Terrorisme et médecins de premier recours : le risque chimique*

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médecine et terrorisme
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Terrorisme et médecins de premier
recours : le risque chimique*
Rev Med Suisse 2008 ; 4 : 1677-81
B.Yersin
P.-N. Carron
H. Rollier
M. Potin
Pr Bertrand Yersin,
Drs Pierre-Nicolas Carron
et Mathieu Potin
Centre interdisciplinaire des urgences
CHUV, 1011 Lausanne
[email protected]
[email protected]
Henri Rollier
Service de l’environnement et de
l’énergie (SEVEN)
1066 Epalinges
[email protected]
Dr Mathieu Potin
Plan ORCA sanitaire
Service de la Santé publique
1014 Lausanne
[email protected]
Cet article décrit, à l’intention des médecins de premier recours, les principes de base d’une action de secours
lors d’un attentat (ou d’un accident)
chimique impliquant de nombreuses
victimes intoxiquées et/ou contaminées. Il est essentiel que les médecins, ainsi que tous les intervenants,
connaissent et respectent de manière
rigoureuse ces principes de base, à
savoir :
1. Le bouclement de la zone contaminée.
2. La protection individuelle des intervenants.
*
0
Cet article est le sixième d’une série de sept consacrés à la
place de la médecine dans un contexte de terrorisme.
3. La décontamination des victimes
et des personnes impliquées contaminées.
4. La protection de la population résidente (par confinement ou, occasionnellement, par évacuation).
5. La prise en charge médicale des
victimes, des impliqués si nécessaire
et de la population résidente (si évacuée).
6. L’identification du (des) toxique(s)
dès que possible.
Lors de tels événements, le rôle des
médecins de premier recours devrait
être de s’occuper des patients impliqués, non blessés, après la phase de
décontamination, procéder à la surveillance clinique de ces patients, voire
au retriage de certains d’entre eux devant être acheminés dans des structures hospitalières.
En raison de la dimension communautaire de tels événements et du risque d’une évacuation partielle de population, les médecins de premier recours devraient également jouer un
rôle prépondérant de soutien à ces
populations. Ce soutien communautaire est particulièrement essentiel en
raison du choc psycho-traumatique
induit par des événements aussi torpides que celui d’un attentat chimique
(comportant un risque de contamination et de toxicité).
U
n matin de mars 1995, à 8 h
28, une première victime se
présenta d’elle-même aux
urgences de l’hôpital Saint-Luc à
Tokyo, douze minutes après qu’un
accident de nature inconnue se fut
produit dans le métro. Le patient se
plaignait de douleurs oculaires et de
diplopie.
Au cours de l’heure qui suivit, 500
patients environ se présentèrent ou
furent acheminés dans cet hôpital
de Tokyo, dont trois en arrêt cardio-
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respiratoire. Sur ces 500 patients, 64
seulement furent acheminés par ambulance et 35 par minibus des sapeurs-pompiers. Les autres 541 victimes se présentèrent d’elles-mêmes
aux urgences, en raison de douleurs
oculaires, troubles visuels, dyspnée,
toux, nausées, vomissements, céphalées, faiblesse.
Ce n’est qu’à 11 heures du matin
que la police annoncera, via les médias, que l’agent toxique était du sarin. Les hôpitaux, ayant suspecté rapidement une intoxication de masse
par des organo-phosphorés, furent
confrontés à un évident défaut de
connaissances, de moyens de protection, d’antidotes et d’entraînement
à de tels événements. Au total, 5000
personnes environ furent intoxiquées,
dont 135 professionnels des services de secours et de soins, dont le
quart nécessita une hospitalisation.
Au total, douze personnes décédèrent, alors que plusieurs autres développèrent des séquelles neurologiques définitives.1
INTRODUCTION
Attentat au sarin en Suisse ? Scénario
improbable ? Bien sûr, mais…
Sans aucun doute, l’attentat terroriste
au sarin du métro de Tokyo semble peu
probable en Suisse. Peut-on vraiment en
être si sûr ? Ne doit-on pas rappeler à
notre mémoire le «suicide collectif» de
Salvan et de Cheiry par le Temple Solaire ? Ne doit-on pas non plus se remémorer les actes criminels collectifs tels
que la fusillade du Parlement de Zoug,
ou la tentative d’attaque à la grenade d’un
commissariat du canton de Vaud ?
Il y a donc lieu de réfléchir sur notre
niveau d’information, de préparation, voire
même de formation pour les professionnels des secours et de la sécurité. En vat-il de même pour la communauté et ses
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acteurs de soins tels que les médecins
de premier recours ? Comme on le lit à
travers le descriptif de l’attentat de Tokyo,
quelques conclusions doivent être tirées :
1. L’identification de la nature d’une intoxication chimique collective est souvent
tardive.
2. La plupart des victimes se rendent
d’elles-mêmes dans des centres de soins,
certes hospitaliers, mais également chez
les médecins praticiens de la communauté.
3. Un nombre appréciable de soignants
peuvent être intoxiqués secondairement
par contact avec des personnes non décontaminées («évacuations sauvages»).
Ceci impose donc aux professionnels
de la santé, quels qu’ils soient, de posséder une information de base sur ce
type d’événement ou du moins sur ses
conséquences et sur les grands principes
d’action, ces principes étant similaires
pour un attentat chimique, ou pour un
accident chimique collectif de type civil.
Les armes chimiques sont connues
de longue date, présentent de réels dangers et sont souvent évoquées dans
l’hypothèse d’attentats chimiques. Il ne
faut cependant pas oublier que les produits chimiques industriels, dans des sites
fixes ou mobiles (transports routiers ou
ferroviaires) représentent aussi de véritables «armes de destruction massive»
très facilement utilisables par qui souhai-
terait s’en servir. Nul n’est besoin de penser au sarin, à l’ypérite (gaz moutarde), ou
à l’agent VX pour imaginer un désastre
chimique (produit volontairement). Une
«simple» citerne de chlore, une cuve de
phosgène ou un réservoir de cyanure est
à même de produire un désastre similaire.
Il est donc indispensable de décrire
ici, à l’intention des professionnels de la
santé et en particulier des médecins de
premier recours, les principes de base
d’une action de secours lors d’un attentat (ou d’un accident) chimique collectif
impliquant de nombreuses victimes intoxiquées et/ou contaminées. De plus,
les spécificités d’une catastrophe chimique par rapport aux autres accidents
collectifs (tableau 1) impliquent une stratégie d’action particulière.
PASSÉ ET PRÉSENT
DU RISQUE D’ATTENTAT
CHIMIQUE
L’attentat perpétré le 20 mars 1995
par la secte Aoum Shinri Kyo dans le
métro de Tokyo est certes unique, mais
est-ce si vrai ? N’oublie-t-on pas un peu
vite qu’une année avant, à Matsumoto,
au Japon également, la secte avait perpétré un premier attentat au sarin, tuant
sept personnes et en intoxiquant 200 autres.3 N’oublie-t-on pas que certains produits chimiques facilement accessibles
Tableau 1. Caractéristiques comparatives d’un attentat chimique majeur et
d’un attentat conventionnel majeur (type explosion)
(Adapté de réf.2).
Attentat conventionnel
(type explosion)
Attentat chimique
Fréquence
Elevée
Rare
Gravité potentielle (étendue
géographique)
Moyenne
Extrême
Gravité potentielle (mortalité, morbidité,
nombre de victimes)
Moyenne
Extrême
Cinétique du danger
En principe ponctuelle
Evolutive
Nature du danger
En principe connue
Connue tardivement
Pathologies observées
Immédiatement évidentes
Peuvent apparaître
tardivement (lésions
pulmonaires)
Difficultés d’intervention
Moyennes
Elevées
Dangers potentiels pour les équipes
de secours
En principe faibles
Elevés
Dangers potentiels pour les intervenants
hospitaliers
Absents
Elevés
Impact communautaire psychologique
Important
Extrême
Impact communautaire (environnement)
Faible
Extrême
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comme le nitrate d’ammonium, engrais
ubiquitaire du monde occidental, mais
aussi explosif puissant, ont permis l’attaque du camp des marines US à Beyrouth en octobre 1983, occasionnant 234
morts et 112 blessés. Ce même nitrate
d’ammonium fut utilisé en 1995 comme
agent explosif pour la destruction du Federal Building à Oklahoma City, faisant
162 morts et plusieurs centaines de blessés.4 De même, de manière plus ancienne,
la contamination volontaire d’un réservoir d’eau en Caroline du Nord à l’aide
de substances toxiques, la contamination de fruits destinés à l’exportation depuis le Moyen-Orient dans la fin des années 70 et du Chili en 1989 ou encore
l’intoxication des forces de l’ordre philippines en 1987, produisant 19 décès et
140 intoxiqués, doivent être rappelées.
Dans notre pays, l’industrie chimique
est prolifique, de même que l’industrie
des machines, des métaux ou des textiles, qui toutes utilisent un nombre important de produits chimiques. Ce n’est pas
moins de 2300 sites industriels ayant des
caractéristiques qui les classent dans les
sites à risque selon l’OPAM (Ordonnance
fédérale pour la protection contre les accidents majeurs), dont 170 dans le canton de Vaud. De plus, ne serait-ce que par
transport ferroviaire, ce n’est pas moins
de 2 millions de tonnes de matières dangereuses qui sont transportées dans notre
pays chaque année. Comme exemple, on
peut citer le transport ferroviaire du chlore
qui représente environ 500 wagons de
50 tonnes par an dans le canton de Vaud
uniquement.
L’utilisation d’une arme chimique, volée
ou fabriquée de manière semi-artisanale,
ou l’utilisation dérivée d’un produit chimique comme arme d’agression collective
est donc un risque bien réel dans un pays
comme la Suisse.
LES ARMES CHIMIQUES, ÉTAT
DES LIEUX
Dès l’Antiquité, les fumées d’incendie
furent utilisées comme des armes chimiques. Ce n’est que lors de la Première
Guerre mondiale que l’utilisation de produits chimiques dédiés débuta, avec l’utilisation massive du cyanure, du chlore et
du phosgène, remplacés ensuite dès
1918 par l’ypérite (gaz moutarde). C’est
au cours de la Seconde Guerre mondiale que furent découverts les agents neurotoxiques par le chimiste allemand G.
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Schrader, à savoir le tabun (1936), le
sarin (1938), puis le soman (1944). Ces
armes ne seront pas utilisées lors du
conflit, mais la technologie sera récupérée par les Etats-Unis et l’URSS après la
défaite de l’Allemagne. Quelques années
plus tard, les Anglais développeront un
nouveau neurotoxique, l’agent VX, avant
que soient inventés et produits d’autres
agents chimiques en nombre et en
quantité pendant la guerre froide.3,5 Leur
utilisation récente au cours des guerres
Egypte-Yémen, Iran-Irak ou RussieAfghanistan, ainsi que la non-signature
par certains pays de la convention de
1997 sur l’interdiction et la destruction des
armes chimiques, ainsi que les attentats
au sarin du Japon et les événements du
11 septembre 2001 ne peuvent que forcer à la réflexion sur les moyens de faire
face à de tels actes.
Le tableau 2 résume les particularités
des principales armes chimiques de
guerre, ainsi que leurs conséquences médicales potentielles. Les caractéristiques
générales de ces armes chimiques, y
compris pour les produits les plus anciens, sont leur extrême dangerosité, la
présence de stocks considérables n’ayant
pu être détruits en raison des coûts de
destruction considérables de ces produits, nécessitant dès lors «un entreposage semi-sécurisé», ainsi que le risque
élevé de contamination des intervenants
lors des opérations de secours d’un attentat ou d’un accident impliquant de
tels produits.
LES PRODUITS CHIMIQUES
INDUSTRIELS COMME ARMES
DE DESTRUCTION MASSIVE :
LE TOP 5
Qui se souvient encore de l’accident
de l’usine AZF à Toulouse, fin 2001 ?
Trois cents tonnes de nitrate d’ammonium, soit l’équivalent de plusieurs wagons
d’engrais, explosent de manière accidentelle et provoquent la destruction de
l’ensemble d’un site industriel, le décès
Tableau 2. Principales caractéristiques physico-chimiques et toxiques des
armes chimiques «classiques» (toxiques chimiques militaires ?)
(Adapté de réf. 1,3,7-9).
Vésicants
Léwisite
Agent
Ypérite
(gaz
moutarde)
Odeur
Moutarde
ou ail
Pénétration dans
la peau
3-5 min
Persistance dans
l’environnement
Plusieurs
jours
Mécanisme toxique
Epidermolyse avec irritation
et formation de vésicules et
de bulles
Géranium
Plusieurs
heures
Organophosphorés (gaz nervins)
Sarin
(GB)
Soman
(GD)
Sans
Fruité
ou camphré
10-15 min
10-15 min
Plusieurs
heures
Plusieurs
jours
Tabun
(GA)
Fruité
Agent VX
Sans
5-7 min
Plusieurs
jours
Plusieurs
semaines
Inhibiteurs irréversibles de l’acétylcholinestérase,
provoquant un syndrome cholinergique
Premiers symptômes Conjonctivite, dégâts
cornéens, vésicules et bulles
cutanées, toux, dyspnée
Troubles oculaires (trouble de l’accommodation avec
myosis), dyspnée, toux, nausées, céphalées, douleurs
oculaires
Signes cliniques
et cause de décès
DUMBBBLESS syndrom : diarrhea, urination, miosis,
bradycardia, bronchorrhea, bronchospasm, lacrimation,
emesis, salivation, sweeting
Ainsi que : fasciculations, paralysies flasques,
dépression SNC, convulsions et décès par hypoxie
et collapsus cardio-respiratoire
Vésicules et bulles cutanées
étendues, bronchoconstriction, sibilances,
œdème laryngé, stridor
insuffisance respiratoire sur
œdème pulmonaire
Premiers soins (après Oxygène et assistance respiratoire
décontamination !)
Soutien des fonctions vitales diazépam ou midazolam en cas de convulsions
0
Traitement spécifique Aucun
(antidotes)
British antilewisite-BAL
(dimercaprol)
Atropine
Oximes (pralidoxime, obidoxime)
Risques de séquelles Cécité,
insuffisance
respiratoire,
carcinogène
Cécité,
insuffisance
respiratoire
Séquelles neuro-psychologiques
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de plusieurs dizaines de personnes, 3000
blessés environ et une onde de choc ressentie jusqu’à 100 kilomètres à la ronde.
Sans aucun doute, cet engrais industriel,
largement utilisé et stocké dans les pays
occidentaux, est un des candidats des
produits chimiques potentiellement utilisés comme arme de destruction.6 Son
potentiel explosif est énorme, mais, si l’on
peut se consoler, le produit, lorsqu’il explose, libère des agents toxiques très volatils et dès lors peu contaminants.
Le chlore et son utilisation extrêmement fréquente et abondante constituent également un des produits chimiques les plus dangereux en cas d’utilisation criminelle. Rappelons pour exemple
l’explosion d’un wagon-citerne de chlore
à Missisauga, au Canada, en 1979, produisant un nuage caustique de chlore
ayant nécessité l’évacuation d’une population de 240 000 habitants.
On ne saurait parler de produits chimiques comme arme de destruction massive sans mentionner le cyanure, en raison de son effet toxique extrêmement
sévère, de sa fréquente utilisation dans
l’industrie chimique et des métaux, ainsi
que de sa relative facilité d’utilisation comme contaminant de l’eau ou de la chaîne
alimentaire.
Enfin, le phosgène et l’ammoniac représentent encore deux produits au potentiel destructif et toxique considérable.
Le tableau 3 résume les caractéristiques de ces produits chimiques à haut
risque de désastre collectif lors d’une
utilisation criminelle.
MAÎTRISE D’UN ÉVÉNEMENT
CHIMIQUE ET PRINCIPES
D’ACTION
En cas d’attentat (ou d’accident) collectif avec suspicion ou certitude d’une
composante toxique (ou chimique), les
principes de base suivants devraient être
respectés dans tous les cas, y compris
dans leur séquence d’action :
1. Bouclement sécuritaire de la zone
contaminée (par les sapeurs-pompiers
et la police, dans le but d’éviter l’extension du risque de contamination). Et de
retenir les individus contaminés ?
2. Protection des intervenants (tenue de
protection pour les intervenants pompiers, éloignement de la zone contaminée pour les intervenants sanitaires).
3. Décontamination des victimes (intoxiquées et/ou blessées) et des personnes
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Tableau 3. Caractéristiques physico-chimiques et toxiques des principaux
produits chimiques industriels à risque de catastrophe collective
(Adapté de réf. 2,4,7-10 ).
Agent
Nitrate
d’ammonium
Chlore
Cyanure
(ac. cyanidrique)
Utilisation(s)
civile(s)
usuelle(s)
Engrais
Désinfection
et nettoyage
Traitement des
métaux (chromage)
Pesticide,
chimie des
colorants
et métaux,
synthèse
de résines
Appareils ou
installations
réfrigérants
Forme physique
usuelle
Poudre
Liquide ou
vapeur
Liquide ou gaz
Gaz
Gaz
Mécanisme
toxique
Aucun (explosif
puissant)
Caustique et Blocage de la chaîne Suffocant
suffocant
respiratoire cellulaire
Suffocant
Premiers
symptômes
–
Irritation
oculaire et
des voies
respiratoires
Dyspnée, agitation
puis troubles de
l’état de conscience
Irritation
oculaire et
des voies
respiratoires
Irritation
oculaire et des
voies respiratoires
Signes cliniques
et cause de
décès
Blast et polytraumatisme,
brûlures
Œdème
pulmonaire
lésionnel
tardif (R 48
heures) avec
insuffisance
respiratoire
Collapsus cardiorespiratoire,
convulsions
Œdème
pulmonaire
lésionnel
tardif (R 72
heures) avec
insuffisance
respiratoire
Œdème
pulmonaire
lésionnel avec
insuffisance
respiratoire,
coma
Premiers soins
(après décontamination !)
Principes ATLS
Oxygène et
assistance
respiratoire,
bronchodilatateurs
Oxygène et assistance respiratoire
Oxygène et
assistance
respiratoire,
bronchodilatateurs
Oxygène et
assistance
respiratoire,
bronchodilatateurs
Traitement
spécifique
(antidotes)
Aucun
Aucun
Hydroxocobalamine, CortiAucun
4-diméthylaminocostéroïdes ?
phénol (DMAP),
nitrite de sodium +
thiosulfate de sodium
Risques de
séquelles
Séquelles
traumatiques
et brûlures
Insuffisance
respiratoire
Neurologiques
Zone de
bouclage
Phosgène
Insuffisance
respiratoire,
lésions
oculaires
Ammoniac
Insuffisance
respiratoire,
lésions
oculaires
Poste médical
avancé
Décontamination
systématique
Vent
Evacuations
Hôpitaux
Figure 1. Schéma théorique d’organisation des secours et des soins en cas
d’attentat ou d’accident chimique comportant un risque de contamination
des victimes et/ou des personnes impliquées
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impliquées (personnes indemnes simplement contaminées).
4. Protection de la population résidente
(par confinement et éventuellement par
évacuation).
5. Prise en charge médicale des victimes, des impliqués si nécessaire et de la
population résidente (lors d’évacuation).
6. Identification du (des) toxique(s) dès
que possible.
En fonction de ces principes fondamentaux, des schémas d’application pratique ont été proposés par les nombreuses instances nationales ou régionales,
démontrant en l’occurrence une grande
concordance des concepts stratégiques
(figure 1).9,11-14
Le schéma conceptuel permet de positionner géographiquement les principes
mentionnés ci-dessus, avec la sécurisation du site par bouclage policier, le confinement ou l’évacuation de la population
résidente, l’extraction des victimes et leur
décontamination primaire par du personnel protégé (sapeurs-pompiers ou sécurité civile), le triage et la prise en charge
médicale au poste médical avancé, la
mise en condition de transport et l’évacuation des victimes décontaminées par
ordre de priorité vers les hôpitaux.
Malheureusement, les rares événements survenus au cours des dernières
années en matière d’accident ou d’attentat chimique ont largement démontré
l’insuffisance de ce schéma conceptuel
à assurer une décontamination précoce
des patients, une totale sécurité des intervenants, ainsi qu’une protection des
lieux hospitaliers de traitement définitif.
La cause de cet échec relatif est principalement liée à l’impossibilité d’un bouclage complet et immédiat de la zone
contaminée favorisant la fuite des personnes impliquées, contaminées, voire
blessées. De plus, l’identification souvent
tardive du caractère toxique d’un événement et la contamination des intervenants
engagés dans les secours ou des hôpitaux non avertis, non préparés et rapidement confrontés à une contamination interne des personnes et des locaux par
l’arrivée de patients accentuent la difficulté de gestion de ce type d’événements. Lors de l’attentat au sarin du métro
de Tokyo, près de 150 soignants, ambulanciers, infirmiers ou médecins, furent
contaminés au contact des patients, nombre d’entre eux devant cesser toute activité et, pour certains, être hospitalisés à
leur tour.1,14
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De manière à minimiser ce risque de
«sur-accident» toxique pour les intervenants, il est indispensable d’essayer d’appliquer les principes énoncés ci-dessus
à l’entrée de chaque structure de soins,
qu’elle soit hospitalière ou ambulatoire.
La figure 2 constitue dès lors une réponse au moins théorique à ce risque.
Il ne fait cependant pas de doute qu’en
situation réelle, il est probable qu’un certain nombre de structures de soins, confrontées à un risque toxique non connu,
soient rapidement contaminées et incapables d’assumer leurs missions.
Vent
Décontamination
Evacuations
sanitaires
e
clag
Bou plet
m
inco
RÔLES SPÉCIFIQUES
DES MÉDECINS DE PREMIER
RECOURS
En tant qu’intervenant potentiel de premier recours, que ce soit au cabinet médical, ou comme témoin lors d’un tel
événement ou encore recruté pour exercer dans les dispensaires de soins ad
hoc, il est essentiel que les médecins de
premier recours connaissent et respectent de manière rigoureuse les principes
de base énoncés ci-dessus.
Il y a fort à parier que lors de telles
situations, leur rôle devrait être de s’occuper des patients impliqués, non blessés, après une phase de décontamination et de procéder à la surveillance clinique de ces patients, voire au retriage
de certains d’entre eux devant être acheminés dans des structures hospitalières.
En raison de la dimension communautaire de tels événements et du risque
d’une évacuation partielle voulue, voire
«sauvage» de population (souvent plus
dangereuse que le confinement en raison
du moindre degré d’exposition pour une
personne au repos dans un local fermé
Evacuations sauvages
Hôpitaux
protégés avec
décontamination
Figure 2. Schéma adapté d’organisation des secours et des soins en cas
d’attentat ou d’accident chimique collectif, prévoyant le bouclage préventif
des hôpitaux (ou dispensaires) et la décontamination des personnes («évacuations sauvages») et des patients avant leur admission
qu’une personne fuyant et exposée au
toxique), les médecins de premier recours doivent jouer un rôle prépondérant
de soutien à ces populations. Ce soutien
communautaire est particulièrement essentiel en raison du choc psycho-trau-
matique induit par des événements aussi
torpides que celui d’un accident chimique
comportant un risque de contamination
et de toxicité. Ceci est d’autant plus vrai
lorsqu’il s’agit d’un acte criminel.
Implications pratiques
> Un attentat chimique collectif (ou un accident civil chimique) est un événement à haut
potentiel de gravité, d’évolutivité et de traumatisme communautaire
> Un certain nombre de principes de base minimisant le risque de contamination secondaire, en particulier des intervenants sanitaires et des institutions de soins, doivent être
connus et respectés par tous les professionnels de la santé
> Le soutien communautaire des victimes impliquées mais non blessées, ainsi que des
populations confinées ou évacuées, fait partie des tâches du médecin de premier recours
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