dossier Les bactéries multi- ou hautement résistantes pratiques soignantes Les précautions complémentaires contact VALÉRIE SOUYRI Cadre hygiéniste Hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France z L’émergence de micro-organismes résistants et hautement résistants aux antibiotiques exige la mise en œuvre des recommandations de prévention de la transmission croisée de ces microorganismes lors des soins z Ces recommandations comportent des précautions complémentaires de type contact qui s’ajoutent aux précautions standard z L’isolement géographique des patients colonisés ou infectés et le renforcement des mesures d’hygiène sont des mesures barrière afin d’éviter la transmission de ces germes à des personnels, à des visiteurs, et surtout à d’autres patients. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Mots clés – information ; isolement ; précaution complémentaire contact ; transport ; visiteur 1 Staphylocoques dorés. Antibiotique du genre des β-lactamines. 3 Enzymes sécrétées par les bactéries qui dégradent les antibiotiques du genre β-lactamines. 4 Ensemble d’espèces de bactéries sensibles à un antibiotique ; plus le spectre est large, plus le nombre d’espèces contre lesquelles l’antibiotique est réputé efficace est important. 5 Ces bactéries du tube digestif, de la famille des entérocoques, sont responsables d’infections urinaires, des plaies chirurgicales et d’endocardite. 6 Cheminement vers des zones de plus en plus propres ; on ne repasse jamais au même endroit et on ne revient jamais en arrière. Cet ensemble de mesures permet d’éviter la recontamination. 2 L a détection et l’identification des patients porteurs de bactéries multirésistantes (BMR) ou de bactéries hautement résistantes émergentes (BHRe) est une étape primordiale pour éviter la diffusion de ces bactéries. Le laboratoire de microbiologie joue un rôle essentiel dans ce dépistage ; il signale au service concerné l’identification du germe. d’un dépistage et d’un isolement préventif de type contact jusqu’au retour des résultats. PRINCIPALES MESURES À INSTITUER POUR LES PATIENTS PORTEURS D’UNE BMR En cas de BMR, toutes les mesures (figures 1 et 2) sont mises en place en complément des précautions standard : • isoler le patient en chambre individuelle ou à défaut, regrouper les patients infectés ou colonisés par la même BMR (cohorting). L’isolement est QUE SONT LES BMR ? z Les principales BMR sont les Staphylococcus aureus1 résistants à la méticilline2 (SARM) et les entérobactéries productrices de β-lactamase3 à spectre4 étendu (EBLSE). Des BMR émergentes font l’objet d’une vigilance et de mesures particulières : il s’agit principalement des Enterococcus faecium5 résistants à la vancomycine (ERV ou ERG) et des entérobactéries productrices de carbapénémases (EPC). z Il est recommandé que les établissements de santé organisent un système d’alerte pour signaler les patients identifiés comme porteurs d’une BMR lors de leur admission ou de leur transfert. Tout patient transféré d’un autre établissement ou ayant été hospitalisé à l’étranger au cours des douze derniers mois doit faire l’objet © DR NOTES Figure 1. Les trois niveaux de mesures à appliquer pour maîtriser la diffusion de la transmission croisée. Adresse e-mail : [email protected] (V. Souyri). 14 • • • • • Produit hydro-alcoolique (PHA). Gants (précautions standard). Surblouse ou tablier à usage unique. Détergent-désinfectant de surface. Affichette ou logo “BMR”. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.sasoi.2015.06.004 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 08/09/2015 par IMFSI PERPIGNAN - (329084) © DR Matériel nécessaire pour les soins aux patients en isolement Figure 2. Affichette de rappel des précautions à prendre en cas d’infection à BMR. D’après CLIN Robert-Debré, 2014. SOiNS AIDES-SOIGNANTES - no 65 - juillet/août 2015 dossier Les bactéries multi- ou hautement résistantes institué sur prescription médicale qui en précise la nature ; • placer l’affichette ou le logo de précautions BMR sur la porte de la chambre. Il n’est pas nécessaire de maintenir la porte de la chambre fermée ; • limiter les déplacements du patient hors de sa chambre. En cas de déplacement du patient hors de sa chambre et lors de transfert, signaler l’isolement BMR et les mesures qu’il impose à l’équipe de transport et au service receveur (fiche de liaison) ; • porter un tablier ou une surblouse à usage unique ou patient unique pour tout contact direct avec le patient. Porter un tablier à usage unique pour les changes, la toilette, la réfection du lit ; • ne pas porter systématiquement des gants à usage unique, mais les réserver à tout geste avec risque de contact avec des liquides biologiques, notamment le change des patients. Une attention particulière sera portée à la gestion des excreta ; en effet, la plupart des BMR sont des bactéries du tube digestif, ce qui rend les selles particulièrement contaminantes. L’utilisation de sacs hygiéniques protecteurs et du lave-bassin est à privilégier chaque fois que possible. Faire une friction hydroalcoolique (FHA) systématiquement après le retrait des gants ; • limiter le stockage de matériel dans la chambre du patient. En cas d’utilisation de matériel partagé, respecter scrupuleusement les procédures de nettoyage et de désinfection des matériels qui quittent la chambre ; • effectuer une antisepsie des mains dans toutes les situations relevant des précautions standard (par exemple, après le retrait des gants et avant de sortir ou en sortant de la chambre). Cette mesure est essentielle et repose sur la friction avec un produit hydro-alcoolique (PHA). z Les visiteurs (professionnels et non professionnels) doivent observer les mêmes précautions d’hygiène des mains que le personnel soignant. Il est donc important d’informer les patients/familles et de leur expliquer la raison de ces mesures. Cette information est primordiale pour permettre la bonne compréhension et l’adhésion de tous aux mesures de prévention. z Chaque fois que possible, demander aux professionnels qui doivent s’occuper de plusieurs patients successifs (chirurgiens, radiologues, techniciens radio et électroencéphalographie...) de terminer leur visite par les patients en isolement BMR (même circuit pour l’équipe d’entretien). z Ces mesures sont à respecter tant que le patient est porteur de BMR, soit en pratique, en court séjour, pendant toute la durée d’hospitalisation du patient. L’isolement pourra être levé après 3 tests de dépistage négatifs. La levée d’isolement est une décision médicale. Pour les patients admis en long séjour, les mesures d’isolement peuvent être adaptées pour permettre l’accès aux lieux de vie commune ; ces adaptations reposent sur des actions d’information et d’éducation en vue de garantir la pratique d’une hygiène des mains rigoureuse des patients avant l’accès aux activités communes. PRINCIPALES MESURES À INSTITUER POUR LES PATIENTS PORTEURS D’UNE BHRE z Les patients porteurs d’une BHRe relèvent des mêmes précautions, mais ils doivent bénéficier de mesures supplémentaires. Les déplacements seront restreints au strict nécessaire et seront régulés (information du service qui assure le transport et l’accueil du patient et conseils pour le bionettoyage). z Le transfert du patient vers un autre service ou un autre établissement est déconseillé. Enfin, il est recommandé d’organiser les soins avec du personnel dédié, ou à défaut de procéder selon le principe de la marche en avant6. La direction des soins et la direction de l’établissement doivent être informées. L’équipe opérationnelle d’hygiène joue un rôle de soutien pour la mise en œuvre des mesures de précaution et pour l’information et la formation du personnel soignant. CONCLUSION La lutte contre la transmission des BMR et des BHRe regroupe un ensemble de mesures à mettre en œuvre pour protéger les patients. L’identification des patients porteurs de BMR ou de BHRe permet l’application précoce des recommandations ; elle vise à éviter la transmission de ces bactéries aux autres patients. L’aide-soignant a un rôle essentiel dans l’instauration des précautions complémentaires de type contact, dans la gestion des excreta et dans l’information qu’il peut délivrer aux patients, aux familles et aux autres professionnels qui interviennent auprès de ces patients. La sensibilisation et l’information de tous sont nécessaires pour le respect des bonnes pratiques et pour le succès de cette lutte pour la protection des patients. n SOiNS AIDES-SOIGNANTES - no 65 - juillet/août 2015 © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 08/09/2015 par IMFSI PERPIGNAN - (329084) POUR EN SAVOIR PLUS • CClin Paris-Nord. Votre enfant est porteur d’une BMR. 2014/09, plaquette, http://nosobase. chu-lyon.fr/recommandations/ cclin_arlin/cclinParisNord/2014_ PlaquetteBMRped_CClinPN.pdf • CClin Paris-Nord. Vous êtes porteur d’une bactérie émergente hautement résistante aux antibiotiques (BHRe). 2014/09, plaquette, http://nosobase.chu-lyon. fr/recommandations/ cclin_arlin/cclinParisNord/2014_ PlaquetteBMRped_CClinPN.pdf • CClin Paris-Nord. Vous êtes porteur d’une bactérie multirésistante aux antibiotiques (BMR) à l’usage des patients. 2003, dépliant, http://nosobase. chu-lyon.fr/recommandations/ cclin_arlin/cclinParisNord/2003_ BMR_CCLIN.pdf • Circulaire n° DGS/DH/98/249 du 20 avril 1998 relative à la prévention de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques lors des soins dans les établissements de santé. www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/ circulaire_249_20_avril_1998.pdf • SFHH. Recommandations nationales. Prévention de la transmission croisée : précautions complémentaires contact. Consensus formalisé d’experts. Hygiènes 2009; XVII (2): 97-125, www.sf2h. net/publications-SF2H/ SF2H_prevention-transmissioncroisee-2009.pdf Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. 15