Mise en page 1 - Ligue contre le cancer

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société
Près de 5 000 patients traités à Epinal
auraient été victimes de surdoses de rayons.
A Toulouse, 145 patients ont également
souffert d’approximation dans leur
traitement.
es rayons m’ont sauvé
la vie. Mais on a écrasé
une mouche au marteau-pilon. » Lorsqu’il se rend aux
séances de radiothérapie à l’hôpital Jean-Monnet d’Epinal (Vosges),
seize mois après son opération pour
un cancer de la prostate, Philippe
Stäbler ne doute pas de la compétence du service : « J’étais confiant. »
D’autant plus confiant qu’en France,
180 000 personnes suivent chaque
année un traitement par radiothérapie. Lorsque l’affaire des surirradiés d’Epinal éclate au grand
jour en octobre 2006, il met ses problèmes intestinaux sur le compte
d’effets secondaires dus à un traitement hormonal complémentaire.
Il découvrira quelques mois plus
tard la véritable cause de ses douleurs : son intestin a été brûlé sur
3 cm suite à un surdosage de rayons
de l’ordre de 8 %. Aujourd’hui,
Philippe Stäbler, président de
l’AVSHE (Association vosgienne des
surirradiés de l’hôpital d’Epinal)
demande des explications.
«L
Epinal, 24 patients
gravement touchés
Audépartdecescandale,despatients
cherchent la cause de symptômes et
découvrent qu’un surdosage de
L’ASSOCIATION VOSGIENNE DES
SURIRRADIÉS DE L’HÔPITAL
D’EPINAL (AVSHE) EST DIRIGÉE
PAR PHILIPPE STÄBLER,
LUI-MÊME TOUCHÉ PAR UN
SURDOSAGE DE RAYONS.
rayons a provoqué des lésions délabrantes. Un des radiothérapeutes et
le radiophysicien du service alertent la direction de l’hôpital. La
Ddass* sera prévenue, pas le ministère de la Santé. Sur 24 patients gravement touchés, 7 sont informés.
Les 17 autres seront mis au courant
au-delà du délai légal par d’autres
médecins, par des tiers, voire par
la presse. Une personne décédera en
septembre 2006 sans avoir jamais
rien su de cette affaire.
Dans un premier temps, l’autorité
régionale de l’hospitalisation de
Lorraine va faire état de 24 personnes
victimes d’une surexposition radiologique grave (de 20 % supérieure à
la normale). Cinq sont décédées
depuis. Sera ensuite révélé Epinal II,
avec 409 patients traités pour un
cancer de la prostate entre 2001
et 2006 touchés à plus de 8 %. Enfin,
ce sera Epinal III en septembre 2007.
Une erreur systématique de paramétrage d’un appareil pourrait avoir
affecté 4 500 personnes entre 1989
et 2006. Une enquête de l’inspection générale des affaires sociales
doit faire la lumière sur ce dernier
volet de l’affaire.
« Imaginez les personnes qui ont subi
une radiothérapie en 2000 et pour
lesquelles le cancer était devenu de
RADIOTHÉRAPIE
DES HÔPITAUX SOUS PRESSION
20 _VIVRE_DÉCEMBRE 2007
VIVRE_DÉCEMBRE 2007_ 21
société Radiothérapie
l’histoire ancienne. Elles ont découvert le scandale dans les médias.
Du coup, certaines douleurs qu’elles
attribuaient à l’âge sont devenues
alarmantes », s’indigne Philippe
Stäbler.
Toulouse,nouveauscandale
AprèsEpinal,Toulouse.Enavril2007,
le CHU de Rangueil est contraint de
stopper son activité de radiothérapie : 145 personnes traitées pour des
tumeurs malignes ou bénignes au
cerveau ont été irradiées entre
avril 2006 et avril 2007, dont six à un
niveaupréoccupant.Suivrontd’autres
révélations.Enjuin2007,lescentres
hospitaliers universitaires de Tours,
Nancy, Montpellier et de la PitiéSalpêtrière suspendent leur activité
suiteàundysfonctionnementsurles
appareils de radiothérapie signalé
par le fabriquant.
PourOdileGuillouët,laprésidentede
l’association SOS Irradiés 31 qui a
vulejouraulendemaindel’affairede
Toulouse, des erreurs de calibrage
d’appareils de radiothérapie ont
probablement déjà eu lieu avant
Epinal, mais « auparavant les cas
étaient isolés, les gens ont donc vécu
avec leurs symptômes, sans en savoir
davantage».Laprésidentedel’associationSOSIrradiés31alesentiment
« de vivre avec une épée de Damoclès
au-dessusdelatête,carnousnesavons
pascommentceslésionsvontévoluer.
Despersonnestraitéespourunetumeur
bénigne se sont retrouvées avec une
paralysiefaciale».Forted’unesoixantaine de membres, l’association fait
des pieds et des mains pour se faire
connaître auprès des victimes dans
la région.
DES SUITES
JUDICIAIRES
Non-signalementdel’accidentdans
lesdélaisimpartis;absence
d’informationdespatients
concernés;absencedesuivideces
patients;non-organisationd’une
procéduredequalité.Autantde
chefsd’accusationdontdevront
répondredeuxpraticiensdel’hôpital
Jean-Monnetd’Epinaldevantla
chambredisciplinairedel’ordre
régionaldesmédecinssuiteàune
plainteduministèredelaSanté.Une
informationjudiciaireaégalement
Pour Philippe Stäbler, président de
l’AVSHE,«cequelesgensveulent,c’est
comprendre,davantagequ’êtreindemnisés. Pour l’instant, on connaît les
causesdenossouffrances,unesurexpositionàdesrayonsmaisnousn’avons
pasd’explications».Défautsdeconception des appareils ? Professionnels
insuffisamment formés et pas assez
nombreux ? Lesphysiciensmédicaux
seraient 350 en France contre 1 200
en Allemagne et 1 800 en GrandeBretagne.Danstouslescas,l’associationseditprêteàallerjusquedevant
la Cour européenne des droits de
l’homme, si nécessaire.
La Ligue soutient les victimes
Pourapportersonsoutienauxvictimes
de surdose de radiation d’Epinal, la
Liguenationalecontrelecanceraattribuéuneaidede15000eurosauComité
départementaldesVosges.«Nousavons
Des personnes traitées pour une
tumeur bénigne se sont retrouvées
avec une paralysie faciale .
22 _VIVRE_DÉCEMBRE 2007
étéouvertepourhomicide
involontaire,blessuresinvolontaires
etnonassistanceàpersonneen
danger.Cesontdeuxjuges
d’instructiondupôlesantépublique
deParisquiontreprisl’affaire.
L’associationSOSIrradiés31
pourrait,àsontour,porterplainte
contreXdanslamesureoùelle
obtientlesoutiend’unnombre
suffisantdevictimes.
pris la décision de répondre aux
demandes de secours financier des
victimes, que ce soit pour des frais de
déplacement, des soins médicaux ou
paramédicaux, voire la participation
àuneaidepsychologique.Nousavons
égalementrenforcélacapacitéd’écoute
de l’association », pointe Robert
Alexandre,présidentduComitédépartemental des Vosges de la Ligue. Si
un psycho-oncologue a récemment
été nommé à l’hôpital d’Epinal, les
habitants du département doivent
désormaissedéplaceràStrasbourgou
Nancypoursuivreuneradiothérapie.
« Nous souhaitons que le service de
radiothérapie d’Epinal reprenne son
activitéleplusrapidementpossible»,
indiqueRobertAlexandre.Prévuepour
fin2007,saréouvertureaétérepoussée à début 2008. « Nous devons
également aider nos concitoyens à
retrouver confiance dans la radiothérapie.Eneffet,5000personnestouchées, cela a un impact considérable
surundépartement»,conclutRobert
Alexandre. ■
PHILIPPE BOHLINGER
*Ddass : Direction départementale des affaires
sanitaires et sociales.
EN FRANCE, PRÈS DE
180 000 PERSONNES
SUIVENT CHAQUE ANNÉE
UN TRAITEMENT PAR
RADIOTHÉRAPIE.
EN SAVOIR +
Association vosgienne des surirradiés
de l’hôpital d’Epinal
Tél. : 03 29 35 39 27 ou 06 08 63 60 04
courriel : [email protected]
SOS Irradiés 31
Port. : 06 12 62 42 54
Comité des Vosges
de la Ligue contre le cancer
Tél. : 03 29 33 29 16
Comité de Haute-Garonne
de la Ligue contre le cancer
Tél. : 05 61 54 17 17
VIVRE_DÉCEMBRE 2007_ 23
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