Les MII et le cancer du côlon Moi qui pensais pouvoir enfin me par Ted Hannah J’ai lutté contre la maladie de Crohn depuis le début de mes années universitaires. J’ai lutté parce que deux de mes enfants sont atteints de la maladie de Crohn, et j’ai vécu dans la crainte que mon troisième porte un jour le même fardeau. Ainsi, tout naturellement, j’avais hâte au jour auquel je pourrais me détendre et oublier toute cette angoisse, au jour auquel on trouverait un traitement curatif ou, du moins, un meilleur traitement de la maladie. Ted Hannah est un ami et bénévole de longue date de la FCMII. Il a siégé comme président national, a été membre de divers comités et continue de contribuer à la collecte de fonds de la Fondation. Son engagement à trouver un traitement curatif trouve son origine dans la lutte de sa famille contre les MII. Son père était atteint d’une maladie qui était probablement la maladie de Crohn, et Ted lui-même a souffert de symptômes pendant plusieurs années avant d’obtenir un diagnostic. Il connaît également la douleur et l’incertitude reliées au fait que deux de ses enfants souffrent de la maladie de Crohn. Le lien entre le cancer du côlon et Il y a un an, tout semblait vouloir bien aller. L’état de mes enfants était stable et je me sentais bien. En tout cas, c’est ce que je pensais. Oui, je souffrais de quelques symptômes dont j’avais parlé à mon gastroentérologue à ma consultation annuelle. Une déglutition barytée et un suivi ont indiqué la présence de cicatrices causées par d’anciennes crises, mais mon bilan sanguin était normal, et les symptômes ne se comparaient à rien de ce que j’avais connu auparavant. Les MII sont un facteur de risque reconnu de cancer colorectal. Auparavant, on croyait que cette augmentation du risque ne s’observait que chez les personnes atteintes de la colite ulcéreuse. Cependant, des recherches et de l’information plus récentes indiquent également un risque accru parmi les personnes atteintes de la maladie de Crohn. La Société canadienne du cancer définit le cancer comme une maladie selon laquelle des cellules anormales de certains organes ou de certains tissus se multiplient de manière incontrôlée. En temps normal, les cellules se divisent et produisent de nouvelles cellules de manière organisée lorsque l’organisme en a besoin pour maintenir des fonctions organiques saines ou pour réparer des tissus blessés. En cas de cancer, les cellules continuent de se reproduire même si l’organisme n’en a pas besoin. Ce phénomène provoque la formation d’une masse de cellules, les tumeurs, qui peuvent être bénignes (non cancéreuses) ou malignes (cancéreuses). Dans le cas du cancer colorectal, les tumeurs proviennent généralement des cellules épithéliales qui recouvrent la paroi interne du gros intestin. En novembre, j’ai subi une analyse sanguine parce que j’avais pris un antifongique et que mon médecin de famille, du genre prudent, voulait vérifier ma fonction hépatique avant de poursuivre le traitement. Quelques jours plus tard, il m’a téléphoné pour m’annoncer que l’analyse révélait une anémie plutôt grave et que je devrais en subir une nouvelle pour plus de sûreté. Celle-ci a donné les mêmes résultats. En décembre, je revoyais mon médecin de famille pour subir un examen approfondi, y compris une analyse du sang occulte fécal (SOF), qui indique la présence de saignements internes. L’été précédent, une analyse de ce type avait été normale, mais cette fois, il y avait des saignements. Tout à fait ce que je n’avais pas besoin d’entendre ! Mon médecin et moi avons d’abord pensé qu’il s’agissait d’une éventuelle récidive de la maladie de Crohn, mais nous étions bien conscients d’autres possibilités. Le cancer du côlon est le troisième cancer nouvellement diagnostiqué en importance (17 200 nouveaux cas diagnostiqués en 2001) et la deuxième cause de décès secondaire au cancer (6 400 en 2001) parmi les Canadiens. Cependant, il convient de souligner que le cancer du côlon est également considéré comme l’un des cancers les plus faciles à prévenir et à guérir s’il est décelé tôt. Environ 90 pour cent des cancers colorectaux peuvent être traités avec succès s’ils sont dépistés rapidement. Tandis que le pourcentage de personnes atteintes d’une MII qui finissent par souffrir du cancer du côlon est faible (entre cinq et dix pour cent), le lien entre les deux maladies est bien démontré. Les facteurs clés sont la durée et le foyer de la MII. Les personnes atteintes d’une MII depuis plus de dix ans et celles dont la maladie touche le côlon entier présentent un risque accru. Il peut être difficile pour les patients de distinguer les symptômes du cancer colorectal, car certains d’entre eux, comme les diarrhées et les saignements rectaux, peuvent également être des signes de récidive de la MII. Pour cette raison, les personnes atteintes d’une MII devraient parler avec leur médecin pour vérifier si elles font partie des catégories à risque et déterminer les examens et les tests de dépistage colorectaux qu’ils doivent subir. Je n’étais pas du tout heureux pendant que j’attendais mon rendez-vous pour subir une coloscopie. La pensée d’une grave récidive après tant d’années de calme relatif me dérangeait déjà pas ÉTÉ 2002 8 détendre et profiter de la vie ! mal, mais la perspective d’autres problèmes me troublait encore davantage. Le 21 décembre 2001, pour paraphraser un ancien président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt, est une date qui sera marquée de l’infamie personnelle. C’est la première fois que j’ai entendu le mot « cancer » appliqué à ma personne. Nous devions attendre les résultats de la biopsie, mais mon gastroentérologue était à peu près certain de ce qu’il avait vu. Le 2 janvier 2002, le verdict est tombé. Je souffrais de cancer du côlon. L’opération a été exécutée le 4 février et, heureusement, ce fut une intervention sans histoire. Je suis actuellement sous chimiothérapie adjuvante (d’aide), simplement pour garantir que le cancer est bien mort et pour me donner une certaine tranquillité d’esprit. t les MII L’Association canadienne du cancer colorectal recommande le dépistage suivant du cancer colorectal pour les personnes atteintes d’une MII : • Subir une analyse du sang occulte fécal tous les ans. Cett analyse détermine s’il y a du sang (pas toujours visible) dans les selles de l’individu. • Subir un lavement baryté tous les cinq à dix ans. • Subir une coloscopie tous les un ou deux ans. Je ne rédige pas cet article dans le but d’effrayer, mais plutôt de modifier les attitudes et, peut-être, de sauver des vies. À l’instar des MII, le cancer colorectal n’est pas une raison d’abandonner une vie productive et excitante. Selon notre expérience de la maladie de Crohn ou de la colite ulcéreuse, nous savons tous qu’il faut une mentalité de « survivant » pour affronter le diagnostic et le traitement qui s’ensuit. Le même constat s’applique au cancer du côlon. Le cancer colorectal est le troisième cancer en importance au Canada à être diagnostiqué pour la première fois (17 200 cas en 2001), tout de suite après le cancer du poumon (21 200 cas) et le cancer du sein (19 500 cas). Il occupe à peu près la même position que le cancer de la prostate. Il s’attaque tout autant aux hommes qu’aux femmes. Les facteurs de risque sont nombreux et, malheureusement, ils incluent des antécédents de maladie de Crohn ou de colite ulcéreuse. C’est dans ce groupe que je me situe. Pour obtenir plus de renseignements sur le cancer colorectal, prenez contact avec : Association canadienne du cancer colorectal Téléphone : 1 888 318-9442 Site Web : www.ccac-accc.ca Société canadienne du cancer Téléphone : (416) 961-7223 Site Web : www.cancer.ca De toute évidence, la prévention représente la meilleure protection. Toutefois, pour ceux qui font partie des catégories à risque de cancer du côlon, y compris ceux qui fument, qui ont une mauvaise alimentation, qui ne font pas d’exercice régulièrement ou qui, comme bon nombre d’entre nous, ont toujours vécu avec une MII, la vigilance constitue le meilleur plan d’action. Nous pouvons prendre le contrôle et tirer le meilleur avantage d’une mauvaise main aux cartes. L’étude de la progression des MII au cancer Parmi les subventions de recherche financées par la FCMII, soulignons-en une sur la progression des MII vers le cancer, menée par John Wallace, Ph. D., de l’université de Calgary. J’incite les personnes atteintes d’une MII depuis longtemps à s’asseoir avec leur médecin et à avoir une franche discussion au sujet du dépistage colorectal. Diagnostiqué rapidement, le cancer colorectal guérit grâce à une opération. De nouvelles normes de dépistage sont évaluées par le comité national du dépistage du cancer colorectal, pendant même que je vous écris. Je sais qu’un médecin de famille alerte, qui connaissait mes antécédents, et qu’un gastroentérologue tout aussi diligent, qui a constaté l’urgence d’une coloscopie, m’ont probablement sauvé la vie. Bien sûr, je ne serais jamais allé consulter ces médecins seulement avec les symptômes dont je souffrais au début de décembre. Le projet, intitulé Le rôle du PGD et du PPARy dans la progression de la colite au cancer, évalue si les molécules de prostaglandines jouent un rôle dans l’exacerbation des MII et l’augmentation du risque de cancers intestinaux. Les résultats pourraient donner lieu à l’élaboration de nouveaux traitements anti-inflammatoires et à une meilleur compréhension des facteurs qui contribuent à l’apparition du cancer. « Selon notre hypothèse, l’inflammation du côlon provoque des changements dans les cellules, de manière à les prédisposer à se répliquer de manière incontrôlable; elles deviennent cancéreuses, explique monsieur Wallace. Des médiateurs chimiques précis produits pendant l’inflammation déclenchent ces changements. Il serait donc possible de prévenir l’apparition du cancer en inhibant la production de ces produits chimiques. » Il importe de se souvenir que ce n’est pas parce que vous souffrez d’une MII que vous serez atteint de cancer du côlon. En fait, les risques sont plutôt minces. Cependant, avec quoi préférez-vous vivre ? L’inconfort et la gêne d’une coloscopie tous les un ou deux ans ou le malheur, dans vingt ans, de savoir que vous auriez pu faire quelque chose mais que vous n’avez rien fait ? Je sais ce que je choisirais. 9 ÉTÉ 2002