Les fondements du dialogue "civilisationnel" Prof. Dr. Mohammad Mokhtar Gom’a, ministre des Waqfs Traduit par Dr. Sami Mandour Les centres, instituts, forums et conférences concernés par le dialogue "intercivilisationnel" constituent un phénomène qui montre la prise de conscience de l’importance du dialogue et les dangers d'un choc culturel. Cependant, bien qu’ils contribuent à atténuer les tensions, ils n'apportent pas les résultats visés, comme si ses fruits n’étaient pas encore mûrs. Nous devons, certes, nous intéresser davantage au rôle que jouent les centres et les instituts concernés par le dialogue des religions, des cultures et des civilisations et nous appuyer sur des fondements précis en vue de mener à bien ce dialogue. En voici les principaux : 1- Avoir recours à la raison et rejeter la violence, la haine, l’extrémisme et le terrorisme, car dans chaque conflit il n’y aura ni gagnant ni perdant et les conséquences seront catastrophiques pour toute l’humanité. Il n'y a pas d'autre alternative que de chercher des dénominateurs et des intérêts communs ainsi que des points de rencontre en vue de réaliser le bien de toute l’humanité loin des guerres, des luttes, des assassinats de la subversion et de la destruction. 2- Œuvrer pour s’entre-connaître et s’ouvrir aux autres cultures car l'isolement mène à la peur de l’Autre encore inconnu. Approfondir la connaissance de l’autre, de sa culture et de sa vie quotidienne le rend moins étranger et facilite le dialogue avec lui. A ce propos, l’Islam nous exhorte à tout faire pour réaliser cette entre-connaissance. Allah, le Très Haut, dit : « et nous avons fait de vous des tribus et nations pour que vous vous entre-connaissiez ». De même, le proverbe dit : "celui qui ignore une chose la prend pour ennemie". Et selon les logiciens, le fait de porter jugement sur une chose exige avant tout de savoir les valeurs, les idéaux, les cultures de l’Autre, de les analyser d’une façon attentive, neutre et équitable avant de porter un jugement pour ou contre, et ne pas avoir de préjugés ni de stéréotypes. C’est ce qu’ont conçu les grands imams de l’Azhar à travers sa longue histoire. En 1946, le cheikh Mohammad ‘Arafa a écrit dans la Revue Al Azhar ce qui suit : « l’Occident devrait comprendre l’Islam et l’Islam devrait comprendre à son tour la civilisation occidentale, car s’ils se comprenaient bien, la mauvaise foi et le manque de conscience se dissiperaient entre les deux parties, lesquelles pourraient ainsi vivre ensemble et coopérer, l’une et l’autre assumant sa propre responsabilité au service de l’humanité. Les oulémas de l’Islam sont aussi tenus de mettre en évidence la véritable image de la civilisation occidentale pour que l’entre-connaissance prenne la place de la négation mutuelle et que la paix remplace l’hostilité ». 3Toutes les parties devraient avoir un véritable désir d’élever les valeurs communes afin d’éviter tous les aspects de l’égoïsme et de l’orgueil. A ce propos, le Grand Imam de l’Azhar, le professeur Dr. Ahmed At-Tayyib dit, dans son allocution lors de la Conférence sur le thème « les civilisations au service de l’humanité » tenue à Al Manama au Bahreïn : " les musulmans étaient si équitables à l’égard des autres civilisations que même s’ils étaient divergents ou opposants, ils acceptaient la vérité des autres en les remerciant alors qu’ils exprimaient leur réserve vis-à-vis de tout ce qui contredisait La vérité et leur cherchait des excuses." De même que le philosophe musulman Averroès, Ibn Rochd, précisant sa méthode en ce qui concerne l'adoption de la culture grecque et des autres cultures, disait : « nous devrions donc méditer tout ce qu’ils ont dit et affirmé dans leurs livres : Acceptons alors ce qui est adéquat à la vérité, en se réjouissant et en les remerciant. Par contre, rejetons ce qui est contraire à la vérité en avertissant de leur faute et en leur cherchant des excuses. L’orgueil et l’arrogance de l’Occident ont certainement fait rater bien des occasions susceptibles de donner une chance à l’enrichissement mutuel et à l’inter-culturalité entre l’Occident et l’Orient. Ainsi, si la civilisation occidentale n'avait pas eu cette attitude négative, elle aurait pu sauver le monde des guerres du dernier siècle, des catastrophes, des destructions, des subversions et même prévenir des guerres qui pourraient avoir lieu. En effet, les cheikhs de l’Azhar ayant considéré les occasions manquées par l'Occident pour la coopération et l'interconnaissance entre les civilisations, ce qui a constitué une véritable source de souffrance et de regret chez les rationnels et les sages depuis les années quarante, ils ont alors appelé à la diffusion de la culture de la tolérance pour le bien de l’humanité. 4- Se concentrer sur tout ce qui est fructueux et utile et fermer les yeux sur les particularités culturelles de l’Autre qui ne conviennent pas à nos valeurs et à notre civilisation dans le cadre du respect mutuel entre les nations et les peuples. L’Occident ne devrait pas essayer d’imposer ses valeurs et ses propres modes de vie sur l’Orient., tout comme l’Orient ne devrait pas non plus contraindre l’Occident à adopter les détails de sa civilisation, de sa culture, de ses valeurs et de sa tradition. Tous sont tenus d’élever les valeurs communes telles que l’inviolabilité du sang, l’honneur et les biens, la mise en application des valeurs universelles, la loyauté, la véridicité, la fidélité et tout ce dont les législations célestes se mettent d’accord. Ils devraient, enfin, tous, chercher les points d’accords et chercher respectivement des excuses au sujet des points de divergence.