Résistance à l’insuline : aspects moléculaires et diagnostic L’ insulinorésistance est l’une des caractéristiques du diabète de type 2 et de l’obésité. Elle se caractérise par un défaut d’action de l’insuline sur ses principaux tissus cibles, le muscle squelettique (captage de glucose) et le foie (production de glucose). Lorsque les besoins en insuline ne sont pas compensés par une augmentation de l’insulinosécrétion, une hyperglycémie se développe. Une anomalie du métabolisme des adipocytes a également été impliquée dans l’intolérance au glucose. En effet, il a été clairement établi, ces dernières années, que les acides gras et des cytokines libérés par l’adipocyte jouaient un rôle crucial dans l’insulinorésistance. L’objectif du présent dossier est de présenter les principales méthodes pour évaluer l’insulinorésistance en pratique clinique et de discuter de deux facteurs impliqués dans le défaut d’action de l’insuline sur ses tissus cibles, les acides gras et une cytokine, l’adiponectine. Le Pr André Scheen décrit les principales méthodes pour évaluer l’insulinorésistance en pratique clinique, allant des mesures les plus simples – insulinémieglycémie à jeun – aux plus compliquées – clamp euglycémique hyperinsulinémique pour mesurer la sensibilité à l’insuline, clamp hyperglycémique pour quantifier la sécrétion d’insuline. Idéalement, la mesure de l’insulinosensibilité doit être complétée par une évaluation de l’insulinosécrétion, de façon à avoir une vue d’ensemble intégrée des mécanismes contrôlant l’homéostasie glycémique. Généralement, les tests dynamiques donnent plus d’information qu’une simple mesure de l’insulinémie-glycémie à jeun. Un certain nombre de méthodes utilisant les techniques de modélisation, en particulier le “HOMA”, permettent de déterminer si le diabète ou l’intolérance au glucose administré par voie orale résulte d’une insulinorésistance ou d’un déficit insulinosécrétoire, mais ces méthodes ne sont pas “quantitatives”. Ce sont les techniques de clamp qui sont les méthodes de référence, mais elles ne sont utilisables que sur un petit nombre de sujets et dans le but d’une recherche expérimentale. Le choix des méthodes doit être fait en fonction des objectifs fixés – pratique clinique versus recherche expérimentale – et de la faisabilité. Le Dr Frédéric Fumeron décrit ensuite la biologie de l’adiponectine, une cytokine qui agit sur le métabolisme du glucose et des acides gras et qui a globalement des propriétés insulinosensibilisatrices et anti-athérogènes. La découverte récente de cette molécule sécrétée par les adipocytes, puis la caractérisation de ses récepteurs ont éclairci son mécanisme d’action. Cette “hormone” constitue sans aucun doute une cible thérapeutique importante pour traiter le diabète, l’obésité et d’autres pathologies accompagnées d’insulinorésistance. Le Pr Jean Girard aborde enfin le rôle des acides gras dans l’insulinorésistance. On sait depuis plus de 40 ans qu’un excès d’acides gras conduit à un défaut d’action de l’insuline sur le muscle squelettique, mais les mécanismes mis en jeu ont fait l’objet de nombreuses controverses. Lorsque le cycle glucoseacides gras a été décrit par Sir Philipp Randle en 1963, le mécanisme impliqué Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 1, janvier/février 2004 3 était une simple compétition entre substrats. Lorsque les acides gras étaient présents en excès dans la circulation, ils remplaçaient le glucose comme substrat énergétique des muscles, ce qui conduisait à une hyperglycémie et à une intolérance au glucose. Le cycle de Randle a été réévalué récemment chez l’homme en utilisant des méthodes modernes d’analyse du métabolisme (résonance magnétique nucléaire). Il a été clairement démontré que le mécanisme par lequel l’excès d’acides gras interférait avec le métabolisme musculaire du glucose mettait en jeu un défaut de signalisation insulinique et non une simple compétition de substrats. De plus, l’excès d’acides gras interfère avec les deux autres tissus impliqués dans l’homéostasie du glucose, le foie et le pancréas endocrine. Les acides gras fournissent les co-facteurs nécessaires au fonctionnement de la néoglucogenèse ; ils participent ainsi au maintien d’une hyperproduction de glucose et atténuent les effets de l’insuline sur ce tissu. Enfin, l’excès d’acides gras à long terme a une action néfaste sur les cellules des îlots de Langerhans. Par leurs effets apoptotiques, ils réduisent la masse des cellules et font passer les patients d’un état d’intolérance à un diabète établi. J. Girard Institut Cochin, CNRS UMR 8104, INSERM U567, université Paris-V, département d’endocrinologie, Paris. 4 Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 1, janvier/février 2004