Prise en charge, dans un service de réanimation, d`un patient atteint

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INSTITUT RÉGIONAL de FORMATION aux MÉTIERS de
RÉÉDUCATION et de RÉADAPTATION des PAYS de la LOIRE
54, rue de la Baugerie
44230 SAINT-SEBASTIEN SUR LOIRE
Prise en charge, dans un service de réanimation,
d’un patient atteint de la mucoviscidose ayant
subit une transplantation bi pulmonaire
Claire JUGDÉ
2010-2011
Direction Régionale de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion Sociale
RÉGION DES PAYS DE LA LOIRE
Résumé :
Mr S., 36 ans, a subi une transplantation pulmonaire suite à l’aggravation de sa
mucoviscidose. La prise en charge post greffe s’effectue au sein d’un service de réanimation
spécialisé. Le patient est fatigué et douloureux. La kinésithérapie durant cette période, et
particulièrement après l’extubation, participe à l’effort pluridisciplinaire pour retrouver
indépendance et autonomie. Mr S. est sujet aux complications de la chirurgie thoracique ainsi
qu’à celles de la transplantation pulmonaire : très encombré, il est dépendant d’une ventilation
non invasive (VNI) et d’une oxygénothérapie. L’objectif du kinésithérapeute est d’inscrire ses
actions au sein de l’équipe soignante, où la collaboration entre professionnels doit permettre
d’améliorer la prise en charge. Durant cette phase aigue post greffe, le rôle du
kinésithérapeute sera développé et interrogé.
Mots clés :

Réanimation

Transplantation pulmonaire

Kinésithérapie respiratoire

Ventilation non invasive

Equipe pluridisciplinaire
Sommaire
1
Introduction ....................................................................................................................... 1
2
La réanimation : le passage entre deux maladies pour Mr S. ...................................... 1
3
4
2.1
Mr S. : de la mucoviscidose à la transplantation pulmonaire ...................................... 2
2.2
La spécificité du service de réanimation en post extubation ....................................... 8
2.3
Diagnostic kinésithérapique et objectifs de la rééducation à cette phase .................. 11
La prise en charge de la fonction respiratoire de Mr S en réanimation .................... 13
3.1
La ventilation non invasive et la fibroaspiration ....................................................... 13
3.2
Drainage bronchique .................................................................................................. 15
3.3
Renforcement diaphragmatique ................................................................................. 17
Place du kinésithérapeute dans le service de réanimation .......................................... 20
4.1
Lutter contre la douleur ............................................................................................. 20
4.2
Préparer le retour à l’indépendance de Mr S. ............................................................ 23
4.3
Le travail d’équipe ..................................................................................................... 25
4.4
Examen de fin de prise en charge de Mr S en réanimation ....................................... 27
5
Discussion......................................................................................................................... 28
6
Conclusion ....................................................................................................................... 29
1
Introduction
Le kinésithérapeute est aujourd’hui de plus en plus présent dans les services de réanimation.
Son action doit s’inscrire au sein d’une équipe soignante pour permettre une prise en charge
optimale. Ce travail écrit présente la prise en charge d’un patient transplanté bi-pulmonaire
dans un service de réanimation. Mr S. a 36 ans et est atteint de mucoviscidose. L’état de sa
maladie se dégradant, il est inscrit sur liste d’attente pour une greffe de poumons. Une fois
greffé, il est pris en charge dans un service de réanimation. Il est alité, fatigué et très
douloureux. Son diaphragme qui est faible ne permet alors pas d’obtenir une ventilation
alvéolaire fonctionnelle et il est donc encombré. Durant cette phase, Mr S respire à l’aide
d’une ventilation non invasive. Il est dans un état précaire suite à l’intervention, état qu’il
avait déjà auparavant lorsqu’il était sur liste d’attente de greffe et que ses activités étaient très
limitées. La rééducation est au départ centrée sur le désencombrement bronchique et
l’entretien de l’outil corporel, le but étant que Mr S. retrouve une indépendance dans la vie de
tous les jours. Mais quel est réellement le rôle du masseur kinésithérapeute à ce stade de la
rééducation au sein du service de réanimation?
Tout d’abord, ce travail permettra de comprendre comment Mr S. est arrivé à un stade où la
seule solution de survie est alors le projet de transplantation. Sa prise en charge a lieu en
réanimation et débute après son extubation soit 10 jours après son intervention. Ce travail
suivra alors l’évolution de Mr S. dans ce service et présentera tous les aspects de la prise en
charge kinésithérapique, quelle soit respiratoire ou qu’elle concerne l’entretien de l’outil
corporel. Cette situation clinique permettra de déterminer le rôle du kinésithérapeute dans ce
type de prise en charge et de service, offrant ainsi une base de réflexion pour mesurer le
spectre d’action de la profession suivant le service de réanimation où elle s’exerce.
2
La réanimation : le passage entre deux maladies pour Mr S.
Mr S., atteint de mucoviscidose, connaît bien sa maladie. Son état respiratoire s’aggravant, le
projet de transplantation pulmonaire devient le seul recours à sa survie. Une fois greffé, de
nombreuses contraintes peuvent survenir et Mr S. est porteur d’une nouvelle maladie qu’il ne
connaît pas encore. Entre ces deux stades, le rétablissement suite à son intervention passe par
le service de réanimation.
1
2.1
Mr S. : de la mucoviscidose à la transplantation pulmonaire
Mr S., 36 ans, a été diagnostiqué atteint de la mucoviscidose à la naissance. Cette
maladie est la plus fréquente des maladies génétiques à transmission autosomique récessive.
Une personne sur 30 est porteuse saine de la mutation et la maladie est retrouvée lors d’une
naissance sur 3000 en France (soit 220 naissances d’enfants atteints par an en France). C’est
une affection multi organes qui, dans certaines formes, conduit au décès de l’individu.
L’espérance de vie d’un nouveau né en 2000 est de 40 ans contre 2 ans au début des années
50 et 5 ans en 1963. La mutation responsable de la maladie de Mr S. concerne le gène ΔF
508 : c’est la mutation la plus fréquente qui est retrouvée dans 70 % des cas, parmi 1000
mutations connues. Le gène muté, découvert en 1989, est situé sur le bras long de la 7ième
paire de chromosomes. Ce gène code pour une protéine de transport transmembranaire du
chlore : Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator (CFTR). Cette protéine est
constituée de 1480 acides aminés et régule, à travers la membrane des cellules, le transport
des ions sodium et chlore. La mutation entraine une perte de fonction totale ou partielle de la
protéine CFTR (1) (2). Cette protéine est exprimée au pôle apical des cellules épithéliales
bronchiques, intestinales, et dans toutes les glandes exocrines de l’organisme. CFTR a une
fonction de canal ionique, de régulation du pH, de transport mucociliaire mais également de
défense anti-bactérienne : certaines bactéries comme Pseudomas aeruginosa, se fixent sur la
protéine CFTR. Le germe est alors détruit lorsque la protéine est normale. L’expression
clinique de la maladie varie d’une personne à une autre : il n’y a pas toujours de corrélation
entre génotype et phénotype puisqu’il y a une intervention des facteurs environnementaux
mais il y a également d’autres gènes responsables qui modulent l’expression de la maladie (3).
Cette maladie congénitale est détectée aujourd’hui des les premières semaines de la vie du
nourrisson. Il y a, en effet, un dépistage néonatal systématique qui est proposé depuis 2002. Il
consiste au dosage de trypsine immunoréactive effectué par une prise de sang, confirmé
ensuite par une analyse génétique et un test de la sueur. Pour le test à la sueur, la sudation est
stimulée par un courant électrique. La sueur est recueillie avec un filtre et le dosage du
chlorure est effectué. Les résultats montrent une hyper concentration de la sueur en sodium
(sueur salé) et en chlore (˃ 60 mmol/L) (2).
La forme pulmonaire est la forme la plus grave de la maladie car elle met en jeu le pronostic
vital. En effet, elle est responsable de 90 % des décès par insuffisance respiratoire. La
protéine anormale, responsable de la maladie, entraîne une anomalie du transport des ions qui
modifie la rhéologie des sécrétions : celles-ci deviennent plus épaisses et visqueuses. Il y a
2
alors une altération de la clairance mucociliaire, une hypersécrétion, une diminution des
défenses anti microbiennes de la muqueuse bronchique ce qui contribue alors à une
obstruction des bronchioles puis des gros troncs bronchiques ainsi qu’à une multiplication
bactérienne bronchique donnant lieu à des surinfections (4). Les infections sont dues à
différents germes comme par exemple le bacille pyocyanique (= Pseudomas aeruginosa), très
résistant, qui est spécifique de la maladie (1). La maladie se caractérise par une cascade
d’infections et d’inflammations qui s’auto entretiennent, aggravant à chaque fois un peu plus
l’état respiratoire et l’état général du patient. Ce phénomène entraine une destruction
progressive du parenchyme pulmonaire évoluant vers l’insuffisance respiratoire chronique
(IRC) dans laquelle sont retrouvés dystrophie thoracique et hippocratisme digitale (3) (4).
Dans certains cas il peut y avoir une hyperréactivité bronchique. Au niveau digestif, la
maladie entraine des diarrhées chroniques en alternance avec des constipations, des douleurs
abdominales, un prolapsus rectal, des occlusions ainsi que des reflux gastro-œsophagiens. Au
niveau pancréatique, la mucoviscidose est responsable d’une insuffisance des cellules
exocrines et endocrines. La première atteinte conduit à un retard saturo-pondéral par
malabsorption digestive et carence en vitamines. La seconde se traduit fréquemment par la
présence d’un diabète chez les personnes atteintes de cette maladie, qui apparaît lorsque la
fibrose atteint les îlots de Langerhans. Il peut également y avoir une hépatomégalie et des
troubles de fonctionnement du foie avec cirrhose secondaire à une obstruction des voies
biliaires chez la plupart des adultes. De nombreuses autres manifestations peuvent être
présentent chez les patients atteint de cette maladie (ORL, manifestations allergique, ostéo
articulaire, génitale, diminution fertilité,..) (1) (2) (3) (5).
Mr S., le patient de notre travail, est ainsi atteint d’une insuffisance pancréatique externe, d’un
diabète non insulino dépendant, d’une insuffisance ventilatoire et d’une insuffisance rénale
modérée. Il a présenté de nombreuses colonisations ou infections à pseudomas sensible,
achromobacter xylo et deux souches pyocyanique. Il a une hépathopathie et hépatite C
antérieure à 2000 compliquée d’une cirrhose. Il n’a pas d’antécédents occlusifs ni de troubles
digestifs. Il prend des compléments alimentaires mais reste opposé à la gastrostomie
considérant manger suffisamment avant sa greffe. C’est un homme d’1,70 m et de 54 kg
(IMC1 de 18.7). Mr S. a eu un suivi médical difficile. Il a vécu à Lille, Nice et Paris avant de
s’installer à Guérande. C’est un patient qui, comme tous les patients atteints de la
mucoviscidose, connaît très bien sa maladie. Ces patients ont fait en général le tour de toutes
1
IMC = Indice de Masse Corporelle
3
les techniques et ont leurs préférences pour certaines qu’ils trouvent plus efficaces. Mr S. se
rendait en Belgique de temps en temps et essayait les nouvelles techniques possibles pour
retarder au maximum l’échéance de la maladie. De ce fait la compliance aux soins lors de la
période pré greffe n’a pas toujours été parfaite car il voulait, que lors des séances de drainage
bronchique, le kinésithérapeute s’adapte à ses techniques. Mr S. vit seul dans un appartement
au premier étage sans ascenseur où il a déménagé récemment. Il vivait auparavant avec sa
compagne qui a deux enfants d’une précédente union. La vie à deux devenait difficile car la
maladie s’impose dans le quotidien du couple. Sa compagne trouvait cela compliqué à vivre
pour ses enfants. Cet homme originaire de Lille ne dispose pas d’un réseau social développé à
Guérande car c’est sa compagne qui est originaire de la région. Il n’a pas de très bonnes
relations avec ses parents et ne dispose donc pas d’un entourage très présent dans sa maladie.
Il a auparavant travaillé à Paris en tant que fonctionnaire dans une entreprise d’imprimerie. Il
occupait une fonction de magasinier et travaillait donc dans un milieu poussiéreux. Cela a
conduit à un réajustement de son poste vers un bureau puis un aménagement de celui ci a été
nécessaire en raison de l’aggravation de sa maladie. Il a arrêté son activité professionnelle il y
a une dizaine d’années. A la même période, il a arrêté son activité sportive. Mr S. a fait du
basket, du bicross, de la MotoCross, du skateboard. Il s’est également mis à peindre depuis
quelques années et a vendu quelques toiles. Il ne fume pas et boit rarement de l’alcool.
Mr S. vit près de l’un des principaux centres de transplantation pulmonaire. Ce type de
chirurgie nécessite une équipe spécialisée et n’est donc pas effectuée dans tout les CHR2. La
prise en charge de sa maladie, depuis l’aggravation des signes pulmonaires vers l’âge de ses
20 ans, comprenait deux séances de drainage par jours chez le kinésithérapeute. Les séances
consistaient en un drainage bronchique qui permettait d’évacuer les sécrétions et ainsi éviter
au maximum leur stagnation au niveau des troncs bronchiques et donc les surinfections. Son
traitement quotidien était constitué de quatre aérosols (avec Pulmozyme®3, Bricanyl®4,
Atrovent®5, Colymicine®6 et Pulmicort®7), Airomir®8 et Innovair®9 en sprays, ainsi qu’un
traitement per os avec Créon®10 à chaque repas, Insuline, vitamines, Surbronc®11, Inéxium®12
2
CHR = Centre Hospitalier Régional
Pulmozyme® : fluidifiant bronchique
4
Bricanyl® : bronchodilatateur β2 mimétique d’action rapide et de courte durée
5
Atrovent® : bronchodilatateur anticholinergique
6
Colimycine® : antibiotique, anti infectieux intestinal (traitement de l’infection pulmonaire à Pseudomonas
aeruginosa)
7
Pulmicort® : glucocorticoïde anti-asthmatique (anti-inflammatoire)
8
Airomir® : bronchodilatateur β2 mimétique d’action brève et de courte durée
9
Innovair® : corticoïde associé à bronchodilatateur β2 mimétique de courte durée d’action
10
Créon® : traitement de l’insuffisance pancréatique exocrine (enzyme substitutive)
3
4
mais il avait aussi de nombreux antibiotiques. Une infirmière venait quotidiennement à son
domicile. Il avait une oxygénothérapie en permanence (2 L/min) depuis quatre ans et avait
une VNI pour la nuit depuis un an et demi. Cela fait une vingtaine d’années qu’il est sous
oxygène la nuit à 1,5 L. L’oxygénothérapie est utilisée lorsque l’insuffisance respiratoire
chronique est grave, c'est-à-dire lorsque la PaO213 est inférieure à 60 mmHg. L’hypoxémie
est, dans les débuts de la maladie, présente lors des poussées, puis elle s’aggrave quand la
maladie évolue apparaissant alors à l’effort puis pendant le sommeil, nécessitant donc le
recours à l’oxygénothérapie. La ventilation non invasive est utilisée lorsque le patient est en
hypoventilation alvéolaire associée à une hypercapnie. A ce stade, Mr S. est en insuffisance
respiratoire grave puisqu’il dispose d’une oxygénothérapie en permanence et son état ne cesse
de s’aggraver, les infections se succèdent (il est hospitalisé du 27/04 au 14/05/10 pour une
cure d’antibiotique) (2).
Ces dernières années, il y a eu une amélioration considérable du pronostic de cette maladie du
au diagnostic plus précoce, à la création de centres de soins spécialisés dotés d’équipe
multidisciplinaire, la création de réseaux de soins ou encore du à l’amélioration des
techniques de kinésithérapie (1). Cependant, la transplantation pulmonaire reste le seul
recours actuel en cas d’insuffisance respiratoire terminale. Celle-ci est envisagée lorsque le
traitement médical ne peut plus empêcher l’aggravation de l’état du patient. Pour que le
patient soit inscrit sur la liste d’attente, il faut que la maladie soit au stade évolué et sans
traitement possible, que l’espérance de vie soit estimée inférieure à 2 ans et que le VEMS14
soit inférieur à 30 % de la valeur théorique. Il faut également qu’il y ait une hypoxémie de
repos et une hypercapnie (soit PaO2 ˂ 55 mmHg et que PaCO215 ˃ 50 mmHg sous 2 % d’O2).
Il y a d’autres critères pris en compte pour l’inscription sur liste d’attente comme
l’amaigrissement ainsi que la fréquence et la sévérité des épisodes d’exacerbations (6).
Mr S. est inscrit sur liste de transplantation le 03/06/10. Il est ensuite hospitalisé pour une
nouvelle cure d’antibiotique du 20 au 23 juillet durant laquelle il présente une toux productive
et une majoration de la dyspnée (stade 3). Le bilan pré greffe est réalisé à cette période. Ce
temps permet de présenter l’équipe soignante du service de greffe et de lui expliquer le
11
Surbronc® : mucolytique (fluidifiant bronchique, favorise expectoration)
Inéxium® : inhibiteur de la pompe à protons (anti sécrétoire gastrique)
13
PaO2 = Pression partielle en O2 dans le sang artériel (norme entre 10 et 13 kPa soit entre 75 et 98 mmHg)
14
VEMS = Volume Expiratoire Maximum Seconde : son pourcentage par rapport à la théorie donne
l’importance d’un trouble ventilatoire
15
PaCO2 = Pression partielle en CO2 dans le sang artériel (norme située entre 4,8 et 5,8 kPa soit entre 36 et 43
mmHg) [mmHg = 7,5 × kPa ; kPa = 0,13 × mmHg]
12
5
déroulement de la prise en charge post greffe. Il est informé des différents problèmes qui
peuvent survenir et il peut aussi avoir des réponses à toutes ses questions (7). Une fois inscrit
sur la liste de transplantation pulmonaire, les relations avec sa compagne deviennent tendues.
Mr S. part alors seul en vacances sans ses médicaments ni sa VNI. Ses motivations face au
projet apparaissent alors ambiguës. Leur relation s’apaise peu de temps après et il retrouve
alors sa motivation face aux soins. Malgré cela, il n’a pas eu de kiné respiratoire les deux
semaines précédant sa greffe car disait « en avoir marre ». Une forte ambivalence s’exprime
alors chez ce patient : si d’un côté, il met tous les moyens possibles en œuvre pour optimiser
la prise en charge de sa maladie, d’un autre, il peut renoncer à l’essentiel s’il rencontre des
problèmes avec son entourage. La transplantation exige pourtant d’être envisagée de façon
positive et le futur transplanté est attendu comme l’acteur principal du projet. Un patient qui
n’apparaitrait pas motivé peut en effet être retiré de la liste d’attente : les greffons se faisant
rares, la sélection des candidats est attentive afin d’optimaliser au maximum les chances de
réussite (8).
La greffe d’organe met en jeu les différents éléments de la réponse immunitaire. Une
compatibilité maximale est donc recherchée entre donneur et receveur (compatibilité ABO et
système d’histocompatibilité HLA). La mise en place d’un traitement anti rejet, que le patient
devra prendre toute sa vie, est systématique (immunosuppresseurs). La ciclosporine est le plus
puissant immunosuppresseur et a permis d’améliorer la durée et la qualité de survie des
patients greffés et transplantés. Les corticoïdes sont également utilisés en traitement. Ces deux
médicaments ont de nombreux effets secondaires (retard de cicatrisation, faiblesse
musculaire, obésité, troubles gastro-intestinaux, hypertension artérielle pour les corticoïdes et
hirsutisme, tremblement, hépatotoxicité, néphrotoxicité,.. pour la ciclosporine) (9). A la suite
d’une transplantation de nombreux problèmes peuvent survenir et le patient doit bien sûr être
mis au courant des différentes complications possibles. La complication la plus grave est la
bronchiolite oblitérante16 mais d’autres comme des hémorragies, infections, œdème
pulmonaire de réimplantation et rejets aigus peuvent également être retrouvées. Pour dépister
l’apparition d’un rejet, le patients transplanté effectuera toute sa vie une évaluation
biquotidienne de ces débits expirés (DEM 25-75 ; VEMS). Une diminution des débits de 10%
sur deux jours devra alors être signalée à l’équipe soignante. « On a maintenant coutume de
dire que les patients ainsi transplantés passent d’une maladie (la mucoviscidose) à une autre
16
Bronchiolite oblitérante : manifestation de rejet chronique conduisant à une détérioration progressive du
greffon et une insuffisance respiratoire chronique
6
maladie (la transplantation pulmonaire), tant sont nombreuses les contraintes quotidiennes »
(1).
Mr S. entre le 17/09/10 à l’hôpital nord Laennec pour une nouvelle cure et est greffé le
soir même sur une insuffisance respiratoire sévère terminale, une hypercapnie et des
infections multiples (dont des infections par le germe Pyocyanique). Ses capacités
fonctionnelles étaient réduites et son VEMS était à 17,8 % de la théorie. Le patient était
également dénutrit. Les derniers EFR17 réalisés avant l’intervention (le 03/09/10) montrent un
trouble obstructif18 très sévère19 (Fig. 10 – Annexe 2). Plus on descend vers les petites
bronches, plus le débit expiratoire par rapport au théorique est faible (DEP20 = 48,7 % ;
DEMM 7521 = 7,7 % ; DEMM 50 = 3,6 % ; DEMM 25 = 4,5 %). La capacité vitale forcée
(CVF) est elle aussi très réduite (40,8 % de la théorique) : les volumes mobilisables sont
diminués en fonction de la gravité de l’atteinte. A ce stade de la maladie, le syndrome
ventilatoire est mixte. La gazométrie réalisée juste avant la greffe sous O2 (le 17/09/10)
montre une hypercapnie et une hypoxémie. En effet Mr S a une insuffisance respiratoire
chronique (IRC)22 qui se traduit par un déficit des échanges gazeux au niveau alvéolaire
(PaCO2 = 7,7 kPa et PaO2 = 9,2 kPa). La SaO223 est de 94,8 % avec 2 L/min d’O2. La
radiographie du 17/09 met en évidence une distension pulmonaire, une hyperclarté aux deux
champs ainsi qu’un encombrement important par l’augmentation des rails bronchiques (Fig. 7
– Annexe 1). Le compte rendu opératoire nous informe que l’intervention se déroule sous
circulation extra corporelle durant 255 min. L’ouverture du thorax est réalisée par une double
thoracotomie antéro-latérale avec une incision transversale du sternum au niveau du 5ième
espace inter-costal. La dissection du poumon droit a été difficile car le poumon était très
adhérent (Annexe 3). L’adéquation morphologique avec le donneur est correcte. Après la
greffe, Mr S. est dirigé vers un service de réanimation (3) (10).
17
EFR = Exploration fonctionnelle respiratoire
Rapport de Tiffeneau à 40,6 % de la théorique (Rapport de Tiffeneau = VEMS/CV (capacité vitale) : affirme
un trouble obstructif des bronches lorsque le rapport est sensiblement inférieur à la moyenne prédite).
19
La sévérité d’un trouble obstructif est déterminée par la valeur du VEMS : il est très sévère lorsque celui-ci est
inférieur à 30 %.
20
DEP = Débit Expiratoire de Pointe = Peak-flow : débit instantané maximal réalisé au cours d’une expiration
forcée.
21
DEMM 75 = Débit expiratoire maximal mesuré à 75 % de la capacité vitale.
22
IRC correspond à une oxygénation insuffisante du sang (hypoxémie) associée ou non à une rétention de gaz
carbonique (hypercapnie)
23
SaO2 = Saturation de l’hémoglobine en O2 dans le sang artériel (norme entre 95 et 99 %)
18
7
2.2
La spécificité du service de réanimation en post extubation
Le service de réanimation est un service particulier où les constantes du patient sont
surveillées en permanence. Le patient est alité et peut donc être sujet à toutes les
complications liées à l’immobilisation : elles peuvent être, en particulier, cutanées, ostéoarticulaires et musculaires. Mr S., qui connaissait bien sa maladie avant la greffe, se retrouve
dans un état de fatigue importante suite à la chirurgie lourde de la transplantation. Sa prise en
charge est effectuée dans un milieu qui lui est inconnu et elle est bien différente de celle qu’il
connaît. Lorsque les soins concernaient auparavant la mucoviscidose, il pouvait être acteur de
sa prise en charge. Dans le service de réanimation, il est plus passif et plus compliant aux
soins. Il est alors obliger de faire confiance aux professionnels de santé car il ne connaît pas la
prise en charge adaptée à sa situation actuelle. Dans ce type de service, le patient est en phase
aigüe de la prise en charge. Cela impose une réévaluation pluriquotidienne de son état
permettant de réadapter en permanence la prise en charge.
Mr S. est extubé le 23/09 après 6 jours de ventilation invasive (VI). Le sevrage de ce type de
ventilation doit être fait le plus précocement possible afin de limiter le barotraumatisme sur
les sutures bronchiques et de réduire le risque d’infections nosocomiales. Le kinésithérapeute
à pris en charge Mr S. pour le drainage bronchique avant et immédiatement après extubation
(11). Dans certain cas, comme dans celui-ci, il est nécessaire d’avoir recourt à une VNI en
post extubation notamment lorsqu’il y a une parésie bilatérale du diaphragme. Ce phénomène
est le résultat de la voie d’abord en bi thoracotomie trans sternale où les nerfs phréniques sont
parfois parésiés par l’écartement (7).
Les examens initiaux, en vue de réaliser le bilan kinésithérapique, sont effectués le 27/09/10,
soit 10 jours après son intervention. Avant d’entrer dans la chambre, des règles d’hygiène sont
à respecter, en plus des précautions standards, pour prévenir la transmission d’agents
infectieux vers un patient récemment greffé. En effet, Mr S. est immunodéprimé en raison du
traitement anti-rejet. L’entrée exige un traitement hygiénique des mains avec lavage simple
puis solution hydro-alcoolique. Une surblouse et un masque sont mis en entrant et retirés en
sortant. En arrivant dans la chambre, le patient est alité, sous ventilation non invasive (VNI)
avec une FiO224 à 35 % (4 L/min d’O2). Un écran permet de contrôler la fréquence cardiaque
(FC = 105 battements par minutes), respiratoire (FR = 17 cycles par minute), la tension (12/6)
et la saturation qui est à 96,9. La dyspnée est évaluée au repos avec l’échelle visuelle
24
FiO2 = concentration fractionnel inspirée en O2 (%)
8
analogique25(EVA) à 4,5/10. Le patient se sent alors plus essoufflé avec les lunettes (la
dyspnée passe de 4,5 à 6 avec l’EVA). Il se sent inconfortable et appréhende de devoir
respirer seul sans assistance. La respiration est buccale, superficielle et rapide. Il a une
perfusion à gauche et un cathéter central est posé sur la veine jugulaire interne droite. La
cicatrice de la double thoracotomie bilatérale sous mamelonnaire est adhérente et légèrement
inflammatoire au niveau sternal. Il y a deux drains pleuraux de chaque côté de la face
antérieure du thorax : l’un est apical et l’autre basal. Un des drains bulle à gauche, signe de la
présence d’air entre les deux plèvres. Le patient présente un site implantable au niveau sous
claviculaire droit (depuis 15 ans), il faudra y faire attention lors de la kinésithérapie
respiratoire. Le thorax est distendu et rigide et les épaules sont enroulées. Cette statique est
antérieure à la greffe et est typique des patients atteints de la mucoviscidose.
Figure 1 : Photos du 01/10 permettant de visualiser les deux drains pleuraux restants et la cicatrice.
A l’interrogatoire, le patient se plaint de douleurs au niveau de la cicatrice, des drains ainsi
que dans le dos. En effet les drains sont en contact avec la plèvre viscérale qui est très
innervée et donc le moindre mouvement entraîne le frottement des drains contre la plèvre
rendant ainsi le mouvement très douloureux. A l’échelle visuelle analogique (EVA), le patient
cote ses douleurs à 6/10. La toux de Mr S. n’est pas efficace (DEP = 140 L/min)26 et ne
remonte alors pas de crachats (12). Il n’y a pas eu d’expectoration depuis l’intervention, une
fibroaspiration bronchique est alors réalisée quotidiennement par le médecin. Un emphysème
sous cutané est retrouvé au niveau sous claviculaire droit avec la sensation de crépitement de
pas dans la neige lors d’un appui sur la peau : il y a donc probablement une brèche au niveau
de la plèvre et de l’air se diffuse au niveau sous cutané. En observant la mécanique
25
26
Echelle visuelle analogique de la dyspnée : évaluation entre une absence de dyspnée et une dyspnée maximale.
Une toux est dite efficace quand DEP > 160L/min
9
ventilatoire du patient, une respiration thoracique à l’inspiration et une expiration active
(creusement de l’abdomen à l’expiration) sont retrouvées. Il n’y a pas d’asymétrie entre les
deux thorax lors de la ventilation. En lui demandant d’inspirer en gonflant le ventre,
l’observation montre que le mouvement est impossible, le diaphragme est sidéré suite à
l’intervention. A l’auscultation, le bruit respiratoire normal27 est présent aux deux temps et
dans les deux champs. Il y a également des crépitants fins, de moyenne et haute fréquence,
entendus en fin d’inspiration et début d’expiration aux deux bases, signe d’un encombrement
bronchique au niveau des bronches moyennes et périphériques (l’encombrement aux bases est
visible sur la radiographie pulmonaire) (Fig. 9 – Annexe 1) (13). Le jour du bilan, la
gazométrie sous VNI (4 L/min) informe que le patient à une hypercapnie (PaCO2 = 6,3 kPa),
la PaO2 est correcte et donc la saturation également (PaO2 = 11,2 kPa et SaO228 = 96,9 %). Le
patient est en ventilation spontanée avec la VNI réglée avec une pression expiratoire positive
(PEP) à 5 cmH20 et une aide inspiratoire à 15 cm H2O. Il est en ventilation spontanée avec des
lunettes nasales pendant deux heures le jour du bilan. Sa fréquence respiratoire qui est
correcte avec la machine (FR = 17) augmente avec les lunettes nasales (FR = 24).
Il n’y a pas de déficit articulaire au niveau des quatre membres. Il y a seulement une
limitation en fin d’amplitude de flexion et d’abduction d’épaules dues aux douleurs lors de
l’étirement des muscles pectoraux sectionnés lors de l’intervention, de la voie d’abord et au
niveau des drains. Au niveau musculaire, il y a une amyotrophie globale ainsi qu’une
faiblesse généralisée : les muscles des membres inférieurs et supérieurs réalisent les
mouvements contre une légère résistance (ajoutée à la pesanteur) mais les mouvements cèdent
si les résistances appliquées sont maximales. Les rotations, la flexion et l’adduction d’épaule
sont, quant à elles, difficile contre résistance car la douleur est importante. Il n’arrive pas à se
rehausser seul dans son lit en raison de la douleur et de la fatigue et a donc besoin d’une tierce
personne pour la toilette. Mr S ne peut pas manger car il faut pour cela une reprise de son
transit. Il peut boire en faible quantité (il y a une perte des lymphatiques pulmonaires et donc
un risque de rétention hydrique). La qualité de vie est évaluée avec l’EVA de Grosbois
(Annexe 4) lorsqu’il respire avec les lunettes nasales : la qualité du sommeil est cotée à 6,5,
l’état d’anxiété à 4, l’essoufflement à 6, il évalue ses possibilités physiques à 3,5 et son bien
être à 7 (10).
27
28
Il est aujourd’hui admis que le terme de « murmure vésiculaire » est incorrect.
SaO2 = saturation de l’hémoglobine en O2 dans le sang artériel (en %).
10
Le médecin prescrit une kinésithérapie avec drainage bronchique et de mobilisation. Des
antalgiques sont prescrits contre la douleur (Biprofénid®, Skénan®, Acupan®, Dafalgan®), des
antibiotiques (Tazocilline®, Colymicine®, Bactrim®, Cancidas®) et des anti-rejets (Cellcept®,
cyclosporine®), des corticoïdes (Solumedrol®) et des médicaments contre l’anxiété (Xanax®,
Tranxène®). Trois aérosols de sérum physiologique sont réalisés par jour afin de fluidifier les
sécrétions bronchiques. Le Lasilix® est un diurétique prescrit pour éviter la rétention d’eau.
L’Héparine évitera au sang de coaguler (anti-thrombotique) et diminue ainsi le risque de
phlébite puisque le sujet est alité. Le traitement antérieur du patient contre l’insuffisance
pancréatique est poursuivi (Créon® et Umuline®).
Lors de l’hospitalisation en réanimation, Mr S. présente alors les complications usuelles de la
chirurgie thoracique mais également les complications spécifiques de la transplantation. La
chirurgie thoracique entraîne des douleurs au niveau de la double thoracotomie bilatérale sous
mamelonnaire ainsi qu’au niveau de la sternotomie transversale. L’ouverture du thorax
entraine également des douleurs post opératoires. Les douleurs, associées aux drains pleuraux,
entraînent une respiration superficielle favorisant l’encombrement. La transplantation
pulmonaire est de plus responsable d’une perte de l’innervation broncho pulmonaire
végétative ce qui se traduit par une perte du réflexe de toux. Celle-ci est également rendue
difficile par la présence de sutures trachéales et bronchiques ainsi que par la présence de
douleurs. Il y a un ralentissement de l’activité mucociliaire et une desquamation du poumon
post greffe ce qui majore le risque d’encombrement important. La perte des lymphatiques
pulmonaires explique la sensibilité particulière de ces patients à l’inflation hydrique. La
clairance de l’appareil mucociliaire est réduite pendant trois semaines en post transplantation
puis est partiellement restaurée 12 semaines après. Ce phénomène est lié à la dénervation et
la dévascularisation de l’arbre bronchique (7) (11).
2.3
Diagnostic kinésithérapique et objectifs de la rééducation à cette phase
Mr S., 36 ans, est atteint de mucoviscidose, maladie qu’il a appris à connaitre depuis sa
naissance. Il est inscrit sur liste d’attente pour transplantation bi pulmonaire le 03/06/10 et est
greffé le 17/09 en raison d’une insuffisance respiratoire sévère terminale et infections
multiples. Au jour de la greffe, son VEMS était alors de 17,8 %. La transplantation
pulmonaire lui permet alors de disposer de poumons sains, exempts de pathologie. Les suites
de cette intervention le conduisent dans un service de réanimation, en isolement septique du
fait de son immunosuppression, pour limiter les risques de rejet du greffon. Cette précaution
11
limite l’accès à la chambre et l’introduction de matériel. Un des avantages de ce type de
service est la surveillance permanente des constantes du patient et une équipe soignante très
présente.
La chirurgie a entrainé des douleurs qui proviennent, entre autres, des contractures au niveau
dorsal, de la cicatrice de la voie d’abord qui est inflammatoire et de la présence de drains
pleuraux. La toux n’est plus efficace en raison de la perte transitoire du réflexe de toux, la
présence de sutures bronchiques et la sidération du diaphragme. De ce fait, Mr S. présente
un encombrement bronchique : ce phénomène est favorisé par le ralentissement de l’activité
mucociliaire, la desquamation du poumon greffé et par l’alitement. Le thorax rigide, le
manque de force du diaphragme et la douleur sont les causes d’une hypoventilation
alvéolaire et d’une hypercapnie. Ses « nouveaux poumons » ne sont pas encore fonctionnels
pour pouvoir assurer une autonomie respiratoire complète. Mr S. est par conséquent
dépendant d’une VNI et d’une oxygénothérapie.
Il est à ce stade alité, très douloureux (EVA = 6) et est, depuis son intervention, totalement
dépendant de l’équipe soignante : l’intervention est lourde et fatigante et effectuée chez un
patient déjà dénutrit en préopératoire conduisant à un syndrome de déconditionnement de
l’individu. Chaque mouvement est difficile et augmente la douleur : le rehaussement seul dans
le lit est impossible et Mr S. est dépendant d’une tierce personne pour la réalisation de sa
toilette. Il présente évidemment des risques de développer des troubles du décubitus (cutanés,
articulaires, musculaires, circulatoires,…) étant déjà alité depuis 10 jours.
Il a désormais une nouvelle maladie bien différente de celle qu’il à toujours connue avec un
traitement à prendre à vie et de nombreuses complications possibles. Son entourage est peut
présent pendant cette période difficile où des soutiens seraient favorables à sa récupération. Sa
compagne lui rend cependant visite quand elle le peut. L’histoire de Mr S. a quelques fois
émis des doutes quant à sa motivation face aux soins. Cependant, il est compliant lors de cette
prise ne charge car l’environnement et le stade de la maladie sont différents de ce qu’il
connaît.
La prise en charge kinésithérapique se concentre particulièrement sur la limitation de
l’encombrement bronchique afin de permettre de meilleurs échanges gazeux et de limiter les
risques de surinfections. La rééducation s’intéresse également à la limitation de la douleur
pour ne pas que celle-ci limite les mouvements et la respiration. Il faut rétablir une cinétique
diaphragmatique correcte afin de retrouver une ventilation optimale et ainsi permettre une
12
inspiration suffisante pour obtenir une toux efficace. L’amélioration de l’amplitude
thoracique a pour but d’augmenter la capacité vitale, le volume courant et favorise donc une
ventilation correcte au niveau alvéolaire et une meilleure expiration. La réhabilitation
motrice permet au patient d’accéder progressivement à une certaine indépendance et favorise
le mouvement d’un patient alité pouvant présenter des troubles du décubitus. L’indépendance
de Mr S. dépend aussi du sevrage de la ventilation mécanique et de l’oxygénothérapie. La
prise en charge kinésithérapique s’inscrit dans une prise en charge pluridisciplinaire où
chaque acteur à un rôle à jouer, afin d’aboutir, à terme, à une reprise de l’autonomie du
patient.
3
La prise en charge de la fonction respiratoire de Mr S en réanimation
Le rôle du Kinésithérapeute dans la reprise d’autonomie respiratoire est d’aider Mr S. dans le
désencombrement bronchique mais aussi d’améliorer la mécanique ventilatoire pour ainsi
faciliter les échanges gazeux.
3.1
La ventilation non invasive et la fibroaspiration
La VNI est utilisée chez Mr S. en relai de la ventilation
mécanique pendant la période post opératoire. Elle aide à pallier
l’insuffisance des muscles inspiratoires et l’hypoventilation qui
sont responsables d’un encombrement et d’une obstruction
bronchique secondaire. Cette assistance permet d’améliorer la
ventilation alvéolaire, et donc les gaz du sang, tout en
permettant de diminuer le travail des muscles respiratoires. La
VNI permet également une augmentation du volume courant.
Cela permettra de faciliter les techniques de drainage
bronchique du kinésithérapeute tout en limitant la fatigue du
Figure 2 : BIPAP Vision.
patient durant la séance. Cette technique de désencombrement est
indiquée lorsqu’il y a des difficultés d’expectoration (10) (14).
Mr S. est en ventilation spontanée avec une VNI sur laquelle sont réglées une pression
expiratoire positive (PEP) et une aide inspiratoire (AI). La PEP est de 5 cmH2O : elle permet
le maintien d’une pression dans les voies aériennes à la fin de l’expiration. Cette pression à
pour but d’obtenir un meilleur recrutement des territoires alvéolaires, et par conséquent
d’améliorer les échanges gazeux et de retarder le collapsus bronchique. L’aide inspiratoire en
13
pression de 15 cmH2O assure l’expansion thoraco-pulmonaire, des débits inspiratoires élevés
et soulage les muscles respiratoire en assurant une part importante du travail lors de la
ventilation. Il y aura alors une diminution de la fréquence respiratoire, une augmentation du
volume courant et une diminution de la consommation d’oxygène. Cette aide est déclenchée
lorsque le patient débute l’inspiration. Le patient dispose d’un masque nasal ce qui lui permet
de parler lorsque la VNI est en place. Si ce type de masque est en général mieux toléré, il est
fréquemment source de fuites plus importantes qu’avec une interface oro-nasale. Mr S. est
habitué à cette ventilation puisqu’il l’utilisait déjà la nuit à son domicile avant sa greffe. Une
fréquence de sécurité est assurée par l’appareil en vue de suppléer les éventuelles
insuffisances inspiratoires du patient (10). De plus, les morphiniques donnés au patient pour la
douleur diminuent la fréquence ventilatoire ce qui entraine une hypoventilation alvéolaire (15)
et une augmentation de l’hypercapnie : le sevrage de la VNI est donc plus long.
Figure 3 : masque nasal.
A partir du 27/09, jour du bilan initial, le patient est mis en ventilation spontanée avec les
lunettes nasales pendant 1heure le matin et 1 heure l’après-midi. L’apport d’O2 par les
lunettes nasales ou avec la VNI est de 4 L/min afin d’améliorer la saturation en O2. Le temps
passé avec les lunettes est modifié chaque jour en fonction de l’évolution des gaz du sang. Si
l’hypoxémie et l’hypercapnie s’aggrave, le retour à une ventilation non invasive s’impose afin
d’obtenir une meilleure ventilation alvéolaire. Les signes d’hypoxémie (cyanose, agitation) et
hypercapnie (sueurs profuses, flapping tremor, somnolence) sont alors surveillés par tous les
soignants. Lorsque Mr S. respire avec les lunettes, il a alors seulement un apport
supplémentaire d’O2 sans aide par une PEP ni une AI. L’assistance respiratoire conduit à une
dépendance qui angoisse et oppresse le patient lors des premières respirations sans aide (il
pense ne pas pouvoir être capable de respirer seul). Ce phénomène, associé à l’insuffisance
14
respiratoire, entraine une respiration plus rapide, superficielle et un tirage à l’inspiration avec
les lunettes nasales.
Chaque jour, le médecin réévalue la VNI et essaye de trouver le meilleur équilibre entre
ventilation mécanique ou ventilation sous O2. La première permet une meilleure ventilation
alvéolaire et une diminution de l’hypercapnie. Les lunettes nasales, quant à elles, favorisent
l’activité des muscles respiratoires, et en particulier du diaphragme qui est paresthésié. Le but
est alors d’acquérir une autonomie respiratoire progressive, sans la VNI ni apport d’O2. Le
médecin est le seul dans le service à pouvoir modifier les réglages de la machine. Le
kinésithérapeute utilise la VNI lors des séances de drainage lorsque Mr S est fatigué et
lorsque l’expectoration est difficile. Il ne peut cependant pas modifier les réglages durant ses
séances.
Le médecin réalise également une fibroscopie bronchique tous les jours avec une double
intention : évaluer l’état du poumon et réaliser une aspiration des sécrétions ce qui permet
alors d’éliminer au maximum l’encombrement (l’évacuation durant les séances de drainage
étant difficile). Les fibroscopies sont en effet indispensables en post greffe pulmonaire afin de
pouvoir détecter certaines complications, qu’elles soient infectieuses, bronchiques (désunion
ou sténose au niveau des sutures), ou un rejet aigu. Elles sont réalisées à des fins
diagnostiques et thérapeutiques. L’appareil est muni d’une caméra ce qui permet la
visualisation des voies aériennes et des sutures. L’aspiration des sécrétions est effectuée au
cours du même geste. Cette technique est effectuée à jeun afin d’éviter le risque de
vomissement qui conduirait le contenu gastrique au niveau des bronches. Au début de la prise
en charge, les sécrétions de Mr S. sont sales et abondantes, puis les fibroaspirations sont de
moins en moins productives et elles sont effectuées un jour sur deux à partir du 10/10 (16)
(17).
3.2
Drainage bronchique
Le drainage bronchique est prescrit par le médecin. Cette partie de la prise en charge est au
départ la plus importante afin de diminuer la fréquence des fibroaspirations et car la
stagnation des sécrétions entraine des surinfections et une hypoventilation alvéolaire. Avant
chaque séance de kinésithérapie respiratoire, le patient est ausculté. L’auscultation se réalise
en bilatéral, le patient est si possible assis et penché vers l’avant avec les épaules enroulées
pour avoir accès à la cage thoracique au niveau dorsale. Les lobes supérieurs et moyens sont
15
écoutés en avant (l’auscultation s’arrête au niveau de la ligne mamelonaire) et tous les lobes
peuvent être écoutés en face dorsale, les bases des poumons ne pouvant être écoutées qu’à
cette zone. L’auscultation permet de localiser les sécrétions et ainsi d’adapter les techniques
kinésithérapiques. Chez ce patient des crépitants fins, à moyenne et haute fréquence, sont
entendus aux deux bases. Cela signe un encombrement des bronches distales.
Les séances sont préférentiellement réalisées après la prise d’aérosol de sérum physiologique
afin que les sécrétions soient plus fluides et remontent plus facilement. Lorsque Mr S est
fatigué, la séance de drainage bronchique est réalisée avec la VNI. Le désencombrement
bronchique est réalisé par des techniques d’augmentation du flux expiratoire (AFE). Ces
techniques sont les principales utilisées en phase post opératoire chez les patients présentant
un déficit des muscles respiratoires. Elles sont facilitées par le positionnement semi-assis et
décubitus latéral. La position sur le coté est trop précoce au départ de la prise en charge en
raison de la présence des drains et la douleur qu’ils génèrent au patient (11). L’encombrement
de Mr S. étant situé particulièrement au niveau des bronches périphériques, la séance de
drainage débute tout d’abord par des manœuvres d’AFE lentes. L’AFE rapide est alors
utilisée lorsque les sécrétions ont progressées vers les gros troncs bronchiques et la trachée.
Le drainage est débuté par une inspiration nasale lente et profonde puis une expiration buccale
lèvres pincées pour drainer principalement les bronches périphériques. Le patient est guidé
lors des manœuvres avec une main placée au niveau du thorax et de l’abdomen. La ventilation
abdomino-diaphragmatique est privilégiée pour stimuler le diaphragme en même temps.
Lorsque les sécrétions sont remontées, la technique de drainage est modifiée et
l’augmentation du flux expiratoire (AFE) à vitesse rapide permet de drainer les bronches
proximales et ainsi remonter les sécrétions dans l’arrière gorge. L’expiration s’effectue par la
bouche, glotte ouverte, à vitesse rapide et débit important : le patient imagine faire de la buée
sur une vitre. Mr S. éprouve des difficultés à tousser même lorsqu’un graillonnement est
perceptible, signe que les sécrétions sont remontées dans les bronches proximales. En effet, il
y a une absence de reflexe tussigène en dessous des sutures bronchiques suite à la
transplantation. Les séances de drainage sont courtes et respectent la fatigue du patient et les
constantes sont surveillées en permanence (10) (14).
Le défaut de mobilité thoracique gène l’expansion pulmonaire totale. Un gain de celle-ci est
recherchée les jours où Mr S. n’est pas trop douloureux. La mobilisation est effectuée lors des
techniques de ventilation en augmentant le volume respiratoire. Ce travail est associé au
travail du diaphragme en décubitus latéral : d’un côté est favorisé le renforcement du
16
diaphragme et de l’autre l’expansion costale, expansion facilitée par élévation du bras
simultanément à l’inspiration. Le mouvement d’expansion sera guidé par le kinésithérapeute :
stimulation tactile pour l’expansion à l’inspiration et aide à l’expiration par une pression
costale (18) .
Les séances de drainage ne sont pas très productives, seulement quelques sécrétions sont
dégluties lorsque le drainage est effectué avec la VNI. Cette quantité de sécrétions est minime
comparées à l’encombrement réel de Mr S. (visible lors de la fibroscopie). Au bout d’une
semaine de prise en charge, les fibroaspirations sont encore nécessairement effectuées tous les
jours. Les séances de kinésithérapie respiratoire n’ont pas eu chez Mr S. les résultats
escomptés. L’idéal aurait bien sûr été que le désencombrement soit plus efficace pour
permettre d’espacer les fibroaspirations qui sont très mal vécues. Elles sont de plus irritatives
pour les voies aériennes lorsqu’elles sont réalisées fréquemment. Le drainage bronchique qui
était un des principaux objectifs au départ de la prise en charge prend maintenant une place
moins importante dans la rééducation. En effet, même s’il permet une mobilisation des
sécrétions, la faiblesse du diaphragme, la fatigue, la douleur ainsi que la perte de réflexe de
toux rend difficile l’expectoration et donc l’évacuation des sécrétions. La prise en charge de la
douleur et le renforcement diaphragmatique prennent alors une place primordiale. C’est sur
ces principaux axes que le kinésithérapeute va devoir se pencher car ils peuvent permettre une
meilleure efficacité du drainage.
3.3
Renforcement diaphragmatique
Le diaphragme est le muscle principal de la respiration. Il est constitué de deux coupoles
réunies au niveau d’un centre tendineux. Sa contraction permet l’abaissement du centre
phrénique et donc l’inspiration par la dépression intra thoracique. Le relâchement du
diaphragme entraine sa remontée, l’air est alors chassé des poumons : c’est l’expiration. Ce
muscle entre en jeu dans les fonctions vitales élémentaires (cris, toux, éternuement,
défécation, miction,..). La pression dans le thorax va dépendre de la rétraction élastique du
tissu pulmonaire tendant à tirer le diaphragme vers le haut, la pression exercée par les viscères
abdominaux et la pression intra abdominale due à la contraction des muscles de la paroi (19).
Pour rééduquer le diaphragme, la course sera favorisée plutôt que la force. En effet ce muscle
étant déjà faible il serait trop difficile de le faire travailler contre résistances.
17
Le travail du diaphragme est tout d’abord réalisé pendant les séances de ventilation dirigée
avec prise de conscience de la ventilation abdomino-diapragmatique. Cela permet d’améliorer
la cinétique du diaphragme et de favoriser la ventilation alvéolaire par augmentation du
volume courant et par diminution de la fréquence respiratoire. Il faudra cependant être
prudent, car la diminution de la fréquence respiratoire d’un patient dyspnéique entraîne une
consommation importante d’oxygène et une fatigue excessive des muscles respiratoires. La
ventilation dirigée restitue une situation diaphragmatique favorable mais au prix d’une
consommation importante d’O2. De ce fait, les constantes sont surveillées attentivement lors
des exercices (saturation, fréquence cardiaque,..). L’exercice débutera par une expiration
buccale afin de replacer le diaphragme en position la plus longue possible avant sa contraction
et pour favoriser celle-ci. L’inspiration sera ensuite nasale car le nez joue le rôle de filtre,
d’humidificateur et de réchauffeur des voies aériennes supérieures (19).
Mr S. est d’abord installé en position assise, car la descente du diaphragme est plus facile,
d’une part car elle est aidée par la pesanteur, mais également car la résistance des viscères est
moins importante dans cette position. Les jambes seront légèrement fléchies pour obtenir une
détente des abdominaux. La prise de conscience se porte d’abord sur les temps expiratoire et
inspiratoire. Le patient essaye de les percevoir, puis il inspire par le nez et expire par la
bouche. Les mouvements de l’abdomen sont ensuite associés. Le ventre est rentré à
l’expiration et gonflé à l’inspiration en contrôlant que la paroi abdominale soit détendue pour
ne pas avoir de compensation par les abdominaux et qu’il n’y ait pas de compensation au
niveau de la région lombaire (la cambrure peut faire croire à un gonflement de l’abdomen).
Ensuite, une main du rééducateur est posée sur le thorax pour contrôler sa faible mobilité et
une sur l’abdomen pour contrôler les mouvements de celui-ci. Le patient pose aussi ses mains
pour mieux percevoir le mouvement. De nombreuses stimulations sont utilisées. Tout d’abord
visuelle car le patient doit regarder son abdomen, ensuite auditifs, le mouvement à réaliser est
demandé à chaque ventilation, et enfin tactile avec la main présente sur l’abdomen qui stimule
le mouvement de celui-ci. Les différents stimuli peuvent être associés et permettent la
réalisation d’un feed-back (19) (20). La ventilation abdomino-diaphragmatique permet alors
une augmentation de la course du diaphragme et une augmentation du nombre de zones
pulmonaires ventilées. Mr S. comprend rapidement la technique.
Une fois le mouvement acquis en position assise, le travail est effectué en décubitus dorsal
puis latéral (quand les drains seront ôtés le 08/10) augmentant ainsi la course diaphragmatique
du côté du plan. En effet le muscle est en position expiratoire au départ car la coupole
18
diaphragmatique est refoulée par les viscères et l’inspiration se fait alors contre résistance des
viscères. Cet exercice en progression demande alors déjà une force assez importante du
diaphragme car s’il est réalisé trop tôt, le patient est mis en difficulté. Le travail est aussi
effectué en position debout lorsque des exercices sont réalisés dans cette position : le
diaphragme est replacé dans ses conditions de fonctionnement de la vie de tout les jours (19).
L’exploration de la fonction du diaphragme en réanimation comporte des difficultés
particulières liées à l’environnement (21). L’évaluation de la progression est subjective de la
part du praticien car les mesures chiffrées de la contraction diaphragmatique n’ont pas été
effectuées : seuls l’examen clinique et la gazométrie vont permettre de constater une
amélioration. La mesure de la contraction peut être réalisée par la mesure de la pression
inspiratoire maximale, qui requiert un enregistreur de pression et un embout buccal, par la
pression nasale sniff qui nécessite également un enregistreur de pression, ou bien par la
pression trans-diaphragmatique sniff qui est une technique invasive (22). La deuxième
technique évoquée reflète plus une mesure globale de la force des muscles inspiratoires plutôt
que celle du diaphragme. Malheureusement, une chirurgie thoracique récente est une contre
indication à la mesure de la force des muscles respiratoires lorsqu’il n’y a toujours pas de
consolidation (23). Le manque de matériel et la situation clinique du patient avec des risques
d’infections, limitant l’apport de matériel dans la chambre, ne permettent alors pas de mesurer
les résultats obtenus.
Toutes les techniques réalisées jusqu’à présent ne permettent pas vraiment de voir au jour le
jour les progrès réalisés. Certains jours, il souhaite écourter rapidement les séances car il ne
visualise pas les progrès qu’il effectue, la motivation est quelques fois difficile à obtenir dans
ce cas. Le diaphragme est alors travaillé avec la spirométrie incitative à l’aide du Voldyne
2500 m/L qui permet alors d’avoir des mesures chiffrées pouvant être comparées chaque jour.
Cet appareil est individuel et appartient ensuite au patient. Il est constitué d’un embout buccal
relié à une chambre volumétrique par un tuyau flexible. Lorsque le patient inspire au niveau
de l’embout, après une expiration complète et calme hors du spiromètre, cela provoque la
montée du piston dans la chambre d’un volume équivalent à la valeur indiquée. Une valve
anti-retour évite le passage d’air dans le système lors de l’expiration. Le débit inspiratoire
produit par le patient doit permettre à la valve flottante de se situer au centre des graduations.
L’exercice se fait sur plus ou moins une dizaine de mouvements ventilatoires en fonction de la
fatigue du patient. La spirométrie permet en même temps de faciliter le drainage bronchique
par l’augmentation du volume inspiratoire. Cette technique, basée sur le feedback (il y a ici un
19
feedback volumétrique et un pour le débit), permet alors un
contrôle visuel de la part du patient de l’effort qu’il fournit et de
l’inciter à soutenir ses efforts et lui permet aussi d’évaluer sa
progression. L’appareil permet au patient de pouvoir travailler
seul, le feedback étant motivant et stimulant. L’idéal est
cependant la spirométrie incitative dirigée où sont associé
l’intervention du kinésithérapeute pour guider le mouvement
thoraco-abdominal et la ventilation avec la spirométrie incitative
(10) (14). En parallèle de ces techniques, le drainage bronchique
est poursuivi.
4
Figure 4 : Voldyne 2500 mL.
Place du kinésithérapeute dans le service de réanimation
Le kinésithérapeute a pour rôle de préparer progressivement le retour à l’indépendance de Mr
S. La lutte contre la douleur fait également partie de ses compétences ainsi que la lutte contre
les différents troubles du décubitus. Son travail s’inscrit dans un travail d’équipe où la
communication entre les différents acteurs doit permettre d’améliorer la prise en charge du
patient.
4.1
Lutter contre la douleur
Mr S. cote ses douleurs à 6 à l’EVA au repos. Cette évaluation est subjective mais traduit une
douleur importante ressentie par le patient malgré les antalgiques qui lui sont prescrit :
Biprofénid®, Skénan®, Acupan® et Dafalgan®. Ces douleurs sont dues à l’installation
peropératoire, à l’incision, la présence de drains chirurgicaux, aux contractures musculaires
reflexes et probablement à l’immobilité de Mr S depuis son intervention. Les douleurs sont
amplifiées par la respiration dans les volumes extrêmes, lors de la toux et donc lors des
séances de drainage bronchique. Le kinésithérapeute a alors un rôle de complément dans cette
prise en charge et peut aider le patient à se détendre notamment par le massage qui a un rôle
antalgique et relaxant ou encore par l’utilisation d’électrostimulation. L’antalgie doit alors
permettre une amélioration de la dynamique ventilatoire en augmentant les volumes mobilisés
et ainsi permettre un meilleur drainage des sécrétions (14) (24).
Le patient se plaint de douleur au niveau des ceintures scapulaires et au niveau dorsal. Ces
douleurs, fréquemment retrouvées après une chirurgie thoracique, sont dues aux
microtraumatismes induits au niveau costotransversaire lors de l’écartement de la cage
20
thoracique. Des manœuvres de pressions glissées superficielles, profondes à visée
décontracturante vont être effectuées sur les contractures principalement au niveau paravertébral, ainsi que des manœuvres de décordage, de pétrissages profonds et de pressions
statiques. Des manœuvres de pressions glissées et de traits tirés sont effectuées sur les
rhomboïdes et des étirements et levés de tension sur les trapèzes supérieurs : cela permet une
détente musculaire. Le massage est effectué en position assise, Mr S. est accoudé et sa tête
repose sur une table. Cette position permet un accès complet à la région postérieure et c’est la
seule que le patient accepte et dans laquelle il se sent détendu. Le massage de la cicatrice à
distance, en dehors des zones inflammatoire qui sont en plus extrêmement douloureuses,
permet alors de prévenir la formation d’adhérences qui entraîneront ensuite des limitations de
la mobilité thoracique (14) (25).
La toux entraine également des douleurs au niveau de la cicatrice : lorsque qu’il tousse, Mr S
à la sensation que la cicatrice va « s’ouvrir ». Il croise ses bras sur son thorax pour effectuer
une contention pariétale manuelle qui permet alors de rapprocher les berges de la cicatrice et
ainsi de limiter la douleur lors de la toux (24). Un aménagement de son installation est
également effectué afin de modifier sa position allongée, de changer ses points d’appui et de
diminuer ses douleurs dorsales. L’inclinaison de la têtière est fréquemment modifiée afin de
changer ses points d’appui au niveau du sacrum puisque la zone est légèrement rouge et
commence à devenir douloureuse. Un coussin en billes est placé dans son dos, il passe
derrière sa nuque et Mr S. peut y reposer ses bras. Il trouve cette position confortable.
Figure 5 : Installation au lit.
La douleur étant importante lors du drainage bronchique cela diminue alors son efficacité et
écourte les séances : la douleur limite l’ampliation thoracique et donc la capacité vitale
respiratoire. Le volume mobilisé lors du drainage est faible. La douleur limite aussi la toux du
patient lorsqu’elle commence à être efficace. Celle-ci devient vraiment gênante et persiste au
fils des jours, sans amélioration. Il faut alors trouver d’autres moyens pour limiter au
21
maximum cette douleur. La stimulation électrique trans-cutanée antalgique (SETA) en mode
très basse fréquence endorphinique est utilisée dans le service à cette période et est donc peut
être une solution pour diminuer les douleurs persistantes et ainsi faciliter les séances de
drainage.
L’endorphine est une morphine endogène, c’est une protéine élaborée par le cerveau et
présente dans diverses structures du système nerveux central (SNC). Les morphines
endogènes sont les neuromédiateurs naturels de l’analgésie qui entraînent une sédation de la
douleur comparable à celle de la morphine. Le courant utilisé est de 2 à 6 Hz (la fréquence de
4 Hz semble être la plus efficace) fait d’impulsions isolés de durée brève (200 à 500
microsec) et d’intensité maximale tolérée par le patient : l’intensité doit produire une
contraction musculaire de type secousse élémentaire mais doit rester en dessous du seuil de la
douleur. La basse fréquence favorise la sécrétion de peptides opioïdes. Ces molécules
contrôlent, dans la moelle épinière, la libération de substance P, médiateurs de la transmission
des messages douloureux. Il y a également une intervention au niveau des zones du tronc
cérébral, sensibles dans le contrôle de la douleur (substance grise péri-acqueducale et noyau
raphé magnus). L’effet antalgique ne se manifeste pas avant 20-30 minutes et cesse 30
minutes après l’arrêt de la stimulation (26) (27).
La stimulation est effectuée durant 45 minutes, juste avant la séance de drainage. Mr S. évalue
l’intensité de sa douleur avec l’EVA avant et après pour objectiver ou non une diminution de
la douleur. Une électrode est placée sur la tabatière anatomique (point d’acupuncture) et une
autre sur l’avant bras pour fermer le circuit. L’intensité est réglée à 8 mA : à cette intensité,
une contraction automatique du pouce est observée.
Tableau 1 : Résultat de la stimulation électrique (SETA) sur la douleur testée avec l’EVA.
Dates
11/10 12/10 13/10 14/10
EVA avant
6,5
5
4
5
EVA après
5
5
3
4
Il y a peu de résultats chez Mr S. en ce qui concerne cette technique. L’efficacité n’est pas
non plus retrouvée lors des séances de drainage bronchiques, l’expectoration n’étant pas plus
productive que lorsque le drainage à lieu sans électrostimulation antalgique au préalable.
22
Cependant, le rôle du kinésithérapeute est aussi d’essayer toutes les techniques possibles afin
de trouver celle qui est la plus efficace pour le patient qu’il prend en charge.
Figure 6 : installation de la SETA.
4.2
Préparer le retour à l’indépendance de Mr S.
Un des rôles essentiel du kinésithérapeute dans le service de réanimation est de prévenir et de
traiter les séquelles dues à l’immobilisation. Mr S. est alité, fatigué et bouge peu durant cette
période de prise en charge. En effet, l’absence de mouvements affecte le système articulaire et
neuromusculaire entrainant une déminéralisation, une atrophie, des contractures musculaires
et des raideurs. De plus, lorsqu’un patient est alité, la prise en charge kinésithérapique se porte
également sur la prévention des troubles cutanés, thromboemboliques et permet de maintenir
l’état fonctionnel du patient. L’objectif principal est alors d’obtenir une verticalisation la plus
précoce possible et un retour à la déambulation (14). Le risque de développer des troubles du
décubitus n’est pas négligeable à cette phase et nécessite une surveillance de la part de tous
les soignants.
Durant les périodes où il se sent très fatigué, la mobilisation passive permet de lutter contre
les troubles du décubitus et d’éviter une limitation d’amplitude notamment au niveau des
épaules puisque leur mobilisation est douloureuse. Quand les possibilités de Mr S. le
permettent, le travail actif ou actif aidé des membres inférieurs et supérieurs est privilégié.
L’entretien musculaire au lit favorise la récupération musculaire, évite le déconditionnement
et permet une reprise la plus précoce possible de l’autonomie. Lors du travail, il faut surveiller
en permanence les constantes du patient pour éviter une désaturation trop importante
(saturation, fréquence cardiaque, tension,..). Les exercices réalisés sont d’intensité croissante
et sont réalisés sous O2. La fatigue du patient imposera au début des séances très courtes, la
prise en charge à ce niveau sera moduler en permanence par l’état du patient (18). Au départ,
10 triples flexion-extension des membres inférieurs sont réalisées sans résistance, puis 10
extensions de genou, 10 abduction-adduction, triple flexion et extension au niveau des
23
membres supérieurs. Des résistances manuelles sont progressivement ajoutées et le nombre de
séries augmente tout en s’assurant bien que les constantes du patient restent stables. Le travail
est aussi réalisé à l’aide des diagonales de Kabat au niveau des quatre membres afin de
pouvoir travailler les muscles en chaîne.
Le premier levé et la mise au fauteuil doivent être faits le plus rapidement possible pour
essayer de limiter au maximum les complications. Mr S. est mis debout au bord du lit le 05/10
(avec des bas de contentions pour limiter l’hypotension orthostatique) et mis au fauteuil pour
manger le lendemain. Au départ, il est fatigué au bout de 15 minutes au fauteuil et il est alors
recouché. Chaque jour, le temps passé au fauteuil augmente et il tolère de mieux en mieux les
transferts jusqu’au fauteuil, le travail des membres inférieurs peut d’ailleurs être débuté dans
cette nouvelle position. Les déplacements sont facilités à partir du 08/10 puisque le patient n’a
plus de drains thoraciques. Le travail musculaire peut alors être réalisé en position debout.
Une certaine progression est respectée pour tous les exercices. Sur place, la déstabilisation du
patient permet d’évaluer son maintien en statique mais également de vérifier si ces réactions
parachutes sont efficaces. Au bord du lit, il effectue une marche sur place (piétinements) qui
facilite alors le retour veineux. Le travail debout permet de diminuer les douleurs liées à
l’alitement et de changer ses points d’appui au lit qui, même massés au préalable pour
améliorer la trophicité, commençaient à être très douloureux. Le patient effectue des
mouvements de mise sur pointes des pieds puis de déverrouillages des genoux afin de
travailler la chaine anti gravitaire. Une fois les drains ôtés, quelques pas sont alors possibles
dans la chambre mais le périmètre est très restreint par les perfusions qui empêchent alors Mr
S. de se mouvoir comme il le voudrait. La marche lui permet de retrouver les sensations
proprioceptives qui l’accompagnent et les constantes sont toujours surveillées lorsqu’il fait un
effort. Les différents type de marche (sur talon, pointe, sur une ligne,..) sont effectuées
auxquelles des déstabilisations sont associées. Mr S. est de plus en plus à l’aise dans ces
mouvements, son équilibre est correct et la fatigue est de moins en moins présente lors des
exercices réalisés avec O2 puis progressivement ôté (18) (11). La reprise de la marche
représente le début de l’indépendance pour Mr S. et la visualisation de ses progrès permet
d’entretenir sa motivation pour la suite de la rééducation. En effet l’aspect plus fonctionnel de
la prise en charge sera réalisé à la sortie du service de réanimation lorsqu’il sera transféré à
l’Unité de Transplantation Thoracique.
24
4.3
Le travail d’équipe
Chaque acteur de santé doit trouver sa place au sein de l’équipe soignante. Celle-ci n’est pas
toujours évidente à trouver, et peut-être encore plus lorsque l’on a le statut de stagiaire. En
effet, l’intégration au sein d’une équipe peut nécessiter l’acquisition d’une certaine expérience
au sein du service, celle-ci permettant de faire valoir ses compétences et de permettre une
meilleure organisation des soins. A chaque profession correspond un décret d’actes qui lui est
spécifique et que le professionnel de santé est habilité à réaliser. Dans l’idéal, les
professionnels sont amenés à travailler vers un même objectif permettant ainsi d’optimaliser
la prise en charge.
Les rôles de chaque professionnel sont définis au sein de l’équipe et complémentaires afin de
recouvrir tous les aspects de la prise en charge. Par exemple, l’infirmière administre les
médicaments aux patients ainsi que l’aérosol de sérum physiologique que Mr S. prend avant
les séances de drainage. Les professionnels ont parfois des rôles communs et sont amener à
travailler ensemble ce qui permet alors une communication entre les différents membres de
l’équipe. Dans le cas de Mr S., tous les acteurs ont un rôle de surveillance des constantes, de
prophylaxie anti infectieuse, d’installation au lit, de surveillance des troubles du décubitus
(rougeur) ou encore d’évaluation de la douleur. Certaines actions sont même réalisées en
équipe, comme par exemple le premier levé ou la mise au fauteuil, qui ont été effectués avec
l’infirmière
et
l’aide
soignante.
Chaque
membre
prend
aussi
une
place
dans
l’accompagnement psychologique. Mr S. a souvent besoin de se confier et de parler de ses
doutes, de ses peurs, de ses projets et souhaits futurs et a bien évidement besoin d’être rassuré
quant à l’évolution de son état de santé.
Cependant, même si la communication et les échanges entre professionnels sont réalisés dans
certains cas, ils posent problèmes dans d’autres aspects de la prise en charge. L’organisation
des soins de Mr S. par le kinésithérapeute n’est pas toujours aisée. En effet dans un service de
réanimation, les soins procurés par les infirmières et les aides soignantes passent en priorité.
Ce choix vise à faciliter l’organisation de leur travail. Il faut alors trouver le moment opportun
où la réalisation de la séance est possible. Un autre aspect a rendu la programmation des
séances difficile. En effet, les séances de drainage ne sont pas effectuées avant les
fibroaspirations bronchiques afin de ne pas fatiguer le patient avant cette technique. L’heure
de la réalisation de la fibroscopie est variable d’un jour à l’autre, le médecin la réalise suivant
sa disponibilité. Elles sont, en général, prévues dans la matinée puisque les patients ne
25
peuvent pas manger tant qu’elles ne sont pas réalisées. Certains jours, elle est réalisée pour Mr
S. en milieu d’après midi et le drainage bronchique n’a alors pas lieu puisque qu’il est fatigué
dans les heures qui suivent. Il aurait peut être fallu améliorer la communication avec les autres
acteurs de soins et en particulier avec le médecin pour pouvoir réaliser des séances lorsque la
fibroscopie est réalisée tardivement. Cela aurait permis de voir l’efficacité des séances de
drainage selon la position des sécrétions dans l’arbre bronchique (bronches proximales ou
distales). La durée de la fibroscopie aurait peut-être été diminuée, facilitant ainsi les soins
suivants.
Dans ce service, chaque acteur de soins rend compte des actes qu’il a effectué dans le dossier
du patient pour mettre en partage ces informations. Afin d’améliorer la coopération entre
professionnels, il y a également des transmissions qui ont lieux tôt le matin entre infirmières,
aides soignantes et médecins qui se réunissent. Cependant, elles ont lieu avant l’arrivée du
kinésithérapeute qui ne peut alors pas assister à cet échange. Il peut, en revanche, à tout
moment prendre connaissances des informations transmises, de manière informelle, auprès
d’un des membres de l’équipe.
Différents fonctionnement peuvent être retrouvés au sein d’une équipe. Tout d’abord, l’équipe
peut être pluridisciplinaire. Dans ce cas, il y a une juxtaposition des savoirs et des actions des
différents membres sans collaboration et coopération entre les différents acteurs. Les actions
des diverses disciplines se succèdent sans qu’il y ait d’objectifs partagés dans la prise en
charge. Il faut une réelle concertation pour pouvoir aller au-delà de simples échanges
d’informations entre professionnels. Ensuite, dans l’idéal, l’équipe peut être interdisciplinaire.
Dans ce deuxième cas de figure, l’objectif est de favoriser les relations d’échanges où chaque
membre doit faire part de ses impressions sur la prise en charge afin que les membres de
l’équipe se dirigent vers un but commun. Il y est retrouvé une notion de communication, et
non plus seulement de transmissions d’informations, ainsi que des prises de décisions
communes. Ce fonctionnement de l’équipe à pour but d’améliorer l’efficacité de la prise en
charge.
Dans le service de soins intensifs où se situe Mr S., la communication et les échanges entre
professionnels n’ont pas lieu pour tous les aspects de la prise en charge. La pluridisciplinarité
tend cependant vers l’interdisciplinarité. Pour cela, chaque membre doit y trouver son rôle
afin d’apporter et de partager sa propre expérience et son vécu au sein de l’équipe. Tout cela
en vue d’améliorer l’efficacité de la prise en charge (28) (29).
26
4.4
Examen de fin de prise en charge de Mr S en réanimation
Mr S. est transféré à l’UTT (Unité de Transplantation Thoracique) le 15/10. Il sera alors resté
1 mois en réanimation. L’examen est effectué ce jour. A l’interrogatoire la douleur est cotée à
5 à l’EVA, toujours présente au niveau de la cicatrice (celle-ci est toujours gonflée et rouge au
niveau sternal). La dyspnée est côté à 4 à l’EVA en ventilation spontanée sans
oxygénothérapie. Sa peau est très fine et sèche au niveau des mains, ce qui peut s’expliquer
par la prise de corticoïdes. Un léger tirage à l’inspiration est observable sans O2. L’inspiration
est nasale et thoracique haute et l’expiration est buccale. Le gonflement de l’abdomen à
l’inspiration est encore difficile, le diaphragme n’étant pas encore assez fort pour réaliser
correctement une action inspiratoire optimale. Les perfusions sont maintenant reliées au site
implantable situé au niveau sous claviculaire droit.
Mr S. manque de force et d’endurance, les exercices sont fréquemment arrêtés car il est
essoufflé. Il a besoins de temps de repos assez fréquent lors des séries d’exercices qu’il
réalise. L’idéal aurait été d’évaluer l’endurance des membres inférieurs avec le Test de
marche 6 minutes. Cependant il ne peut toujours pas sortir de sa chambre en raison de son
immunosuppression. La prise en charge fonctionnelle sera surtout effectuée à l’UTT. Les EFR
ne sont pas réalisés immédiatement mais le jour du bilan, grâce au one flow, un VEMS de
1,2L est obtenu (soit environ 30 % de la valeur théorique) et un DEP à 210 L/min : la toux est
alors efficace et l’expectoration donne des crachats qui sont légèrement jaunes. Le VEMS est
encore assez faible mais l’intervention ne date que d’un mois et celui-ci peut encore
augmenter dans les mois à venir. Mr S n’est plus dépendant d’une VNI et d’oxygène durant la
journée mais en dépend toujours durant la nuit. Il n’est plus dépendant d’une tierce personne :
il réalise tous les mouvements seul et est autonome pour sa toilette et les repas. Une aide est
cependant quelques fois utile pour la toilette du dos, l’accès à la région entrainant des tensions
au niveau de la cicatrice sternale et déclenchant toujours des douleurs. Sa qualité de vie est
évaluée grâce à l’EVA de Grosbois (Annexe 4) : la qualité du sommeil est évalué à 4
(amélioration de 2,5 par rapport au début de la prise en charge), l’état d’anxiété à 6,5
(amélioration de 2,5), l’essoufflement est passé de 6 avec les lunettes nasales à 4 sans O2 à la
fin de la prise en charge, l’évaluation des possibilités physiques passe de 3,5 à 6,5 et la
sensation de bien être de 7 à 3,5. Il y a une amélioration de tous les items composant cette
échelle.
27
La prise en charge à l’UTT sera centrée sur la réhabilitation fonctionnelle respiratoire globale
et sur la rééducation locomotrice incluant la récupération de la marche et de l’endurance, le
travail des membres supérieurs avec des altères, bicyclette ergonomique,… (7). Le
kinésithérapeute devra aussi éduquer le patient à la surveillance de son VEMS et de son DEP
qui devra être effectuée quotidiennement (les mesures sont effectuées à chaque fois trois fois
et la meilleure est retenue, elle doit être effectuée toujours au même moment de la journée et
dans la même position). Une diminution de 10 % du VEMS sur deux jours, qui peut être signe
d’un rejet, devra l’obliger à contacter le CRCM29 pour des examens complémentaires. Les
EFR du 12/11/10 (soit environ 1 mois après son arrivée à l’UTT) montrent un VEMS à 43,7%
(contre 17,8 % avant la greffe) et un rapport de Tiffeneau à 104,7 % (40,6 % le 03/09)
(Annexe 5). Il y a une augmentation des valeurs depuis la greffe. Le syndrome respiratoire est
restrictif à ce stade de la rééducation. Un travail d’augmentation du volume pulmonaire est
alors encore nécessaire.
Après sa réhabilitation, Mr S. souhaite retravailler dans la saisie de commande informatique.
Il est en contact avec un homme qui fait partie d’une association pour la réinsertion des
patients greffés.
5
Discussion
La présence et le rôle du kinésithérapeute est variable d’un service de réanimation à un autre
et dépend également de son investissement et de sa qualification scientifique et technique. En
effet le service où est pris en charge Mr S. ne laisse pas la possibilité au kinésithérapeute
d’effectuer les réglages de la VNI. Seul le médecin est habilité à les effectuer. Le réglage de la
machine pendant les séances de drainage par le kinésithérapeute aurait peut être pu améliorer
l’efficacité de celles-ci. C’est alors le kinésithérapeute et le patient qui doivent s’adapter à la
machine et non l’inverse. Dans le service de réanimation voisin, les kinésithérapeutes
expérimentés et ayant une formation complémentaire adaptée, ont la possibilité de modifier
les réglages (dans les limites définis avec les médecins). Ce type d’action nécessite des
connaissances spécifiques auxquelles le kinésithérapeute n’est pas toujours bien formé durant
ses études. La réanimation est un contexte à haut risque vital et lieu d’évolutions
technologiques permanentes. Ainsi se pose la question de savoir s’il est nécessaire d’effectuer
une formation spécifique en kinésithérapie de réanimation.
29
CRCM : Centre de Ressources et de Compétences de la Mucoviscidose
28
En ce qui concerne la présence des kinésithérapeutes au sein du service, des gardes sont
effectuées le weekend pour les patients qui ont besoins de kinésithérapie respiratoire mais il
n’y a pas de garde la nuit. La permanence du kinésithérapeute est problématique en France
puisque, sur une enquête menée sur 108 établissements, seulement 2 % des établissements
dispose d’un kinésithérapeute la nuit. Pourtant des mesures ont été prises afin de modifier
cette situation. D’après le décret N° 2002-466 Art D 712-110 « les établissements de santé
doivent être en mesure de faire intervenir en permanence un kinésithérapeute justifiant d’une
expérience attestée en réanimation », mais à ce jour aucun quota de personnel n’a été défini
(30).
La responsabilité de faire intervenir à tout moment un kinésithérapeute revient à
l’établissement et non à l’unité de réanimation elle-même. Cependant, si les kinésithérapeutes
ne font pas partie du service, il est plus difficile de s’intégrer au sein de l’équipe soignante.
L’objectif du décret est aussi de créer une véritable équipe de masseurs-kinésithérapeutes en
vue de faciliter l’intégration à l’équipe médicale. Cela a pour but de permettre une
permanence et une qualité de soins. L’application du décret devait être normalement effectuée
dans les cinq ans suivant sa publication. Cependant de nombreuses difficultés viennent
entraver son application comme par exemple la pénurie des kinésithérapeutes hospitaliers
(31).
Les rôles du kinésithérapeute varient également en fonction des pays. Prenons l’exemple de la
Clinique St Luc de Bruxelles où Jean Roeseler est responsable d’une équipe de
kinésithérapeutes « respiratoire ». Dans chaque service, les kinésithérapeutes sont présents en
binôme et la permanence est assurée la nuit. Leurs compétences sont sensiblement les mêmes
qu’en France mais quelques actes complémentaire leurs sont confiés comme la mise en route
de la VNI ou bien l’extubation (30).
6
Conclusion
La transplantation pulmonaire entraine de nombreuses complications et contraintes dans la vie
de tous les jours du sujet. Elle reste encore associée à une mortalité importante puisque
l’espérance de vie est d’environ 70 % à un an et n’est plus que de 50 % à 5 ans. Cependant, il
y a eu une amélioration considérable de la technique et de ses résultats depuis les 15 dernières
années, notamment par l’apparition de la ciclosporine mais également par un meilleur
contrôle des techniques de chirurgie et des complications post opératoires. Même si
l’espérance de vie n’est pas très élevée, elle est à mettre en perspective avec l’évolution
29
inéluctable de la mucoviscidose sans la transplantation. Celle-ci permet en effet au patient
greffé d’envisager un nouvel avenir avec un meilleur niveau d’indépendance dans les
principales activités de la vie quotidienne (6). Un des principaux problèmes en France est la
pénurie des greffons et le nombre de décès augmentant alors de plus en plus sur la liste
d’attente. De nouvelles perspectives thérapeutiques sont en cours, à la recherche d’un
traitement contre la maladie (3).
Mr S est resté un mois en réanimation suite à sa greffe pulmonaire. Ce service permet une
surveillance du malade en état critique mais également une permanence des soins. Après
extubation, un des rôles du kinésithérapeute auprès de Mr S. est de restituer l’autonomie le
plus rapidement possible. La prise en charge comprend la mobilisation, le massage, la
verticalisation la plus précoce possible (lutte contre les troubles du décubitus) et la lutte contre
la douleur et les complications musculo-articulaire. Le kinésithérapeute en réanimation a aussi
un rôle majeur dans le versant respiratoire avec le maintien ou la récupération de l’intégrité de
la ventilation. Toutes ces actions doivent être effectuées dans le cadre d’un travail d’équipe où
la communication et la collaboration entre les différents membres doivent permettre de
prendre des décisions adaptées à chaque cas et à optimaliser la prise en charge. Cependant, le
kinésithérapeute est encore trop peu présent dans ces services. En France ce problème est en
cours de résolution depuis le décret de 2002. Il reste encore du chemin à parcourir avant que
le kinésithérapeute ait sa place à part entière, cela passera évidemment par la permanence des
soins.
30
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Kinésithérapie respiratoire aux soins intensifs. Réanimation. Elsevier Masson, 2007, 16, p. 33
- 41.
Annexes
 ANNEXE 1 :
Figure 7 : Radio pulmonaire du 17/09/10 (avant la greffe) mettant en évidence la distension
pulmonaire, une hyperclarté aux deux champs ainsi qu’un encombrement important par
l’augmentation des rails bronchiques.
Figure 8 : Radio pulmonaire du 18/09/10 après la greffe.
Figure 9 : Radio pulmonaire du 27/09/10, jour du bilan : encombrement bronchique aux bases.
 ANNEXE 2 :
Figure 10 : EFR du 03/09/10 montrant un trouble obstructif très sévère en pré greffe.
 ANNEXE 3 : Compte rendu opératoire.
 ANNEXE 4 : EVA de Grosbois (échelle de qualité de vie).
 ANNEXE 5 : Evolution de l’état respiratoire dans les mois suivant la greffe.
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