LE POINT DE VUE DES PLANTES HÔTES POUR SOIGNER LES ALLERGIES Véronique Olivier La société française Angany Genetics a mis au point un procédé audacieux qui pourrait révolutionner le traitement des allergies par désensibilisation. Les protéines dites allergènes de chat, de chien ou d’acariens, seront spécifiquement produites dans des plants de tabac sauvage. On se soignera ensuite avec un produit issu de jus vert… Comment fabrique-t-on aujourd’hui un extrait de Depuis l’histoire de la maladie aller- désensibilisation ? gique, bien du chemin a été parcouru. On a d’abord su qu’on était allergique à la poussière, puis aux acariens, puis aux carapaces ou aux fèces des acariens. Aujourd’hui, on sait qu’on est allergique à certaines protéines d’acariens. Et deux allergiques aux acariens peuvent ne pas réagir aux mêmes protéines. Nos profils d’allergiques sont néanmoins assez convenus. Sur les 23 protéines référencées chez l’acarien, on est majoritairement allergiques à 2, voire 3 protéines, toujours les mêmes. 18 > Oasis Allergies 106 On attrape, par exemple, des acariens puis on les pose dans une boîte, sur un substrat, et on leur donne à manger différentes choses. Quand ils sont nombreux et bien grassouillets, on mouline tout le contenu de la boîte et on sort un extrait qui comportera donc toutes les protéines auxquelles un patient allergique est allergique… ou pas. Il faut savoir qu’une fois passées à la moulinette, certaines protéines vont s’abîmer (peut-être qu’elles ne passent pas très bien dans les trous du tamis). D’autres vont se chamailler avec les plus petites et, hop, les boulotter. Au final, votre extrait d’allergènes comporte des protéines manquantes, des protéines transformées, des protéines en surnombre, mais aussi la nourriture des acariens, les molécules du substrat…. Une vraie soupe ! Ce qui change avec l’allergologie moléculaire L’allergologie moléculaire nous révèle à quelle protéine spécifique on est allergique. Les fondateurs de Angany Genetics - Loïc Faye et Véronique Gomord - ont cherché, cherché et tellement cherché qu’ils ont enfin trouvé ... puis mis au point une technique pour isoler et cultiver les allergènes. Nos chercheurs ont monté une ferme en hydroponie (les plantes sont cultivées hors sol et sans terre) et se sont mis à cultiver des plants de tabac sauvage qui croissent en 35-40 jours. Pas parce qu’ils avaient la main verte, parce qu’ils voulaient des plantes hôtes. Lorsque les plantes sont adultes, on leur inocule l’ADN de la protéine Der p1 (un allergène d’acarien) par exemple. Durant quatre jours, les cellules de la plante vont produire l’allergène à partir de cet ADN. Ensuite, on cueille cette dernière, on la broie et on extrait un jus vert pâle d’où l’on purifie Der p1. Voici le produit de désensibilisation. Pas de substrat, de miettes de nourriture, de protéines dégradées, juste Der p1 (la chlorophylle et tout le reste sont écartés au moment de l’extraction). Vous êtes allergique seulement à la protéine Der p1 ? On vous cultive la Protéine Der p1 toute seule sur une petite plante verte qui va servir d’usine cellulaire. Au Der p9 aussi ? On vous la cultive aussi toute seule sur une autre petite plante. Ensuite, on vous fera un cocktail personnalisé des différents allergènes purifiés. À chacun un profil et à chacun sa recette. Mars 2016 > 19 Heify, Fun et Elise sont des chiens qui ont inspiré leurs maîtres Biotechnologie végétale Le procédé est finalement peu coûteux et rapide. On produit les allergènes dans des cellules végétales. Comme le produit final est redoutablement bien ciblé, le traitement est moins long. « En quatre prises, on estime que l’on pourra guérir une souris qu’on a rendue au préalable allergique » souligne Véronique Gomord. Quatre prises versus 3 à 5 ans de désensibilisation, on se prend à rêver… Est-ce que c’est mieux ? Aujourd’hui, on se désensibilise avec un extrait qui contient « une soupe » de protéines et de contaminants, mais pas toujours les allergènes auxquels on réagit, et souvent des molécules auxquelles on ne réagis- 20 > Oasis Allergies 106 sait pas. C’était parfois embêtant. Il n’en demeure pas moins que la désensibilisation « ça marche », même si pour les chats le taux de réussite est en-deçà de l’espérance de leurs propriétaires. Avec ce nouveau procédé, on ne se soignera plus que de ce qui nous rend malade. Alors, pour que cela « marche vraiment bien », la société propose aussi les outils de test diagnostic sur la peau. Des peignes avec des cupules dont chaque dent déposera une mini-goutte d’un seul allergène. Le peigne « acariens » aura, dans un premier temps, une dizaine de dents qui permettront de diagnostiquer 95 % des patients. Les animaux s’en mêlent Nos chercheurs travaillent tard, rentrent encore plus tard à leur domicile. Leurs animaux de compagnie, chats et chiens, s’ennuient et souffrent de l’absence de leur maître et maîtresse. Alors ils s’invitent au laboratoire de Val-de-Reuil pendant plusieurs mois, histoire de ne pas périr d’ennui. C’est sûrement à ce momentlà qu’est née l’idée qu’il fallait d’abord développer une première ligne de produits luttant contre l’allergie au chat et au chien. Parce que les liens relationnels humain/ animal sont si formidablement intenses et chaleureux, il fallait permettre à tous de rétablir cette rencontre sans avoir le nez comme une patate et les yeux en fontaine de lave… Alairzen Cat & Dog a donc été mis au point. Et pour permettre un lancement efficace et se faire connaître et reconnaître, nos chercheurs se sont adossés à une plateforme de financement participatif. Chacun peut participer au développement et à la poursuite de l’aventure de cette biotech’ en contribuant financièrement. Tous les détails sur www.angany.com Reste à choisir comment cette désensibilisation sera effectuée. Par injection ? Les Français ont horreur des aiguilles... En comprimé orodispersible ? En granules ? En gel ? En dermo-patch ? En gouttes ? La suite s’écrira dans un prochain épisode, Oasis Allergies mettant son enthousiasme en œuvre pour s’en faire le relais. Mars 2016 > 21