Summer 2012.indd - Canadian Oncology Nursing Journal

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Pratique basée sur la théorie des soins
de fin de vie aux patients cancéreux :
une exploration du modèle de
soins infirmiers McGill
par David Kenneth Wright et Catherine Pugnaire Gros
Abrégé
Les théories infirmières inspirent les praticiens en décrivant comment répondre aux besoins, rehausser le bien-être et interagir avec
les clients en tant que personnes considérées dans leur globalité. Cet
article examine le modèle de soins infirmiers McGill relativement à
la façon dont ses principes peuvent appuyer la pratique infirmière
à l’intention des patients cancéreux parvenus à la phase terminale.
Nous avançons que ce modèle fournit une approche relationnelle
tout à fait congruente avec la philosophie des soins palliatifs. Cet
article vise à encourager la réflexion parmi les infirmières en oncologie et les dirigeantes infirmières. En comparant les valeurs fondamentales de notre pratique à la théorie des soins infirmiers existante,
nous pourrions découvrir de nouvelles opportunités d’enseigner et
d’apprendre en quoi consiste exactement la prestation de soins infirmiers de fin de vie.
« Si nous permettons à cette prochaine génération d’infirmières
d’ignorer la pertinence de la théorie infirmière, une inquiétude qui a
été récemment soulevée par divers observateurs, il se peut que nous
fassions courir à notre profession le risque considérable de perdre
son âme et sa vocation essentielle. »
(Thorne, 2007, p. 348, traduction libre)
Chaque infirmière en oncologie est, ou devrait être, une infirmière en soins palliatifs. Malgré les progrès liés à l’innovation
médicale et à l’allongement de la durée de survie, le cancer
demeure une maladie mortelle dans bien des cas. Plus d’un quart
de tous les Canadiens mourront du cancer, le nombre de décès
par cancer étant estimé à 75 000 en 2011 (Comité directeur sur
les statistiques sur le cancer de la Société canadienne du cancer,
2011). Parmi les personnes touchées, certaines atteindront leur
Au sujet des auteurs
David Kenneth Wright, inf., M.Sc.(A), candidat au Ph.D., Unité de
recherche et enseignement en soins infirmiers palliatifs, École des
sciences infirmières, Université d’Ottawa, 451 rue Smyth, Ottawa,
ON K1H 8M5. [email protected]
Auteur à qui adresser toute correspondance : David Wright, 1514-296-7069. Adresse postale : 868 Sherbrooke E, Montréal, QC
H2L 1K9
Catherine Pugnaire Gros, inf., M.Sc.(A), Professeure adjointe,
École de sciences infirmières, Université McGill, 3506 rue
University, Montréal, QC H3A 2A7
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fin de vie sans que leurs symptômes ne soient soulagés ni que
leurs souhaits ne soient assouvis. Selon d’aucuns, les besoins
palliatifs non satisfaits des patients en phase terminale constituent une crise au sein des soins de cancérologie, une crise que
les infirmières en oncologie peuvent juguler du fait de leur position privilégiée (Coyne, Paice, Ferrell, Malloy, Virani et al., 2007).
La certification en soins infirmiers en oncologie exige des
compétences fondamentales en soins de fin de vie. Il est attendu
des infirmières en oncologie qu’elles comprennent, par exemple, les besoins particuliers des patients en fin de vie ainsi que
les buts du traitement palliatif (Association des infirmières et
infirmiers du Canada, 2009). Malheureusement, les infirmières
n’ont pas toutes la formation requise pour soigner convenablement ces patients. Les environnements de santé dans lesquels
nous prodiguons les soins aux patients atteints de cancer sont
orientés vers la réussite du traitement et vers la guérison éventuelle de la maladie. Bien que cette approche soit importante
et adéquate pour beaucoup de patients, elle tend également à
détourner notre attention collective de la question de la mort.
La méconnaissance du processus du mourir et le peu d’attention qui lui est porté peuvent entraîner un désengagement visà-vis de nos patients en fin de vie et une multitude d’occasions
ratées.
Les soins palliatifs ne représentent pas un lieu mais une philosophie (Kessler, 2007, traduction libre). Ils constituent une
approche qui promeut la qualité de vie, le confort et le mieuxêtre et réagit à la souffrance dans le contexte d’une maladie à
issue mortelle. La philosophie des soins palliatifs est à la fois
une affirmation de la vie et une reconnaissance de l’universalité et de la normalité de la mort. Elle milite en faveur du
soutien à fournir aux proches des patients et de la considération des personnes dans leur globalité. Le soin global de la
personne exige qu’on intègre attentivement les dimensions
physiques, psychologiques, sociales et spirituelles de la santé,
de la maladie et du mourir (Pastrana, Junger, Ostgathe, Elsner
& Radbruch, 2008).
Le concept des soins palliatifs n’est pas nouveau. Ce courant
qui est né et s’est développé durant les années 1960 et 1970 à
l’intérieur des soins de santé forme dorénavant une sous-spécialité médicale reconnue (Saunders, 2000). Les soins palliatifs se
sont insérés dans le discours des praticiens en oncologie et l’on
reconnaît de plus en plus ouvertement la nécessité d’incorporer
les soins palliatifs aux systèmes de soins conventionnels (Clark,
2007). On attend donc de plus en plus des infirmières qu’elles
dispensent des soins palliatifs dans les établissements de grande
taille tels que des hôpitaux et les milieux de soins de longue
durée. Ce sont d’ailleurs les contextes où meurent la majorité des
Canadiens (Wilson, Truman, Thomas, Fainsinger, Kovacs-Burns et
al., 2009).
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Le contexte actuel de la prestation des soins de fin de vie
peut saper le sentiment d’identité professionnelle des infirmières et les amener à douter des fondements philosophiques
d’une pratique infirmière optimale. Dans les milieux de soins
qui ne sont pas explicitement axés sur le soin aux mourants,
la responsabilité d’efficacité peut parfois l’emporter sur celle
de prendre soin d’autrui. En outre, alors qu’une bonne partie
du discours des soins palliatifs s’articule autour de récits convaincants sur la « bonne mort » mettant en jeu les thèmes de
la paix, de la transcendance et de la « guérison », il nous faut
faire attention de ne pas projeter de distorsion romantique sur
le contexte réel de la prestation des soins en fin de vie. Dans
leur pratique quotidienne, les infirmières qui soignent des mourants sont confrontées à une douleur, une tristesse et une souffrance incommensurables (Wright, Brajtman & Bitzas, 2009).
Elles œuvrent auprès de patients et de proches qui, souvent,
souffrent et sont habités par la colère, la culpabilité et/ou la
méfiance.
Les théories infirmières abordent les assises philosophiques
de notre discipline. Elles proposent des idées explicites sur ce
que sont les soins infirmiers et sur le rôle que jouent les infirmières; elles inspirent les praticiens en articulant comment répondre
aux besoins, rehausser le bien-être et interagir avec les clients en
tant que personnes considérées dans leur globalité (Fitzpatrick,
2005; Meleis, 2007). Les modèles théoriques en soins infirmiers
constituent une sorte de prisme permettant d’interpréter et de
mieux comprendre les situations qui surviennent dans la pratique et, aussi, d’analyser sa propre réaction à titre d’infirmière
et d’y réfléchir. Cet article vise à examiner la congruence entre
les idées tirées d’une approche théorique particulière des soins
infirmiers, le modèle de soins infirmiers McGill, d’une part, et le
contexte des soins de fin de vie, d’autre part. L’examen de cette
congruence ouvre la voie à une réflexion sur les possibilités se
présentant dans la pratique des soins infirmiers en oncologie
destinés aux mourants.
F. Moyra Allen et le modèle
de soins infirmiers McGill
La Dre F. Moyra Allen (1921–1996) était un éminent chef de
file de la profession infirmière de grand renom au Canada et à
l’étranger pour l’ensemble de ses travaux inspirés par la vision
de « ce que les soins infirmiers peuvent être » (Stuart, 2002,
p. 165, trad. libre). La Dre Allen a consacré sa carrière à l’élaboration d’un cadre de référence pour les soins infirmiers qui les
distingue du travail effectué par tous les autres types de prestataires de soins de santé (Gottlieb, 1995). Elle a d’abord intitulé ce
cadre « modèle de développement de la santé » mais il est désormais connu sous le nom de modèle de soins infirmiers McGill (ou
modèle McGill) (Gottlieb & Rowat, 1987). La Dre Allen jugeait qu’à
la suite de la réforme des soins de santé réalisée au Canada dans
les années 1960 et du défi lancé à la profession infirmière d’assumer un rôle élargi, notre discipline était confrontée à un choix
crucial. Nous pouvions diriger notre expansion vers le domaine
de la médecine et nous charger de connaissances et de compétences du ressort traditionnel des médecins ou bien diriger notre
expansion vers l’extérieur en développant un rôle complémentaire et unique en son genre qui se concentrerait sur le développement et le maintien de la santé de la famille (Allen, 1977). La
Dre Allen souhaitait faire éclater le continuum linéaire santé-maladie sur lequel reposait le raisonnement biomédical conventionnel. Selon elle, la santé et la maladie doivent être perçues comme
étant des variables distinctes : l’une ne correspond pas nécessairement à l’absence de l’autre. Comme elle l’a écrit, « la santé n’est
pas une caractéristique statique, c’est une façon de vivre, d’être,
c’est une façon de croître, de devenir » (Allen, 1981, p. 153, trad.
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libre). Pour elle, la définition de la santé comme étant l’absence
de maladie présentait aux soins infirmiers leurs plus graves problème philosophique et dilemme logique. Si elle n’est que l’absence de maladie, la santé « n’a aucune signification propre ...
On ne peut pas s’efforcer d’atteindre quelque chose qui n’existe
que s’il n’est pas quelque chose d’autre » (Allen & Warner, 2002,
p. 101, trad. libre, les mots en italique étaient mis en évidence
dans la version originale).
Cette brève notice biographique illustre la pertinence des
idées de la Dre Allen au domaine des soins infirmiers de fin de vie.
Quoique la préoccupation centrale de ses écrits ne porte pas spécifiquement sur les soins de fin de vie, sa vision des soins infirmiers s’intéresse au soin et à l’accompagnement des patients et
des familles à travers les transitions de la vie et les changements
liés au développement. Tout comme la Dre Allen s’inquiétait de la
médicalisation de la santé, la philosophie des soins palliatifs est
née d’une insatisfaction vis-à-vis de la médicalisation du mourir (Clark, 2002). Ceci comprenait notamment les morts censément « violentes » que des individus éprouvaient en vertu d’un
paradigme de la médecine de réanimation (Carnevale, 2005, p. 2).
La philosophie de l’approche palliative repose sur une notion de
sauvetage, celle de sauver les patients mourants et leurs proches d’un système médical qui peut s’avérer froid, impersonnel
et généralement à l’opposé de ce dont les individus ont vraiment
besoin à l’approche de leurs derniers jours. On notera, à titre
d’exemples, le besoin de ne pas éprouver de douleur physique, le
besoin d’exprimer ses sentiments et ses émotions de façon individuelle, le besoin de recevoir des soins empreints de compassion, le besoin de faire une quête spirituelle et enfin, celui de
mourir en paix et dans la dignité (Kessler, 2007). Selon la perspective partagée par la Dre Allen et la philosophie des soins palliatifs, la maladie, la souffrance et la mort sont des situations
humaines pouvant favoriser la survenue d’un apprentissage,
d’une croissance et d’un développement (p. ex. la santé) personnels et familiaux. La santé est une caractéristique positive et elle
peut exister au sein des expériences liées à la vie et à la mort, à
la perte, au deuil et à la souffrance (Association canadienne de
soins palliatifs, Comité des normes en soins infirmiers de l’ACSP,
2009).
Le modèle de soins infirmiers McGill :
concepts centraux
Les concepts centraux du modèle McGill comprennent la santé,
la famille, la collaboration et l’apprentissage. En bref, la santé est
un construit multidimensionnel qui incorpore des processus de
coping et de développement et qui tend vers le rehaussement de
la qualité de vie et l’atteinte d’objectifs personnels et familiaux.
La famille constitue le contexte d’apprentissage de la santé, et
elle représente à ce titre un point de mire de l’évaluation et de
l’intervention infirmières. Les soins infirmiers mettent en jeu un
processus de collaboration au sein duquel les patients et leurs
familles participent activement à la démarche de promotion de la
santé (Gottlieb & Rowat, 1987).
Le modèle McGill est essentiellement un modèle d’apprentissage puisque la promotion de la santé est considérée comme un
processus continu d’interrogation et de découverte (PugnaireGros & Young, 2007). Selon le modèle McGill, les soins infirmiers sont une science des interactions de promotion de la santé
(Pugnaire, 1981) au sein desquelles les infirmières, les patients
et leurs familles se rassemblent pour apprendre et travailler sur
des situations de santé et de la vie quotidienne (Allen & Warner,
2002). Le modèle McGill a été récemment modifié afin d’y intégrer le Developmental/Health Framework, une conceptualisation
qui articule de façon plus exhaustive la nature de la personne
et de l’environnement au sein du modèle théorique initialement
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proposé (Gottlieb & Gottlieb, 2007). Animée par les philosophies
liées aux soins holistiques, la pratique infirmière est, selon le
Developmental/Health Framework et le modèle McGill, axée sur
les forces. Cela exige que l’on reconnaisse, cultive et optimise
les attitudes, compétences, ressources et aspects positifs inhérents à la personne/famille (Gottlieb & Gottlieb, 2007). Les observations et les expériences cliniques sont interprétées au moyen
d’un langage mettant en valeur les forces et le potentiel plutôt
que de souligner les déficits ou les problèmes (Feeley & Gottlieb,
2000).
Le modèle de soins infirmiers McGill :
Ontologie de la personne
Le modèle McGill affirme que les personnes sont intrinsèquement libres de participer à leur propre expérience de santé
et d’assumer la responsabilité des choix qu’elles font. En vertu
du modèle McGill, les personnes sont des êtres pleinement conscients, flexibles et tournés vers la réflexion et la réciprocité qui
sont en fin de compte « les architectes de leur propre expérience »
(Gottlieb & Gottlieb, 2007, p.E47, trad. libre). Ils sont intrinsèquement poussés vers la réglementation, l’attachement et le coping,
parce que ces forces sont nécessaires à la survie (Gottlieb &
Gottlieb, 2007).
Le modèle McGill souligne le caractère indissociable de la personne et de son environnement, bien que l’environnement constitue un contexte discernable dans lequel les individus réalisent leur
potentiel, reflétant par là-même une conception du développement
humain nature via nurture, c’est-à-dire que l’inné joue un rôle avec
l’aide de l’environnement. Les soins infirmiers visent à promouvoir
le meilleur degré d’ajustement entre les individus et leurs environnements, et donc à faciliter une adaptation réussie (Gottlieb &
Gottlieb, 2007, p.E48).
Dans le modèle McGill, il est entendu que la personne se situe
immanquablement dans le contexte familial et, dans cette perspective, c’est la famille qui constitue « l’unité d’intérêt » (Gottlieb
& Rowat, 1987, p. 55). Même lorsque l’infirmière interagit avec
une seule personne (p. ex. le patient), elle perçoit cette personne
à travers le prisme relationnel de la famille, en reconnaissant
l’influence réciproque de l’individu et de sa famille. L’individu
et la famille sont considérés comme « des systèmes ouverts en
constante interaction entre eux et avec d’autres systèmes au
sein de leur environnement » (Gottlieb & Rowat, 1987, p. 55,
trad. libre). Le principe théorique des vies liées expose la nature
fondamentalement relationnelle de l’expérience et du développement humains, soulignant par là même que les individus existent au sein d’une toile de relations significatives. Le modèle
théorique précise que :
« Les choix d’un individu sont souvent influencés par ce qui
se passait ou se passe dans la vie d’autres personnes. Chaque
individu suit sa propre trajectoire de développement, et cette
trajectoire est solidaire de celles d’autres membres de ses
réseaux sociaux. Lorsque les soins infirmiers embrassent ce
principe, l’infirmière élargit et approfondit le point de mire
des soins en s’occupant de multiples priorités et voyant le tout
à travers un prisme intergénérationnel » (Gottlieb & Gottlieb,
2007, p. E49, trad. libre).
Le modèle de soins infirmiers McGill :
ses rapports avec d’autres théories et
modèles infirmiers
Le modèle McGill a des idées en commun avec d’autres théories des soins infirmiers. Ainsi, la plupart des théories infirmières et des modèles théoriques en soins infirmiers partagent des
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valeurs communes telles que l’holisme, l’humanisation, le sens, la
qualité de vie, la santé et le confort (Meleis, 2007; Willis, Grace &
Roy, 2008). Cependant, les perspectives théoriques divergent en
fonction de l’accent mis sur des valeurs et concepts particuliers
et de l’articulation de l’objectif primaire et de la raison d’être
des soins infirmiers. Meleis (2007) cerne quatre écoles de pensée
qui fournissent un cadre d’orientation pour la panoplie de théories infirmières existantes. Selon son analyse, le premier groupe
de théoriciens appartient à l’école des besoins (p. ex. Henderson,
Orem). Ces théoriciens se concentraient sur les problèmes, les
déficits et les besoins non satisfaits des clients des soins infirmiers. Le deuxième groupe de théoriciens est lié à l’école de l’interaction (p. ex. Paterson et Zderad, Peplau). Ces théoriciens ont
complété les questions soulevées par l’école des besoins et ont
porté leur attention théorique sur la relation entre le client et l’infirmière. Ils posaient les soins infirmiers comme étant un processus interpersonnel survenant entre une personne ayant besoin
d’aide et une personne capable de lui fournir cette aide. Le troisième groupe concerne l’école des effets souhaités (p. ex. Johnson,
Rogers, Roy). Ses théoriciens s’intéressaient prioritairement au
pourquoi des soins infirmiers, aux résultats finals pouvant être
atteints par le truchement de la démarche infirmière. Ils s’attachaient à la relation du client à son environnement et assignaient
aux soins infirmiers un rôle de fourniture d’équilibre, de stabilité
et d’adaptation. Enfin, les théoriciens de l’école du caring (Watson
et Parse) ont introduit la notion selon laquelle les soins infirmiers
sont une activité relationnelle axée sur les rapports, le dialogue
et la présence.
D’après l’organisation de Meleis, dans les trois premières
écoles de pensée ci-dessus, la prise de décision échoit principalement au prestataire de soins. À cet égard, le modèle McGill
rejoint le seul paradigme du caring en ce qu’il accorde une
priorité primaire et fondamentale aux clients en tant qu’architectes de leur propre expérience et que responsables ultimes
des décisions qui les touchent. En revanche, le modèle McGill
s’éloigne de la doctrine de l’école du caring dans son approche du coping et du développement à titre de concepts théoriques centraux. Parse, par exemple, conçoit la santé comme un
engagement personnel que chaque être humain vit en incarnant
ses priorités de valeur dans son rôle d’auteur (Parse, 1990). Elle
écrit ainsi que la santé « n’est pas une entité linéaire qui peut
être interrompue ou qualifiée à l’aide de termes tels que bonne,
mauvaise, plus ou moins. Elle ne consiste pas à s’adapter à l’environnement » (Parse 1998, p. 32, trad. libre, les mots en italique étaient mis en évidence dans la version originale). Selon
le modèle McGill, les individus progressent vers une meilleure
santé par le biais des processus de coping et de développement.
Le coping est la manière dont les individus réagissent aux situations et le développement se rapporte à l’atteinte des buts dans
la vie (Gottlieb & Rowat, 1987).
Examiné à la lumière des autres théories infirmières existantes, le modèle McGill se distingue par l’utilisation qu’il fait d’un
cadre d’apprentissage pour les soins infirmiers et pour la promotion de la santé et par la prépondérance de concepts particuliers
et leur organisation. Le modèle McGill préconise une philosophie
de la pratique qui est axée à la fois sur le patient et sur la famille,
sensible à la situation et fondée sur la collaboration. La prépondérance accordée aux soins axés sur la famille est cohérente avec
les philosophies formulées des soins infirmiers familiaux (p. ex.
Wright & Leahey, 2004). Le modèle McGill situe l’infirmière en
tant qu’apprenante, partenaire et accompagnatrice tandis que
les clients traversent les épreuves de santé et de maladie. Le rôle
de l’infirmière consiste à aider les individus à progresser vers un
bien-être et une qualité de vie rehaussés en fonction de modalités qu’ils définissent eux-mêmes.
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Exemple tiré de la pratique clinique
« …un jour, j’ai œuvré auprès d’une jeune femme atteinte
d’un cancer très avancé. Je n’ai jamais vu de ma vie une
personne tellement décharnée. Mais il y avait quelque chose
à propos de cette femme—un état d’esprit sans pareil. J’ai
pris soin d’elle durant la matinée et vers midi, je lui ai dit
spontanément, « vous savez, vous avez un esprit extraordinaire ». Tout en disant cela, je pensais également : « Quelle
ironie qu’une telle chaleur et qu’un tel esprit émanent d’un
corps aussi malmené ». Elle s’est alors rendue, bien difficilement, jusqu’à son bureau et en a tiré une enveloppe fermée.
Elle m’a montrée une photo d’elle qui avait été prise dix mois
auparavant alors qu’elle était en vacances. On y voyait une
femme souriante en maillot de bain qui révélait ses courbes voluptueuses. C’était sa façon de me dire « Voici qui je
suis ». La photo avait saisi la force d’esprit que j’avais moimême observée. Ce fut le point de départ de notre conversation sur les multiples changements qu’elle avait éprouvés.
Le plus grand d’entre eux était l’incroyable modification de
son apparence physique. J’ai vite appris de notre discussion
que son but était de ne pas céder à l’amertume. Elle a ainsi
déclaré : « Je ne veux pas devenir amère au sujet de tout cela,
je veux demeurer qui je suis, conserver cet état d’esprit, l’essence de mon être malgré ce que les gens voient à l’extérieur. « Je venais à peine de rencontrer cette femme quand
cet échange s’est produit, mais parce que j’avais appris à la
connaître rapidement, ainsi que ses buts, notre relation de
collaboration s’est poursuivie pendant quelques semaines. »
(Gottlieb & Feeley, 2005, p. 114; passage dû à Heather Hart,
une infirmière en soins palliatifs, trad. libre).
Dans cet exemple, l’infirmière est prête à être émerveillée
par ses patients. Elle cerne la force d’esprit d’une femme chez
qui d’aucuns ne verraient que maladie, faiblesse et mourir. En
faisant l’éloge de cette force, l’infirmière déblaie un espace où
pourront survenir apprentissage et exploration. La patiente
choisit de partager sa photographie et de participer à un dialogue où elle approfondit les changements qu’elle a subis. Grâce à
cette démarche, l’infirmière parvient à comprendre sa patiente,
à bien saisir ses priorités et à découvrir son but en matière de
santé.
Cet exemple est éloquent parce qu’il illustre comment une
démarche infirmière qui vise à cultiver les forces et à favoriser
la collaboration amène la prestataire à connaître ses clients à un
niveau radicalement différent de ce qui est autrement possible.
Comprendre le but que s’est donné cette mourante peut alors
orienter la planification et la prestation de soins véritablement
axés sur le patient.
Intégration du modèle McGill
aux soins en fin de vie
Dans les sections qui suivent, deux dimensions de la philosophie de la pratique tirées du modèle McGill sont examinées en lien
direct avec le contexte des soins en fin de vie : 1) transitions et
niveau de préparation, et, 2) soins axés sur la famille.
Transitions et niveau de préparation
Quoiqu’ils s’appliquent aux soins infirmiers en général, les
concepts de transitions développementales et situationnelles
revêtent une importance particulière dans les contextes de fin de
vie. Selon Twycross (2007), l’objectif fondamental des soins de
fin de vie est d’aider les patients et les familles à faire la transition « de la lutte contre la mort à la recherche de la paix » (p. 9,
trad. libre). Pourtant, les limites entre les approches purement
« curatives » (thérapie visant à agir sur la maladie dans le but de
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prolonger la vie) et les approches purement « palliatives » (thérapie visant à agir sur les symptômes dans le but de rehausser la
qualité de vie) ne sont jamais nettes ni absolues. Par exemple,
beaucoup de patients en oncologie reçoivent des traitements anticancéreux conçus pour rehausser la qualité de vie voire prolonger
la survie, même s’ils ne sont pas faits pour guérir la maladie. Les
infirmières jouent un rôle central en aidant les patients et leurs
proches à s’y retrouver dans le changement d’objectif des soins à
la fois délicat et graduel accompagnant l’évolution de la maladie
et l’approche de la mort.
D’après une étude basée sur l’analyse par théorisation ancrée
qui explorait les déterminants de soins optimaux en fin de vie du
point de vue d’infirmières d’hôpital, la « création d’un havre pour
un passage sans heurts » est un thème fondamental des soins
optimaux en fin de vie (Thompson, McClement & Daeninck, 2006,
p. 93, trad. libre). Plusieurs obstacles à la réussite de la transition (« le changement de file » des soins curatifs aux soins palliatifs) ont été dégagés dans cette étude. Il s’agissait notamment des
suivants : 1) le déni de la mort par les infirmières, les médecins,
les patients et leurs familles, 2) la difficulté d’établir des pronostics exacts, et enfin, 3) les perspectives divergentes sur ce qu’on
entend par soins optimaux de fin de vie dans les contextes de
soins. Inversement, la réussite de la transition est facilitée lorsque les patients, leurs familles et les prestataires de soins ont
tous conscience de l’imminence de la mort et qu’ils l’acceptent
pleinement :
« … les infirmières, les médecins, les patients et leurs proches
doivent clairement comprendre que la personne touchée ne
se rétablira pas de sa maladie et que le pronostic est extrêmement sombre … quand les patients et leurs proches comprennent clairement la nature et le pronostic de la maladie
et quand les discussions sur la fin de vie se produisent alors
que le patient est encore capable de participer à la prise de
décision, les infirmières indiquaient que le changement de
file se passait plus rapidement et plus en douceur » (p. 95,
trad. libre).
Les infirmières ayant participé à cette étude soulignent le rôle
important que les soins infirmiers peuvent jouer dans l’accompagnement des patients et des familles dans leur cheminement
de fin de vie, notamment en allégeant le fardeau de la perte
imminente par la fourniture d’information et de soutien. Par
contre, elles sont plus silencieuses sur la meilleure façon d’aider
les patients et leurs familles qui ne sont pas prêts, ne désirent
pas — ou — refusent de reconnaître l’imminence de la mort. Pour
certains d’entre eux, discuter avec les professionnels de la santé
de l’acceptation de leur propre mourir ou du mourir d’un membre de la famille peut ne pas correspondre à leurs besoins. Il
arrive peut-être trop fréquemment que les soins infirmiers imposent de formidables attentes aux patients en phase terminale et
à leurs familles en exigeant qu’ils lâchent prise face à l’inévitabilité du mourir (Lowey, 2008). D’un autre côté, nous semblons
être moins aptes à manifester tolérance et respect vis-à-vis des
modes d’adaptation divergents que sont l’espoir, l’évitement ou
le déni. Ce que nous nommons problématique peut en fait être ce
qui convient le mieux à certains patients et à certaines familles.
Une récente étude réalisée par Sjolander, Hedberg, Ahlstrom et
al. (2011) rapporte que, dans le contexte d’un diagnostic de cancer avancé, certaines familles font front commun dans le but
de chasser toute pensée de perte imminente. Ces familles « ne
savent pas combien de temps la personne a encore à vivre, et
elles ne veulent pas vraiment le savoir non plus » (p. 3–4, trad.
libre, le mot en italique était mis en évidence dans la version
originale). En effet, une bonne mort est grandement individuelle
et variable — pour une personne donnée, une bonne mort peut
signifier renoncement, acceptation et paix tandis que pour une
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autre, cela voudra dire pouvoir revendiquer s’être accrochée à
la vie jusqu’à son dernier soupir. Comme Quill, Arnold et Back
(2009) l’ont observé,
« Il y a des patients et des familles qui accordent une bien
plus grande valeur au prolongement de la vie qu’à l’évitement des souffrances inutiles; il y en a d’autres qui ne font
pas suffisamment confiance au système médical pour abandonner un quelconque traitement, et d’autres encore qui
ne souhaitent pas être confrontés à l’éventualité de mourir.
Une fois que le patient articule clairement sa philosophie en
faveur de tous les traitements possiblement efficaces, même
s’ils sont pénibles ou invasifs, tout poursuite des négociations visant à fixer des limites est peu susceptible de produire des résultats et peut paraître abusive » (p. 348, trad.
libre).
La pratique infirmière imprégnée du modèle McGill s’inscrit
explicitement au sein d’un cadre de pratique sensible à la situation en vertu duquel les interventions sont personnalisées afin de
les rendre congruentes au niveau de préparation du client et de
les dispenser aux moments optimaux (Dalton & Gottlieb, 2003;
Gottlieb & Feeley, 2005). Lorsque les individus et les familles envisagent le changement, l’infirmière et le client participent à une
démarche de réflexion en collaboration. Les interventions comprennent le recadrage d’enjeux qui peuvent être considérés sous
un jour nouveau, et la sensibilisation en mettant en évidence les
similitudes et les différences entre diverses situations et en soulignant les changements observés (Gottlieb, 1997). Lorsque les
familles franchissent la transition vers la fin de vie et qu’elles se
voient offrir les soins palliatifs de « réconfort » comme option thérapeutique, l’infirmière pourrait, par exemple, recadrer la croyance
selon laquelle les soins palliatifs signifient « qu’on ne peut plus
rien faire » en la remplaçant par la perspective qui veut que les
soins palliatifs soient synonymes de gestion agressive des symptômes et d’accompagnement rapproché et régulier à la fois pour le
patient et pour sa famille.
L’infirmière dont la pratique s’inspire du modèle McGill comprend bien que les patients et les familles peuvent être prêts à
changer certains aspects de leur situation mais pas d’autres;
le niveau de préparation est à la fois un état et une démarche.
Cette réalisation est cruciale pour la prestation efficace de soins
infirmiers de fin de vie étant donné que les soins palliatifs ne
constituent pas une approche tout ou rien. Ils représentent plutôt un paysage complexe d’activités de la vie quotidienne où les
gens continuent de prendre des décisions relativement à divers
aspects de leurs soins et de leur vie. Il existe en effet une grande
variation parmi les familles et les individus en ce qui concerne la
mesure dans laquelle ils « se battent contre la mort » ou « recherchent la paix » à l’approche de la mort. Nous autres infirmières
devrions continuellement nous demander où en sont le patient et
ses proches et ce que nous pouvons faire, ensemble, pour offrir le
maximum d’aide et de soutien à ce stade particulier. Les patients
et les familles vivant des situations de fin de vie jouissent d’une
pleine habilitation, maintiennent ou retrouvent un sentiment de
contrôle grâce aux interventions infirmières qui leur donnent des
occasions de faire le deuil de leurs pertes, de faire face à un avenir incertain et de célébrer les réussites et réalisations de toute
une vie.
Lorsqu’elles assimilent le concept de la préparation présenté
dans le modèle McGill, les infirmières sont appelées « à évaluer le
niveau de préparation afin de préparer leurs clients à travailler
sur leur santé, … à créer les conditions favorisant le niveau de
préparation et … à assumer les rôles qui aident les patients à
se préparer au changement » (Dalton & Gottlieb, 2003, p. 115
(trad. libre). Le modèle McGill préconise aux infirmières œuvrant
auprès de patients en fin de vie et de leurs familles de suivre
l’exemple de leur client concernant la mesure dans laquelle le
travail sur l’acceptation de la mort imminente — au moyen de
conversations, de la résolution de problèmes et de la prise de
décision — est réellement désirable et utile. Plutôt que d’encourager les patients et leurs proches à reconnaître leur situation et
à y faire face, l’infirmière concentre son attention sur sa propre
attitude, en acceptant le cheminement de son client et en reflétant son mode d’adaptation. Cette approche est illustrée par le
compte rendu clinique rédigé par une infirmière en oncologie
prodiguant des soins à un jeune homme du nord de l’Alberta :
« Il était plutôt avare en mots. Ce n’était pas son style. Je
savais que dialoguer serait trop pour lui. Ce n’était pas nécessaire. Quand j’observais ses proches autour de lui, surtout sa
mère qu’il aimait beaucoup, ils étaient tous très taciturnes. Ils
se contentaient de rester assis auprès de lui. Ce qui fait que
quand je lui prodiguais des soins, j’essayais de modeler mon
comportement sur le leur… [afin de] manifester du respect
pour la position qu’il adoptait, pour sa culture, sa manière
d’être… » (Perry, 1998, p. 22, trad. libre).
Dans cet exemple, l’objectif de soin revient à faire confiance
au patient et à sa famille à titre d’experts sur tout ce qui les
concerne et à honorer qui ils sont et ce qu’ils font à ce moment
précis. L’infirmière se met à leur disposition et leur fournit un
accompagnement. Elle offre son expertise lorsqu’il convient et
n’impose pas de programme inopportun. Du point de vue de l’infirmière, l’acceptation signifie découvrir et épouser les caractéristiques propres à chaque client/famille, offrir présence
et intervention en utilisant une approche attentiste (Feeley &
Gottlieb, 1998).
Soins collaboratifs axés sur la famille
Une perspective où les soins sont axés sur la famille constitue
le fondement des soins infirmiers en fin de vie (Chekryn Reimer,
Davies & Martens, 1991). L’appui fourni aux familles durant les
phases terminales de la maladie des patients a une incidence positive sur l’ajustement au deuil (Dumont, Dumont & Mongeau, 2008).
Selon la constatation de Fanslow-Brunjes (2008),
« le mourant et sa famille et autres êtres chers [doivent] être
considérés comme une seule unité, tout comme on le fait souvent avec la mère et son enfant. Il convient de les percevoir
de cette façon car, d’une façon particulière et originale, ils se
meurent tous » (p. 81, trad. libre).
En outre, notre orientation vers la perspective et les besoins
de la famille est une marque de respect à l’égard du patient luimême. En honorant les relations et les êtres qui lui sont chers,
nous reconnaissons voir dans notre client un être relationnel pour
qui d’autres individus ont revêtu de l’importance et qui revêt
encore de l’importance pour autrui.*
Quoiqu’il soit généralement entendu que les soins axés sur
la famille font partie intégrante de la philosophie des soins palliatifs, ils représentent souvent davantage un idéal qu’une réalité dans la pratique (Kristjanson & Aoun, 2004). Les modèles
théoriques en soins infirmiers qui soulignent l’importance de la
famille sont donc d’une grande valeur pour la pratique des soins
*Dans le cas de certains patients, il se peut qu’aucun membre de la famille ne soit présent. Pour d’autres, il est possible qu’il n’y ait aucune
famille. Cette discussion sur les « soins infirmiers axés sur la famille » se réfère à la prestation de soins aux individus
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de fin de vie en ce qu’ils approfondissent notre compréhension
du patient individuel puisque ce dernier se situe invariablement
dans un contexte familial original. De plus, les approches axées
sur la famille permettent aux infirmières d’intervenir directement
auprès des membres de la famille qui ont leurs propres besoins
de soutien dans ces situations de fin de vie.
Bien que la majorité des conceptualisations des soins infirmiers abordent les besoins de la famille d’une manière ou d’une
autre, le modèle McGill inclut les relations familiales au sein
même de sa conceptualisation de la personne (rappelant en cela
le concept des vies liées). Selon Gottlieb et Gottlieb (2007),
« [Moyra] Allen avançait que l’unité de soins est la famille
plutôt que le seul individu puisque c’est au sein de la famille
que les individus font leur apprentissage sur la santé (c.-à-d.
comment s’adapter) et que chacun des problèmes est un phénomène familial. Dans notre nouvelle conceptualisation, les
soins infirmiers tournent leur attention à la fois vers l’individu et vers sa famille; l’individu considéré dans le contexte
de la famille ainsi que la famille considérée comme unité de
soins. Membre de la famille est défini dans le modèle McGill
comme étant toute personne que le patient désigne comme
faisant partie de sa famille. Quoique l’infirmière n’œuvre
pas toujours auprès de la famille en tant qu’unité de soins,
l’infirmière garde la famille à l’esprit et bon nombre des
interactions infirmière-patient sont à tout le moins examinées dans une optique familiale, le cas échéant » (p. E54–55,
trad. libre).
Le modèle McGill décrit explicitement le partenariat de collaboration établi avec les familles en tant que composante essentielle de la relation infirmière (Gottlieb & Rowat, 1987). Un
partenariat de collaboration amène l’infirmière et la famille à
œuvrer ensemble à l’atteinte de buts définis en toute mutualité,
par le truchement de démarches de négociation et de partage du
pouvoir (Gallant, Beaulieu & Carnevale, 2002). Selon l’approche
de soins prônée dans le modèle McGill, les familles possèdent en
elles-mêmes des forces et des ressources qui lui donnent la capacité de faire face aux défis de santé (Feeley & Gottlieb, 2000). Les
stratégies infirmières visant à promouvoir une pratique en collaboration axée sur la famille et sur ses forces dans l’optique du
modèle McGill, comprennent notamment solliciter activement la
perspective et les croyances de la famille et aider les membres
de la famille à explorer, clarifier leurs besoins et leurs valeurs.
Cette démarche de soins exige une ouverture d’esprit et le respect de la famille ainsi qu’une attitude d’acceptation, de la souplesse et une absence totale de jugements négatifs (Gottlieb &
Feeley, 2005).
La collaboration avec les patients et leurs proches constitue la
pierre angulaire d’une pratique efficace des soins infirmiers de
fin de vie. Le patient n’est pas seul à avoir besoin de soin : il est
essentiel que les membres de la famille reçoivent eux aussi attention et soins durant cette période synonyme de transition et de
changement pour eux (Chekryn Reimer, Davies & Martens, 1991).
En outre, les infirmières en oncologie œuvrent souvent auprès de
familles de patients qui ne peuvent plus exprimer leurs souhaits
(p. ex. patients comateux, patients sous sédation ou pour lesquels
la mort est réellement imminente). Dans ces situations-là, les
familles deviennent un atout important pour l’infirmière qui fait
la connaissance du patient par l’intermédiaire de sa famille (p. ex.
sa personnalité, sa biographie, ses préférences, ses valeurs).
Intervenir auprès de la famille signifie soutenir la participation
des proches aux soins de leur être cher ainsi que leur participation à la prise de décision. À la fin de la vie, des choix sont faits
de manière continuelle, et les familles font invariablement partie
intégrante du processus décisionnel. De plus, une fois le patient
décédé, ce sont les proches qui doivent vivre avec les décisions
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qui ont été prises. Il s’agit notamment des décisions concernant
la gestion de la douleur, de la manière de réagir aux diverses circonstances à mesure qu’elles surviennent (p. ex. infection, déshydratation/malnutrition, trouble métabolique) et s’il convient ou
non d’aborder avec le patient l’imminence de sa mort (Callanan,
2008). D’autres décisions moins spectaculaires sont prises constamment à mesure que s’organisent les soins infirmiers destinés
au mourant et les familles apprécient généralement pouvoir faire
entendre leur voix concernant ces décisions. Par exemple, l’infirmière devrait-elle retourner et repositionner le patient maintenant ou bien revenir le faire un peu plus tard? Serait-il préférable
qu’elle aide à baigner le patient dans la matinée ou dans la soirée?, et ainsi de suite.
Les membres de la famille ne forment pas un ensemble homogène mais plutôt un groupe varié d’individus ayant des voix,
perspectives et intérêts multiples (Meiers & Brauer, 2008). Les
infirmières prodiguant des soins aux familles dont un membre est en phase terminale œuvrent ainsi dans un paysage aux
multiples vérités et réalités; il n’y tout simplement pas une
seule bonne façon de considérer un problème ou une situation
donné(e) (Leahey & Harper-Jaques, 1996). La perspective tirée du
modèle McGill appuie utilement les soins infirmiers dans ce contexte puisqu’elle accorde la priorité au développement de partenariats de prestation de soins avec les membres de la famille. Ces
relations permettent d’encourager l’expression de perspectives
possiblement divergentes et de partager et d’explorer ces dernières. Cela signifie apprendre auprès des familles dans le cadre
d’interventions comme écouter et poser des questions pertinentes plutôt que jouer le rôle d’experte et dire aux proches ce qu’il
faut faire (Gros & Ezer, 1997). L’infirmière se donne comme priorité de faire confiance à la famille au lieu de tenter d’amener la
famille à lui faire confiance (Pugnaire-Gros & Young, 2007). Ainsi,
en s’impliquant ensemble dans une démarche de découverte et
d’apprentissage, l’infirmière dont la pratique s’inspire de la perspective prônée par le modèle McGill, œuvre auprès des membres
de la famille d’une manière qui reflète l’approche qu’elle utilise
avec le patient individuel (Gros & Ezer, 1997).
Travailler auprès des familles faisant face à des situations de
fin de vie n’est ni facile ni simple. Il se peut que les infirmières
aient de la difficulté à accepter ou même à comprendre les attitudes, comportements ou approches des membres de la famille
(Wright et al., 2009). Il est possible que les proches s’ingèrent
dans les soins que l’infirmière s’efforce de prodiguer (p. ex. interdire l’administration d’un médicament ayant pour but d’assurer
le confort du patient). Ceci peut grandement frustrer l’infirmière
qui pourra réagir en adoptant une attitude relationnelle de confrontation ou d’évitement. Mais comme Cicely Saunders nous
le rappelle, la façon dont les gens meurent reste gravée dans la
mémoire de ceux qui leur survivent. Les soins infirmiers que nous
dispensons lors des derniers mois, jours, heures et minutes de la
vie d’un patient sont appelés à faire partie des récits qui seront
racontés à maintes reprises par les proches tandis qu’ils se créent
et vivent leur deuil. Les infirmières en oncologie ont le devoir
éthique de personnaliser leurs soins de manière à ce qu’ils apportent aide et soutien aussi bien aux proches qu’au patient individuel. À cet égard, il est utile de disposer d’un cadre théorique
plaçant l’expérience morale de la famille au centre des phénomènes d’importance pour la pratique infirmière. Comme la citation
ci-dessous l’indique, l’étape du mourir peut produire des scènes
horribles dont les gens se souviendront. Le fait de rester avec les
patients et d’être témoins de leur souffrance est essentiel à la
création d’un contexte pour l’expérience du mourir vécue par le
patient et par sa famille.
« Elle était tellement malade. Elle se vidait de son sang devant
mes yeux et il n’y avait pas grand-chose que je puisse faire,
ni quiconque d’autre, d’ailleurs. Alors que je l’aidais à se
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remettre au lit, ses trois beaux fils adolescents se sont reculés
vers le mur et l’ont regardée, horrifiés. … Je me suis assise
sur son lit et j’ai pris sa main dans la mienne en la serrant
fort. En écartant de mon cerveau toute pensée… j’ai laissé
mon énergie s’écouler vers elle. À mesure que les secondes
s’égrenaient en silence, j’ai senti venir en moi une partie de
son âme. Ce fut un moment de transformation pour moi,
C’est à ce moment précis que je suis devenue infirmière »
(Perry, 1998, p. 11, trad. libre).
Discussion
Le modèle McGill inspire les infirmières œuvrant auprès des
patients en phase terminale du cancer et leurs familles à adopter une approche relationnelle en harmonie avec la philosophie
des soins palliatifs. La position prise par l’infirmière en est une
de réconfort, de soutien et de présence régulière qui, loin d’imposer un programme particulier, offre accompagnement, respect
et compréhension. Cette relation devient le contexte favorisant
l’apprentissage et la découverte mutuels. L’infirmière est bienveillante, ouverte à l’autre, souple, curieuse et engagée. Elle
incarne les valeurs fondamentales du modèle McGill et voit à leur
réalisation : collaboration, pratique axée sur les forces, apprendre avec les patients et leurs proches tandis qu’ils traversent les
situations quotidiennes associées à la fin de vie.
Les idées tirées du modèle McGill nourrissent discussions et
débats parmi les infirmières en oncologie sur les significations
des soins infirmiers axées sur la collaboration et sur la famille,
sur le travail effectué auprès des patients et de leurs proches
vivant des transitions et, finalement, sur la manière dont nous
pouvons le mieux servir les communautés dans lesquelles nous
exerçons. La nature collaborative des soins infirmiers et leur sensibilité aux situations telles que décrites dans le modèle McGill
et telles qu’appliquées à la pratique infirmière en phase terminale, pourraient inspirer en nous un sentiment d’humilité autour
de ce qui constitue une bonne mort et de notre rôle de facilitation en la matière. Il est possible que nous soyons fortement
attachées à nos propres idées sur ce que bien mourir veut dire.
Nous pouvons être persuadées que notre expérience nous donne
le droit d’encadrer les patients et leurs familles vers leurs propres expériences en matière de bonne mort. Néanmoins, il nous
faut être conscientes du rôle que nous jouons dans les expériences du mourir des autres. En dernier ressort, notre rôle consiste
à exprimer aux personnes mourantes qui nous sont confiées et
à leurs proches qu’elles comptent pour nous, et que nous nous
engageons à les aider à vivre leur expérience de fin de vie de la
manière qu’ils l’entendent, selon leurs propres termes. Ces idées
sont illustrées dans la réflexion suivante d’une infirmière en
oncologie :
« Faire sentir au patient qu’il est la personne la plus importante au monde, même si ce n’est que durant les moments
que vous passez auprès de lui, voilà ce qui devrait être notre
but… j’en ai fait mon but… Ce sont les petites choses qui
aident le patient à se sentir important, tel que la façon dont
vous pénétrez dans la pièce. Je ralentis consciemment mes
pas lorsque j’entre. Je prends le temps de m’asseoir dans
la chambre du patient et d’écouter réellement ses préoccupations …Vous lui laissez savoir que sa vie compte encore.
Même si ce n’est que pour cet instant, il compte pour quelqu’un » (Perry, 1998, p. 119, trad. libre).
Conclusion
La prestation de soins holistiques et intégrés aux patients et
aux proches qui traversent le continuum des soins de cancérologie exige une collaboration entre la sphère oncologie et la sphère
soins palliatifs de la pratique infirmière. Les infirmières en oncologie et les infirmières en soins palliatifs ont beaucoup à apprendre
les unes des autres et à s’enseigner mutuellement tandis qu’elles
s’efforcent de répondre aux besoins complexes de leurs patients
atteints de cancers avancés. La philosophie des soins palliatifs,
qui constitue essentiellement un ensemble d’idées concernant la
reconnaissance de la mort et le maintien de la qualité de vie en
dispensant des soins holistiques et axés sur la personne/famille,
peut être adoptée avantageusement par toutes les infirmières
œuvrant dans les milieux oncologiques. En utilisant le modèle
McGill comme cadre de référence, les infirmières en oncologie
peuvent découvrir de nouvelles façons d’exercer qui les amènent à
demeurer fidèles à la philosophie des soins palliatifs sous-jacente,
à la garder en tête puisque leur objectif final est d’apporter la plus
grande assistance possible aux personnes faisant face à des situations de fin de vie.
Remerciement
Nous souhaitons remercier Andrea Witkowski, inf., M.Sc.(A), CSIO(C),
de sa rétroaction et de ses commentaires mûrement réfléchis
concernant une ébauche de cet article.
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