Mouvements anormaux de l’enfant

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Médecine
& enfance
Mouvements anormaux
de l’enfant
NEUROLOGIE
S. Auvin, service de neurologie
pédiatrique et des maladies métaboliques,
hôpital Robert-Debré, Paris
Les mouvements paroxystiques chez l’enfant sont fréquents. Lorsque l’on parle de mouvements anormaux, on sous-entend le plus souvent qu’il ne s’agit pas d’une épilepsie. Les mouvements anormaux peuvent être paroxystiques ou permanents. Ce premier élément est déterminant pour l’orientation étiologique. Il est souvent difficile ou impossible de faire décrire la
sémiologie des mouvements anormaux par les parents. Aussi faudra-t-il observer soi-même ou
demander aux parents de filmer les mouvements si ceux-ci sont intermittents.
Devant les mouvements anormaux intermittents, une épilepsie est fréquemment évoquée.
L’analyse clinique ne permet pas toujours de se prononcer sur la nature épileptique des événements. Si un doute persiste malgré l’analyse sémiologique et l’examen clinique, l’enregistrement vidéo-EEG de l’événement permettra d’apporter la réponse. Toutefois, un électroencéphalogramme qui n’a pas permis l’enregistrement de l’événement ne permet pas de
conclusion.
Les manifestations paroxystiques non épileptiques de l’enfant peuvent être analysées en fonction de l’âge de survenue, en fonction de leur relation avec le sommeil et bien entendu selon
les symptômes observés. La nature intermittente ou continue des mouvements anormaux est
également importante. Différents éléments sémiologiques sont ensuite analysés : la ou les
parties du corps concernées, l’amplitude des mouvements, l’aspect rythmique et/ou stéréotypé des mouvements.
Parmi les mouvements anormaux permanents, nous évoquerons la chorée, les dystonies et les
tremblements. Parmi les mouvements anormaux intermittents, nous évoquerons les tics, les
stéréotypies, les myoclonies et les dyskinésies paroxystiques. Notre but dans cet exposé n’est
pas d’être exhaustif. Nous n’aborderons ici que les mouvements anormaux les plus fréquents.
MOUVEMENTS
ANORMAUX PERMANENTS
LA CHORÉE
Réalisés par E. Mallet et
O. Mouterde (pédiatrie,
CHU de Rouen),
des enregistrements
vidéo de chorée,
dystonie, spasmus
nutans, tics et syndrome
de West sont en ligne
sur le site de la revue :
medecine-et-enfance.net
(cliquer sur « vidéos »
dans la page d’accueil)
Rubrique dirigée par S. Auvin
La chorée est un mouvement rapide
pouvant toucher toute partie du corps.
Il s’agit de mouvements répétitifs mais
non rythmiques. Les mouvements choréiques sont assez souvent incorporés
dans un mouvement volontaire.
La chorée n’est pas très fréquente à l’âge
pédiatrique. Les causes les plus fréquentes sont le lupus, la chorée de Sydenham et les causes médicamenteuses.
Parmi les médicaments, il faut rechercher la prise d’antiépileptiques ou de
neuroleptiques (y compris cachés). Des
mouvements choréiques peuvent également être observés dans un certain
nombre de maladies génétiques et métaboliques. Dans ces cas, les mouvements choréiques ne sont pas isolés.
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L’ensemble des symptômes oriente la
démarche diagnostique.
Bien que devenue plus rare, la chorée
de Sydenham est encore observée. Elle
est généralement considérée comme
une complication inflammatoire d’une
infection à streptocoque. Le délai entre
l’infection streptococcique et le début
de la chorée (qui peut atteindre douze
mois) est plus long que pour les autres
manifestations rhumatismales. Le début
est insidieux, marqué par une hypotonie et des modifications de l’humeur
rendant le diagnostic difficile. Il s’agit
avant tout d’un diagnostic clinique. Les
examens paracliniques « neurologiques » sont le plus souvent normaux
(IRM, PL). Les seuls éléments pouvant
aider au diagnostic sont la recherche
d’un syndrome inflammatoire biologique et des marqueurs d’infection
streptococcique ainsi qu’une échographie cardiaque. Il est important de pro-
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poser une prise en charge thérapeutique adaptée.
LA DYSTONIE
La dystonie est un trouble du tonus
musculaire caractérisé par des contractions musculaires involontaires, prolongées, d’une ou de plusieurs parties du
corps, responsables d’attitudes anormales. Les mouvements dystoniques
empêchent la réalisation des mouvements volontaires. On distingue les dystonies primaires, liées à une anomalie
des gènes DYT, des dystonies secondaires, qui sont en rapport avec une atteinte des noyaux gris centraux.
Toutes les causes d’atteinte des noyaux
gris centraux (atteintes fixées, atteintes
neurodégénératives, toxiques, médicamenteuses) peuvent induire des mouvements dystoniques. Dans ces cas, l’examen paraclinique fondamental est l’IRM
cérébrale.
Dystonie idiopathique à début
précoce (DYT1)
Il s’agit d’une maladie autosomique dominante à pénétrance basse et d’expression variable. Les symptômes débutent
selon une distribution bimodale (vers
dix ans ou vers quarante-cinq ans). L’atteinte dystonique commence au niveau
des membres puis touche le tronc. Chez
l’enfant, ce sont le plus souvent les
jambes qui sont atteintes en premier.
Malheureusement, les mouvements
dystoniques vont progressivement toucher tout le corps. On peut observer une
dysarthrie, une dysphagie ou un tremblement postural. Le diagnostic est
confirmé par biologie moléculaire.
Dystonie Dopa-sensible (DYT5)
La dystonie Dopa-sensible ou maladie
de Segawa est une maladie rare de
transmission autosomique dominante.
Elle est caractérisée par un déficit en
enzyme guanosine triphosphate cyclohydrolase I. Ce déficit entraîne une dystonie qui s’améliore de façon spectaculaire sous traitement par L-Dopa. Cette
réponse est obtenue avec de faibles
doses et se maintient de manière inaltérée tout au long de la vie du patient.
La maladie commence entre quatre et
huit ans. Les premiers symptômes sont
des dystonies localisées aux membres
inférieurs. Un tremblement postural est
fréquemment observé ainsi qu’une fluctuation diurne (aggravation à la fatigue
et amélioration, voire disparition, après
le sommeil). La dystonie se généralise
dans les dix à quinze premières années
de vie mais garde un caractère asymétrique. Cette asymétrie est à l’origine
d’erreurs diagnostiques : elle fait souvent évoquer à tort une infirmité motrice cérébrale.
LES TREMBLEMENTS
Les tremblements sont des mouvements
rythmiques, oscillatoires, secondaires à
l’alternance répétitive de contractions et
de détentes musculaires. Le tremblement a une fréquence fixée qui peut être
lente ou rapide. Lorsque le diagnostic
est difficile, un enregistrement électrophysiologique permet de faire la différence entre tremblement et myoclonies.
Tout le monde peut présenter un tremblement physiologique. Ce tremblement physiologique peut être aggravé
par le stress, l’anxiété ou les médicaments. Dans le cas des hyperthyroïdies,
c’est également le tremblement physiologique qui est accentué.
Le tremblement essentiel familial
constitue une entité clinique qui survient dans l’enfance dans moins de 5 %
des cas et concerne surtout des garçons.
Il s’agit d’un tremblement lent, fin ou
grossier, touchant en général les mains,
la tête et la voix. Ce tremblement est
minime au repos. Il est révélé par certains gestes fins et peut être intensifié
par tous les facteurs qui augmentent le
tremblement physiologique.
MOUVEMENTS ANORMAUX
INTERMITTENTS
LES TICS
Il s’agit de mouvements très fréquents
puisqu’ils touchent 1 à 5 % des enfants.
Le pic de survenue est situé entre huit et
dix ans. Il s’agit de mouvements stéréotypés, brusques, rapides et involontaires.
Ils sont en général bien identifiables,
mais dans certains cas leur diagnostic est
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difficile. Ils s’observent le plus souvent
au niveau du visage (clignements
d’yeux, contraction des joues ou succion,
mâchonnement, mordillement et léchage des lèvres…), du cou (hochements de
tête, rotation…) ou des épaules (haussements…). La volonté permet de les
contrôler temporairement. Ils sont aggravés par l’émotion, l’angoisse ou la colère. Ils disparaissent durant la réalisation d’une tâche mettant en jeu la motricité fine et l’attention. La présence de tics
verbaux, notamment d’une écholalie (répétition des mots entendus) ou d’une coprolalie (prononciation de mots orduriers), doit faire évoquer un syndrome de
Gilles de la Tourette et faire demander
un avis spécialisé.
L’évolution des tics simples est le plus
souvent simple. Les tics simples de l’enfant sont peu intenses et n’ont pas de retentissement social. Ils finissent très souvent par disparaître. Dans certains cas,
l’évolution est capricieuse : disparitionréapparition, modification du type de
tics, voire persistance plus ou moins définitive. Le traitement de première intention repose surtout sur les explications, la
dédramatisation et la psychothérapie…
LES STÉRÉOTYPIES
Les stéréotypies sont des mouvements
involontaires coordonnés, répétitifs et
rythmiques, comportant une séquence
motrice toujours identique, sans objectif, touchant la tête, le tronc ou les extrémités. Elles sont volontiers augmentées par les émotions et l’excitation,
mais peuvent aussi survenir quand l’enfant est calme ou inactif (mouvements
d’extension du cou, grimaces).
Ces stéréotypies peuvent être observées
assez banalement chez des enfants normaux sous la forme de « rythmies d’endormissement ». Il s’agit le plus souvent
d’un balancement horizontal de la tête
(jactatio capitis nocturna), qui peut
prendre des formes extrêmes, l’enfant
pouvant aller jusqu’à se cogner sur les parois de son lit. Il existe fréquemment des
antécédents dans la famille. La plupart
du temps ces rythmies d’endormissement
disparaissent, mais leur persistance à
l’âge adulte n’est pas exceptionnelle.
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Par ailleurs, des stéréotypies sont assez
souvent notées chez les enfants autistes
ou déficients mentaux ; dans ces cas,
elles sont un symptôme parmi d’autres.
LES MYOCLONIES
Les myoclonies sont des contractions
brèves (< 600 msec) et simultanées de
muscles agonistes et antagonistes. Elles
touchent le plus souvent le visage et les
membres supérieurs. Il faut être très
prudent devant une suspicion de myoclonies, car elles peuvent être de différentes origines. Certaines myoclonies
sont d’origine épileptique, mais nous ne
parlerons ici que des myoclonies non
épileptiques. Seul l’enregistrement des
événements cliniques au cours d’un
électroencéphalogramme permet de
trancher sur leur nature. Si l’origine épileptique est exclue, on recherchera en
première intention les causes bénignes
de myoclonies.
Myoclonus bénin du sommeil
du nouveau-né
Il s’agit de sursauts myocloniques répétitifs qui intéressent les membres ou
tout le corps. Ils sont observés quasi exclusivement lors du sommeil, plus rarement à l’endormissement. Les myoclonies sont habituellement présentes dès
les premiers jours de vie. On peut les
observer au cours des six premiers
mois. Le diagnostic est quasiment
confirmé par la disparition des symptômes avec le réveil. L’enregistrement
EEG ne retrouve pas de modification du
tracé lors des sursauts myocloniques.
Myoclonies d’endormissement
Il s’agit d’événements physiologiques
qui existent quasiment chez tous les individus. Les myoclonies d’endormissement sont souvent isolées, pouvant être
parcellaires, multifocales ou généralisées. De façon non exceptionnelle, l’enfant raconte qu’il les ressent. Elles donnent alors le plus souvent une sensation
de chute dans le vide. Elles surviennent
toujours à l’endormissement. Il n’est pas
rare qu’elles entraînent un éveil. Elles
sont parfois très intenses, pouvant entraîner un saut du plan du lit. Elles
n’existent pas lors de la veille.
Elles sont facilement mal interprétées
chez les patients ayant une épilepsie, du
fait, en particulier, de l’attitude « hyper
attentive » des parents de ces patients.
Les parents sont très souvent inquiets et
observent énormément leur enfant à la
recherche d’une crise épileptique. Cela
leur fait signaler ces événements. Il faut
parfois savoir aller jusqu’à l’enregistrement électroencéphalographique pour
les rassurer sur la nature non épileptique de l’événement. Le tracé électroencéphalographique ne doit pas enregistrer d’anomalie concomitante à
l’événement. La polygraphie EMG-EEG
apporte une information importante.
Myoclonus bénin du nourrisson
Le myoclonus bénin du nourrisson apparaît entre trois et neuf mois. Sa fréquence augmente rapidement à plusieurs épisodes quotidiens, puis il disparaît en quelques mois. Les épisodes se
caractérisent par des sursauts myocloniques de la tête et des épaules, touchant parfois les membres supérieurs.
Ces manifestations surviennent souvent
en série dans les phases d’éveil, parfois
favorisées par l’excitation ou la frustration. Il existe un équivalent que l’on
nomme « shuddering attacks » (frémissements), qui correspond à un accès de
frissons. Les « shuderring attacks » sont
observés au même âge ; il s’agit dans ce
cas de tremblements de la tête et/ou
des épaules.
Dans ces deux entités, les nourrissons
ont un développement psychomoteur
normal et l’enregistrement EEG est sans
anomalie. Ces enfants sont souvent
adressés en neurologie pour suspicion
de spasmes infantiles. L’évaluation clinique et l’enregistrement permettent
d’écarter une origine épileptique.
LES DYSKINÉSIES PAROXYSTIQUES
Les dyskinésies paroxystiques se caractérisent par des accès intermittents de
mouvements anormaux de différents
types (dystonies, chorée, choréo-athétose). Les dyskinésies paroxystiques
sont rares. Il existe probablement un
certain nombre de formes génétiques
qui ne sont pas complètement caractérisées. Il faut savoir que les dyskinésies
paroxystiques peuvent également être
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secondaires (maladies métaboliques,
accidents vasculaires cérébraux, pathologies inflammatoires du système nerveux central). Les deux types les plus
fréquents se différencient en fonction
de leur mode de survenue.
Dyskinésies paroxystiques
non kinésigéniques
Les dyskinésies paroxystiques non kinésigéniques se caractérisent par des accès de dystonie ou de choréo-athétose
de durée variable, allant de quelques
minutes à plusieurs heures. Ces accès
peuvent être pluriquotidiens.
Les épisodes surviennent spontanément, mais peuvent être favorisés par le
stress et la fatigue. Les premiers épisodes peuvent survenir dans l’enfance
mais sont aussi observés à l’âge adulte.
La prise en charge thérapeutique est
peu satisfaisante car les accès répondent mal aux traitements.
Dyskinésies paroxystiques
kinésigéniques (DPK)
Il s’agit d’accès de dystonie ou de choréo-athétose très courts qui sont déclenchés par le mouvement. Les situations
où l’on observe le plus fréquemment ces
accès sont le lever, l’initiation de la
marche, le saut… Plus rarement
d’autres stimulus peuvent déclencher
un accès : le froid, l’hyperventilation…
La fréquence de survenue des accès est
élevée et peut aller jusqu’à plusieurs
centaines par jour.
Les épisodes débutent entre six et seize
ans. Certains patients peuvent avoir des
crises épileptiques. Il peut également
s’agir de cas familiaux. Les DPK peuvent
être sporadiques ou familiales, transmises selon un mode autosomique dominant. Les anti-épileptiques sont le
traitement de choix, notamment la carbamazépine ou la phénytoïne. L’acétazolamide peut également être utilisé. Pour en savoir plus
LANDRIEU P., TARDIEU M. : Neurologie pédiatrique, coll. Abrégés, Masson, 2e édition, 1997.
FENICHEL G.M. : Clinical Pediatric Neurology, Elsevier/Saunders, 2005.
FERNANDEZ-ALVAREZ E., AICARDI J. : Movement Disorders in
Children, Mac Keith Press, London, 2001.
WOLF D.S., SINGER H.S. : « Pediatric movement disorders : an
update », Curr. Opin. Neurol., 2008 ; 21 : 491-6.
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