12 questions aux candidats à l’élection présidentielle 2012 JEAN-LUC MÉLENCHON 1/ La médecine libérale est en forte perte d’attractivité chez les jeunes médecins, avec moins de 10% d’installations parmi les nouveaux inscrits à l’Ordre. Faut-il prendre des mesures pour améliorer cette attractivité et quelles sont vos propositions ? Il faut prendre en compte cette évolution compréhensible : beaucoup de jeunes médecins aspirent plutôt à une activité salariée et /ou collégiale, avec des horaires décents. Il faut surtout répondre à l'intérêt général : développer la continuité de l'offre de soins sur tout le territoire de la République. Nous proposons de retisser la converture sanitaire du territoire, à partir des études de médecine. Quand on fait ses études de médecine à Montpellier, on a rarement envie de s'installer à Valenciennes. La première chose à faire serait donc de créer des postes d'enseignants de médecine générale dans les universités des régions déficitaires, afin de rééquilibrer le territoire. Ensuite, un maillage du territoire composé d'hôpitaux publics de plein exercice dans chaque grand bassin de vie, des structures intermédiaires de type « centre de santé » où les médecins travailleront avec d'autres professionnels de santé, et enfin des médecins de ville en secteur 1, en relation étroite avec les structures citées précédemment. LE JOURNAL DE LA CSMF 2/ La liberté d’installation reste la règle en médecine de ville. Souhaitez-vous maintenir cette liberté ou l’encadrer, et dans ce cas selon quels critères ? L'intérêt de la population et l'actuel renoncement aux soins d'une partie croissante de nos concitoyens demandent une politique volontariste afin de corriger la désertification médicale. Les mesures incitatives n'ont que peu fonctionné. Les inégalités de santé entre les territoires sont toujours là et même s'aggravent. Ces inégalités résultent d’un double mouvement. L’inefficacité des politiques actuelles en matière d’installation des professionnels de santé et la destruction programmée et volontaire des établissements publics de santé, sacrifiés sur l’autel de la rentabilité. Il faut donc rompre avec la RGGP et la casse de l’hôpital public, notamment des hôpitaux de proximité qui jouent un rôle fondamental. Il faut donc cibler les mesures incitatives d’installation des médecins en prévoyant par exemple que les avantages sociaux consentis dans la convention, ne soient alloués qu’aux professionnels de santé qui s’installent dans des zones sous denses médicalement ou qui s’engagent à réaliser une médecine mobile dans des territoires qui en ont besoin. Pourquoi ne pas envisager, pour les jeunes professionnels, des périodes d’exercice dans des territoires sous denses. 79, rue de Tocqueville - 75017 Paris Tél. : 01 43 18 88 33 - Fax : 01 43 18 88 34 www.csmf.org 12 JEAN-LUC MÉLENCHON questions aux candidats à l’élection présidentielle 2012 3/ Quelle est votre position par rapport à la convention médicale de 2011 et soutiendrezvous les mutations de l’exercice professionnel qu’elle dessine ? Vous engagez-vous à donner les moyens de les financer ? Pas de réponse. 4/ Que proposez-vous pour favoriser les regroupements entre professionnels de santé ? Nous proposons d’aider financièrement la création de centres de santé. Ce sont des structures de proximité, collectives, regroupées et pluridisciplinaires qui appliquent à la fois le tiers payant et les tarifs opposables. L’approche du patient y est globale, c'est-àdire que l’on accueille et traite le patient dans un parcours coordonné de soins qui intègrent également l’aspect social. 5/ Agirez-vous en priorité pour renforcer le secteur ambulatoire et les soins de proximité ou pour préserver la place du secteur hospitalier ? Nous avons besoin des deux. Mais on ne peut pas dire que, ces dernières années, la place du secteur hospitalier aurait été « préservée » ! Il va falloir redonner des moyens conséquents à l'hôpital. 6/ Une partie des médecins pratiquent des dépassements d’honoraires. Quelle serait votre action sur ce plan en cas d’élection ? 7/ Etes-vous favorable au secteur optionnel étendu à tous les médecins pour rapprocher les secteurs 1 et 2, comme le demande la CSMF ? Nous voulons enrayer le renoncement aux soins. C'est un enjeu de santé publique et un enjeu démocratique. Tout d’abord, le renoncement aux soins étant d’abord et avant tout d’ordre économique, il convient de s’attaquer à la précarité. Ce sont les populations les plus fragiles, qui sont les plus exposées aux maladies, LE JOURNAL DE LA CSMF qui sont précisément celles qui renoncent le plus aux soins. La fixation du SMIC à 1700 euros bruts en début de mandat, nets au bout de 5 ans contribue donc en partie à répondre à cette question. Notre programme répond aussi par des mesures pour résorber le mal-logement, la titularisation des précaires et une protection sociale garantie à tous, financée par l'augmentation des cotisations patronales et les prélèvements sur les revenus financiers. Mais il faut également agir sur l’offre de soins et faire en sorte que cessent les dépassements d’honoraires indécents – très loin du tact et de la mesure – qui conduisent les patients à renoncer aux soins. D’ailleurs, le secteur dit optionnel qui tend à autoriser tous les médecins à pratiquer un quota d’actes avec des dépassements d’honoraires limités n’est pas la bonne réponse. Cela va conduire à vider le secteur 1. Et l’obligation faite aux organismes complémentaires de compenser ces dépassements ne résout aucune difficulté. Les prix des mutuelles vont augmenter, accroissant de fait le mécanisme déjà important de «démutualisation ». Conséquence, le reste à charge supporté par les patients les plus modestes sera encore plus important, entraînant une nouvelle fois plus de renoncement aux soins. Pour autant, tout ne dépend pas des seuls médecins et il faudra revenir sur les dispositions adoptées par la majorité présidentielle actuelle et qui constituent des freins majeurs dans l’accès à la santé. Il faudra naturellement commencer par abolir les franchises médicales et le forfait imposé aux étrangers. 8/ Les médecins libéraux demandent des revalorisations d’honoraires, notamment les spécialités cliniques en voie de “paupérisation”. Estimez-vous ces attentes légitimes, et comment revaloriser ces professions ? 9/ Certaines organisations syndicales, comme la CSMF, défendent le principe d’une nomenclature des actes cliniques, avec plusieurs niveaux de tarifs selon la nature de la consultation. Quelle est votre position sur ce thème ? 79, rue de Tocqueville - 75017 Paris Tél. : 01 43 18 88 33 - Fax : 01 43 18 88 34 www.csmf.org 12 JEAN-LUC MÉLENCHON questions aux candidats à l’élection présidentielle 2012 10/ L’assurance-maladie affiche un déficit chronique qui aggrave année après année les principes d’un système de santé universel et solidaire. Que comptez-vous faire concrètement pour équilibrer les comptes ? En réalité, le déficit de la sécurité sociale n’est pas insurmontable il est même organisé. Depuis plus de 20 ans les gouvernements successifs n’ont eu qu’une obsession, réduire le coût du travail, oubliant au passage que ce qui avait le plus augmenté le coût du travail ce n’était ni les salaires ni les cotisations, mais les appétits des marchés financiers et des actionnaires. Le temps est venu de plus de justice sociale dans notre pays. Par exemple, la mesure d’exonération de cotisations sociales au titre des heures supplémentaires pèse lourdement sur l’emploi et coûte, chaque année, 5 milliards d’euros à la sécurité sociale. Il faut que cela cesse. Nous proposons également de faire cotiser les revenus financiers des entreprises et des établissements financiers au même taux de cotisation patronale, soit un apport de 85 milliards de cotisations nouvelles. Largement de quoi financer un système de santé plus solidaire. 11/ L’hôpital peine encore à dégager des économies, à l’inverse du secteur ambulatoire engagé depuis huit ans dans la maîtrise médicalisée des dépenses. Quelles mesures prendrez-vous pour que le secteur hospitalier participe à la régulation de la dépense ? Personne ne veut aujourd’hui que les hôpitaux soient en situation de déficit. Or, cette règle de la rentabilité, que l’on impose aux établissements publics de santé ne s’impose qu’à eux. Personne n’exige des commissariats ou des écoles qu’ils soient rentables. Nos hôpitaux sont d’autant plus en déficit depuis l’adoption de la loi «HPST » qui autorise les directeurs d’ARS à placer ces établissements déficitaires sous sa tutelle, avec les solutions que l’on connait : fermetures de services, suppression de lits et réduction en personnel. Cette loi a fait la preuve de son pouvoir de nuisance. La question fondamentale celle du financement. La T2A n’est pas la bonne solution. Comment pourrait- elle d’ailleurs l’être lorsque l’on sait que son corollaire est la convergence tarifaire entre les établissements publics et privés lucratifs. Ces derniers ne sont pas assujettis aux mêmes règles que les hôpitaux publics. Ils sélectionnent leurs patients et les pathologies rentables, refusent les patients atteints de pathologie multiple, ne font que des soins programmés et leurs tarifs n’intègrent pas les honoraires des professionnels dont on sait pourtant qu’ils reviennent très chers. Par ailleurs, la rémunération à l’activité ou à l’acte conduit à «découper » artificiellement le parcours de santé du patient. Certains actes sont volontairement sous évalués et le gouvernement n’hésite plus à baisser les tarifs de certains d’entre eux en cours d’année. Rien que cette année, les tarifs appliqués aux hôpitaux par le biais de la T2A ont diminué de 0,7 %, alors qu’ils n’ont baissé que de 0,5 % pour les cliniques à but lucratif. Cette situation a naturellement profité aux cliniques privées et a continué d’appauvrir les hôpitaux publics. Concrètement, nous proposons de sortir de l’austérité comptable que l’on impose actuellement aux établissements de soins, en plafonnant l’ONDAM. Cette année encore, la progression de l’ONDAM est plafonnée à 2,8 %, alors que les dépenses prévues devraient, du fait de l’augmentation de la facture énergétique, de la hausse des prix des médicaments et des revalorisations salariales, atteindre au moins 3,3 %, voire davantage en fonction du taux de l’inflation. Cela crée automatiquement du déficit, au point que, aujourd’hui, la quasi-totalité des CHU – 23 sur 25 – sont en situation de déficit. Plutôt que de rechercher à tout prix la réalisation d’économie dans les hôpitaux, quitte à les fragiliser ou à peser sur la santé des personnels, il faudrait plutôt rechercher les moyens de les financer convenablement, en assurant l’équilibre des comptes sociaux. 12/ Quelle place accordez-vous à la négociation avec les organisations syndicales représentatives des médecins libéraux ? Toutes les organisations syndicales, quelles qu'elles soient, sont des partenaires légitimes de toute négociation. Réponses établies par Catherine Jouanneau, responsable santé du Front de Gauche. LE JOURNAL DE LA CSMF 79, rue de Tocqueville - 75017 Paris Tél. : 01 43 18 88 33 - Fax : 01 43 18 88 34 www.csmf.org