Item n° 291 : Adénopathie superficielle d`origine infectieuse

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Item n° 291 : Adénopathie superficielle d’origine infectieuse
OBJECTIFS TERMINAUX
I. Devant une adénopathie superficielle, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents
II. Savoir conduire le diagnostic étiologique d'une polyadénopathie
GÉNÉRALITÉS
La présence d’un ganglion lymphatique palpable ou adénopathie est une constatation fréquente qui correspond à la stimulation du tissu lymphoïde
ganglionnaire par un processus infectieux ou non infectieux.
Les adénopathies infectieuses sont la conséquence :
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régionale d’une infection locale ƒƒ
générale d’une infection par agent pathogène lymphophile.
Les adénopathies non infectieuses sont essentiellement représentées par les hémopathies malignes (lymphomes) et les métastases des cancers.
Certaines pathologies inflammatoires peuvent se manifester par des adénopathies, souvent au second plan : sarcoïdose, lupus, syndrome de
Gougerot….
Dans tous les cas, le diagnostic étiologique est essentiel afin de pouvoir proposer un traitement adapté.
Les adénopathies localisées et généralisées posent des problèmes différents et seront abordées successivement.
I
Devant une adénopathie superficielle, argumenter les principales hypothèses
diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents
1. Adénopathie localisée
1-1. Clinique
La découverte d’une adénopathie localisée peut être le motif de consultation, mais peut aussi être fortuite au cours d’un examen clinique complet.
1-1-1. Confirmation de la nature ganglionnaire de la tuméfaction
En cas d’examen rapide et superficiel, les formations suivantes peuvent prêter à confusion : kyste sébacé, kyste du tractus thyréoglosse, lipome, hydrosadénite, hernie, hypertrophie parotidienne.
1-1-2. Éléments d’orientation
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Mode de vie : âge, contexte d’apparition
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Caractéristiques :
-- isolée ou localisée, associée ou non à une hépatosplénomégalie -- ferme, dure , souple, fluctuante -- sensible ou douloureuse, spontanément ou à la palpation -- aspect de la peau en regard (normale, inflammatoire, fistulisation)
-- mobile ou fixe.
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Modalités évolutives :
-- aiguë récente ou chronique -- recherche d’une porte d’entrée dans le territoire de drainage du ganglion -- signes généraux associés : fièvre, frissons, altération de l’état général, amaigrissement -- l’examen clinique sera complet et orienté, notamment dans le territoire de drainage du ganglion.
1-2. Étiologies
1-2-1. Adénopathie secondaire à une infection à pyogènes
D’étiologie essentiellement staphylococcique ou streptococcique, elle est concomitante de :
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une angine à streptocoque A. Typiquement, l’amygdalite est associée à des adénopathies sous-angulo-maxillaires bilatérales et sensibles. La biologie associe une polynucléose à un syndrome inflammatoire. Le TDR confirme le diagnostic.
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une infection ou un abcès dentaire. L’adénopathie est sous-mentale et se situe en regard de l’infection.
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une infection cutanée : impétigo ou plaie surinfectée négligée. L’adénopathie sensible paraît être le premier symptôme.
1-2-2. Adénopathie secondaire à une pathologie d’inoculation (Cf. Item 101)
Maladie des griffes du chat (lymphoréticulose bénigne d’inoculation ou bartonellose)
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L’adénopathie se développe quelques semaines après une griffure ou une morsure (chat, parfois furet ou lapin) ou une piqûre de végétal (épine, écharde). Elle
siège le plus souvent au niveau des membres supérieurs. Elle devient volumineuse et douloureuse et peut évoluer vers la fistulisation à la peau.
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Les signes généraux sont minimes ou absents.
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La porte d’entrée est discrète (petite papule ou vésico-pustule) ou a disparu.
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La ponction du ganglion fluctuant ramène un pus jaune verdâtre évocateur, qui demeure stérile dans les milieux classiques.
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Le diagnostic repose sur :
-- la PCR Bartonella henselae sur le liquide de ponction ganglionnaire -- la positivité de la sérologie avec au mieux présence d’IgM -- l’examen anatomopathologique montre des lésions granulomateuses micro-abcédées évocatrices mais non spécifiques. La coloration argentique
met rarement en évidence de bacilles intra- et extracellulaires.
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Le traitement :
-- les antibiotiques les plus actifs sont l’azithromycine, la doxycycline, les aminosides -- la réponse au traitement est inconstante et lente (au moins 15 jours), pouvant nécessiter des ponctions itératives voire une exérèse chirurgicale.
Tularémie
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L’adénopathie, satellite du point d’inoculation, est le plus souvent associée à un syndrome fébrile.
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Elle fait suite à une griffure des mains ou des membres par un lièvre contaminé ou à une contamination muqueuse par contact avec du matériel souillé
(champignon) : conjonctivite (adénopathie prétragienne), pharyngite (adénopathie sous-angulo-maxillaire). En l’absence de traitement adapté, elle
évolue vers la suppuration.
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Le diagnostic repose sur la PCR Francisella tularensis ou la culture du pus ganglionnaire obtenu par ponction. La sérologie peut aussi confirmer le
diagnostic.
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L’antibiotique de choix est une fluoroquinolone. À défaut, les tétracyclines et les aminosides sont utilisables.
1-2-3. Adénite à mycobactéries
Les mycobactéries atypiques
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Elles ont un rôle exceptionnel, l’enfant est le seul à être atteint par M. scrofulaceum ou M. kansasii.
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Mycobactérium avium intracellulare se rencontre souvent au cours du Sida.
Les mycobactéries tuberculeuses (voir Item 106)
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Les adénites à Mycobactérium tuberculosis sont encore fréquentes, observées à tout âge, mais plus volontiers chez le sujet âgé ou originaire d’un
pays d’endémie. Le rôle de M. bovis est devenu rare (étiologie professionnelle, localisation axillaire ou exceptionnellement cervicale).
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Les signes généraux sont absents ou modestes. Un érythème noueux peut accompagner l’adénite tuberculeuse. La localisation cervicale est plus
fréquente que les atteintes axillaires ou inguinales. D’apparition progressive, la tuméfaction est unilatérale et concerne un ou plusieurs ganglions.
Ferme au début, peu ou pas douloureuse, elle est indépendante des structures avoisinantes.
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L’évolution est marquée par le ramollissement des ganglions qui deviennent coalescents, adhèrent aux plans voisins et à la peau qui devient rouge
et inflammatoire, puis fistulisent.
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La ponction ramène un pus stérile dans les milieux standard. Les colorations de Ziehl et à l’auramine peuvent être positives. La culture sur milieux
spécifiques et la PCR sont le plus souvent positives. La biopsie permet le diagnostic bactériologique et histologique de grande spécificité (granulome
lymphohistiocytaire avec cellules géantes et nécrose caséeuse).
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Un bilan de maladie tuberculeuse doit être entrepris à la recherche d’autres localisations (foyer pulmonaire ou uro-génital…) : tubages gastriques,
recueil d’urines, TDM à la recherche de ganglions profonds. Les tests tuberculiniques (IDR ou test interféron) sont fortement positifs chez le sujet
immuno-compétent.
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La sérologie VIH doit être proposée.
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Le traitement spécifique obéit aux règles classiques. La durée du traitement est souvent prolongée 9 mois car les antituberculeux pénètrent mal
le tissu ganglionnaire. La biopsie exérèse, lorsqu’elle a permis de réaliser l’ablation totale de tous les éléments ganglionnaires peut autoriser une
réduction de la durée du traitement.
La BCG-ite
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La vaccination par le BCG peut s’accompagner d’une adénite le plus souvent axillaire (BCG brachial), généralement associée à une papule érythémateuse ou, le plus souvent, ulcérée au site d’injection du BCG. Suppuration et fistulisation sont habituelles.
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L’évolution traînante conduit à un traitement de 1 à 3 mois par une monothérapie INH ou une bithérapie Isoniazide – rifampicine.
1-2-4. Adénopathies en rapport avec une infection sexuellement transmise (voir item 95)
Syphilis.
On observe des adénopathies inguinales, fermes, non douloureuses avec classiquement un ganglion plus volumineux («préfet de l’aine»).
Lymphogranulomatose vénérienne ou maladie de Nicolas Favre (LGV)
Dans cette infection à Chlamydia, les adénopathies sont souvent le symptôme principal. L’évolution spontanée se fait vers la suppuration. Un tableau
d’anorectite associé est possible chez les homosexuels masculins.
Dans les deux cas, le diagnostic se fait par PCR et sérologie.
1-2-5. Autres causes infectieuses
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Pasteurellose
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Peste (bubon)
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Actinomycose cervicofaciale
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Adénovirus (conjonctivite avec adénopathie prétragienne)
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Herpès (réaction ganglionnaire constante lors de la primo-infection, fréquente lors des récurrences).
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Item 291
Adénopathies infectieuses
Localisation
Cervicale
Axillaire
Inguinale
Pathologie
Infection ORL
Tuberculose
Mycobactérie atypique
Maladie des griffes du chat
Tularémie
Pasteurellose
Maladie des griffes du chat
Syphilis
Chancre mou - LGV
Peste bubonique
Diagnostic
Examen clinique, (ponction)
IDR, ponction-biopsie
Ponction-biopsie
Sérologie, ponction (PCR culture), biopsie
Sérologie (ponction)
Ponction, hémocultures, sérologie
Sérologie, ponction (PCR, culture), biopsie
Sérologie, ponction, grattage chancre
Sérologie, ponction, biopsie
Clinique, hémocultures
Ponction
1-2-6. Adénopathies symptomatiques d’une affection maligne ou non infectieuse
Métastase ganglionnaire précessive d’un cancer
Le siège de l’adénopathie oriente le diagnostic :
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axillaire : cancer du sein ;
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cervical : cancer de la thyroïde ;
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sus-claviculaire : cancer digestif, bronchopulmonaire.
Premier signe d’un lymphome ou d’un mélanome, quel que soit le site de découverte.
Sarcoïdose
L’adénopathie est volontiers épitrochléenne ou sus-claviculaire.
En l’absence d’orientation clinique, c’est l’examen anatomopathologique qui apporte le diagnostic et conditionne la prise en charge ultérieure.
II
Savoir conduire le diagnostic étiologique d’une polyadénopathie
1. Adénopathies généralisées ou polyadénopathies
Contrairement aux adénopathies localisées le plus souvent en rapport avec une pathologie locale, les polyadénopathies sont en rapport avec un processus général, dans lequel l’infection joue un rôle plus modeste.
1-1. Éléments d’orientation
1-1-1. Interrogatoire
Il recherchera :
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des symptômes associés : fièvre, amaigrissement, atteinte d’organe ƒƒ
une exposition à risque infectieux : contage sexuel (syphilis, VIH), toxicomanie intraveineuse, rubéole, voyage tropical (Leishmaniose, trypanosomiase, filariose lymphatique…) ;
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l’introduction récente de médicaments (immunoallergie).
1-1-2. Examen clinique
Il en précisera :
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les caractéristiques : siège, volume, consistance, nombre de ganglions ƒƒ
les signes associés : hépato-splénomégalie, caractéristiques de l’éruption cutanée, l’atteinte muqueuse (énanthème) ou altération de l’état
général.
1-1-3. Examens complémentaires d’orientation
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Hémogramme :
-- syndrome mononucléosique (EBV, CMV, VIH) -- hyperlymphocytose (leucémie lymphoïde chronique) -- hyperéosinophilie (parasitose, maladie de Hogdkin) -- blastes circulants (leucémie) -- thrombopénie (leishmaniose, lymphome, leucémie).
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Bilan inflammatoire.
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Profil électrophorétique.
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Bilan biochimique : atteinte hépatique (ASAT, ALAT, gamma GT).
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Myélogramme et /ou biopsie ostéomédullaire s’imposent en l’absence de cause évidente.
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IDR à la tuberculine.
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Sérologies en fonction du contexte (anamnèse et examen clinique) : EBV, rubéole, toxoplasmose, VIH, CMV, syphilis.
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1-1-4. Imagerie (radiographie thoracique, échographie, TDM à la recherche d’adénopathies profondes).
1-2. Étiologies
1-2-1. Infectieuses
Contexte aigu
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Mononucléose infectieuse (primo-infection EBV).
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Primo-infection VIH.
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Rubéole.
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Adénoviroses, chez l’enfant, associées à des signes ORL : pharyngite, conjonctivite (virus adéno- pharyngo- conjonctivaux).
Contexte subaigu
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Toxoplasmose commune (le plus souvent asymptomatique).
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Syphilis secondaire (micro-poly-adénopathies).
Contexte chronique
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Infection VIH, au stade des polyadénopathies généralisées.
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Tuberculose ou mycobactérioses atypiques.
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Brucellose.
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Leishmaniose viscérale (splénomégalie).
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Trypanosomose africaine.
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Filariose lymphatique.
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Histoplasmose africaine (H. capsulatum ou duboisii).
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Maladie de Whipple. Rare, elle associe fièvre, arthrite(s), polyadénopathies, altération de l’état général. L’apparition d’une diarrhée chronique conduit
à la biopsie du grêle (inclusions PAS positives dans les macrophages, rapportées à la bactérie Tropheryma whippelii, PCR de T. whippelii).
1-2-2. Non infectieuses
Ce sont :
Hémopathies malignes (hémogramme, myélogramme, biopsie ostéomédullaire, biopsie ganglionnaire, analyse cytogénétique).
Maladies inflammatoires
La polyarthrite juvénile (maladie de Still) et lupus érythémateux aigu disséminé peuvent s’accompagner de polyadénopathies fébriles.
Le syndrome de Kawasaki réalise le syndrome adéno-cutanéo-muqueux.
La sarcoïdose dans sa forme polyganglionnaire superficielle, parfois associée à un érythème noueux qui fait rechercher les adénopathies médiastinales, l’atteinte pulmonaire ou systémique, l’anergie tuberculinique. Le lavage alvéolaire (alvéolite lymphocytaire CD8+) et la biopsie ganglionnaire
confirment le diagnostic.
Intolérances médicamenteuses
Leur aspect pseudo-infectieux n’est pas exceptionnel. La polyadénopathie superficielle s’associe à une fièvre souvent élevée, des myalgies, des
arthralgies et une éruption dont l’intensité et le caractère morbilliforme ou scarlatiniforme sont très évocateurs. Elle peut s’intégrer dans le cadre
d’une maladie sérique. Une polynucléose importante avec hyperéosinophilie, mais parfois aussi la présence de lymphocytes activés (ébauche de syndrome mononucléosique) est rencontrée, de même que les altérations biologiques hépatiques et rénales (protéinurie, hématurie microscopique). Le
diagnostic est orienté par la notion de prise médicamenteuse : antibiotiques (aminopénicillines et dérivés, céphalosporines, sulfamides), anti­comitiaux
(hydantoïne, carbamazépine), benzodiazépines, allopurinol, sérums hétérologues, anti-inflammatoires non stéroïdiens. Dans plus de 2/3 des cas, ce
tableau apparaît entre le 9e et le 15e jour de la prise médicamenteuse. L’interruption du médicament responsable n’est pas toujours suivie d’une résolution immédiate mais elle est impérative.
En pratique, devant ces multiples étiologies, un bon interrogatoire, un examen clinique de qualité, un hémogramme doivent permettre une orientation
diagnostique déjà précise.
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