Prise en charge thérapeutique des mouvements anormaux

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Mise au point
mt 2012 ; 18 (2) : 89-99
Prise en charge
thérapeutique
des mouvements anormaux
Christophe Marcel, Christine Tranchant
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Hôpital de Hautepierre, service de neurologie, unité des mouvements anormaux, avenue
Molière, 67100 Strasbourg, France
<[email protected]>
Les mouvements anormaux (tremblement, myoclonies, tics, chorée, dystonie) sont des symptômes fréquents dont la prévalence augmente avec l’âge. L’examen clinique permet le plus
souvent de caractériser le mouvement anormal. Les causes iatrogènes ou métaboliques sont
les plus fréquentes et doivent être systématiquement recherchées et traitées avant d’envisager
d’autres explorations. Des examens électrophysiologiques peuvent aider à préciser les caractéristiques du mouvement anormal et à proposer un traitement adapté au générateur ou à la
pathologie sous-jacente. Outre les traitements médicamenteux per os adaptés à chaque mouvement anormal, la prise en charge thérapeutique peut passer, notamment pour les dystonies,
par l’utilisation de la toxine botulique, ou pour les tremblements, les dystonies et certaines
formes graves de syndrome de Gilles de la Tourette, par la stimulation cérébrale profonde.
Mots clés : tremblement, mouvements anormaux, toxine botulique, stimulation cérébrale
profonde
doi:10.1684/met.2012.0358
L
es
mouvements
anormaux
(tremblement, myoclonies, tics,
chorée, dystonie) constituent un
pan important de la séméiologie
neurologique. Leur prévalence tend
à augmenter avec l’âge. Ils peuvent
être d’apparition aiguë et doivent
alors faire rechercher en priorité des
causes iatrogènes, métaboliques ou
infectieuses, ou d’évolution plus
chronique au sein de maladies
dégénératives,
plus
spécifiquement neurologiques, qu’ils peuvent
révéler. Leur prise en charge thérapeutique adaptée nécessite une
caractérisation sémiologique préliminaire, le plus souvent clinique mais
également parfois électrophysiologique. Cette revue à pour objectif
de rappeler les causes et les traitements des principaux mouvements
anormaux.
mt
Tirés à part : C. Marcel
Tremblement
Le tremblement se définit par une
oscillation rythmique d’une ou de
plusieurs parties du corps autour d’un
point d’équilibre [1].
La classification des tremblements tient compte de leurs caractéristiques cliniques (distribution, fréquence, amplitude) et de leurs
circonstances d’apparition. On distingue classiquement deux entités :
le tremblement de repos, survenant en dehors de toute activation
volontaire et le tremblement d’action
apparaissant lors d’une contraction
musculaire volontaire. Au sein des
tremblements d’action, on sépare les
tremblements d’attitude ou posturaux
(lors du maintien de la posture) et les
tremblements cinétiques (au cours du
mouvement).
Les principales causes sont rapportées dans le tableau 1.
Tremblement de repos
Le tremblement de repos isolé est,
dans la majorité des cas, dû à un syndrome parkinsonien et touche un ou
plusieurs membres souvent de façon
asymétrique, voire le menton. Après
avoir écarté une origine iatrogène,
Pour citer cet article : Marcel C, Tranchant C. Prise en charge thérapeutique des mouvements anormaux. mt 2012 ; 18 (2) : 89-99 doi:10.1684/met.2012.0358
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Tableau 1. Principales causes générales de tremblement.
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Principales causes générales
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Type de
tremblement
Maladies métaboliques
Hyperthyroïdie
Hyperparathyroïdie
Déficit en magnésium
Hypocalcémie
Hyponatrémie
Hypoglycémie
Encéphalopathie hépatique
Insuffisance rénale
Carence en vitamine B12
P
R, P
R, P
R, C
P
P
P, C
P, C
R, P, C
Maladie inflammatoire (sclérose en plaques)
R, P, C
Maladies infectieuses (VIH,
neuroborréliose)
R, P, C
Processus occupant de l’espace (tumeurs,
kystes, hématome. . .)
R, P, C
Neuropathies périphériques
Maladie de Charcot-Marie-Tooth
PIDC, syndrome de Guillain-Barré et
autres
P, C
P
Maladie dégénérative, génétique ou idiopathique
Maladie de Parkinson idiopathique
R, P
Syndromes parkinsoniens « plus »
R, P, C
Maladie de Huntington
R, P, C
Maladie de Wilson
R, P, C
Syndrome de prémutation de l’X fragile
P, C
Tremblement essentiel
P, C
Tremblement de tâches spécifiques
P, C
R : repos ; P : postural ; C : cinétique ; PIDC : polyradiculonévrite
inflammatoire démyélinisante chronique.
la principale cause à évoquer est la maladie de Parkinson
idiopathique (MPI). Le tremblement de repos pur est beaucoup plus rare dans les syndromes parkinsoniens « plus ».
Il s’agit le plus souvent d’un tremblement de 4 à 6 Hz
majoré par la concentration et le calcul mental. Chez
les sujets de moins de 70 ans, en cas de MPI, le traitement repose en première intention sur les agonistes
dopaminergiques (pramipexole, ropinirole) à dose progressive ; les patients doivent être prévenus des effets
secondaires psychocomportementaux potentiels (achats
ou jeux d’argent compulsifs source de dépenses inconsidérées, modification de la libido). Avant 60 ans, en cas
de tremblement de repos isolé, les anticholinergiques (trihéxiphénidyle), dont la tolérance (effets atropiniques et
confusion) doit être surveillée, peuvent aussi être proposés. En cas de mauvaise tolérance ou d’inefficacité de
ces traitements et chez les sujets plus âgés (> 70 ans), on
utilise la lévodopa (L-dopa) à dose progressive, en débutant par 150 à 300 mg/j et en visant la dose minimale
efficace variable d’un patient à l’autre [2]. La dompéridone (deux comprimés × 3/jour) est habituellement
prescrite et débutée 48 heures avant l’initiation du traitement par agonistes ou L-dopa pour prévenir les nausées.
Les antiémétiques « neuroleptiques cachés » sont contreindiqués (métoclopramide notamment). La dompéridone
est à maintenir jusqu’à stabilisation du traitement antiparkinsonien (tableau 2).
La stimulation cérébrale profonde à haute fréquence
des noyaux sous-thalamiques par chirurgie stéréotaxique
est, chez les patients souffrant d’une MPI, réservée aux
patients de moins de 70 ans, soit au stade de fluctuations motrices qui viennent compliquer à moyen terme
les traitements par L-dopa et agonistes dopaminergiques,
soit présentant un tremblement très invalidant. Une bonne
dopa-sensibilité des symptômes moteurs reste indispensable et un bilan d’opérabilité suivi d’une concertation
pluridisciplinaire (neurologue, neuropsychologue, neurochirurgien, psychiatre) doit être réalisé avant de poser cette
indication chirurgicale [3].
Parfois, le tremblement de repos est associé à une
composante posturale, notamment dans les syndromes
parkinsoniens « plus ». Le traitement repose sur les mêmes
agents pharmacologiques (L-dopa et agonistes dopaminergiques), mais la réponse est en général faible ou
inexistante.
Tremblement d’action
Les premières causes à exclure sont les causes
iatrogènes (tableau 3) et métaboliques, notamment
l’hyperthyroïdie et le syndrome de sevrage. Leur prise en
charge repose sur l’arrêt du médicament incriminé ou la
correction du désordre métabolique.
Le tremblement essentiel
C’est un tremblement postural prédominant mais qui
est aussi cinétique, souvent symétrique débutant à la partie
distale des membres supérieurs mais pouvant toucher au
cours de sa lente progression les quatre membres, le chef,
le tronc et la voix. La fréquence est comprise entre 5 et
10 Hz [2]. Il existe dans 50 % des cas une notion familiale et souvent une sensibilité (amélioration) à l’alcool
[4].
L’alcool, dont l’effet est inconstant et temporaire,
peut difficilement être une thérapeutique quotidienne
recommandée. Deux molécules ont l’AMM en France, le
propranolol et la primidone.
Le propranolol, bêtabloquant, est souvent proposé en
première intention. En l’absence de contre-indications
(cardiaque, pulmonaire) qui peuvent justifier un avis
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Tableau 2. Principaux traitements antiparkinsoniens efficaces sur le tremblement de repos.
Médicaments
Posologie usuelle
Principaux effets secondaires
L-dopa
150 à au moins 800 mg/j
Hypotension orthostatique, nausées, vomissements,
fatigue, somnolence diurne, fluctuations motrices
Agoniste dopaminergique
- Ropinirole LP
- Pramipexole LP
- Piribédil LP
- Rotigotine dispositif transdermique
2 à 24 mg/j
0,26 à 3,15 mg/j
150 à 350 mg/j
2 à 8 ou 16 mg/24 heures
Anticholinergique (trihéxiphénidyle)
1 à 10 mg/j
cardiologique, il est plutôt bien toléré (bradycardie, syncope, fatigue, troubles érectiles rares). Il est conseillé de
démarrer à 20 mg/j, puis de majorer progressivement si
besoin jusqu’à 320 mg/j.
Les autres bêtabloquants (aténolol, sotalol) plus sélectifs pourraient être une option thérapeutique en cas de
contre-indication au propranolol mais ne sont pas aussi
efficaces.
La primidone, anticonvulsivant précurseur des barbituriques, a montré des effets bénéfiques chez plus de
50 % des patients. Mais leurs effets secondaires potentiels (ralentissement, somnolence, troubles de l’équilibre)
en limitent souvent l’utilisation aussi bien chez les jeunes
actifs que chez les sujets plus âgés. On recommande une
initiation à un quart, voire 1/8e , de comprimé de 250 mg
en privilégiant une prise vespérale initialement et en majorant très lentement la posologie. Certains patients tolèrent
jusqu’à quatre ou cinq comprimés par jour mais en pratique, il est rare de dépasser deux à trois comprimés par
jour.
Le topiramate (100 à 300 mg/j), la gabapentine (jusqu’à
1 200 mg/j) et l’alprazolam (jusqu’à 1,5 mg/j) se sont aussi
révélés efficaces. Le clonazépam et la clozapine, parfois
prescrits, ont un niveau de preuve d’efficacité insuffisant
pour en recommander l’utilisation.
Les injections de toxine botulique dans les muscles
extenseurs et fléchisseurs du poignet peuvent améliorer
la composante posturale du tremblement mais au prix
d’une diminution de la force musculaire de la main parfois
gênante. Ces indications restent très limitées.
Dans le cas d’un tremblement du chef, les deux
thérapeutiques à privilégier sont le propranolol jusqu’à
320 mg/j ou les injections de toxine botulique dans les
muscles cervicaux [5].
Concernant le tremblement de la voix, les différents
essais médicamenteux (propranolol, méthazolamide)
n’ont pas montré d’efficacité significative. Des injections
de toxine botulique dans les muscles laryngés peuvent
Nausées, vomissements, hypotension orthostatique,
somnolence diurne, œdème des membres inférieurs,
confusion, hallucinations, troubles
psychocomportementaux (achats compulsifs, jeux
d’argent, modification de la libido)
Sécheresse buccale, rétention urinaire, flou visuel,
constipation, ralentissement cognitif, confusion
être discutées mais peuvent se compliquer de dysphagie
transitoire.
En pratique, la balance efficacité/tolérance ne justifie de mise en route d’un traitement qu’en cas de gêne
fonctionnelle. En cas d’échappement thérapeutique ou
d’inefficacité et si la gêne fonctionnelle est majeure, un
traitement par stimulation cérébrale profonde peut être
envisagé. La cible habituelle dans ce cas est le noyau
ventro-intermédiaire (VIM) du thalamus. Cette stimulation, réalisée de façon uni- ou bilatérale, permet une
amélioration clinique nette avec finalement, hormis les
risques inhérents liés à la chirurgie, peu d’effets secondaires [6]. Une stimulation plutôt bilatérale qu’unilatérale
des VIM est rarement proposée dans le traitement des
tremblements du chef ou des tremblements de la voix isolés. En cas de contre-indication à la chirurgie stéréotaxie,
une thalamotomie au Gamma-knife peut être discutée
[7].
Le tremblement cérébelleux
Associé à d’autres signes d’un syndrome cérébelleux
statique ou cinétique, il est assez facilement identifiable.
C’est un tremblement souvent cinétique pur ou prédominant lors du mouvement, de grande amplitude, de
fréquence basse (< 5 Hz). Outre les causes iatrogènes, les
principales causes sont la sclérose en plaques, les traumatismes crâniens, les ataxies héréditaires et toutes les
affections touchant le cervelet. Les essais thérapeutiques
ne rapportent pas de traitement médicamenteux significativement efficace mais des cas rapportés font état d’une
amélioration partielle du tremblement sous propranolol,
clonazépam, carbamazépine, trihéxiphénidyle, amantadine ou oxitriptan. La stimulation à haute fréquence du
VIM du thalamus peut être proposée mais la sélection
du patient reste une étape difficile. La présence d’une
composante dysmétrique, d’autres signes neurologiques
associés ou une maladie trop évolutive constituent des
contre-indications à la chirurgie [8].
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Tableau 3. Causes iatrogènes de tremblement.
Médicaments et substances
toxiques
Type de
tremblement
Neuroleptiques
R, P
Tétrabénazine
R, P
Réserpine
R, P
Métoclopramide
R, P
Antidépresseurs tricycliques et
sérotoninergiques
P
Lithium
R, P, C
Alcool
P, C
Cocaïne
P
Adrénaline
P, C
Bronchodilatateurs
P, C
Théophylline
P
Caféine
P
Dopamine
P
Progestérone
R, P
Tamoxifen
P
Glucocorticoïdes
P
Valproate
P
Perhexilline
R, P
Amiodarone
P
Mexiletine
P
Calcitonine
P
Hormones thyroïdiennes
P
Vincristine
P, C
Cyclosporine
P
Le tremblement de Holmes
Il s’agit d’un tremblement lésionnel secondaire à une
étiologie vasculaire, tumorale, inflammatoire, traumatique
ou infectieuse. Les lésions touchent le plus souvent la
partie supérieure et externe du noyau rouge, les voies
rubrothalamiques, le thalamus, le faisceau segmental central, les noyaux profonds du cervelet ou la substance
noire, et altèrent les voies dopaminergiques nigrostriatales
et les voies cérébellothalamiques. Le délai d’apparition
du tremblement varie de quelques semaines à deux ans.
Cliniquement, il s’agit d’un tremblement de localisation
proximale, unilatéral, présent au repos et lors du mouvement. La fréquence est lente (< 4,5 Hz). Une composante
posturale peut être présente mais n’est pas indispensable
pour le diagnostic. L’amplitude du tremblement est importante et majorée lors de la réalisation des mouvements
volontaires.
Hormis le traitement étiologique, le traitement symptomatique reste difficile. La L-dopa peut être efficace surtout
en cas d’atteinte des voies dopaminergiques (confirmée au DAT-Scan) [10]. D’autres molécules semblent
pouvoir améliorer de façon inconstante le tremblement (lévitéracétam, clonazépam, anticholinergiques).
Des améliorations cliniques après stimulation cérébrale
profonde du noyau VIM du thalamus ont été décrites
[2, 11].
Le tremblement primaire de l’écriture
R : repos ; C : cinétique ; P : postural.
Autres tremblements
Le tremblement orthostatique primaire
Quoique peu fréquent, il se manifeste par une sensation désagréable de tension musculaire, de tremblement,
d’instabilité lors du passage à l’orthostatisme. L’examen
neurologique est normal avec tout au plus un frémissement palpable musculaire qui disparaît à la marche, en
position assise ou allongée. Sur le plan électrophysiologique, on enregistre à l’orthostatisme, au niveau des
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membres inférieurs et parfois aux membres supérieurs, un
tremblement synchrone d’une fréquence comprise entre
14 et 18 Hz typique, accompagné d’un son caractéristique
« d’hélicoptère ». Ces anomalies disparaissent en position
couchée ou assise. Le clonazépam reste la molécule la
plus efficace. La posologie peut atteindre jusqu’à 5 ou
6 mg/j sous-réserve d’une bonne tolérance. Les alternatives thérapeutiques sont la primidone ou le phénobarbital
[9].
Il est de mécanisme physiopathologique non connu. Il
semble correspondre à une entité à part entière, différente
du tremblement essentiel ou du tremblement dystonique.
Il correspond à un tremblement de tâche spécifique
qui interfère avec l’écriture. C’est donc un tremblement
d’action qui est initié par la pronation de l’avant-bras. Il
est le plus souvent sporadique, mais il semble exister une
susceptibilité génétique dans certaines familles, voire une
transmission génétique dominante.
Le traitement fait appel aux mêmes molécules que
dans le tremblement essentiel (propranolol, primidone,
diazépam, topiramate) et aux anticholinergiques. En cas
d’échec, les injections focales de toxine botulique ou la
stimulation cérébrale profonde thalamique ont aussi été
proposées [12].
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En pratique, la caractérisation du tremblement est
indispensable pour proposer le traitement le plus
adapté. Il peut être parfois utile de s’aider d’un
enregistrement polygraphique percutanée du tremblement afin d’en préciser les caractéristiques.
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Myoclonies
Une myoclonie est un mouvement involontaire,
brusque, bref résultant soit d’une secousse musculaire
(myoclonie positive), soit de l’inhibition brutale de la
contraction musculaire (myoclonie négative) [1].
Les causes urgentes, métaboliques (insuffisance
respiratoire, insuffisance rénale, encéphalopathie hépatique, Hashimoto), toxiques ou infectieuses (VIH,
leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP),
Whipple, Creutzfeldt-Jakob) ayant été écartées en priorité, l’interrogatoire recherche des antécédents familiaux
identiques, mais aussi un contexte épileptique ou des antécédents d’anoxie cérébrale [13].
L’examen clinique étudie la distribution spatiale des
myoclonies (segmentaires, focales ou multifocales, diffuses, généralisées, axiales, proximales ou distales), leur
organisation temporelle (rythmiques ou non, synchrones
ou non), leur caractère spontané ou provoqué (myoclonie
d’action, myoclonie réflexe, stimulosensibles).
Suivant les éléments cliniques et le générateur suspecté, un bilan complémentaire notamment radiologique
(IRM cérébrale et/ou médullaire) et électrophysiologique
(EEG avec moyennage rétrograde, électromyogramme
[EMG], réflexe de longue latence, potentiels évoqués
somesthésiques [PES]) seront envisagés (tableau 4)
[14-16].
La prise en charge thérapeutique passe avant tout par
un traitement étiologique en cas de causes métaboliques
ou infectieuses ou par l’arrêt d’un médicament incriminé.
Myoclonies corticales
En cas de myoclonies corticales, les médicaments antiépileptiques ou apparentés seront le traitement de choix.
Le piracétam est à proposer en première intention à des
doses progressives allant jusqu’à 21 g/j en surveillent la
tolérance digestive (nausées, vomissements, diarrhées) et
les risques d’agitation. Ce traitement est globalement bien
toléré. On peut lui préférer le valproate de sodium jusqu’à
2 000 mg/j ou associer ces deux médicaments. Le clonazépam a aussi montré son intérêt mais nécessite parfois des
posologies très élevées (jusqu’à 10-14 mg/j) qui en diminuent la tolérance. Le lévitéracétam jusqu’à 3 000 mg/j est
une autre option thérapeutique. La lamotrigine qui reste
efficace dans certaines épilepsies myocloniques progressives peut aggraver les myoclonies chez certains patients.
Tableau 4. Classification physiopathologique des
myoclonies, adaptée d’Apartis et Bourdain (non publié).
Générateur
Causes
Cortical
Myoclonies épileptiques
Syndrome de Lance et Adams (post-anoxique)
Encéphalopathies (métaboliques,
médicamenteuses. . .)
Encéphalopathies infectieuses (virales,
maladie de Creutzfeldt-Jakob)
Démences (Alzheimer, démence à corps de
Lewy, démence frontotemporale)
Syndromes parkinsoniens (atrophie
multisystématisée, dégénérescence
corticobasale)
Ataxies myocloniques progressives
Myoclonies corticales idiopathiques
Myoclonies réticulaires réflexes, hyperplexie
Myoclonies du voile
Opsoclonus-myoclonus
Sous-cortical
Myoclonus essentiel
Myoclonus dystonia
Myoclonies sous-corticales périodiques
Spinal
Spinales segmentaires
Propriospinales
« Périphériques »
Myoclonies post-hypoxiques
En cas de myoclonies post-hypoxiques (syndrome de
Lance et Adams), le valproate et le clonazépam, voire le
piracétam, restent les principales molécules ayant montré
une efficacité aux mêmes posologies que précédemment
citées.
Myoclonies réticulaires
Dans les myoclonies réticulaires, le clonazépam
est le traitement le plus fréquemment utilisé. Le
5-hydroxytryptophane (5-HTP), un précurseur de la sérotonine, a aussi une efficacité à des doses allant jusqu’à
15 mg/kg par jour mais les effets secondaires et la tolérance
progressive ne facilitent pas son utilisation.
Syndromes opsoclonus-myoclonus
Dans les syndromes opsoclonus-myoclonus, outre le
traitement immunomodulateur par perfusion d’Ig intraveineuse ou la corticothérapie, le valproate ou le clonazépam
peuvent améliorer les myoclonies.
Myoclonies spinales
Dans le cas de myoclonies spinales, le clonazépam
jusqu’à 6 mg/j est le traitement de première intention. D’autres molécules ont ponctuellement montré une
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certaine efficacité comme la tétrabénazine, la carbamazépine, le trihéxiphénidyle [16, 17].
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Myoclonies propriospinales
Le traitement des myoclonies propriospinales dues
à un générateur médullaire fait appel au clonazépam
(6 mg/j) ou à d’autres benzodiazépines. Le valproate a
été rapporté comme efficace chez certains patients tout
comme le zonisamide jusqu’à 200 mg/j [18] Récemment,
un inhibiteur de la recapture de la sérotonine, le citalopram à la posologie de 10 mg/j, a permis une nette
amélioration des symptômes [19].
En pratique, après exclusion d’une cause métabolique ou iatrogène et en attendant de pouvoir mieux
identifier le générateur des myoclonies, le clonazépam ou le piracétam peuvent être essayés à dose
progressive.
Tics
Les tics correspondent à des mouvements ou des
bruits (en général vocaux) intermittents, brefs et soudains, involontaires ou semi-involontaires. Ils peuvent
cependant être contrôlés transitoirement par la volonté,
persistent lors du sommeil et sont très souvent précédés
par des pensées ou des sensations prémonitoires souvent
inconfortables qui déclenchent le tic. Les tics peuvent
être simples ou complexes et plus ou moins invalidants
[20].
Les tics bénins sont les plus fréquents et disparaissent
en général à l’âge adulte.
La maladie de Gilles de la Tourette se définit par
l’existence de plusieurs tics moteurs et d’au moins un
tic vocal au cours de l’évolution de la maladie, présents
plusieurs fois par jour, tous les jours pendant plus d’un
an ou de façon intermittente mais sans intervalle libre de
plus de trois mois, un début avant 18 ans, un retentissement professionnel ou social, l’absence d’autres affections
générales ou de consommation de substance stimulante
(DSMIV). Des troubles comportementaux ou psychiques
y sont fréquents (anxiété, dépression, trouble déficit de
l’attention hyperactivité [TDAH]). La sévérité est variable
et l’évolution est marquée par une amélioration des symptômes après l’âge de 20 ans chez deux tiers des patients.
Que ce soit dans le cadre d’un syndrome de Gilles de
la Tourette ou d’autres tics chroniques, les tics moteurs
simples isolés sont rarement traités car non gênants pour
le patient qui, la plupart du temps d’ailleurs, ne consulte
pas [21].
Les recommandations européennes préconisent un
traitement médicamenteux lorsque les tics sont responsables de sensations douloureuses, de blessures, d’une
gêne fonctionnelle, d’isolement social et/ou d’un retentissement émotionnel (par exemple, syndrome dépressif
réactionnel) [22].
Des thérapeutiques non médicamenteuses, en particulier les thérapies cognitivo-comportementales, peuvent y
être associées [23].
Du fait d’une physiopathologie complexe mettant
en jeu de nombreux neurotransmetteurs (voies dopaminergique, sérotoninergique, GABAergique, cholinergique,
noradrénergique, glutamatergique et voie métabolique
des opiacés), plusieurs classes médicamenteuses sont disponibles [21, 24].
Malgré une efficacité reconnue depuis plus de 30 ans,
les neuroleptiques typiques comme l’halopéridol et le
pimozide [25] ne sont plus utilisés en première intention
du fait de leurs effets secondaires (dyskinésies tardives,
syndrome parkinsonien, prise de poids, sédation, akathisie) qui restent un frein à leur prescription.
Les neuroleptiques atypiques représentés notamment
par l’aripiprazole et la rispéridone sont utilisés en première
intention en raison d’une meilleure tolérance.
Les médicaments noradrénergiques (clonidine, guanfacine) sont souvent réservés aux tics modérés et
accompagnés d’un trouble déficitaire de l’attention ou
d’hyperactivité (tableau 5).
La toxine botulique a été proposée dans les tics
stéréotypés localisés, notamment vocaux. Parmi les médicaments régulant la voie GABAergique, le baclofène
semble se révéler efficace et, à un moindre degré, le clonazépam.
Le tétrahydrocannabinol a montré une efficacité sur
les tics et la nicotine per os ou en patch transdermique
pourrait potentialiser l’effet des neuroleptiques tout en
améliorant aussi les troubles attentionnels associés.
D’autres molécules ont également été testées mais
avec des effets très minimes sur de petits échantillons de
patients pour le topiramate ou la naloxone, un antagoniste des récepteurs opioïdes, ou non reproductibles dans
les essais rapportés (lévitéracétam, lithium) [20-22].
La stimulation chirurgicale cérébrale profonde est une
option thérapeutique qui se développe dans cette indication. Elle reste néanmoins réservée aux patients majeurs
ayant des tics évoluant depuis au moins cinq ans, invalidants, résistants à au moins trois neuroleptiques prescrits
à une posologie suffisante. Les comorbidités éventuelles
notamment dans le cadre du syndrome de Gilles de
la Tourette doivent évidemment être prises en charge
auparavant. Diverses cibles sont décrites mais les plus fréquemment proposées pour l’heure sont le thalamus ou le
globus pallidus interne (GPi). La plupart des implantations
restent effectuées dans le cadre d’études visant notamment
à préciser la cible chirurgicale la plus efficace [26].
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Tableau 5. Principaux traitements utilisés dans le syndrome de Gilles de la Tourette et les tics chroniques.
Noms
Indications
Posologie
Effets secondaires
Halopéridol
Tics sévères
0,25-15 mg/j
Dyskinésies aiguës, sédation, prise de poids, syndrome parkinsonien,
dyskinésies tardives
Pimozide
Tics sévères
1-6 mg/j
Idem mais moins important
Rispéridone
Tics sévères
0,25-6 mg/j
Sédation, prise de poids, hypotension orthostatique, akathisie,
allongement du QT
Aripiprazole
Tics sévères
2,5-30 mg/j
Sédation, akathisie, prise de poids, syndrome parkinsonien moins sévères
que pour les autres neuroleptiques
Clonidine
Tics modérés avec
TDAH associé
0,1-0,3 mg/j
Hypotension orthostatique, sédation, sécheresse buccale
Guanfacine
Tics modérés avec
TDAH associé
1-4 mg/j
Hypotension orthostatique, sédation, sécheresse buccale
TDAH : trouble déficit de l’attention hyperactivité
En pratique, seuls les tics gênants doivent bénéficier d’un traitement médicamenteux. L’aripiprazole
est à ce jour le neuroleptique de première intention
à prescrire. Une prise en charge conjointe avec les
psychiatres est nécessaire.
Chorées
Un mouvement choréique est un mouvement involontaire, brusque, spontané, aléatoire, non stéréotypé, présent
au repos, à l’attitude et à l’action, sans finalité, pouvant
toucher des territoires variés (tête, face, tronc, membres)
[27]. C’est un terme dérivé du grec « ␹о␳␧´␫␣ » signifiant
danse.
Il s’agit d’un mouvement anormal assez fréquemment rencontré en neurologie et souvent impressionnant.
Les causes sont multiples : acquises (médicamenteuses,
toxiques, infectieuses, vasculaires, immunitaires, hormonales et métaboliques) ou héréditaires (neurodégénérative
ou neurométabolique) [28].
Le bilan étiologique repose sur un interrogatoire précis
notant l’âge de début, les antécédents familiaux, la prise de
toxiques ou de médicaments, l’existence de maladie systémique, hormonale, métabolique ou infectieuse connue
ainsi que la présence de facteurs de risque cardiovasculaire.
L’examen clinique recherche d’autres signes neurologiques ou extraneurologiques associés.
Le bilan complémentaire comprend dans un premier
temps une IRM cérébrale, un bilan cuprique, un hémogramme avec recherche d’acanthocytes, un ionogramme
sanguin, une vitesse de sédimentation, une T4 et une TSH,
un bilan immunitaire (Ac antinucléaires, Ac antiphospholipides, Ac antithyroïdiens), une glycémie et un bilan
phosphocalcique. Selon les éléments de l’interrogatoire et
le reste du bilan, des études génétiques (notamment étude
du gène IT15 pour la maladie de Huntington [MH]) sont
proposées.
Du point de vue thérapeutique, en cas de chorée
acquise, l’amélioration des symptômes passe la plupart
du temps par le traitement étiologique (arrêt du médicament incriminé, correction du facteur métabolique ou de
l’infection, prise en charge du lupus ou du néoplasme
sous-jacent). Des traitements particuliers comme le valproate ou la carbamazépine dans la chorée de Sydenham
[29] ou les corticoïdes dans le lupus, avec ou sans syndrome des antiphospholipides [30], sont rapportés comme
efficaces.
En revanche, en l’absence d’efficacité des traitements
étiologiques et dans les pathologies héréditaires pour
lesquelles le traitement curatif est souvent inexistant, le
praticien doit se contenter du traitement symptomatique.
Le modèle principal permettant de tester l’efficacité
des traitements antichoréiques reste la MH.
La tétrabénazine, qui a l’AMM dans cette indication
depuis la fin des années 2000, est le traitement à proposer
en première intention. Il agit en diminuant la libération de
dopamine dans la fente synaptique et en se fixant sur les
récepteurs post-synaptiques D2 dopaminergiques notamment striataux. La posologie habituelle initiale est de
12,5 mg/j à majorer progressivement jusqu’à 100 mg/j. Les
principaux effets secondaires rapportés sont : un syndrome
dépressif, une fatigue, un ralentissement, une anxiété, des
troubles gastro-intestinaux, une akathisie et un syndrome
parkinsonien [31]. Ce dernier semble d’autant plus fréquent que les sujets sont âgés.
Les autres thérapeutiques disponibles sont les neuroleptiques. Les neuroleptiques classiques (halopéridol,
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pimozide, sulpiride, tiapride, fluphénazine) bloquent les
récepteurs D2 post-synaptiques et sont rapportés depuis
longtemps comme efficaces sur les mouvements choréiques [32]. Les réticences à la prescription de ces
molécules sont liées aux risques d’effets secondaires à
moyen terme et notamment les dyskinésies tardives [33].
Les neuroleptiques dits « atypiques » (olanzapine, rispéridone, quetiapine, ziprasidone) sont mieux tolérés [33, 34].
Leur plus grande affinité pour les récepteurs 5-HT2A
sérotoninergiques est associée à un risque moindre de
développer des signes extrapyramidaux. L’olanzapine (de
10 à 20 mg/j) et la rispéridone (de 2 à 16 mg/j) sont les plus
couramment prescrits [35].
La clozapine améliore les mouvements choréiques
mais ses effets secondaires (somnolence, hypotension. . .)
ainsi que la surveillance contraignante de l’hémogramme
(risque de neutropénie) en limitent la prescription [36].
L’efficacité à moyen et à long termes des traitements
chirurgicaux qu’il s’agisse de greffes de cellules embryonnaires mésenchymateuses ou de stimulation cérébrale
profonde du pallidum interne reste à démontrer [37].
En pratique, il conviendra devant tout syndrome choréique nécessitant un traitement symptomatique de
prescrire en première intention la tétrabénazine. En
l’absence d’efficacité ou en présence de troubles
comportementaux associés comme parfois dans la
MH, un neuroleptique atypique sera privilégié.
Dystonie
Une dystonie est un trouble du mouvement caractérisé par des co-contractions musculaires agonistesantagonistes soutenues, responsables de postures anormales ou de mouvements répétitifs [38].
Les classifications sont multiples selon les critères
choisis. Elles peuvent prendre en compte la topographie de
l’atteinte (focale, multifocale, segmentaire, généralisée),
l’âge de début ou la cause [39].
La démarche diagnostique doit prendre en compte
la topographie de la dystonie, son caractère mobile ou
fixé, ses circonstances de survenue (en cas de dystonie
de fonction, notamment), les antécédents familiaux, l’âge
de début des symptômes et l’existence ou non de signes
associés (autres mouvements anormaux, notamment). Un
enregistrement polygraphique au cours d’un EMG peut
aider à préciser la nature dystonique du mouvement ou
de la posture anormale [40].
Selon les cas, par exemple en cas d’hémidystonie,
de dystonie focale fixée ou de suspicion de dystonie
secondaire, une IRM cérébrale sera réalisée. Si une étiologie primaire génétique ou une cause métabolique sont
suspectées, des études biochimiques ou de biologie moléculaire seront par la suite proposées.
La prise en charge thérapeutique des dystonies reste
difficile et très peu d’essais randomisés contrôlés ont été
rapportés.
Dans les dystonies focales, les plus fréquentes, les
injections de toxine botulique sont le traitement de
choix. La toxine botulique en bloquant la libération
d’acétylcholine dans la fente neuromusculaire va causer
une paralysie temporaire du muscle ciblé [41]. Il s’agit
d’un traitement purement symptomatique à renouveler
à intervalles réguliers d’au moins trois mois. L’efficacité
et l’amélioration de la qualité de vie sont rapportées
notamment dans les dystonies oculaires (blépharospasme,
apraxie à l’ouverture des yeux), les dystonies cervicales,
les dystonies laryngées, les dystonies d’un membre ou
les dystonies de fonction (crampe des écrivains, par
exemple) [42, 43]. Hormis les complications esthétiques
liées à l’injection même (hématome), les effets secondaires dépendent des sites d’injection (ptosis, troubles de
la déglutition, faiblesse musculaire). Ils sont rares et temporaires mais justifient une information systématique du
patient. Un arrêt des traitements anticoagulants devra être
envisagé avant une injection dans les muscles profonds
en particulier cervicaux du fait du risque d’hématome
compressif.
En cas d’inefficacité de la toxine botulique ou dans
les formes plus diffuses, la seule classe médicamenteuse ayant clairement montré son efficacité per os est
la classe des anticholinergiques (le trihéxiphénidyle). Un
traitement débuté à faible dose de 1 à 2 mg/j le soir et
augmenté progressivement jusqu’à 12 mg/j en deux ou
trois prises en quatre semaines peut être bien toléré. Les
effets secondaires restent la principale limite à l’utilisation
de ce traitement et peuvent malgré ces précautions de
prescription apparaître à faible posologie. On note particulièrement une fatigue, des troubles cognitifs, une
sécheresse buccale et oculaire, des troubles urinaires
(rétention), une confusion et parfois des hallucinations.
Dans certains cas de dystonie généralisée, des
doses supérieures à 50 mg/j sont rapportées mais
s’accompagnent systématiquement d’effets secondaires.
Des traitements associés comme la pyridostigmine, la pilocarpine peuvent améliorer la sécheresse des muqueuses
ou les troubles urinaires. Du fait des effets secondaires
psychocognitifs, ce traitement est rarement initié chez les
patients de plus de 60 ans [42, 43].
La L-dopa présente un intérêt particulier dans le cadre
des dystonies dopa-sensibles (DYT 5), forme autosomique
dominante de dystonie primaire qui débute souvent par
une dystonie focale au membre inférieur, chez l’enfant. De
faibles doses peuvent avoir un effet spectaculaire et du fait
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d’une présentation clinique variable et d’un âge de début
qui peut être plus tardif, toute dystonie focale débutant
dans l’enfance ou chez un jeune adulte devrait bénéficier
d’un essai de L-dopa jusqu’à 1 000 mg/j pendant un mois
[44]. En l’absence d’amélioration clinique nette, le diagnostic de dystonie dopa-sensible doit être reconsidéré.
Chez les patients présentant une dystonie sensible à la
dopa, les agonistes dopaminergiques et la carbamazépine
peuvent aussi être bénéfiques [42].
Les autres classes médicamenteuses utilisées sont
les myorelaxants comme les benzodiazépines ou le
baclofène. Le clonazépam notamment peut être utile
dans les blépharospasmes ou les dystonies myocloniques
et le baclofène dans les dystonies oromandibulaires.
L’administration continue par voie intrathécale de baclofène a un intérêt particulier dans les dystonies diffuses
notamment chez les enfants [45].
En cas de dystonie paroxystique kinésigénique, les
antiépileptiques comme la carbamazépine sont efficaces.
Le clonazépam et l’acétazolamide sont plus adaptés aux
dystonies paroxystiques non kinésigéniques [42, 43].
La prise en charge des patients passera souvent par une
association de traitements en cas d’une efficacité insuffisante.
Le traitement chirurgical par stimulation cérébrale profonde à haute fréquence est surtout indiqué dans le cas des
dystonies primitives généralisées. Du fait d’une bonne efficacité quoique souvent retardée de plusieurs mois et d’une
relative bonne tolérance, le globus pallidus interne (GPi)
(pallidum interne) est toujours la cible privilégiée [46].
Dans certains cas de dystonies focales ou plurifocales très
invalidantes et pharmacorésistantes comme certaines dystonies cervicales, la stimulation cérébrale profonde peut
aussi être proposée [43].
Bien sûr, tout patient devra bénéficier d’une prise
en charge adaptée des comorbidités associées (troubles
orthopédiques, syndrome dépressif. . .) et d’une rééducation adaptée.
En pratique, la toxine botulique est le traitement
de choix des dystonies focales. Une dystonie d’un
membre débutant chez l’adulte jeune ou chez
l’enfant doit justifier d’un essai de L-dopa pour ne
pas méconnaître une dystonie dopa-sensible. En cas
d’atteinte plus diffuse, le trihéxiphénidyle pourra
améliorer les symptômes avant de discuter au cas par
cas et selon la cause sous-jacente d’une stimulation
cérébrale profonde du pallidum interne. La kinésithérapie est, dans la majorité des cas, un traitement
complémentaire indispensable.
Gros plan sur. . .
Les dystonies aiguës induites par les médicaments
Il s’agit d’une réaction décrite après la prise de certains médicaments dominés par les neuroleptiques
(voir liste ci-dessous).
Elle touche 2 à 3 % des patients sous neuroleptiques.
Les jeunes adultes sont le plus souvent touchés. Les
symptômes surviennent dans 90 % des cas dans
les quatre jours suivant la première prise mais cette
réaction peut apparaître également au cours d’un
traitement chronique auparavant bien toléré sans
modification de la posologie.
La dystonie peut être cervicale, crânienne (particulièrement buccolinguale), pharyngée ou plus diffuse
(rare posture en opisthotonos).
Le risque est probablement dose-dépendant et même
s’il diminue avec les neuroleptiques atypiques, il n’est
pas nul. En l’absence de traitement, la durée des
symptômes dépend de la demi-vie du médicament
incriminé [47].
Les anticholinergiques par voie intraveineuse puis
per os permettent une régression plus rapide de la
symptomatologie : bipéridène 10 mg, une ampoule
intraveineuse lente ou intramusculaire à répéter
si besoin après un intervalle d’une demi-heure si
besoin. En systématique, on propose un relais per os
à un ou deux comprimés par jour pendant quatre à
sept jours à arrêter progressivement.
Liste non exhaustive de médicaments incriminés
[48] :
– neuroleptiques (benpéridol, halopéridol, fluphénazine, perphénazine, prochloperazine) ;
– antidépresseurs (phenelzine, tranylcypromine, fluvoxamine, paroxetine, amitriptyline) ;
– antiémétiques (métoclopramide, dompéridone) ;
– divers (carbamazépine, phénytoïne, alfentanyl,
flecaïnamide, diltiazem).
Conflits d’intérêts : aucun.
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