23ème Congrès de la Société Française de Rhumatologie Paris Symposium du 30 Novembre 2010 Place du dosage des Anti-TNFα et des anticorps anti-biologiques dans le monitoring des patients traités par ces médicaments au long cours. “ Pr. Xavier Mariette, Service de Rhumatologie CHU Le Kremlin-Bicêtre Nous sommes réunis ce matin pour un symposium organisé par Biomedical Diagnostics, pour parler d’un sujet qui va devenir indispensable dans la gestion des traitements biologiques de certaines maladies inflammatoires c’est-à dire la place du dosage des anti-TNFα dans le monitoring des patients traités par ces médicaments au long cours. Ces dernières années, ces traitements biologiques ont pris une importance fondamentale dans le traitement des maladies inflammatoires. Il est assez surprenant qu’alors même que l’on module la dose, il n’y ait actuellement aucun outil de suivi du dosage de ces médicaments afin d’essayer d’en préciser au mieux l’efficacité et la tolérance. Probablement que dans les années à venir, avec la mise à disposition de nombreux traitements biologiques, il deviendra indispensable de suivre de façon plus fine ce que l’on fait chez tous ces patients. C’est tout l’intérêt de cette nouvelle voie de recherche : doser les médicaments et rechercher une immunisation contre ces médicaments pour tenter d’avoir un traitement individualisé, plus adapté pour chaque patient. La première conférence porte justement sur ce concept de clairance des médicaments biologiques, et met en évidence l’existence d’une adaptation individuelle dont il faut absolument tenir compte pour identifier la meilleure stratégie thérapeutique. Les quatre exposés qui suivent présentent les premiers résultats encourageants de l’utilisation du dosage de ces traitements biologiques et des anticorps anti-biologiques. Cette technique, déjà disponible aujourd’hui, devrait être mise en place à grande échelle dans les tout prochains mois afin de permettre un monitoring pour une plus large proportion de nos patients. ” Les intervenants et Monsieur Michel Finance, Président de BMD 2 Nous avons appris avec émotion la disparition du Professeur Émilie et tenons ici à lui rendre hommage. Pr. Dominique Émilie, Pôle Immunologie INSERM (Clamart) À Mécanismes de la clairance des anticorps thérapeutiques l’heure actuelle, on a identifié au moins 3 mécanismes qui contribuent à la demi-vie des protéines d’usage thérapeutique (essentiellement des monoclonaux), avec à chaque niveau des possibilités d’hétérogénéité entre individus. Le premier mécanisme est lié à la fonction du récepteur néonatal. Ce récepteur, exprimé à la surface de nombreuses cellules (endothéliales, épithéliales, macrophages), permet le maintien du niveau des Immunoglobulines (Ig) dans le sang. Chez certaines espèces, il transporte aussi les Ig maternelles à travers les membranes (placenta, barrière intestinale), d’où son nom. Il peut également influencer la demi-vie des Ig circulantes, leur fixation en milieu acide avec le récepteur les protégeant de la dégradation par les lysosomes permettant ainsi un recyclage permanent. Le récepteur néonatal est saturable et présent en quantité limitée. Par conséquent le degré de protection est lié à la quantité d’IgG circulantes. Si la concentration sérique des IgG est très élevée, le temps de demi-vie est très bref en raison de la saturation du récepteur néonatal. La relation qui existe entre l’affinité avec le récepteur néonatal et la demi-vie des monoclonaux est de type linéaire: plus l’affinité est grande plus la demi-vie du monoclonal est longue. Il existe cependant quelques exceptions à l’instar des anticorps chimériques . Fort de ce constat, des dérivés d’anticorps monoclonaux thérapeutiques ayant une affinité accrue pour le récepteur néonatal sont en cours de développement. Dans des modèles animaux, on est parvenu à mettre en évidence que l’efficacité thérapeutique de ces monoclonaux ainsi mutés était augmentée de façon proportionnelle à leur temps de demi-vie plasmatique. Un autre mécanisme important contribue au temps de demi-vie des monoclonaux à usage thérapeutique, c’est la formation d’immuns complexes. En cas d’immunisation, l’anticorps monoclonal se retrouve couvert par des anticorps dirigés contre lui-même et est donc éliminé sous forme d’immuns complexes. A la baisse de concentration des anticorps monoclonaux circulants s’associe une activation du système immunitaire. Enfin, le dernier mécanisme impliqué est une « consommation » de l’anticorps monoclonal par la cellule cible. Si l’anticorps reconnaît une protéine membranaire et active le complément, il sera détruit en même temps que la cellule-cible, sinon il peut induire l’apoptose de cette cellule cible comme c’est le cas du rituximab et des monoclonaux anti-CD20. Il a été démontré qu’il y avait une consommation du monoclonal d’usage thérapeutique en fonction de la masse des cellules-cibles dans un modèle murin et que l’équivalent était possible chez l’Homme comme dans le cas des traitements par infliximab. En cas d’inflammation importante, la «masse cellulaire inflammatoire” va consommer l’infliximab ce qui explique qu’en résiduel on ait une concentration inférieure à celle des patients moins inflammatoires. 3 paramètres sont impérativement à prendre en compte si l’on veut comprendre les différences interindividuelles : une possibilité d’hétérogénéité génétique, les caractéristiques de la maladie ou encore un phénomène d’immunisation. 3 Dr. Makoto Miyara, Médecine Interne et Laboratoire d’immunologie cellulaire et tissulaire, CHU La Pitié-Salpêtrière de Paris C Lisa tracker: expérience pratique à travers l’évaluation de 3 équipes ette étude rétrospective a pour objectif d’évaluer le dosage du TNF, du médicament et des anticorps anti-médicament dans le sérum de patients traités par anti-TNF. Elle inclut 2 types de patients : ceux qui répondent pour vérifier que l’on parvient à doser le médicament et ceux qui deviennent réfractaires ou qui sont en échappement thérapeutique. Au total, l’étude a porté sur 104 sérums de 21 patients traités par Infliximab, 52 sérums de 17 patients traités par Adalimumab et 26 sérums de 10 patients traités par Etanercept. Les patients inclus sont en majorité traités par Infliximab pour une indication de polyarthrite rhumatoïde (PR) mais les autres patients sont atteints d’uvéite, de spondylarthrite (SA), ou encore d’une maladie de Still. On observe un échappement au traitement chez 14/21 des patients traités par Infliximab, 12/17 des patients traités par Adalimumab et 7/10 des patients traités par Etanercept. Pour les patients traités successivement par Infliximab et Adalimumab, le dosage en parallèle de ces deux médicaments met en évidence une réactivité croisée puisque la technique ELISA impliquée reconnaît la fraction Fc commune à tous les médicaments. En pratique, en cas de demande de dosages LISA TRACKER, il faudra donc bien préciser la molécule prescrite au malade. Cette étude a fait émerger l’existence de profils. On peut ainsi identifier des sous-groupes de malades en fonction du profil des modifications de détection d’anticorps ou de cytokines. La situation attendue en cas d’échappement thérapeutique est la détection de TNF. Le TNF qui est assez labile, peut en effet être difficile à détecter s’il n’est pas conservé dans des conditions optimales (congélation rapide). En revanche, les patients chez qui l’on détecte du TNF sont des patients avec des taux de TNF extrêmement élevés. Par ailleurs, les patients ayant du TNF et des taux de médicaments très élevés en résiduel sans anticorps de résistance correspondent probablement à un autre mécanisme de résistance. Enfin, ces dosages pourraient être un outil d’observance intéressant pour les médicaments prescrits par voie sous-cutanée et donc potentiellement administrés à domicile comme l‘Etanercept et l‘Adalimumab car on sait que malgré l’enjeu vital de ces maladies chroniques sévères, l’observance n’est pas parfaite. La qualité de conservation des sérums est un facteur essentiel de la bonne utilisation des kits LISA TRACKER, tout comme la corrélation de la clinique à la présence d’anticorps et le suivi après la modification thérapeutique. Ces kits ont tout à fait leur place dans l’immunosurveillance des malades sous biothérapie même s’il reste à déterminer leur place dans la prise en charge globale de ces patients. En cas d’échappement au traitement, il faut évaluer l’impact sur le coût des biothérapies, ce qui pourrait être fait à l’avenir par un algorithme décisionnel standardisé. 4 C Pr. Corinne Miceli, Dr Fabien Vincent , service de Rhumatologie, CHU Le Kremlin-Bicêtre ette étude prospective multicentrique réalisée entre 2003 et 2010 par les CHU de Kremlin Bicêtre, de St-Antoine et de Rouen porte sur le dosage des anticorps anti-médicaments dirigés contre les anti-TNF (Etanercept, Adalimumab et Infliximab) et vise à identifier un éventuel facteur prédictif de réponse après rotation d’anti-TNF. En effet, 30 à 40% des patients PR et SP sous anti-TNF sont en échec thérapeutique et la moitié de ces échecs est améliorée soit après intensification thérapeutique soit après rotation (changement d’anti-TNF). En ce qui concerne les anticorps monoclonaux, il a été démontré que la diminution de la réponse thérapeutique était associée à un taux sérique bas d’anti-TNF et à la présence d’anticorps dirigés contre l’anti-TNF (Adab). De plus, il existe une corrélation entre l’utilisation du méthotrexate (MTX) et la diminution des Adab. L’objectif principal de ce travail est donc de déterminer si les patients répondeurs à la rotation d’anti-TNF ont une concentration plus faible de l’anti-TNF initial que les patients non répondeurs après 3 mois. Les objectifs secondaires sont de comparer les concentrations de l’anti-TNF en fonction des Adab, d’évaluer l’effet du MTX sur la présence d’ADAb et enfin d’identifier un lien éventuel entre le dosage de l’étanercept d’une part et de l’Adalimumab d’autre part avec le poids du patient. Les patients inclus sont atteints de PR (40) ou de SA (29) et en échec thérapeutique primaire (absence de réponse initiale au traitement) ou secondaire (diminution de la réponse malgré une efficacité initiale constatée) ou intolérants aux traitements par anti-TNF. Est exclus tout patient en échec avec une décision d’intensification thérapeutique (et non pas de rotation) ainsi que ceux présentant des délais dépassant respectivement 1 semaine pour ETN, 2 semaines pour ADA et 8 semaines pour IFX. L’hypothèse de travail consiste à distinguer 2 types de patients non répondeurs : d’une part des vrais non répondeurs dont les pathologies sont peu médiées par le TNF, pour qui une rotation d’anti-TNF conduirait à un échec et donc possiblement éligibles à d’autres traitements que les anti-TNF, et d’autre part des faux non répondeurs qui présenteraient des anticorps dirigés contre l’anti-TNF, un défaut d’observance, une pathologie avec beaucoup de TNF, ou un médicament peu adapté et qui répondraient à un changement d’anti-TNF. A 3 mois, le taux de réponse est proche de 65% dans la PR et de 40% dans la SA ce qui correspond bien aux données de la littérature pour des patients en échec après un premier anti-TNF. Les résultats ne mettent pas en évidence de facteur prédictif et, plus précisément, le dosage d’anti-TNF et des ADAb lors d’un échec à un 1er anti-TNF ne permet pas de prévoir la réponse à un nouvel anti-TNF après rotation. Toutefois, il se dégage une tendance proche de la significativité (P=0,09) dans le sens où les répondeurs à une rotation ont quand même un taux de l’anti-TNF précédent plus bas que les non répondeurs. Si cette tendance se confirme, il faudrait envisager l’hypothèse d’un échec de classe moléculaire et ces patients seraient plutôt éligibles à un changement de classe moléculaire plutôt qu‘à une rotation. Certains essais thérapeutiques comparent les deux stratégies envisageables pour un patient en échec d’un traitement anti-TNF : la rotation d’anti-TNF et le changement de classe moléculaire. Mais en pratique clinique on pourrait parfaitement doser le médicament, doser les anticorps anti-médicament et se servir de ces dosages pour choisir la stratégie la plus appropriée. 5 Dr. Christophe Richez, service de Rhumatologie, CHU Pellegrin de Bordeaux C ette étude a été réalisée entre Janvier et Septembre 2010 à l’hôpital de jour de Bordeaux. Son objectif principal est l’évaluation du kit LISA TRACKER permettant le dosage simultané du TNFα circulant, des médicaments anti-TNF administrés et des anticorps antimédicaments. On cherche notamment à savoir si la concentration en médicament est inférieure chez les patients en échec, si la présence d’ADAb induit un échec, si la prise de MTX empêche l’apparition d’ADAb ou encore si la prise antérieure d’un autre anti-TNFα favorise l’apparition d’ADAb. Les 97 patients inclus sont atteints de PR (20) ou de SA (77), et en cours de traitement par l’Infliximab (IFX). 18 d’entre eux débutent leur traitement. Les sérums sont collectés avant perfusion et congelés dans les 3h. Sur les 79 patients en suivi, 22 ont une maladie que l’on considère “active” et les 57 autres ont une pathologie qualifiée “d’inactive”. Dosage du médicament La posologie d’anti-TNF étant différente d’un patient à l’autre, les mathématiciens ont réalisé une variable POSMOY pour comparer la dose de médicament administré avec la concentration retrouvée. Cette analyse permet de conclure que la concentration en IFX est significativement supérieure chez les patients présentant une pathologie inactive. Une autre approche paramétrique éliminant le biais éventuel lié aux 9 patients avec Adab en les excluant de l’analyse conduit à des résultats identiques: les patients ayant une pathologie inactive ont une concentration en IFX supérieure à ceux de groupe actif, et ce quelque soit la posologie administrée. Dosage des anticorps anti-médicament La présence d’ADAb est un facteur prédictif de la réponse à l’IFX : un taux bas est associé à une moins bonne réponse. Chez nos patients, la présence d’ADAb est réellement liée à une inefficacité. Facteurs favorisant l’apparition d’ADAb Concernant le lien entre l’apparition des ADAb et la prise de MTX ou la prise préalable d’Adalimumab, nous n’avons pas observé de différence significative. Mais cela peut provenir de la petite taille de notre échantillon et il serait donc intéressant d’augmenter la taille de la population afin de confirmer ou d’infirmer ces résultats. En conclusion, le dosage du médicament paraît intéressant pour le monitoring des patients sous IFX et semble particulièrement utile pour leur prise en charge à long terme. Des investigations sur une population plus importante sont nécessaires pour déterminer son intérêt dans la détection d’échecs précoces et éventuellement la modification anticipée de la posologie. 6 Discussions Pr. Mariette : Connaît-on les régions sur la partie Fc de l’IgG qui gouvernent cette affinité pour le FcRn ? Est-ce que ce sont les mêmes que celles qui gouvernent l’affinité sur les autres Fc gamma récepteurs ? d’ADAb, quelle en serait la signification ? Les données disponibles permettent-elles d’avoir une idée plus précise de cette valeur-seuil ? Dr. Richez : l’identification éventuelle d’une telle valeur-seuil permettrait de discriminer la réponse des patients et donc de pouvoir orienter le patient dont la réponse est insuffisante vers un autre type de traitement. En pratique, ce critère serait particulièrement utile pour adapter la stratégie thérapeutique, évitant ainsi de poursuivre l’administration d’un traitement onéreux et potentiellement responsable d’effets secondaires chez des patients qui ne vont pas y répondre. Il faudrait néanmoins une étude avec un effectif plus important pour préciser cette notion. Pr. Mariette : connaître ce seuil est-il indispensable ou finalement la présence (ou l’absence) d’ADAb suffirait-elle à donner le renseignement recherché? Pr Émilie : cette notion de seuil est sans doute plus pertinente, et cela a d’ailleurs été démontré dans la maladie de Crohn. - Pr. Émilie : Oui, on connait la partie de la molécule d’IgG qui se fixe sur les récepteurs néonataux puisque c’est précisément la mutation de ces régions qui permet de dériver des nouvelles générations de monoclonaux ayant une affinité plus grande pour FcRn et donc une demi-vie prolongée. Cette région est indépendante de celle permettant la fixation sur les récepteurs conventionnels Fc gamma. Pr. Mariette : Il existe aujourd’hui un 4ème anti-TNF, le Certolizumab, qui est pégylé et dénué de fragment Fc. Comment faire puisqu’il n’est pas détectable par les kits actuellement disponibles ? - Ermis Parussini, Biomedical Diagnostics : bmd va mettre très prochainement à disposition un kit de dosage du Certolizumab fonctionnant sur le même principe antigène–anticorps mais dont la révélation sera différente et prendra en compte la particularité de cette molécule (liaison au polyéthylène glycol pour augmenter le temps de demi-vie). Dr. Marotte : Dans le groupe placebo de l’étude ARMADA, il y avait un patient avec des ADAb. Quelle est finalement la vraie signification des ADAb ? Pr. Émilie : on recommande effectivement de procéder à un prélèvement pré-thérapeutique pour être certain que ce que l’on mesure soit bien en relation avec le traitement et ne soit pas lié à une relation croisée naturelle. Les cas de dosages positifs rapportés avant initiation du traitement sont de vraies réactions croisées. Pr. Mariette : J’ai été surpris de voir que vous aviez trouvé 2 fois des anticorps antiétanercept sur 7 des 10 échappements alors que dans la littérature ils n’en retrouvent jamais, leur taux était-il vraiment significatif ? - Dr. Miyara : oui, néanmoins ce résultat mériterait d’être validé sur des plus grosses séries. - Pr. Mariette : l’absence d’anticorps antiétanercept pourrait s’expliquer par le fait que les anticorps dirigés contre les biomédicaments sont le plus souvent antiidiotypiques et que l’étanercept n’a pas d’idiotype puisque c’est un récepteur soluble couplé à un fragment Fc. Pr Mariette : Existe-t-il aussi un cut-off pour les molécules anti-TNF ? Pr. Émilie : à l’échelle d’une population importante le cut-off se situe aux alentours d’1 microgramme par ml. Ceci dit il y a des situations individuelles de patients non contrôlés alors qu’ils ont 10 microgrammes par ml. et de patients contrôlés ayant moins d’1 microgramme par ml. Il existe donc un cut-off à l’échelle des populations mais pas à l’échelon individuel. Ermis Parussini : Dans le cadre de la détermination d’une valeur-seuil (cut-off) 7 4 Bd de Beaubourg - Actipole 25 - Croissy Beaubourg 77435 Marne-la-Vallée cedex 2 Tél.: 01 64 62 10 12 - Fax : 01 64 62 09 66 www.bmd-net.com - e.mail : [email protected]