
de l'enquête quand il s'agit de l'un des treize projets, plans ou programmes soumis à cette
expérimentation.
20 - La sanction des irrégularités de la publicité de l'avis d'enquête
La jurisprudence est désormais bien fixée : «s'il appartient à l'autorité administrative de
procéder à la publicité de l'ouverture de l'enquête publique dans les conditions fixées par
les dispositions précitées, il revient toutefois au juge de l'excès de pouvoir d’apprécier si la
méconnaissance de ces dispositions, eu égard à ses conséquences, est de nature à
justifier l'annulation de la procédure ».(V21)
Concrètement, ce critère finaliste oblige donc le requérant à démontrer, si une insuffisance
de publicité ou une erreur affectant l’avis d'enquête est alléguée et démontrée, en quoi
elle a été de nature à entacher d'irrégularité l'ensemble de la procédure d'enquête
publique pour défaut d'information et de consultation du public.
Dans la logique de cette jurisprudence, n'ont pas été considérés comme de nature à vicier
la procédure d'enquête (V22) :
- un affichage de l’avis d'ouverture quatorze jours avant l'ouverture de l'enquête (au
lieu de quinze) dès lors que la durée de l’enquête était, en l'espèce, supérieure au
délai minimum d'un mois prévu par l'ancien article R. 11-14-5 du Code de
l’expropriation (CAA de Nantes - 10 mars 2010 - N°09NT00931);
- un affichage de l’avis d'ouverture quatorze jours avant l'ouverture de l’enquête dans
une affaire où il n'était pas établi que certaines personnes auraient été empêchées
de présenter leurs observations (CAA Marseille - 12 avril 2012 - N°10MA01787) ;
- l’absence d'affichage d’information sur la tenue de l’enquête publique à proximité de
la mairie (CAA Douai - 24 novembre 2011 - N°10DA01131).
11
II : PENDANT L’ENQUÊTE
21 : La tenue des permanences
La rencontre avec le commissaire enquêteur est souvent « le » temps fort de l’enquête
publique. En pratique, il est souvent prévu, pour une enquête d’une durée d’un mois, trois
permanences, dont au moins une en semaine. Bien sûr, il est souhaitable de prévoir, en
concertation avec le commissaire enquêteur désigné, un plus grand nombre de
permanences quand le projet porte sur une zone géographique relativement vaste ou
quand il est acquis que la mobilisation du public sera forte (PLU, projet contesté,
association spécialement constituée pour combattre le projet poursuivi). C’est d'ailleurs
une stratégie précontentieuse bien connue que de « prendre d’assaut » les permanences
du commissaire enquêteur, empêchant de fait ce dernier de recevoir toutes les personnes
qui le souhaitent, puis de contester la décision administrative intervenue après l’enquête
en invoquant un nombre de permanences insuffisant.
Confronté à une telle critique, le juge tient compte de la participation du public et
notamment du nombre d’observations recueillies pour apprécier la régularité de la durée
des permanences. Le Conseil d’État a ainsi pu estimer que «compte tenu du nombre
d'observations recueillies au cours de l'enquête, les requérants ne sont pas fondés à
soutenir que les permanences ont été trop courtes et n'auraient pas permis au public de
s'exprimer, et que, par suite, sa liberté d'expression aurait été méconnue » (V23).
De même le fait que le commissaire enquêteur n’aurait pas tenu une des permanences
annoncées n’a pas privé les habitants de la possibilité de consulter le dossier (V24) et
dans le même sens, et de manière assez généreuse il faut bien l’avouer, il a pu être jugé
que l'absence du commissaire enquêteur à l’une des trois permanences prévues était
dépourvue d'incidence sur la régularité de l'enquête, dès lors que celle-ci n'avait pas eu
pour effet de priver quiconque de la faculté de présenter des observations (V25).
Enfin, dans un arrêt ancien, il est vrai, le fait que la mairie ait été fermée pendant
plusieurs des permanences programmées dans l’arrêté n’a pas privé le public du droit de
consulter le dossier. (V26)
Il faut dire un mot, enfin, du déroulement de ces permanences et plus précisément des
conditions matérielles dans lesquelles elles se déroulent. De la même façon que le public
doit pouvoir consulter sereinement le dossier d'enquête, le commissaire enquêteur doit
pouvoir recevoir les personnes qui le désirent dans des conditions matérielles
satisfaisantes. Cela implique, notamment, de pouvoir recevoir le public en dehors de la
présence d'un représentant de la collectivité (élu, agents) ou du responsable du projet. Le
cas échéant, ce sera au commissaire enquêteur de rappeler fermement la nécessité de
modalités d'organisation respectueuses de la qualité du débat public et de la sérénité de
la consultation. Agir différemment n'est de l’intérêt de personne. Imposer aux administrés
de s'exprimer en présence d’un représentant de la mairie, par exemple, pourrait, à défaut
de vicier mécaniquement l’enquête, alimenter le contentieux.
22 La décision de prolonger une enquête publique
221 - L'obligation d’informer l’autorité compétente
La décision du commissaire enquêteur de prolonger l'enquête publique qui relève de
son pouvoir discrétionnaire doit être notifiée à l'autorité compétente pour ouvrir et
organiser l’enquête au plus tard huit jours avant que la procédure ne s’achève. Mais il
s'agit d’une simple mesure d'«information», non d’un avis (comme sous le régime
antérieur qui exigeait de recueillir l'avis du préfet) et encore moins d’un accord à recueillir.
222 - Les modalités d’organisation de la prolongation
Cette information est essentielle.
12
D'abord, parce que si la prolongation est justifiée par l'organisation d'une réunion
publique, cela nécessite souvent la mise à disposition d'une salle à la capacité d'accueil
adaptée (salle du conseil municipal, gymnase, théâtre) ; le cas échéant, quand la réunion
s'annonce houleuse (projet fortement critiqué localement, avec une opposition structurée,
voire virulente), l'organisation d’une réunion justifie également de se rapprocher du maire
de la commune concernée par la réunion, titulaire du pouvoir de police et à ce titre
compétent pour prévenir les troubles à l'ordre public.
Ensuite, parce que c’est à l’autorité compétente pour organiser l’enquête de procéder
aux mesures de publicité, au plus tard à la date prévue initialement pour la fin de
l'enquête. Il a toutefois été jugé qu’une irrégularité sur ce point ne viciait pas
automatiquement la procédure dès lors que la décision de prorogation « a eu pour seul
objet et pour seul effet de permettre une meilleure information du public et d'augmenter
les garanties prévues par les dispositions législatives et réglementaires » (V27).
Concrètement l’article R.123-6 du Code de l’urbanisme prévoit un « affichage » « dans les
conditions de lieu prévues au II de l'article R. 123-11 », soit dans les mairies des
communes sur le territoire desquelles se situe le projet, voire pour les plans et
programmes de niveau départemental ou régional dans les sous-préfectures et
préfectures désignées dans l’arrêté d’ouverture d'enquête.
Au reste, le Code prévoit que cette décision est portée à la connaissance du public par
tout autre moyen approprié, ce qui conduira l'autorité compétente pour organiser l’enquête
à prévoir, par prudence, un affichage sur le terrain, sur son site internet, voire dans la
presse locale si les délais le permettent.
En pratique, au demeurant, ces prolongations, assez souvent demandées, sont assez
rarement organisées. Les raisons qui expliquent cette tendance sont assez confuses : nos
commissaires ont-ils toujours conscience de cette faculté qui leur est reconnue?
Craignent-ils de retarder les projets faisant l’objet de l’enquête? De ne pas être
indemnisés de ces diligences « ajoutées » ? Constatent-ils que, passée une première
étape, ce sont toujours les mêmes « clients » qui reviennent, pour répéter les mêmes
arguments ? Sans doute s’agit-il d’un mélange, aux proportions variables.
23 La décision d’organiser une réunion publique.
231 - L’organisation de La réunion publique
L’article R.123-17 du Code de l’environnement a repris certaines des dispositions qui
existaient dans l’ancienne réglementation concernant l’organisation d’une réunion
d’information et d’échange.
Le commissaire enquêteur, s’il décide seul du principe de la réunion, est toutefois
tenu d’informer, préalablement à la tenue de la réunion, l’autorité en charge de l'ouverture
et de l’organisation de l’enquête, ainsi que le responsable du projet soumis à enquête.
L’information de ces autorités porte également sur les modalités d’organisation de la
réunion qu’envisage le commissaire enquêteur. Un débat est certes possible sur ces
modalités que le commissaire enquêteur «propose». Mais, in fine, le dernier mot est
censé lui revenir.
Il en va de même s’agissant des modalités d’information préalable du public et du
déroulement de cette réunion. Une «concertation» avec l'autorité organisatrice et le
responsable du projet est imposée par le Code de l’environnement. Ce qui est somme
toute logique dès lors que c’est notamment le responsable du projet qui supporte les frais
d’organisation (on pense notamment aux frais de publicité dont l’insertion dans la presse,
et aux frais de location de salle; mais c’est bien le commissaire enquêteur qui «définit» les
modalités de cette information préalable.
En pratique toutefois, il va de soi que l’organisation d’une réunion publique implique
une étroite collaboration entre les différents acteurs intéressés: une salle d’une dimension
13
adaptée au public attendu doit être réservée ou mise à disposition, des moyens
d'enregistrement audio ou vidéo doivent être recherchés, certaines pièces du dossier
doivent être reprographiées pour le public, le cas échéant la sécurité doit être assurée...
232 - Le déroulement de la réunion publique
Il est bien évident, d’abord, qu’une fois la réunion annoncée, il est indispensable de
la tenir effectivement, sauf à fragiliser la procédure (V28). Le vice risque notamment d’être
dirimant si le principe de la réunion est décidé, non en amont au stade de l’arrêté
d'ouverture - ce qui n’est plus si rare désormais - mais pendant l’enquête elle même et
qu'il ne reste plus assez de temps, avant la fin de l’enquête, le cas échéant prolongée,
pour organiser une nouvelle réunion. Si le projet est autorisé, il sera certainement avancé
par les requérants, en cas de recours, que l’annulation de la réunion prévue les a privés
d’une garantie instituée par le Code de l’environnement.
En pratique, ensuite, il appartiendra au commissaire enquêteur, qui préside cette
réunion, de faire preuve de pédagogie vis-à-vis du public - pour bien rappeler l’objet de la
réunion, notamment si elle est consacrée, par exemple, à un aspect bien précis du projet
ou à un volet seulement d'un projet plus large - mais aussi d’autorité. Car il faut être lucide
: ce sont avant tout les opposants au projet qui se mobiliseront. Le risque est donc bien
réel que la réunion tourne à la « foire d’empoigne » si le commissaire enquêteur ne fait
pas suffisamment preuve d'autorité.
Afin de faciliter la rédaction du compte rendu de la réunion, le Code de
l'environnement offre la possibilité au commissaire enquêteur de procéder à
l’enregistrement audio ou vidéo de la réunion d'information et d'échange avec le public.
Formellement, le début et la fin de l'enregistrement doivent alors être «clairement
notifiés» aux personnes présentes. Les enregistrements sont ensuite transmis,
exclusivement et sous sa responsabilité, par le commissaire enquêteur ou le président de
la commission d’enquête, avec son rapport de fin d’enquête, à l’autorité en charge de
l'ouverture et de l'organisation de l’enquête.
233 – Les suites de la réunion
À l’issue de la réunion, le commissaire enquêteur est tenu d’établir un compte rendu
de la réunion. Le plus grand soin devra être apporté à la rédaction de ce compte rendu,
qui devra fidèlement exposer les questions posées et les réponses apportées par le
responsable du projet. Un tel exercice sera bien évidemment plus facile en cas
d'enregistrement audio ou vidéo de la réunion.
Ce compte rendu doit être adressé «dans les meilleurs délais» au responsable du
projet, ainsi - et c’est un apport de la réforme - qu’à l'autorité en charge de l’organisation
de l’enquête. Le Code envisage une réponse du responsable du projet, ce qui est logique,
puisqu'il peut être concerné par le contenu des débats, mais pas celle de l’autorité
organisatrice, plutôt positionnée en spectatrice ou plutôt en garante. En tout état de
cause, les éventuelles observations seront annexées au compte rendu, lui- même annexé
au rapport de fin d’enquête établi par le commissaire enquêteur.
III : APRES L’ENQUÊTE
31 L’analyse des observations du public.
311 Une analyse des propositions….
Il convient ici de rappeler que toutes les observations doivent être examinées. Ainsi, le
Conseil d'Etat a jugé irrégulière une enquête pour laquelle le commissaire-enquêteur avait
omis de mentionner dans son rapport une pétition signée par plusieurs milliers de
personnes (V29).
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De même il a été jugé qu’il convenait d’examiner l’ensemble des observations (V30), et
que le commissaire enquêteur ne devait pas refuser d’examiner une observation dés lors
qu’elle était au cœur de l’enquête (V31).
312 Une analyse des contre-propositions
Si le commissaire enquêteur n’a pas l’obligation de répondre à chaque observation
(V32), il doit cependant examiner chaque contre proposition (V33)
313 La gestion, l’enregistrement et le traitement des observations du public
transmises par voie électronique.
On l’a vu précédemment, ce n’est pas une obligation pour l’autorité organisatrice de
l’enquête d’admettre les observations du public par courriel.
En effet, l’article R.123-9 relatif à l’organisation de l’enquête prévoit (R.123-9-12°)
« 12° Le cas échéant, l'adresse du site Internet sur lequel des informations relatives à
l'enquête pourront être consultées, ou les moyens offerts au public de communiquer
ses observations par voie électronique. »
Nous attendions beaucoup d’un nouveau décret qui était annoncé dans la partie
législative, je cite article L.123-13-I : « Dans les conditions fixées par décret en Conseil
d'Etat, la participation du public peut s'effectuer par voie électronique. », or suite à une
rencontre avec des représentants du ministère de l’écologie, il nous a été déclaré que le
fameux décret que nous attendions était résumé dans le phrase du R.123-9-12° ci-dessus
à savoir : l’autorité organisatrice de l’enquête détermine les moyens offerts au public de
communiquer ses observations par voie électronique, ce qui, vous en conviendrez,
est un peu léger s’agissant des « conditions » évoquées par l’article L.123-13-I concernant
le futur décret !
C’est pour ces raisons que la CNCE s’est emparée de la question et a mis sur pied une
petite commission composée de M. Sablayrolles, (ancien président de la CNCE), de C.
Vignacq (VP de la CNCE et de E. Chaussebourg (coordonnateur des secteurs
techniques). Dans le dernier N°78 du bulletin de l’enquête publique,ils ont fait part de leurs
premières conclusions et des bonnes pratiques qu’il convient d’observer pour mettre en
œuvre cette nouvelle procédure En tant que de besoin, je répondrais aux questions
concernant l’e-enquête, en ajoutant cependant que les observations reçues par courriel
doivent être traitées comme les autres observations reçues par courrier ou déposées sur
les registres et bénéficier des mêmes garanties juridiques.
32 L'analyse des avis de l'AE et des PPA.
321 S’agissant des avis de l’autorité environnementale (AE)
Ils sont très importants pour le commissaire enquêteur, notamment s’agissant des
enquêtes environnementales pour lesquelles il n’existe qu’une étude d’impact. En effet,ce
sont très souvent des domaines très spécialisés qui permettent d’éclairer le commissaire
enquêteur sur certains aspects environnementaux du dossier et lui permettent de se
forger son opinion. Actuellement nous n’avons que peu de jurisprudences sur cet aspect
de l’avis de l’autorité environnementale et sur les modalités de sa prise en compte par le
commissaire enquêteur. Notons toutefois que l’autorité environnementale consultée ne
donne pas un avis favorable ou défavorable à une étude d’impact mais critique les divers
aspects de cette étude en mettant en exergue, ses insuffisances ou ses carences.
322 S’agissant des avis des PPA
Là, je pourrais être plus précis car nous avons une jurisprudence, relativement
récente qui contraint le commissaire enquêteur à examiner et à donner son « opinion » sur
les avis des PPA ? Faut-il donc que le commissaire enquêteur donne son avis sur tous les
avis des PPA ?
Je pense que le commissaire enquêteur devra s’en tenir à la jurisprudence du
Conseil d’Etat et examiner les seuls avis des PPA réservés ou défavorables (V34)
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33 Le rapport et les conclusions du commissaire enquêteur.
À l'issue de l'enquête, le commissaire enquêteur est chargé de rédiger un rapport «qui
relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies»
Mais l’article R. 123-19 va plus loin que l'ancien article R. 123-22 du Code de
l’environnement et explicite le contenu du rapport qui doit comporter «le rappel de l'objet
du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le
dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des
propositions et contre-propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les
observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux
observations du public ».
Cette énumération doit bien évidemment guider le commissaire enquêteur dans la
rédaction de son rapport. Ces cinq composantes constitueront la trame de son rapport,
qui demeure à ce stade un document globalement objectif.
C’est également à ces composantes que s’attachera le juge.
331 Le déroulement de l’enquête
Le commissaire enquêteur doit relater, brièvement le déroulement de l’enquête, mais
surtout il devra s’attacher à faire état des incidents qui ont émaillé l’enquête. Ainsi, le juge
administratif n’hésite pas à souligner que le commissaire enquêteur doit faire état du
déroulement de l’enquête (V35).
332 La liste de l’ensemble des pièces figurant dans le dossier d’enquête
Le cas le plus connu est celui de l’avis des personnes publiques associées (PPA) qui
doit, lorsque qu’il est obligatoirement requis figurer dès le début de l’enquête au dossier
d’enquête (V36). Il doit par ailleurs avoir été mis à la disposition du public pendant tout le
temps de l’enquête (V37).
34 La motivation de l’avis du commissaire enquêteur.
«Dans un document séparé», le commissaire enquêteur doit consigner ses
conclusions «motivées » Concrètement, les conclusions doivent refléter l’avis personnel
et argumenté du commissaire enquêteur sur le projet qui a donné lieu à enquête; il s’agit
donc clairement d'un document subjectif.
L'exigence d'un avis personnel exclut que le commissaire enquêteur se borne à
reprendre, purement et simplement, l’argumentation du maître d'ouvrage ou d'ailleurs des
participants à l'enquête. Le commissaire enquêteur ne saurait s’être «borné à répondre
aux observations qui avaient été faites pendant l'enquête en distinguant entre les
conclusions pouvant être partiellement ou totalement rejetées et celles pouvant être
accueillies», «en l’absence de synthèse donnant un avis personnel sur le projet de
révision», les conclusions du commissaire enquêteur ne peuvent être regardées comme
motivées (V38).
Les conclusions doivent donc, à peine de nullité, refléter l’opinion personnelle du
commissaire enquêteur, opinion qui peut naturellement être différente de celle du public,
et même radicalement opposée. Il a ainsi pu être jugé que «la circonstance que la quasitotalité des observations (...) aient été défavorables au projet, et d'ailleurs retranscrites
comme telles, ne faisait toutefois pas obstacle à ce que le commissaire enquêteur pût
émettre un avis favorable à l'opération projetée, en toute impartialité »(V39).
Les conclusions doivent également être motivées. Pour la jurisprudence, les
conclusions du commissaire enquêteur doivent faire «apparaître de façon suffisamment
précise les raisons qui ont déterminé le sens de (son) avis ». Autrement posé, le lecteur
ne doit pas être surpris, quand il parvient à la fin du document, du sens de l'avis
finalement émis par le commissaire enquêteur (V40).
16
A priori, plus le projet a été critiqué par le public au cours de l’enquête, plus le juge se
montrera exigeant quant à la motivation des conclusions du commissaire enquêteur,
surtout si ces dernières sont favorables au projet. Pour autant, on rappelle que le
commissaire enquêteur ne peut émettre de conclusions défavorables au seul motif que
l'ensemble des participants s'est exprimé en défaveur du projet. Toute la difficulté de
l'exercice est là... Le commissaire enquêteur ne peut être le porte-parole de qui que ce
soit: ni du maître d’ouvrage, ni des administrés. C'est bien son avis personnel, certes
éclairé et, disons-le, influencé par les arguments des uns et des autres, qui est attendu.
Peu importe, au fond, la technicité et surtout le sens. Ce qui compte, c'est que l'avis
formulé ne soit pas un empilage de lieux communs (l'intérêt général qui s'attache au
traitement des déchets, par exemple), ni un brûlot dicté par des administrés véhéments,
mais un avis autonome, d’honnête homme exprimant son point de vue personnel.
35 La qualification de l’avis du commissaire enquêteur.
351 Les variétés d’avis
Le Code de ['environnement oblige le commissaire enquêteur à se prononcer
favorablement ou défavorablement sur le projet poursuivi. Plus encore, le commissaire
enquêteur doit préciser «si (ses conclusions) sont favorables, favorables sous
réserves ou défavorables au projet ». La «réserve » fait donc son apparition dans le
Code de l'environnement; la simple «recommandation», en revanche, n’est pas
mentionnée. Elle pourra néanmoins toujours être formulée par le commissaire enquêteur
dès lors que, juridiquement, elle n'a aucun effet sur le sens de l’avis.
Bien entendu, il appartiendra au commissaire enquêteur de soigneusement rédiger ses
«recommandations », qui globalement demeurent de simples suggestions et non une
condition à laquelle est subordonné son avis favorable. Le cas échant, en cas de recours
à l'encontre de la décision adoptée à l'issue de l’enquête publique, c'est le juge
administratif qui, en fonction du degré de précision des suggestions émises par le
commissaire enquêteur, déterminera s’il s'agit ou non d'une véritable réserve. Si tel est le
cas, le juge s'assurera de ce que la réserve a bien été levée par le maître d’ouvrage. À
défaut, l'avis, bien que favorable (sous réserve), sera requalifié en avis défavorable, ce qui
n'est pas sans incidence d’un point de vue contentieux (V41). En revanche, s'il ne s'agit
que de simples souhaits, pour le juge, le fait que ces suggestions n'aient pas été suivies
par le commissaire enquêteur ne change pas la nature de l'avis, lequel demeure
favorable.
Au final, l'avis du commissaire enquêteur pourra être:
•
favorable ;
•
favorable assorti de réserves ;
•
favorable assorti de recommandations ;
•
favorable assorti de réserves et recommandations ;
•
défavorable.
352 La portée des avis délivrés par le commissaire enquêteur
En droit, il faut insister sur le fait que les avis délivrés par les commissaires enquêteurs
sont des avis dits « simples », par opposition aux avis dits « conformes » qui lient
l'Administration. En d'autres termes, ces avis ne s'imposent pas à l'Administration qui peut
parfaitement « passer outre » et ne pas en tenir compte. Pour cette raison, un avis
défavorable ne vicie pas la procédure poursuivie. La jurisprudence est constante en ce
sens (V42).
Sur ce point, la réforme ne modifie pas l'état du droit. Il est certes mentionné à l'article
L. 123-1 du Code de l'environnement que «les observations et propositions recueillies au
cours de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité
compétente pour prendre la décision».
17
Mais pour la doctrine, cela ne transforme pas la procédure d’enquête publique en
mécanisme de codécision ; la décision finale peut donc parfaitement s’écarter de l'opinion
majoritaire énoncée au cours de l’enquête, ainsi qu'il est d'ailleurs fréquent.
36 La remise du rapport.
Le nouvel article R.123-19 (4ème alinéa) précise :
« Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête transmet à
l'autorité compétente pour organiser l'enquête l'exemplaire du dossier de l'enquête déposé
au siège de l'enquête, accompagné du ou des registres et pièces annexées, avec le
rapport et les conclusions motivées. Il transmet simultanément une copie du rapport et
des conclusions motivées au président du tribunal administratif. »
Cette rédaction est importante et il convient de la suivre à la lettre. En effet, la
simultanéité de transmission du rapport a l’autorité organisatrice de l’enquête et au
président du TA a pour but d’homogénéiser le délai de 15 jours (évoqué dans l’article
R.123-20) dont disposent ces autorités pour demander au CE de compléter ses
conclusions
37
Le nouveau mécanisme de contrôle préventif des conclusions du
commissaire enquêteur : la reprise des conclusions à la demande du TA (du
président lui-même ou sur demande de l’autorité organisatrice de l’enquête)
On l'a vu, des conclusions insuffisamment motivées du commissaire enquêteur
peuvent gravement fragiliser la procédure d'enquête. Mais toute la difficulté pour l’autorité
responsable du projet soumis à enquête publique réside dans le fait qu’elle ne contrôle ni
la nomination du commissaire enquêteur, en amont, ni la qualité de son travail, en aval
(V43). Et pourtant, elle se doit de défendre le rapport établi dont l'insuffisance peut, par
ricochet, vicier la décision finale.
Afin de tenter d’y remédier, l'article R. 123-20 du Code de l'environnement instaure une
procédure spécifique de contrôle préventif de la qualité des conclusions du commissaire
enquêteur. Ainsi, lorsque l'autorité compétente pour organiser l'enquête constate que les
conclusions qui lui ont été transmises par le commissaire enquêteur sont insuffisantes ou
ne sont pas suffisamment motivées - ce qui, déjà, suppose certaines connaissances
juridiques -, elle peut, dans un délai de quinze jours, en informer le président du tribunal
administratif.
Incidemment, on relèvera que le texte ne vise que les conclusions du commissaire
enquêteur qui constituent, faut-il le rappeler, un document distinct du rapport. Dans ces
conditions, on peut s’interroger: un rapport qui comporterait des lacunes (exemple:
omission d'une pétition de riverains) pourrait-il être transmis au président du tribunal
administratif sur le fondement de ces dispositions précitées ? L’esprit du texte - tarir un
contentieux opportunément qualifié de « parasite » par la doctrine - milite en faveur de
cette interprétation ; la lettre du texte l’exclut toutefois.
Si le président du tribunal partage le point de vue de l'autorité organisatrice de
l’enquête, il lui appartient de demander dans un délai de quinze jours au commissaire
enquêteur de compléter ses conclusions. Si, au terme de ce délai de quinze jours, le
président du tribunal administratif n’est pas intervenu, la demande est réputée avoir été
rejetée. Le code prévoit que cette décision est insusceptible de recours.
Le président du tribunal administratif peut également intervenir de sa propre initiative,
dans un délai de quinze jours à compter de la réception des conclusions du commissaire
enquêteur ou de la commission d’enquête, auprès du commissaire enquêteur afin qu’il
complète ses conclusions.
Qu’il soit saisi par l’autorité organisatrice ou par le président du tribunal administratif, le
commissaire enquêteur doit remettre ses conclusions complétées à l’autorité compétente
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pour organiser l’enquête et au président du tribunal administratif dans un délai d'un mois.
Rien ne garantit toutefois que ces nouvelles conclusions seront irréprochables...
Je peux également rajouter que, le cas échéant, le président du tribunal administratif,
qui préside, en application de l’article R. 123-34 du Code de l'environnement, la
commission départementale chargée d'établir la liste d'aptitude aux fonctions de
commissaire enquêteur, peut tenir compte de l'insuffisance du travail fourni lors de
l'examen des réinscriptions sur la liste d'aptitude. Il a été jugé en effet que le manque de
rigueur dans la rédaction du rapport pouvait, avec d’autres carences, justifier un refus de
réinscription sur les listes (V41).
38 Les conséquences d'un avis défavorable du commissaire enquêteur
Pour autant, un avis défavorable - auquel est assimilé un avis favorable assorti de
réserves non levées - n’est pas sans conséquences.
D'un point de vue contentieux, d'abord, un avis défavorable expose la collectivité à
deux risques bien distincts.
En cas de recours en annulation à l’encontre de la délibération adoptée à l'issue de la
procédure d'enquête, les requérants, s’ils ne pourront utilement conclure à l’illégalité de
l'acte attaqué au seul motif de l’avis défavorable émis par le commissaire enquêteur,
pourront néanmoins s'appuyer sur cet avis pour démontrer son illégalité. Mais, surtout,
l'autorité compétente pour édicter la décision finale s'expose à un risque contentieux
accru avec un mécanisme de référé-suspension «facilité» dès lors que «le juge
administratif des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision prise après
des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête,
fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l'état de
l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci». Autrement posé, les
requérants sont, dans ce régime particulier, dispensés de démontrer l'urgence à
suspendre, qui constitue l'une des deux conditions du régime de droit commun.
D’un point de vue procédural, ensuite, le Code de l’environnement prévoit que « tout
projet d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération
intercommunale ayant donné lieu à des conclusions défavorables du commissaire
enquêteur ou de la commission d'enquête doit faire l'objet d'une délibération motivée
réitérant la demande d'autorisation ou de déclaration d'utilité publique de l'organe
délibérant de la collectivité ou de l'établissement de coopération concerné»
39 La consultation du rapport,
Une fois qu’il a remis son rapport le commissaire enquêteur, tenu par le devoir
de réserve ne doit plus en faire état.
S’il est sollicité sur ce point , il doit renvoyer à l’article R.123-21 du Code de
l’environnement qui précise :
« L'autorité compétente pour organiser l'enquête adresse, dès leur réception, copie du
rapport et des conclusions au responsable du projet, plan ou programme.
Copie du rapport et des conclusions est également adressée à la mairie de chacune des
communes où s'est déroulée l'enquête et à la préfecture de chaque département concerné
pour y être sans délai tenue à la disposition du public pendant un an à compter de la date
de clôture de l'enquête.
Lorsqu'elle a publié l'avis d'ouverture de l'enquête sur son site internet, l'autorité
compétente pour organiser l'enquête publie le rapport et les conclusions du commissaire
enquêteur ou de la commission d'enquête sur ce même site et le tient à la disposition du
public pendant un an. »
La CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs a précisé, dans
un certain nombre d’avis ce qui était communicable au public à la clôture de
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l’enquête publique (V44). La liste est très longue et il n’est pas impossible que
certains maires fassent de la résistance et ne répondent pas favorablement à ces
demandes de communication.
----------------O----------------En conclusion, il ne faut pas se cacher la vérité, la survie de la fonction de
commissaire enquêteur sera étroitement liée à sa capacité de diligenter l’enquête publique
de façon quasi « professionnelle » en garantissant grâce à sa bonne connaissance des
textes régissant le déroulement et la procédure d’une enquête la meilleure sécurité
juridique possible.
C’est ainsi comme je l’ai d’ailleurs écrit dans le Nouveau Guide du commissaire
enquêteur que l’on ne peut plus se contenter d’être « l’honnête homme » du siècle des
Lumières à savoir « un homme cultivé, mais qui ne le montre pas, modéré en tout et très
sociable » non, il nous est désormais demandé bien plus et le temps des notables est
révolu.
C’est ainsi que devant l’évolution de plus en plus technique et complexe des dossiers
et la sédimentation des textes conduisant à un environnement juridique de plus en plus
difficile à appréhender, l’on ne peut plus affirmer de façon péremptoire et quelque peu
simplificatrice que le commissaire enquêteur n’est « ni un expert, ni un juriste ».
Certes le commissaire enquêteur n’est pas obligatoirement un spécialiste ou un
expert, mais il doit être compétent dans le domaine d’exercice de sa mission afin de
pouvoir renseigner le public, apprécier la portée des observations présentées et être à
même de prendre position en connaissance de cause. Il devra donc se récuser dans le
cas où il s’estimerait incompétent pour assumer la conduite d’une enquête proposée,
notamment pour les enquêtes dont il ne se sent pas apte à maîtriser la technicité du
projet.
De même le commissaire enquêteur n’est pas obligatoirement un spécialiste du droit
voire encore moins un juriste. Il n’a pas d’ailleurs à dire le droit, car ceci relève
essentiellement des juridictions administratives éventuellement saisies d’un recours
contentieux, mais il ne doit pas négliger l’environnement juridique dans lequel il se meut
pour savoir dans quel contexte législatif et/ou réglementaire prend place l’enquête qu’il
diligente, de façon à pouvoir s’en expliquer auprès du public.
Et surtout, il doit vivre avec son temps et s’adapter aux évolutions technologiques et
aux rapides changements ou modifications de la réglementation. Il doit donc également
faire preuve d’une insatiable curiosité, ne tenant jamais définitivement ses
connaissances comme acquises ou figées, dans quelque domaine que ce soit mais doit
être constamment guidé par la soif d’apprendre et de se perfectionner.
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