John R. Bowen L`Islam à la française. Enquête

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Bibliothèque
français sont aussi et avant tout des
gens qui, par exemple, se marient
– et sont tenus en se mariant de respecter la loi française, qui leur
demande de se marier civilement
avant de le faire religieusement. Qui
ont des enfants (parfois non désirés),
qui divorcent, prient, étudient, achètent à crédit (des maisons et d’autres
objets), meurent… et sont confrontés
aux prescriptions spécifiques de leur
religion. Que faire devant ces choses
de la vie dans un pays où l’islam
manque de contexte, quels accommodements intérieurs avec la foi sont
envisageables, lesquels sont impossibles ?
vis-à-vis – à la fois nécessaire et problématique – du lecteur, c’est la définition de l’humanité (comme qualité) d’êtres singuliers et collectifs et
la transmission de cette qualité.
Le judaïsme apparaît, en miroir
de cette exploration du lien entre les
Juifs et la Bible, comme une quête
infinie de cette définition, non pas
seulement de son énonciation, mais
aussi de ce qui peut lui permettre de
se maintenir, de se transmettre – d’où
toute la Tradition qui accompagne,
entoure, voire met à distance la
Bible. Telle est sans doute, à l’heure
où, comme l’écrit Attias, Dieu est
peut-être mort, non pas la définition,
mais le travail de l’élection pour que
perdure ce grain de sable dans les
rouages d’un monde sans lequel ce
monde ne serait pas tout à fait luimême.
Il faut préciser toutefois : l’enquête de Bowen vise une minorité,
celle des musulmans – et des responsables musulmans – concernés
personnellement par la question d’un
« islam à la française », et donc en fin
de compte ceux qui sont acteurs du
changement. Dans ce cadre, il s’intéresse avant tout aux lieux d’études
et de formation, aux mosquées, aux
instituts de recherche, à ceux qui
dirigent et animent ces institutions ou
y participent en tant qu’intervenants,
à leurs discours, à leurs différences,
aux méthodes de travail qu’ils
emploient, aux sources et aux autorités islamiques dont ils se réclament pour répondre à ceux des
fidèles qui posent des questions ou
exposent des scrupules. Dans ces
lieux d’enseignement, l’arabe et le
français sont utilisés, mais il ne faut
pas surestimer l’usage du premier,
car souvent il n’est pas connu des
Français musulmans. La tradition
juridique, le fiqh, y est l’objet de
réinterprétations différentes, de
Jean-François Bouthors
John R. Bowen
L’Islam à la française.
Enquête
Paris, Steinkis éd., 2011, 382 p., 22 €
Le grand intérêt de cet ouvrage
vient de l’enquête de terrain, précise et sur une durée de plusieurs
années, effectuée par J. R. Bowen,
professeur à la Washington University de Saint-Louis et spécialiste des
islams dans le monde. Elle révèle
d’autres facettes de cet « islam français » que nous ne connaissons souvent qu’à travers le prisme des banlieues dangereuses et les usages
politiques qui en sont faits. Bowen
rappelle d’abord que les musulmans
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