Mise à jour du 23 janvier 2006 DOCUMENT COMPLÉMENTAIRE RÉGIME FRANÇAIS UN PEU D’HISTOIRE : LA FRANCE EN AMÉRIQUE ANNEXE À LA REQUÊTE EN RECONNAISSANCE ET CONFIRMATION DU STATUT D’AUTOCHTONE FRANÇAIS DU QUÉBEC (CANADIEN FRANÇAIS DU QUÉBEC) ET DES DROITS Y AFFÉRENTS Dans le cadre de la requête en reconnaissance du statut d’Autochtone français du Québec pour les requérants qui sont des descendants de Français qui ont habité la Nouvelle-France avant le Traité de Paris et la Proclamation royale de 1763, il est bon de remonter dans le temps et de rappeler les principaux faits qui ont marqué l’histoire des Français du Québec et d’en tirer certains enseignements utiles comme conclusions. 1.0 Le territoire, le peuplement et l’administration 1.1 Le choix de Québec, colonie de peuplement Dans le prolongement des voyages de Jacques Cartier en 1534-1535 et 1541 et après de vaines tentatives de colonisation, c’est-à-dire l’exploitation des richesses naturelles d’un territoire, La Rocque de Roberval, d’abord, près de Québec en 1542, ensuite Pierre Chauvin à Tadoussac en 1600 et de la Roche à l’Ile de Sable à la fin du XVIe siècle, François Dupont-Gravé, secondé de Samuel de Champlain, géographe, conclut une alliance, un traité d’amitié avec des bandes de Montagnais et leurs alliés, Algonquins et Etchemins, à la Pointe-aux-Alouettes en face de Tadoussac le 27 mai 1603 (voir 1.2 et 2.2). Ces explorateurs, l’année suivante (1604), longent le littoral de l’Acadie, la baie Française (de Fundy) et Port-Royal (Annapolis Royal). Ils passent un hiver désastreux dans l’Ile Sainte-Croix où périrent du froid et du scorbut 35 personnes qui les accompagnaient. En 1605, ils poussent leur exploration jusqu’à Boston, reviennent à l’Ile Sainte-Croix qu’ils délaissent pour s’installer tout près à Port-Royal. En 1606 et 1607, les explorations se poursuivent tandis que des bâtiments se rendent à Tadoussac troquer des pelleteries (fourrures) avec les Indiens. Cependant, en août 1607, le monopole de traite des fourrures de Du Gua de Monts, lieutenant général de la Nouvelle-France et armateur, a été révoqué et ultérieurement renouvelé pour une année à la condition qu’il se fixe à l’intérieur du continent. Ceci confirme un échec d’établissement en Acadie. Après tous ces tâtonnements à la recherche du site idéal d’établissement, Du Gua de Monts donne à Champlain le titre de lieutenant et le charge, accompagné de François Dupont-Gravé, d’aller fonder Québec en 1608. Ce site fut choisi parce qu’il est à proximité des fourrures et des Indiens qui fournissent les marchands et coureurs des bois, qu’il y a un climat propice et un promontoire favorisant une certaine sécurité, le tout couronné par la réalisation d’un vieux rêve, celui de la mainmise sur le commerce avec la Chine. Québec fut appelée à devenir la capitale de la Nouvelle-France et le lieu où se définissent les grands enjeux de la colonie, les stratégies de développement du territoire. L’Abitation comme elle fut nommée, était un bâtiment abritant les personnes, vivres et outils à l’intérieur d’une enceinte fortifiée. Québec devient un comptoir, un centre administratif, un port en eau profonde à l’intérieur des terres. C’est un centre de peuplement et de services en liaison avec la France pour toute question administrative. D’ailleurs, en 1618, Champlain présente à Louis XIII un mémoire dans lequel il fait valoir sa vision d’une colonie française en Amérique dont le centre serait Québec. 1.2 Les grandes explorations Des expéditions furent lancées tout au long du XVIIe siècle dans toutes les directions afin de mieux connaître les richesses des nouvelles contrées et d’y affirmer la suprématie de la France et assurer la conversion des Sauvages. Après le traité d’amitié à la Pointe-aux-Alouettes le 27 mai 1603 avec des Montagnais, des Algonquins et des Etchemins, Champlain, à l’occasion des guerres entre les Iroquois et les Hurons et, pour consolider une autre alliance ou traité d’amitié avec ces derniers, en 1609, remonte la rivière Richelieu (rivière des Iroquois) et atteint le lac auquel il donne son nom, reconnaissant ainsi l’importance de cette voie de pénétration vers le Sud. Jusqu’en 1615, eurent lieu des affrontements opposant aux Iroquois des Français, des Hurons auxquels se joignirent des Montagnais et des Algonquins. De plus, cette même année, il accompagne ses alliés en Huronie en passant par la rivière des Outaouais et le lac Nipissing, une route des fourrures. Par la suite, des périples non officiels étaient faits par des missionnaires, interprètes (truchements) et commerçants. Notons le voyage du père Jean De Quen au lac SaintJean en 1647, celui de Jean Bourdon et Ménard Chouart des Groseillers au lac Supérieur et à la baie d’Hudson entre 1657 et 1663. De 1665 à 1685, comme les Anglais s’établissent à la baie d’Hudson, l’intendant Talon y dépêche Denys de Saint-Simon et le missionnaire jésuite Charles Albanel en 1672 et, en 1674, cette fois avec Louis Jolliet du poste de traite de Tadoussac, fondé en 1600, pour y instaurer des alliances avec les Indiens au profit du roi de France. Vers l’Ouest et le Sud, plusieurs années après l’établissement en 1632 d’une grande mission par les Jésuites auprès des Hurons de la baie Georgienne, le père Dollier de Casson et Cavelier de La Salle en 1668 se rendent jusqu’au lac Érié. En 1672, Louis Jolliet et le père Marquette pénètrent jusqu’en Louisiane. Enfin, c’est Cavelier de La Salle qui atteint l’embouchure du Mississipi sur le golfe du Mexique et il prit possession du territoire au nom du roi de France en 1682. Les grandes explorations continuent. Pierre Lemoyne d’Iberville pousse jusqu’à la baie d’Hudson en 1690. Cadillac fonde Détroit en 1701. La Vérendrye part à la conquête de l’ouest et se rend au pied des Rocheuses en 1743. Ces grands explorateurs aux noms illustres ont nommé les lieux où des forts, des missions et des établissements furent fondés laissant l’empreinte de la France sur l’ensemble du continent. 1.3 Les fondations de villes et postes Après Tadoussac et Québec, dans la vallée du Saint-Laurent, sur les ordres de Champlain, le sieur Laviolette, employé de la traite des fourrures, fonde TroisRivières, lieu de commerce qui est très fréquenté par les Montagnais, les Algonquins et les Hurons en 1634. De plus, la Compagnie des Cent Associés (voir 2.2), créée par le cardinal de Richelieu, concède l’île de Montréal à la Société Notre-Dame dévouée à la conversion des sauvages en 1640. Deux ans plus tard, le 17 mai 1642, Paul Chomedey de Maisonneuve fonde Ville-Marie (Montréal), ville missionnaire. Enfin, Lachine est fondée par Cavelier de La Salle en 1671. 1.4 L’arrivée des ancêtres des requérants Comme vous pouvez le voir dans l’exposé plus élaboré aux paragraphes 12 à 27 de la Requête en reconnaissance et confirmation du statut d’Autochtone français du Québec, l’ancêtre Pierre Lavallée, dit Vallée, s’installe sur des terres à Beauport au plus tard en 1657, tandis que Pierre Duchesne, dit Lapierre, du côté maternel, se fixe à l’Ile d’Orléans et Québec avant 1664. 2 1.5 Le développement et l’administration de la colonie jusqu’en 1760 La France au XVIe siècle, alors qu’elle était engagée dans des guerres coûteuses, a été confrontée aux problèmes du financement du peuplement et de la colonisation des territoires dont ses explorateurs avaient pris possession en son nom en Amérique. Le commerce des fourrures devenu très florissant permet de trouver la solution. En retour d’un monopole exclusif accordé par l’État, une compagnie privée assumerait le peuplement du territoire. Cette compagnie avait le pouvoir de commercer avec les Aborigènes (Indiens) et de faire des lois et ordonnances. C’est ce qui fut fait et ses pouvoirs ont été délégués à un lieutenant qui prend le titre de gouverneur en 1635. La France, contrairement aux colonies britanniques, confinées par la chaîne de montagnes au littoral atlantique, a pu se constituer un immense empire territorial couvrant les trois quarts du continent, c’est-à-dire de l’Acadie vers le nord en passant par Plaisance à Terre-Neuve, puis vers la baie d’Hudson et à l’ouest du lac Supérieur en descendant en Louisiane, la Nouvelle-Orléans et Mobile jusqu’au golfe du Mexique. Mais cette immensité avait la fragilité pour contrepartie. La France a tout au plus réussi à prendre possession des territoires, sans les occuper, les habiter et les contrôler. Si l’on fait exception des peuplements en périphérie destinés à la traite des fourrures et l’approvisionnement en poissons, l’administration a tenu à concentrer la population à Tadoussac, Québec, Trois-Rivières, Montréal et Sorel. Le régime seigneurial ayant été retenu comme le meilleur moyen d’occuper et de gérer les terres de la colonie, la vallée du Saint-Laurent, en 1700, comptait 80 seigneuries, plusieurs cependant ayant été abandonnées. Toutefois, en 1663, la colonie étant toujours peu peuplée (3215 habitants au 1er recensement en 1665) et dans un état précaire, il est fait le constat que les compagnies qui se sont succédées, celles des Marchands, de Caen, des Cent Associés, De Rouen et la Communauté des habitants, ont failli à la tâche au fil du temps. Dès lors, Louis XIV, poussé par son ministre Colbert reprend en main la colonisation française en Amérique et effectue une réorganisation administrative. La Nouvelle-France acquiert alors ses institutions essentielles par la nomination d’un gouverneur, d’un intendant et la création du Conseil souverain. Plus précisément, ce conseil est sous l’autorité de deux chefs, le gouverneur et l’évêque. Les autres membres sont l’intendant, le procureur général, le greffier et sept conseillers. Cette double autorité, porteuse de conflits, emmena Mgr de Laval, qui avait été nommé vicaire apostolique en 1658 à faire remplacer le gouverneur d’Avaugour et lui choisir un successeur en Saffray de Mézy. L’année 1665 est marquée de plusieurs événements dont l’arrivée des « filles du roi » et l’obligation faite aux célibataires de se choisir une épouse parmi elles (jusqu’en 1673, il en vint 900), l’arrivée du lieutenant de Tracy et du régiment de CarignanSalières qui va réprimer l’Iroquoisie en 1666. La même année, Daniel de Rémy de Courcelle est nommé gouverneur alors que Jean Talon, homme de confiance de Colbert, devient le premier intendant de la Nouvelle-France. Elle se voit dotée d’un gouvernement bicéphale : au gouverneur reviennent la direction des activités militaires et les relations extérieures, incluant celles avec les Aborigènes (Indiens); à l’intendant, la justice, la police et les finances. Dans un tel contexte, les compagnies ne détiendront désormais que des monopoles commerciaux. En 1672, Louis de Buade de Frontenac est nommé gouverneur de la Nouvelle-France alors que Jean Talon quitte, déçu des réactions de la royauté et de son entourage qui ne l’ont pas soutenu dans son objectif de bâtir un pays axé sur l’industrie et le commerce en plus de l’agriculture et de la traite des fourrures. Ce modèle d’administration de la colonie dure jusqu’en 1763. Cette période est marquée par des hivers rigoureux, la pauvreté qui frappe les habitants, les disettes de blé causées par la sécheresse ou les pluies excessives, les épidémies de chenilles, le typhus. Ces calamités se succèdent à tous les deux ou trois ans. Ainsi, en 1704, la colonie est au bord de la révolution et même les curés menacent d’abandonner leurs ouailles. Philippe de Rigaud de Vaudreuil et Beauharnois, 3 gouverneur et intendant, mettent en circulation en 1704 de la monnaie de cartes comme en 1685 pour la solde des soldats, qui ne repose sur aucun fonds. En 1716, la métropole ébauche un programme de redressement économique basé sur la diversification des produits de l’agriculture et de l’industrie de telle sorte que Montréal devient la métropole commerciale de la Nouvelle-France. Bien que la monnaie de cartes ait été abolie en 1719, elle a été réintroduite en 1729 et 1747. Cette monnaie plonge la colonie dans une forte inflation avec la misère qui l’accompagne. À cet effet, Philippe de Vaudreuil écrit à Maurepas : « Je vous avoue que je vois avec peine Monseigneur que les pauvres souffrent et ne puissent avoir ce qui est nécessaire qu’à un prix excessif ». De son côté, l’intendant Hocquart écrit que les habitants « sont naturellement indociles » et au printemps 1738, il fait vider les greniers de blé des habitants avares et aisés pour le redistribuer. Après la nomination de Bigot comme intendant en 1748, Pierre Rigaud de Cavagnal, marquis de Vaudreuil, jusqu’alors gouverneur de la Louisiane, devient le dernier gouverneur de la Nouvelle-France. Il signe la capitulation de la colonie française, le 8 septembre 1760. 2.0 Des événements déterminants La fondation de Québec, Montréal et des principaux lieux de la Nouvelle-France situés au carrefour des grandes voies de pénétration du continent et des routes des fourrures, les grandes explorations ainsi que les institutions dont il a été fait état précédemment permettent de se faire une idée de l’encadrement territorial et institutionnel à l’intérieur duquel les Autochtones français ont évolué et des difficultés qu’ils ont affrontées dans cette aventure nord-américaine. Ainsi et de plus, ce territoire qu’ils apprivoisaient en compagnie de l’Église par ses évêques et missionnaires était déjà occupé par les Aborigènes (Indiens) et il était aussi convoité par d’autres puissances coloniales, telles l’Angleterre, l’Espagne et la Hollande. 2.1 La Nouvelle-France et l’Église La présence de l’Église en Nouvelle-France commence effectivement en 1615 avec l’arrivée de quatre Récollets qui continueront leur apostolat pendant et près de deux siècles. Ils sont eux-mêmes explorateurs ou accompagnateurs d’explorateurs. Ils apprennent les langues des Aborigènes et servent d’interprètes (truchements). De même, en est-il de cinq Jésuites qui, à l’invitation des Récollets, se sont chargés d’établir une mission de la Compagnie de Jésus en Nouvelle-France. À partir de 1632, ils rédigent leur journal, connu sous le nom de Relations des Jésuites. En 1634, plus de 150 canots montés par des Algonquins et des Hurons quittent TroisRivières. Jean de Brébeuf et deux autres Jésuites les accompagnent pour se rendre en Huronie prêcher l’Évangile. L’année suivante est fondé le Collège des Jésuites et, en 1637, ils établissent la réserve de Sillery où est faite une tentative peu fructueuse de francisation des Indigènes. Ensuite, viennent s’installer d’autres institutions religieuses afin de s’occuper de la santé, de l’éducation et du culte. En 1639, arrivée à Québec des Ursulines et de Mme de Chauvigny de la Peltrie qui fondent une école pour jeunes filles. Nouvellement arrivées, elles aussi, les Hospitalières augustines fondent l’Hôtel-Dieu de Québec. De plus, à Montréal, arrivent les Sulpiciens en 1657 pour assurer le ministère spirituel alors que Marguerite Bourgeoys fait bâtir la Chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours et, l’année suivante, elle inaugure une école et fonde la Congrégation Notre-Dame vouée à l’enseignement. En outre, l’année 1663 est celle de la fondation du Séminaire de Québec ayant pour but de recruter et de former des prêtres séculiers. Aussi, Mgr François de Laval, vicaire apostolique depuis 1658, devient le premier évêque de Québec en 1674 et un des chefs du Conseil souverain. En 1664, s’ébauche le premier diocèse avec Québec 4 qui en est la première paroisse de la colonie. En 1685, au moment du retrait de Mgr de Laval, le clergé comptait un peu plus de 100 prêtres dont 13 sont nés au pays et près de 100 religieuses dont la moitié est du pays. Il en résulte, après bien des efforts, que l’action de l’Église auprès des Aborigènes (Indiens) ne donne que des résultats mitigés même si les missionnaires suivent les peuples nomades dans leurs déplacements. Elle se heurte à la culture indienne, au ravage de l’eau-de-vie et à la crainte des épidémies que leur apportent les étrangers, de telle sorte que les conversions ne se comptent qu’à l’unité et que ceux qui se font baptiser ne le font pour la plupart que sur leur lit de mort. Chez l’Aborigène (Indien), il y a tendance à n’en faire qu’à sa tête et à concilier facilement l’enseignement de l’Église à ses croyances traditionnelles et l’enfant, de son côté, est incapable de s’habituer à une vie disciplinée, respectueuse de l’autorité qui lui apparaît abusive. Le métissage ou l’assimilation n’aboutit pas. Du côté des efforts faits pour répondre aux besoins spirituels d’une population française de plus en plus nombreuse (10 303 en 1688 dont 1400 à Québec), l’éducation reste réservée à un petit nombre. Elle vise à former de bons citoyens plutôt qu’à approfondir l’instruction. Même si les colons apprécient l’enseignement spirituel dispensé, l’Église se bute à un non-respect de l’autorité et à une éducation déficiente des enfants. Ainsi, malgré que la pratique religieuse soit stricte, les colons choisissent la dévotion à sainte Anne, patronne des marins et des Aborigènes plutôt que celle de saint Joseph que voulaient imposer les prêtres. Somme toute, l’Église est solidement implantée et le protestantisme, notons-le, n’a jamais réussi à émerger. À ce sujet, en 1627, un décret royal réserve la Nouvelle-France aux seuls catholiques quoique un petit nombre de protestants ait été toléré. En 1684, cependant, une plus grande rigueur est instaurée : on oblige les protestants à se convertir ou on les refuse dans la colonie. 2.2 Les Autochtones français du Québec et les Aborigènes Lors de l’arrivée des Français et autres Européens en Amérique, selon des estimations plus ou moins précises d’historiens et d’analyses anthropologiques, la population aborigène du Nord-Est de l’Amérique aurait été de un quart à un million de personnes réparties dans des centaines de nations aborigènes sur l’ensemble du territoire. Dans ce contexte, l’accès au territoire était possible, mais il fallait prendre en compte ces populations qui y vivaient déjà. À cet effet, référons-nous à l’historien Mgr Victor Tremblay et son livre sur l’Histoire du Saguenay. Il y note qu’après la mort de Chauvin qui était venu à Tadoussac, accompagné de Champlain en 1600, Dupont-Gravé, son successeur, et Champlain scellent en 1603, le premier traité d’alliance et d’amitié en fumant le calumet avec des bandes de Montagnais, et leurs alliés, des Algonquins et des Etchemins, à la Pointeaux-Alouettes, en face de Tadoussac. Ces derniers étaient installés à cet endroit pour célébrer une victoire sur les Iroquois, leurs ennemis communs (voir 1.1 et 1.2). Ainsi comme le voulait la royauté, était préparée la voie à un établissement français, le tout selon les formes régulières et ententes officielles entre Aborigènes (Indiens) et Européens à cette époque. Ce traité entre les mandataires du roi de France et les chefs des trois nations précitées permet aux Français de s’établir dans la vallée du Saint-Laurent tout en s’engageant à l’égard de leurs alliés. À ce sujet, Champlain écrivait : « En cette entreprise je n’ai remarqué aucun défaut, pour avoir été bien commencée. » Dans le même sens, en 1609, Champlain conclut une autre alliance, cette fois avec la nation huronne, et pour la consolider, il remonte, la même année, le Richelieu (rivière des Iroquois) avec les Hurons en vue d’un premier affrontement avec les guerriers iroquois (voir 1.2). En 1610, il accompagne les Hurons auxquels se joignent des Algonquins et des Montagnais dans une autre bataille contre les Iroquois. Un troisième affrontement a lieu en 1615, c’est une défaite et Champlain est blessé. Il 5 n’en fallait pas plus; les Français s’étant faits alliés des Hurons, des Montagnais et des Algonquins venaient donc de se faire des Iroquois des ennemis mortels. Ensuite, cette façon de faire de la royauté avec les peuples aborigènes alliés est poursuivie par le Cardinal de Richelieu, en 1627. En effet, ce dernier constitue la Compagnie des Cent Associés, dite et nommée La Compagnie de la Nouvelle-France qui a le monopole de la traite des fourrures, qui doit peupler la colonie d’émigrants français catholiques et convertir à la foi catholique romaine les peuples qui y habitent. En outre, ajoute Le Mercure François de M.DC.XXVIII (1628), page 245, les descendants des Français et les Sauvages (Aborigènes) qui auront été convertis seront reconnus Français naturels. Ils pourront, entre autres, acquérir, tester, succéder et venir habiter la France quand bon leur semblera sans avoir à être naturalisés. Ajoutons qu’une règle semblable est reprise en 1664 lors de la création de la Compagnie des Indes occidentales.* M.à j. 23-1-06 En 1641, les Iroquois déclarent officiellement la guerre aux Français. En juin, le gouverneur Montmagny parlemente vainement avec eux à Trois-Rivières et il s’ensuit un bref combat dont le gouverneur sort victorieux. L’année suivante, le gouverneur Montmagny, prévoyant contrer les Iroquois, se hâte de bloquer le Richelieu, leur route traditionnelle, et fait bâtir le fort du même nom sur l’emplacement de ce qui sera Sorel. Ce fort s’inscrit dans la série de construction de forts, tel celui de Saint-Louis sur le cap Diamant à Québec en 1620. En 1645, le gouverneur conclut à Trois-Rivières un traité de paix avec les Agniers (Mohawks) de la nation iroquoise. Cette paix fut si fragile qu’en 1648, les Iroquois attaquent et détruisent la Huronie et, en même temps, la mission Saint-Joseph (1400 familles). Les Hurons (environ 300) n’ayant pas été massacrés et n’ayant pas fait défection se réfugient à Québec tandis que Québec et Montréal continuent en 1651 d’être la cible de multiples attaques des Iroquois. Aussi, faut-il rappeler que les Iroquois soumettent les missionnaires (Jogues, Goupil, Brébeuf et Lalemant) à des sévices tels qu’ils en meurent martyrs parce qu’ils représentent une menace politique et culturelle en propageant une religion qui détruit la leur et les bases de leur organisation sociale. Même s’ils avaient signé avec les colons de Montréal une paix en 1655, elle fut de courte durée parce qu’en 1658, ils déclenchent une nouvelle guerre et rôdent autour de Québec. Au printemps 1660, Dollard des Ormeaux et ses 16 compagnons combattent 800 assiégeants au Long-Sault sur la rivière des Outaouais. Après trois jours de combat, les Français sont massacrés. Que cette expédition ait eu le noble but de défendre Montréal ou l’autre plus mercantile de briser la route des fourrures des Iroquois, il reste que malgré ce débat, Dollard des Ormeaux demeure un héros parce qu’il a réussi avec ses faibles moyens à retarder la plus grande offensive des Iroquois qui marchaient sur Montréal et Québec pour y massacrer tous les Français. En 1661, les Iroquois continuent de semer la terreur, tuant une centaine de personnes. Devant le triste état de la colonie, Pierre Dubois d’Avaugour, nouveau gouverneur, obtient du roi une centaine de colons et surtout, dans les circonstances, cent soldats. Toutefois, ces effectifs étant nettement insuffisants, les dirigeants de la colonie supplient le roi à maintes reprises pour obtenir davantage de renforts militaires. En 1665, pour mater les Iroquois qui menacent la survie même de la Nouvelle-France, le roi dépêche le régiment de Carignan-Salières de 800 à 1000 soldats placés sous les ordres de Alexandre de Prouville de Tracy. En 1666, ce régiment ravage les villages des Iroquois qui, en 1667, demande la paix et reconnaissent la souveraineté du roi. Parmi les soldats de ce régiment, 400 s’établissent dans la colonie comme colons ou coureurs des bois. Suivirent 16 années de développement pacifique. *Information transmise par Me Christian Néron 6 Notons que c’est aussi dans les années 1660 et suivantes que le commerce des fourrures, la plus grande activité économique de la colonie, se transforme. Au début, Tadoussac, Québec, Trois-Rivières et Montréal tiennent des foires annuelles en mai et juin où les Aborigènes (Indiens) viennent, leurs canots chargés de peaux, et après avoir établi leur campement, ils les vendent aux commerçants. Par la suite, dans les années 1660, ce sont plutôt les coureurs des bois qui partent en forêt troquer les fourrures. Ils travaillent à leur compte ou pour de riches commerçants. À l’occasion, des messagers que le gouverneur envoie ravitailler les missionnaires se font coureurs des bois et même les explorateurs font des affaires au cours de leurs voyages. En 1690, on estime à 700 le nombre des coureurs des bois alors que la population totale de la colonie est de 10 303 habitants. Il y en a tellement que pour soutenir les prix de la fourrure sur les marchés européens et inciter les jeunes à cultiver la terre, les autorités tenteront de réglementer ce commerce par le système des 25 congés annuels accordés aux plus pauvres. Ces coureurs des bois apprennent les langues des Aborigènes (Indiens), vivent à l’indienne et s’imprègnent de leur culture qui aura une grande influence dans toute la colonie. La situation de la Nouvelle-France se détériore à un point tel que Frontenac et Duchesneau sont rappelés en France. En effet, la France misait sur la puissance du royaume de telle sorte que la colonie n’était utile que dans la mesure où elle contribuait à la richesse de la mère patrie; les activités industrielles ou commerciales ne doivent pas concurrencer celles de la métropole. Au moment de l’arrivée du gouverneur de la Barre et de l’intendant Jacques Demeulle en septembre 1682, un seul sujet est à l’ordre du jour : la question iroquoise. En effet, depuis quatre ans les Anglais encouragent les Iroquois à guerroyer contre les Français en leur donnant des présents, et leur fournissant des denrées bon marché ainsi que des armes. En 1684, le gouverneur de la Barre se rend chez les Iroquois. Son armée, commençant à manquer de vivres, il décide de ne pas faire la guerre et signe la paix honteuse dont le roi n’est pas fier et amène son rappel en France. Dans la nuit du 4 au 5 août 1689, les Iroquois font une attaque surprise contre l’établissement de Lachine. Les assaillants massacrent 24 personnes et détruisent une cinquantaine de fermes. Pour venger Lachine et remonter le moral des colons, Frontenac organise l’année suivante (1690) des raids militaires contre des villages de Nouvelle-Angleterre (Coarler, Salmon Falls et Casco) parce qu’ils fournissaient des armes aux Iroquois. Madeleine de Verchères, en 1692, âgée de 14 ans, échappe aux Iroquois et se réfugie dans le fort de Verchères, propriété de son père. Une fois rendue sur le bastion, chapeau de soldats sur la tête, elle se promène laissant croire qu’il y avait de nombreux soldats dans l’enceinte. Puis, après avoir tiré un coup de canon, elle les fait se disperser. Ce fait d’armes la fera considérée comme une héroïne dans nos livres d’histoire. En 1701, le gouverneur Hector de Callières, successeur de Frontenac décédé en 1698, conclut avec 1300 chefs, ambassadeurs et représentants, la Grande Paix de Montréal intervenant entre la Nouvelle-France et ses alliés aborigènes et les Cinq Nations iroquoises. Ces dernières déclarent qu’elles vont dorénavant rester neutres dans les conflits entre les colonies françaises et anglaises 1 . 1 À titre complémentaire et informatif, dans l’affaire Mitchell c.M.R.N. (Ministère du Revenu national), 1 R.C.S., juin 2001, il n’y a pas de surprise dans le fait que la Cour suprême du Canada précise que, si importantes qu’elles soient pour leur identité, les activités guerrières des Mohawks (Agniers) de la nation iroquoise antérieures aux contacts avec les Européens ne leur donnent pas un droit en vertu du par. 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 de se 7 2.3 Les guerres franco-anglaises La colonie n’ayant qu’une vingtaine d’années et ne comptant qu’environ une centaine d’habitants, voilà que les frères Kirke assiègent Québec en juillet 1629. Champlain capitule et la Nouvelle-France tombe aux mains des Anglais. Il quitte Québec accompagné des officiers administrateurs, une soixantaine de colons, de même que des Récollets et des Jésuites. Les frères Kirke occuperont Québec pendant trois ans, c’est-à-dire jusqu’au 13 juillet 1632 où la Nouvelle France et l’Acadie retournent à la France par le traité de SaintGermain-en-Laye, signé entre les rois de France et d’Angleterre. Les raids militaires français contre trois villages de Nouvelle-Angleterre (notés plus haut à 2.2) parce qu’ils fournissaient des armes aux Iroquois sèment la panique chez les habitants qui s’organisent en vue de conquérir la Nouvelle-France. Au nom de l’anéantissement de la colonie française, William Phipps s’empare d’abord de PortRoyal facilement et remonte le Saint-Laurent avec une flotte de 32 navires ayant à leur bord 2000 miliciens du Massachusetts. D’un autre côté, une armée de terre de 1000 Anglais et de 1500 Indiens avance vers la colonie par le lac Champlain et le Richelieu sous le commandement de Fitz-John Winthrop. Pendant que Frontenac revient précipitamment de Montréal où il est allé organiser une petite armée de 1200 soldats pour contrer celle de Winthrop qui remonte le Richelieu, le major François Provost avait mobilisé les habitants de Québec (1400) et des alentours tout en fortifiant les lieux. Cependant, alors que les troupes de Winthrop, campées au lac Champlain sont décimées par la petite vérole et décident de ne pas aller plus loin, du côté de Québec, Frontenac répond à un émissaire de Phipps : « Non, je n’ai point de réponse à faire à votre général que par la bouche de mes canons et à coups de fusils ». Le 18 octobre 1690, des miliciens de TroisRivières et de Montréal font une chaude réception aux troupes qui débarquent à Beauport de sorte que le 21 octobre les Anglais subissent la défaite. Comme les nuits sont froides et ne voulant pas hiverner dans le Saint-Laurent, la flotte retourne à Boston, n’ayant pas réussi à s’emparer de Québec. Par la suite, à la baie d’Hudson, la rivalité commerciale est toujours aussi violente. En avril 1694, d’Iberville obtient du roi deux frégates montées de 100 hommes et quitte la France pour se rendre à Québec où il recrute une centaine de volontaires qui l’accompagne dans son expédition. Si bien, que le 13 octobre, le gouverneur du fort York, Thomas Walsh, capitule. En 1696, les Anglais reprennent le fort York des mains du sieur La Forest qui signe la reddition. Mais, l’année suivante, d’Iberville force le départ de la majeure partie des Anglais de la côte acadienne et de l’île de Terre-Neuve. Encore une fois, en 1697, sous le commandement de d’Iberville sur le Pélican une nouvelle expédition force les Anglais à capituler et la baie d’Hudson redevient française. Aussi, en 1697, le traité de Ryswick entre Anglais et Français laisse le statu quo ante bellum, c’est-à-dire que Terre-Neuve redevient possession anglaise, alors que la France recouvre la baie d’Hudson et l’Acadie. Rappelons qu’en 1700, les populations étaient approximativement de 19 millions d’habitants en France, 7,5 millions en Angleterre et Écosse, 6 millions en Espagne, 240 000 dans les colonies de Nouvelle-Angleterre et de seulement 15 000 en Nouvelle-France dont 2000 à Québec. La paix venait tout juste de se rétablir avec les Iroquois en 1701 que les droits de Louis XIV sur la succession au trône d’Espagne à la mort de Charles II raviva le conflit entre les métropoles. livrer à des activités guerrières et de déployer à leur gré une force militaire en territoire canadien. 8 En 1702, la guerre reprend sur tous les fronts, selon des plans semblables à ceux de la période antérieure. Les Français réussissent des raids sur les côtes de TerreNeuve et se maintiennent dans la baie d’Hudson. En 1711, la colonie passe tout l’été sur le qui-vive craignant de voir les Anglais l’attaquer de nouveau. L’Angleterre reprend son projet d’invasion par mer et par terre. Dans la nuit du 2 au 3 septembre, une tempête projette les navires de Walker sur les récifs de l’Île-aux-Œufs (Sept-Îles). Par terre, sur les bords du lac Champlain, Nicholson à la tête d’une armée de 2000 Anglais et d’une centaine d’Iroquois apprend le désastre de la flotte de Walker et ordonne la retraite de son armée En 1713, paraissant être au sommet de sa puissance, de son extension territoriale et voulant conserver son empire en Europe, la France signe à Utrecht un désastreux traité pour la colonie. L’Angleterre obtient Terre-Neuve, l’Acadie, la baie d’Hudson et le protectorat sur les Iroquois. La Nouvelle-France est alors réduite à un long corridor sur les deux rives du Saint-Laurent et à une ouverture sur la vallée du Mississipi par les Grands Lacs bien qu’elle entre jusqu’en 1744 dans la plus longue période de paix qu’elle ait connue. Déjà, de ces faits, se profile la défaite française de 1763 comme le note l’historien Guy Frégault cité par l’historien Jacques Mathieu. En effet, il constate le succès du mode de colonisation de l’Angleterre sur celui de la France. Les données comparées du peuplement et de l’occupation du territoire dans les colonies françaises et britanniques, ajoutées aux volontés politiques des métropoles dans le développement de leurs colonies respectives expliquent la victoire de l’une sur l’autre. En fait, les enjeux économiques et territoriaux sont définis au XVIIe siècle. Au lendemain d’Utrecht, la France procède à la construction de la forteresse de Louisbourg dans l’Ile Royale (Cap Breton). Elle veut garantir l’accès au Saint-Laurent à ses navires et assurer une certaine protection aux Français pratiquant la pêche dans le golfe. À l’autre extrémité de la colonie, elle confie au financier Crozat le soin de peupler, coloniser et défendre la Louisiane. Dans la région des Grands Lacs, la France érige de puissants postes fortifiés. Au cœur de la colonie, elle érige des remparts autour de Québec et Montréal, y construisant des bastions. Elle consolide le fort Chambly en 1711, puis le reconstruit en 1731. Notons, enfin qu’au cours de cette période qui dure jusqu’en 1744, 75% des sommes consacrées à la colonie par la royauté sont affectées à des objectifs militaires. Les visées expansionnistes renaissent : La Vérendrye atteint les Rocheuses. En même temps, sont consolidées les alliances avec les Indiens alors que s’intensifie l’occupation du territoire. En 1745, ces rêves s’estompent, les Anglais prennent la forteresse de Louisbourg réputée inexpugnable. Mais, la signature du traité d’Aix-la-Chapelle en 1748 rend à la France l’Île Royale et Louisbourg où se trouve une population de près de 3000 personnes sans compter le millier de soldats de la forteresse. L’année suivante (1749), deux régiments et 25 000 colons recrutés en Angleterre débarquent dans la baie de Chibouctou et fondent Halifax. En 1754, Jumonville, parti du fort Duquesne (Pittsburg) somme les Anglais de se retirer de la vallée de l’Ohio et y érige un fort. Il est tué pendant qu’il signifie sa mise en demeure aux hommes commandés par George Washington. En juin 1752, du côté de l’Acadie, les forts français de Beauséjour et Gaspareau tombent aux mains des troupes de la Nouvelle-Angleterre. Les Acadiens se retrouvent isolés, sans liens avec les autres colonies. À la fin de l’été, le gouverneur Charles Lawrence après ces années de conflits et d’escarmouches incessantes, déporte quelque 7000 Acadiens et l’opération de ratissage dure jusqu’en 1762. Alors que de nouveaux colons britanniques se partagent les terres des déportés, environ 2000 de ceux-ci se retrouvent en NouvelleFrance, en Louisiane et les autres sont dispersés dans les colonies anglaises. Un autre fait marque l’année 1755 dans la vallée de l’Ohio. Le 9 juillet, de Beaujeu et Dumas à la tête d’une petite armée d’environ 900 combattants dont 146 miliciens français nés au Québec (Canadiens) arrêtent la marche de l’armée anglaise commandée par Braddock qui meurt en tentant de prendre le fort Duquesne. 9 À la suite de cette défaite, le lieutenant-gouverneur de la colonie de New York recommande d’envahir immédiatement la Nouvelle-France. Alors que le gouverneur Pierre Rigaud de Vaudreuil croyait que l’armée anglaise allait attaquer les forts Fontenac et Niagara, elle se dirige plutôt vers le fort Saint-Frédéric dans la région du lac Champlain. Comme ce fort est névralgique et peut décider du sort de la colonie, le gouverneur Vaudreuil donne instructions au baron Dieskau, commandant d’une armée de 3000 hommes comprenant, entre autres, des miliciens de la colonie, de se rendre assiéger et prendre les forts Edward (Lydius) et William Henry en construction sur les bords du lac Saint-Sacrement (lac George). Le plan échoue, ils sont arrêtés. Dieskau est fait prisonnier. C’est la défaite et Vaudreuil est fort déçu. De plus, en 1756, le marquis Louis-Joseph de Montcalm éprouve quelques réticences à attaquer Oswego. Mais le 11 août, un groupe de Français nés en Nouvelle-France (Canadiens) et d’Aborigènes (Indiens ) sous le commandement de Rigaud de Vaudreuil, lui-même né au pays, s’installe près du fort Ontario (un fort d’Oswego) et creuse une tranchée. Le commandant James Mercer est tué d’un coup de canon et il y a capitulation le 14 août. Français et Canadiens français nés en Nouvelle-France se vantent, chacun de leur côté, d’avoir remporté la victoire. L’année suivante le 9 septembre 1757, après 48 heures de bombardement, les Anglais hissent le drapeau blanc au fort William Henry. Et, en 1758, c’est une autre victoire de Montcalm, cette fois, contre Abercromby au fort Carillon. Elle est la dernière grande victoire française en Amérique. Le 26 juillet 1758, Louisbourg capitule devant l’armée anglaise de Jeffery Amherst. Au mois d’août, la garnison de seulement 80 hommes du fort Frontenac commandée par Pierre-Jacques Payen de Noyan et de Chavoy capitule à son tour pendant que, dans la vallée de l’Ohio, François Marie Le Marchand de Lignery fait sauter le fort Duquesne. Le colonel John Forbes prend possession de l’endroit et le renomme Pittsburg. Arrivent les dernières batailles L’Angleterre met à exécution sa politique impériale fondée sur la mise en valeur du conflit colonial plutôt que sur la guerre européenne, contrairement à la France. Elle s’appuie d’abord sur ses 13 colonies déjà peuplées de 2 millions d’habitants, alors que la Nouvelle France en dénombre 70 000 incluant les 10 000 éparpillés de TerreNeuve jusqu’en Louisiane et, ensuite, compte sur sa flotte composée de 4 fois plus de vaisseaux et de 5 fois plus d’effectifs que la France ainsi que sur des crédits 25 fois supérieurs. Suivant le plan de campagne de William Pitt, premier ministre et ministre de la guerre en 1759, le général James Wolfe entreprend le siège de Québec en s’appuyant sur une flotte totalisant 39 000 hommes. Le 13 septembre, c’est la bataille des Plaines d’Abraham et la défaite des troupes du marquis de Montcalm. Wolfe et Montcalm sont tués lors des combats. Le 17 septembre, Claude Roch de Ramesey, lieutenant du roi à Québec remet la ville au général George Townshend, sucesseur du général Wolfe. Les Français perdent aussi les forts Niagara, Carillon et Saint-Frédéric. Au printemps de 1760, le chevalier de Lévis tente une ultime offensive contre l’armée de James Murray qui occupe la ville de Québec. Le 28 avril, l’armée de Murray attaque les troupes françaises incluant des Français nés en Nouvelle-France (Canadiens) et il s’ensuit une bataille qui dura trois heures à l’issue de laquelle l’armée anglaise est obligée de battre en retraite en abandonnant ses morts et blessés sur le champ de bataille. Assuré de ce succès, Lévis décide d’entreprendre le siège de Québec. Cette opération est de courte durée, car une flotte anglaise de 18 000 hommes s’amène en mai devant Québec. Lévis, n’ayant pas obtenu de renfort de la France, lève alors le siège. Comme la flotte anglaise, dirigée par Murray quitte Québec pour Montréal, Havilland arrive par le Richelieu et Amherst par le lac Ontario. C’est la capitulation et la fin de la Nouvelle-France. 10 2.4 La capitulation Rappelons que les capitulations de Québec (18 septembre 1759) et de Montréal (8 septembre 1760) accordent la possession coloniale de la Nouvelle-France (Canada) à la Grande-Bretagne. Les habitants de la colonie obtiennent certains privilèges limités dont l’exercice de leur religion en même temps qu’ils sont soumis à un régime militaire de tolérance. D’ailleurs, le gouverneur s’applique, dans la mesure du possible parce qu’ils sont sujets du roi, à s’en remettre aux lois et coutumes des habitants (Coutume de Paris et les Ordonnances). 2.5 Le Traité de Paris Plus tard, par le Traité de Paris (10 février 1763) qui est signé à la fin de la guerre de Sept ans, au moment du partage du monde d’alors, la France renonce à ses prétentions à la Nouvelle-Écosse ou l’Acadie et cède formellement à la GrandeBretagne, le Canada, l’Ile du Cap-Breton et toutes ses autres possessions en Amérique du Nord. De plus, l’article 4 du Traité conclu entre sa Majesté Britannique, le Roi de France, Sa Majesté Très Chrétienne et le Roi d’Espagne confirme la liberté de la religion catholique, dans la mesure où le permettent les lois de la GrandeBretagne, assure les droits des habitants sur leurs biens et convient en outre, que les habitants puissent émigrer où bon leur semblera dans les dix-huit mois à compter du jour de la ratification du Traité. 3.0 Conclusion Ce retour sur l’histoire de la Nouvelle-France permet de dégager certains faits significatifs qui aident à circonscrire les éléments qui ont donné naissance, pour ainsi dire, à la culture distinctive, aux institutions ainsi qu’au caractère et à la réalité autochtone française du Québec. Ces singularités sont les constituantes indentitaires les rattachant au territoire ou au pays et ce, déjà, au moment même de la Proclamation royale de 1763 qui confirme la souveraineté de l’Angleterre sur la Nouvelle-France et qui fait des ancêtres des requérants, des Autochtones français. À cet effet, il faut se référer à la Requête en reconnaissance et confirmation du statut d’Autochtone français du Québec et des droits y afférents aux paragraphes 44 à 50 qui traitent de : L’émergence et l’affirmation d’une nouvelle identité. Le 13 février 2005 Bruno Vallée 11 i LES OUVRAGES CONSULTÉS – HISTOIRE Jacques Mathieu, La Nouvelle-France, Les Français en Amérique du Nord, XVIe - XVIIIe siècles, Les Presses de l’Université Laval, Dépôt légal 3e trimestre 2001, 2e tirage 2003. Jean Provencher, Chronologie du Québec 1534-2000, Boréal compact, édition mise à jour en 2000. Jacques Lacoursière, Histoire populaire du Québec, Des origines à 1791, Tome I, Septentrion 1995. 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Yves Bourdon, Jean Lamarre, Histoire du Québec, Une société nordaméricaine, Beauchemin, éditeur ltée, 1998. Le Mercure François, M.DC.XXVIII, Tome 13, p.245. Document historique puisé aux archives du ministère des Affaires étrangères de France, grâce à la compétence et aux bons soins de Mme Agnès Pouillon, archivistepaléographe, de M. Jean Charles de Dianous, conseiller honoraire des Affaires étrangères et de M. Albert Salon, ancien ambassadeur et président du Forum francophone international (FFI-France). ii LES OUVRAGES CONSULTÉS – DROIT Traité de Paris – en pièces jointes. Document historique transmis par M. Albert Salon, ancien ambassadeur et président du Forum francophone international (FFI-France) et M. Alfred Mignot, éditeur de la revue Vox Latina et du site http://www.voxlatina.com, secrétaire général du Forum francophone international (FFI-Monde). Proclamation royale de 1763, L.R.C. (1985), App.1, no 1, et autres. Maurice Ollivier, Actes de l’Amérique du Nord Britannique et statuts connexes, 1867 à 1962, pp. 11 à 19. J. Brassard, H. Immarigeon, G.V. La Forest et L. Patenaude, Le territoire québécois, Les Presses de l’Université de Montréal, pp. 52 à 55. André Tremblay, Les compétences législatives au Canada et les pouvoirs provinciaux, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1967, pp. 21 à 33. Pierre Elliott Trudeau, Des valeurs d’une société juste in Les années Trudeau, Éditions du Jour, 1990. Ghislain Otis, Bjarne Melkevik, Peuples autochtones et normes internationales, Les Éditions Yvon Blais inc., 1996. Renée Dupuis, Le statut juridique des peuples autochtones en droit canadien, Carswell, 1999. Lajoie, Brisson, Normand, Bissonnette, Le statut juridique des peuples autochtones au Québec et le pluralisme, Les Éditions Yvan Blais inc., 1996. 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