MERLE NOIR Turdus Merula le mâle : noir avec le bec jaune la femelle : brune, plus ou moins tachetée dessous. Chant : très sonore, flûté et varié. Appel : siih, cri d'alarme : tchouk tchouk, dans l'effroi : tchouk tchouk tchouk, tchiktchiftchiktchik Habitat : primitivement sylvicole, c'est de plus en plus rapproché des habitations. Nid : dans une haie, un buisson, un lierre, contre un bâtiment, fait de tiges, de brins d'herbes et de feuilles,avec fond de terre rembourré de fines herbes. Couvées : 2, 3 et même 4 Régime alimentaire : baies, fruits, insectes, vers, mollusques. Sédentaire et erratique Illustration Robert Hainard Oiseaux I (PETIT ATLAS PAYOT LAUSANNE) Le Merle noir vit partout autour de nous. Sur la pelouse du parc, l'oiseau familier vaque a ses affaires sous les yeux des passants ; perché sur la cheminée ou le toit de la maison, dans un arbre de l'avenue, il régale les citadins de ses sifflements inspirés. Ce sont surtout des sifflements presque humains par leur tonalité, leur timbre et leur mélodie. Chaque individu possède un répertoire plus ou moins riche de motifs variés, dont certains d'une grande beauté, qu'il ne répète guère qu'à longs intervalles ; et encore introduit-il sans cesse des variantes dans ses chansons. Toutefois, la musicalité des émissions souffre souvent des bruits et des sons impurs que l'oiseau y ajoute : les phrases dégènèrent en gazouillis rauques et peu sonores, des grincements, gloussements et raclements se mêlent aux notes pures, sans parler des imitations de bruits du voisinage et de motifs cueillis chez d'autres oiseaux. Il y a de bons et de mauvais chanteurs, ces derniers surtout dans les villes, où la densité est telle que la fonction territoriale du chant perd sa valeur. Certains mâles ne chantent même plus – mais on a signalé, rarement, des femelles chanteuses.... Il faut attendre la fin de février pour que les chants résonnent partout. Chaque mâle a des perchoirs dominants favoris, qu'il occupe très tôt le matin, alors que l'obscurité est quasi complète. Au printemps, bien avant le lever du soleil, l'intensité du concert des Merles est indescriptible ; l'aubade générale ne dure qu'une demi-heure... un regain d'activité se remarque le soir. 1 Chacun connaît l'habit de jais et le bec orangé du mâle, la livrée brune de la femelle et des jeunes, et je n'apprendrai rien au lecteur en détaillant les allures générales de cet oiseau... Remarquons pourtant, qu'il a des manières souples, une tenue de corps horizontale, et qu'il relève toujours sa longue queue carrée en se posant. Ses ailes relativement courtes lui permettent une grande facilité d'évolution dans les branches et les fourrés les plus épais, qu'il traverse en évitant les obstacles avec une grande adresse. Quand il passe d'un couvert à l'autre, c'est d'un vol élevé, qui semble hésitant et contraint ; mais si les circonstances veulent qu'il parcoure une grande distance, il s'élève, prend de l'assurance, ses battements d'ailes rapides et continus soutiennent une trajectoire directe à peine ondulée. Le Merle noir est vif, impressionnable, vite sujet à l'effroi ou à l'agitation. La surprise le bouleverse, lui arrache des cris de terreur disproportionnés, le jette même dans des paniques stupides. C'est encore lui qui s'enfuit avec des clameurs apeurées à l'orée du bois ou au détour de la haie... C'est un individualiste à l'origine, et aussi un querelleur qui repousse brutalement les oiseaux trop proches. Dispute de merles, Bernex, 27.2.1985, Gravure sur bois Robert Hainard 2 La plupart des aliments du Merle sont recueillis à terre. Dans le gazon court, le voici qui fouille du bec à la recherche des larves souterraines, et surtout des vers que ses sautillements attirent à la surface. Sous les arbres, les feuilles mortes recèlent une faune abondante que l'oiseau exploite avec persévérance : d'un mouvement vif, le bec les fait voler : l'oeil attentif repère vite les proies mises au jour et prestement picorées ; parfois, c'est un petit bond des deux pattes qui chasse en arrière les feuilles sèches. Le bruit causé par ces explorations dans le sous-bois est tel qu'on croirait plutôt à la présence d'un homme qu'à celle d'un Merle. Au sol, il ramasse encore les baies et les fruits tombés, mais cette nourriture est aussi cueillie directement dans les arbustes et les arbres, et il va jusqu'à voleter sur place pour arracher à la branche quelque fruit d'atteinte malaisée... Il se nourrit de baies des sureaux, d'aubépine, d'églantier, de troène, d'if, de viorne, etc..., sans oublier celles du lierre, si appréciées en hiver et au premier printemps. Cependant, en s'installant autour des maison, cet oiseau a découvert les charmes de la vigne et du verger ; il pique les cerises, les fraises, les raisins, les pommes, les poires et les petits fruits, sans compter les insectes : coléoptères, hyménoptères, chenilles et larves. Avec cela, il prend des myriapodes, de petits mollusques (escargots et limaçons), et surtout des lombrics, son régal ; à l'occasion des araignées, voire même des têtards, de jeunes grenouilles, un lézard ou de tout petits poissons quand le hasard les rend accessibles. Merle mangeant une graine de lierre, Bellerive, 20.4.1987, Gravure sur bois de Robert Hainard Actuellement, le Merle noir est un des oiseaux les plus répandus et communs, s'accommodant de tous les milieux qui lui offrent le minimum vital de végétation, sans distinction d'essences. Dans nos forêts de montagne et au fond des vallées, son abondance diminue cependant à partir de 800 à 1000 m, et il s'arrête vers 1300-1400 m environ ; il se reproduit très localement jusqu'à 1600 (1800) m. Dans les Alpes suisses, et n'empiète donc guère sur le domaine du Merle à plastron. 3 les autres merles... Merle à plastron Mâle : brun noir, large tache blanche en demi-lune sur la poitrine Femelle : tache plus sombre et plus étroite Chant : syllabes flûtées et répétées Cri d'alarme : tchagg tchagg tchagg Habitat : forêt de conifères des montagnes, zone des pins rampants Nid : dans un conifère, fait de ramilles, de mousse et de terre, garni intérieurement de brindilles et de radicelles. Couvée : 1 Régime alimentaire : vers, mollusques, insectes, baies Migrateur : fin mars, avril à septembre, octobre Cincle plongeur, merle d'eau Brun foncé, plastron blanc, queue courte. Le seul passereau capable de nager, plonger et marcher sous l'eau ; se perche sur une pierre, agité de tics et de balancements. Chant : gazouillis composé de notes liquides, sifflantes et grinçantes. Appel : tsiet, tsiss Habitat : bord des cours d'eau rapides, des lacs en hiver, jusqu'à 2000 m. Nid : près de l'eau, dans un trou, sous une cascade, sphérique avec entrée latérale, en mousse, tiges et feuilles. Couvée : 2 Régime alimentaire : larves d'insectes aquatiques, petits mollusques et crustacés. Erratique Illustrations de Robert Hainard, Oiseaux I (PETIT ATLAS PAYOT LAUSANNE) 4 Merle de roche De la taille d'une grive. Mâle : tête, cou et manteau gris bleu, bas du dos blanc, dessous et queue orange Femelle : dessus brun terreux, dessous roussâtre, le tout tacheté, queue orange. Chant : clair et flûté, en strophes émises aussi au vol. Appel : tiu, Cri d'alarme : tchak, tchak Habitat : rochers, éboulis des versants ensoleillés des montagnes méridionales, jusqu'à 2600 m, localement en dessous de 1000 m, dans les vignes Nid : dans une faille rocheuse, une fente de mur, en tiges, radicelles, mousse, tapissé de fines herbes. Couvée : 1 Régime alimentaire : insectes, larves Migrateur : 2e moitié d'avril à fin septembre Merle bleu Mâle : bleu ardoisé Femelle : gris bleuâtre, tachetée dessous Chant : flûté comme celui du merle noir Appel : ouit ouit. Cri d'alarme : tak tak Habitat : pentes chaudes et rocheuses juqu'au pied sud des Alpes (Tessin, Grisons). Nid : dans une crevasse de rocher, un trou de mur, arrondi et plat, en tiges, garni de radicelles Régime alimentaire : insectes ; en automne, baies Migrateur : avril à septembre ; sédentaire dans le Midi ILLUSTRATIONS ET TEXTES C.A.W. GUGGISBERG, OISEAUX II 5 L'oiseau bleu (Monticola solitarius) m'est apparu dans les ruines romantiques des Baux, sur les remparts de Benicarlo, au clocher de Tossa, dans les rivages escarpés et arides de la « Costa Brava » catalane, mais c'est à Banyuls que son souvenir me conduit volontiers. De bon matin, les riches accents flûtés du Merle bleu se mêlent au clapotis des vagues, aux cris lointains des Goélands. Sur les rochers tourmentés d'un îlot, ocre et rouge dans l'indigo de la mer, un couple... et le mâle parade ! Dressé sur ses pattes, bec pointant vers le ciel, queue étalée touchant le sol, il agite le cou tendu et tourne la tête avec un mouvement quasi reptilien. Face à la femelle d'un brun violacé, qu'il est splendide dans son habit bleu pastel et bleu noir !... Il serait facile de confondre le Merle bleu avec le Merle noir en certaines circonstances. Le premier est de taille un peu plus faible, sa tête paraît plus grosse, sa queue plus courte, son corps est plus élancé, mais ces détails ne sont pas évidents, surtout au vol... Les allures du Merle bleu rappellent à la fois celles des Traquets, du Merle de roche et du Merle noir. Possédé d'une activité fiévreuse, il sautille et court comme un rat, prenant alors une attitude presque horizontale ; il se faufile habilement entre les pierres, saute contre les rochers, grimpe avec une rapidité étonnante, plonge au ras des parois, vole de-ci, de-là, montre une extrême mobilité. Ses mouvements s'accompagnent de secousses nerveuses des ailes, sa queue se relève et s'étale, puis s'abaisse lentement. Soudain, il se calme et s'immobilise sur quelque saillie de rocher, gonfle un peu le plumage, laisse pendre lègèrement les ailes et pointe le bec obliquement vers le ciel. A peine visible, se confondant avec la pierre grise, il demeure longuement dans cette position de repos attentif. Il sortira brusquement de l'inaction pour se lancer dans une nouvelle exploration, et sa journée se passe ainsi au rythme alterné de son tempérament inégal. Merle bleu chantant au vol, Pena`de Monfragüe, 7.4.1982 Gravure sur bois de Robert Hainard 6 Le Merle de roche (Monticola saxatilis). Fin mai, tandis que les plaques de neige fondent dans les combes, la flore s'épanouit ; les troupeaux ne sont pas encore montés sur les pâturages, nul bruit étranger ne trouble la nature. Sous le soleil, le vaste « lapiaz » ébouit par sa blancheur, l'air vibre sur ce paysage infernal de calcaire raviné, fissuré, déchiqueté. Laissant derrière nous les gazons, les derniers arbres, les chants des Traquets et des Pipits spioncelles, nous entrons dans un désert de pierre chaotique. Soudain, une voix flûtée crève le silence et se répercute dans les rochers ; un oiseau papillonne et plane en chantant, se pose sur une arête : un splendide Merle de roche ! Par sa silhouette trapue, à queue courte, il rappelle l'Etourneau, et par la taille aussi, un peu plus faible que celle du Merle noir. Merle de roche chantant, Pyrénées, juin 1964, Gravure de Robert Hainard 7 Le Merle d'eau, Le Cincle plongeur (Cinclus cinclus) Au-dessus de la cascade, sur une grosse pierre aspergée de poussière d'eau et balayée d'écume, le Cincle surveille le courant. Trapu, rondelet, il est à peu près de la taille d'un Merle, auquel il ressemblerait davantage s'il n'avait une queue aussi courte ; il paraît noir ou ardoisé, avec une superbe bavette d'un blanc éclatant qu'on repère de loin. S'il est aisé de le reconnaître ainsi au premier coup d'oeil, il serait moins facile de détailler de plus près la brun de sa tête ou le marron de son ventre, car il est prompt à s'envoler ou à disparaître dans l'eau limpide de la rivière. Aucune différence extérieure ne distingue les sexes. Sans être particulièrement adapté à la locomotion aquatique, le Merle d'eau passe sa vie entière au bord de l'élément liquide, et pour une part dans son sein même.... La technique de déplacement sous l'eau est assez bien connue. Plongeant dans le courant, l'oiseau atteint le fond en s'aidant des ailes, des pattes et de la queue – utilisée comme gouvernail- puis il marche sur le lit de la rivière, contre le courant, penché en avant, le dos oblique, tandis que le bec pique des proies ou fait culbuter de petites pierres... On pourrait croire que le Cincle mange beaucoup de petits poissons et de frai, et les pêcheurs le persécutent souvent sur cette présomption. De multiples analyses démontrent que c'est avant tout un insectivore qui capture une foule de larves et d'insectes aquatiques : coléoptères, phryganes, éphémères, notonectes, ainsi que des crustacés (gammares) et de petits mollusques.... Insociable et volontiers querelleur, farouche aussi, le Merle d'eau ne se laisse guère surprendre.... Le nid est un ouvrage volumineux et solide, pareil à celui que ferait un Troglodyte géant. Souvent le nid est situé à l'air libre, soit suspendu dans un enchevêtrement de racines, posé sur une saillie, une poutre ou une poutrelle de pont, soit appliqué contre une muraille et soutenu par un plante, ou même derrière la nappe d'eau d'une cascade.... réparé, il sert encore l'année suivante, car les Cincles sont très attachés au site de leur choix... les Cincles montagnards descendent quand les eaux gèlent pour hiverner en plaine. Les Passereaux II, Paul Géroudet Merle d'eau et glaçons, Allondon, 29.1.1952 Gravure sur bois de Robert Hainard 8 Dans sa quête du loup, Robert raconte, dans son livre « Chasse au crayon » : « six semaines de marches en tous sens et de guet dans les magnifiques forêts de hêtres et de sapins du parc national croate de Plitvice, aux dis-sept lacs... Il y eut tout de même un peu de froid et de neige, pas bien épaisse. Le brouillard montant des lacs, stagne pendant des jours et givre tout. Parfois, la première moitié de la nuit, je rôdais silencieusement sur les chemins, éclairés d'un premier quartier de lune, entre deux pans de forêt obscure... D'autre fois, je tentais une tournée d'une partie de la nuit sur la route gelée, hachée des ombres des arbres. Je traversais un village endormi dans ses petites maisons à toit pointu, entre les vieux pruniers tordus. Les chiens aboyaient. Au fond d'une vallée envahie d'ombre et du bruit de l'eau, j'écoutais, scrutant l'espace à chaque détour. Ou bien je partais tôt le matin, remontais un ruisseau, enjambant les méandres, grimpant parmi les glaçons de ses cascades, suivais une étroite prairie semée de quelques grands arbres. Merle d'eau, cincle plongeur Je montais un vallon, passais une crête et retombais sur la Cerna Rieka, la rivière noire, en surprenant des canards, colverts et sarcelels d'hiver, des merles d'eau à bavette blanche, déjà tout occupés de parades nuptiales, sur les cailloux moussus ourlés d'écume. Je suivais le bord des lacs aux eaux d'émeraude, parmi les bruyères, les foyards immenses, parfois effondrés sur le sol, traversais les barrages de tuf formés depuis des millénaires, par les mousses incrustées de calcaire. Cent jets ruissellent par cent goulets, d'une nappe à l'autre, parmi les stalactites de glace. » CINCLE PLONGEUR volant au ras du torrent, Berninahäuser, 12 octobre 1944 Merle à plastron tirant un ver, Bodmen, 2.5.2966, Gravure sur bois de Robert Hainard 9 Le Merle à plastron (Turdus torquatus) se distingue du merle noir par le croissant blanc qui orne sa poitrine et par ses ailes liserées de blanchâtre. Chez la femelle, plus brune, ces caractères sont plus ou moins visibles. La sous-espèce alpestre (alpestris) a le ventre écaillé de blanc, alors que les oiseaux nordiques (torquatus) ont le ventre noir uni. Le Merle à plastron niche dans les montagnes d'Europe (alpestris), des îles Britanniques et de Scandinavie (torquatus). L'espèce hiverne dans le sud de l'Espagne et en Afrique du Nord, mais les oiseaux des Alpes et du Jura peuvent passer l'hiver en France. Le Merle à plastron habite les forêts de conifères, notamment près des lisières et des clairières, les présbois, les pâturages parsemés de bouquets d'arbres, mais aussi certaines tourbières boisées. C'est au sol que le Merle à plastron cherche sa nourriture, composée surtout d'insectes et de vers de terre, que des baies et des fruits complètent à l'automne. Cet oiseau niche dans toutes les forêts de conifères de la montagne jurassienne situées à plus de 1000 m d'altitude, mais il est surtout abondant au-dessus de 1200 m. La nidification la plus basse a été notée à 810 m en forêt de Joux (F-Jura). Les premiers oiseaux arrivent sur les lieux de reproduction dès le mois de mars, principalement autour du 20. Le passage prénuptial se poursuit en avril et jusqu'à la mi-mai. En juillet, après le nidification, les oiseaux quittent les forêts pour les pelouses d'altitude. L'absence apparente des Merles à plastrons en été dans les forêts jurassiennes pourrait traduire une transhumance de ces oiseaux vers les Alpes. A la faveur de la migration postnuptiale des Merles à plastron nordiques, l'espèce réapparaît dans la montagne jurassienne. Ce passage est noté dès la mi-septembre, culmine dans la seconde quinzaine de ce mois pour s'achever à la fin d'octobre. Des Merles à plastron, principalement de la sous-espèce nordique, sont encore observés ponctuellement en novembre, et même en décembre, comme ce fut le cas en 2000 au mont d'Or (F-Doubs), au Suchet (CH-Vaud) et au Chasseral (CH-Berne). La présence hivernale de l'espèce semble de plus en plus fréquente dans l'arc jurassien depuis le milieu des années 1980, sans qu'un hivernage complet de l'espèce ait pu être constaté à ce jour. Les Oiseaux de la montagne jurassienne, Collectif, Editions Neo Le bain des merles, Bernex, 2.9.1987 FH/mmdp/110928 © Fondation Hainard 10