Traitement inotrope chez le patient de réanimation

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Mise au point
Traitement inotrope
chez le patient
de réanimation
Xavier Monnet, Christian Richard, Jean-Louis Teboul
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Service de réanimation médicale, CHU de Bicêtre, Université Paris 11, 78, rue du Général
Leclerc, 94 270 Le Kremlin-Bicêtre
<[email protected]>
Le traitement inotrope est le plus souvent justifié par la survenue d’un état de choc cardiogénique afin de restaurer transitoirement la fonction contractile du ventricule gauche lors d’une
insuffisance cardiaque aiguë. Le traitement inotrope peut aussi être envisagé pour atteindre des
valeurs « supranormales » du transport en oxygène, dans le but de prévenir la survenue d’une
hypoxie tissulaire. Une telle attitude thérapeutique ne se justifie que dans la période périopératoire pour des patients chirurgicaux à risque. Au niveau du cardiomyocyte, les agents
inotropes agissent soit par l’augmentation de la concentration intracytosolique en calcium, soit
par l’augmentation de la sensibilité des myofibrilles au calcium. La dobutamine, la dopamine
et l’adrénaline sont les inotropes les plus puissants. En plus de leur pouvoir inotrope positif, ces
substances vasoactives sont susceptibles de modifier la redistribution locorégionale du débit
sanguin lors des états de choc. L’importance de ce phénomène reste cependant mal définie, ce
qui souligne l’intérêt d’évaluer – au mieux au moyen d’outils de monitorage – l’effet de ces
substances sur l’hémodynamique systémique et l’oxygénation tissulaire.
Mots clés : traitement inotrope, réanimation, insuffisance cardiaque aiguë
Mécanismes d’action
pharmacologique
des inotropes
L’effet pharmacologique des agents
inotropes résulte soit de la stimulation
des récepteurs adrénergiques, soit de
l’inhibition de la phosphodiestérase
(PDE), soit de la sensibilisation des
myofibrilles au Ca++ (figure 1).
mt
Tirés à part : J.-L. Teboul
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Fixation sur les récepteurs
adrénergiques
des cardiomyocytes
C’est le mécanisme d’action des
agents inotropes agonistes adrénergiques naturels (adrénaline, noradrénaline et dopamine) et synthétiques
(dobutamine et dopexamine). Leur
fixation sur les récepteurs adrénergiques des cardiomyocytes induit une
augmentation massive de la concentration intracytosolique en Ca++. Le
mt, vol. 11, n° 4, juillet-août 2005
Ca++ se fixe sur le site spécifique de la
troponine C, induisant un changement de conformation qui conduit à la
fixation de la tête de myosine sur le
filament d’actine. L’hydrolyse simultanée d’une molécule d’ATP permet la
flexion du cou du filament de myosine
et, finalement, le raccourcissement de
l’appareil contractile. L’effet inotrope
des catécholamines résulte de leur
fixation sur les récepteurs adrénergiques sarcolemmaux b1 et a1.
Récepteurs b1 adrénergiques
La fixation d’un agoniste sur les
récepteurs b1 stimule la protéine Gs
qui active l’adényl cyclase. L’AMPc,
provenant de l’hydrolyse d’une molécule d’ATP, active la protéine kinase
A. Celle-ci phosphoryle plusieurs
structures cellulaires : 1) les récepteurs à la ryanodine du réticulum sarcoplasmique conduisant à l’extrusion
massive du Ca++ du réticulum vers le
sarcolemme
Agonistes β
Inhibiteurs de la PDE
Sensibilisateurs au Ca++
AMPc
AMP
β
b
+
TnC
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AMP
Ca++
PKa
+
Cytosol
Réticulum
sarcoplasmique
Ca++
Figure 1. Mécanismes d’action des différents inotropes à l’étage cellulaire. La fixation d’un agoniste sur les récepteurs b
adrénergiques entraîne la formation d’AMPc par l’adényl cyclase. L’AMPc active la protéine kinase A qui entraîne l’extrusion massive du
Ca++ du réticulum sarcoplasmique vers le cytosol par les canaux à la ryanodine phosphorylés. Le Ca++ se fixe sur la troponine C ce qui
entraîne in fine le raccourcissement de l’appareil contractile. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase augmentent également le taux
d’AMPc intracellulaire en inhibant sa dégradation. Les sensibilisateurs au Ca++ exercent leur effet inotrope en améliorant le couplage
excitation-contraction par une sensibilisation des myofibrilles au Ca++.
cytoplasme (figure 1) ; 2) les récepteurs sarcolemmaux
calciques de type L, entraînant l’intrusion de Ca++ dans le
cytoplasme, ce qui participe de façon mineure à l’augmentation de sa concentration cytoplasmique.
L’augmentation de la concentration de Ca++ cytoplasmique active la calmoduline, qui permet la phosphorylation 1) de la chaîne légère de la myosine permettant une
augmentation de la sensibilité des myofilaments au Ca++,
2) du phospholamban et de l’échangeur Na+/Ca++. L’activation du phospholamban lève l’inhibition qu’il exerce
sur la SarcoEndoplasmic Réticulum Calcium ATPase
pump (SERCA). Celle-ci permet la recapture du Ca++ par le
réticulum et participe donc à l’activité lusitrope.
Récepteurs ␣1 adrénergiques
Les récepteurs a adrénergiques sont surtout représentés dans la paroi des vaisseaux. Au niveau cardiaque, de
moindre importance que celle des récepteurs b1, la stimulation des récepteurs a1 entraîne un effet inotrope. Quand
un agoniste fixe un récepteur a1, la protéine Gs stimule la
phospholipase C. Elle sépare le phosphatidyl inositol en
inositol triphosphate (IP3) et en 1,2-diacylglycerol. L’IP3
stimule la sortie de Ca++ du réticulum sarcoplasmique.
Inhibition de la phosphodiestérase (PDE)
Les inhibiteurs de la PDE (amrinone, milrinone et
enoximone) sont des agents inotropes dont l’effet provient,
comme pour les agonistes des récepteurs b1, d’une augmentation de la concentration d’AMPc induisant une augmentation massive de la concentration intracytosolique
en Ca++. Ces substances synthétiques inhibent l’isoforme
III de la PDE qui catalyse l’AMPc (figure 1). Puisque
l’AMPc participe à la recapture du Ca++ par le réticulum
sarcoplasmique, les inhibiteurs de la PDE ont un effet
lusitrope positif. Enfin, l’augmentation du taux intracellulaire d’AMPc induit aussi une relaxation musculaire lisse
et une intense vasodilatation artérioveineuse.
Affinité du calcium pour les myofibrilles
L’augmentation de la sensibilité des myofibrilles au
Ca++ a pour résultat une amélioration du couplage
excitation/contraction et un effet inotrope qui ne passe pas
par l’augmentation de la concentration intracytosolique
en Ca++ (figure 1) dont le risque proarythmogène est le
corollaire. Plusieurs sensibilisateurs au Ca++ ont été développés, exerçant leur effet en se fixant sur des sites de la
troponine C propres à chacun. Néanmoins, seul le levosi-
mt, vol. 11, n° 4, juillet-août 2005
259
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mendan est actuellement utilisé chez l’homme. Il sensibilise l’appareil contractile au Ca++ en stabilisant le complexe troponine C – Ca++.
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Rationnel
pour l’utilisation des inotropes
chez le patient de réanimation
Utilisation des inotropes pour améliorer
la contractilité myocardique
Dans les situations où la fonction contractile du myocarde est diminuée, l’utilisation d’agents inotropes est
évidemment logique au plan pharmacologique. Cependant, son effet bénéfique sur la mortalité ou la morbidité
n’a jamais été démontré. Au demeurant, au cours de
l’insuffisance cardiaque chronique, l’administration au
long cours de la plupart des inotropes positifs augmente la
mortalité, et c’est au contraire le bénéfice d’agents inotropes négatifs, les b-bloquants, qui est désormais bien établi
[1]. Ainsi, le recours aux inotropes est-il envisagé de façon
transitoire, lors d’épisodes aigus d’insuffisance cardiaque
échappant au traitement standard ou lorsqu’il existe un
choc cardiogénique.
Utilisation des inotropes
pour atteindre des niveaux supranormaux
de transport en oxygène (O2)
Ce concept de « maximalisation » du transport en O2
repose sur le principe d’augmenter le débit cardiaque et le
transport en O2 jusqu’à des niveaux supranormaux, afin
d’éviter l’apparition d’une dette en O2 et d’une hypoxie
tissulaire [2]. Plusieurs études ont montré que, chez des
patients chirurgicaux à risque, l’utilisation dans la période
péri-opératoire de valeurs supranormales du transport en
O2 comme objectifs thérapeutiques, améliorait la survie
[3-5]. Soulignons que des substances inotropes telles la
dobutamine, la dopamine, la dopexamine et l’adrénaline
avaient été utilisées dans ce but alors même que la
contractilité myocardique pouvait être normale [3-5]. En
revanche, chez les patients de réanimation souffrant d’une
défaillance circulatoire déjà installée, les essais randomisés ont démontré que cette stratégie thérapeutique
n’apportait aucun bénéfice [6] ou entraînait même une
surmortalité [7], de sorte que cette attitude ne peut être
recommandée chez ce type de patients [8].
Effets hémodynamiques
des agents inotropes
Effets sur le débit cardiaque
Dobutamine et dopamine
La dobutamine est un mélange racémique d’un énantiomère (+) aux effets agonistes b1 et b2 et d’un énantiomère (–) aux effets agonistes a1. La stimulation a1 et b1 a
pour résultat un effet chronotrope et inotrope positifs. La
260
dobutamine n’exerce pas d’effet vasculaire intrinsèque
parce que la vasoconstriction due à la stimulation a1 est
contrebalancée par l’effet vasodilatateur b2-induit. À de
faibles débits d’administration (< 5 lg.kg–1.min–1), la
dopamine active les récepteurs D1 des vaisseaux rénaux,
mésentériques, cérébraux et coronaires, et induit une
vasodilatation qui n’affecte pas la pression artérielle systémique. À un débit supérieur (5-10 lg.kg-1.min-1), elle
stimule préférentiellement les récepteurs b1 et augmente
l’inotropisme, la fréquence cardiaque et la pression artérielle systolique. À des débits d’administration élevés
(10-20 lg.kg-1.min-1), la dopamine active préférentiellement les récepteurs a1 vasculaires et induit une vasoconstriction artérielle et veineuse. Enfin, à des débits de perfusion supérieurs, ses effets sont identiques à ceux de la
noradrénaline.
La dobutamine et la dopamine ont été comparées dans
le traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë [9]. Alors
que la dobutamine augmentait le débit cardiaque et le
volume d’éjection systolique entre 2,5 et 10 lg.kg–1.mn–1,
la dopamine ne les augmentait que jusqu’à
4 lg.kg–1.mn–1, probablement parce qu’une augmentation des résistances vasculaires survenait à des doses
supérieures. La dopamine, à l’inverse de la dobutamine,
augmente la précharge ventriculaire gauche [9]. Du fait de
son effet inotrope couplé à un effet de diminution de
précharge ventriculaire gauche, la dobutamine est la substance recommandée pour le traitement de l’insuffisance
cardiaque aiguë avec augmentation des pressions de remplissage et avec pression artérielle normale ou peu diminuée [10]. En revanche, dès lors que la pression artérielle
est abaissée, l’adjonction de dopamine à la dobutamine
est recommandée [11].
Lors du choc septique avec forte réduction de la
contractilité myocardique, la dobutamine est l’agent inotrope de choix [12] car elle exerce un effet inotrope positif
supérieur à celui de la dopamine [13]. Cependant, la
dobutamine peut induire une diminution des résistances
vasculaires [14] qui justifie l’adjonction d’un vasopresseur
dans cette situation, où le tonus vasculaire est déjà profondément réduit. Concernant la dopamine, plusieurs études dans le choc septique, ont montré qu’elle pouvait
augmenter la pression artérielle par un effet à la fois sur le
débit cardiaque et sur le tonus artériel [15, 16] alors que
d’autres montraient, soit une augmentation prédominante
du débit cardiaque [17], soit un effet vasopresseur isolé
[18]. Ces discordances apparentes soulignent la grande
hétérogénéité de la réponse aux catécholamines lors du
choc septique, hétérogénéité justifiant une évaluation
individualisée de leurs effets avant et surtout pendant
l’emploi de ces substances chez ce type de patients.
Cette hétérogénéité pourrait résulter de la diminution
de la réponse myocardique à la stimulation adrénergique
lors du sepsis. Cette altération est due à une diminution
des taux intracellulaires d’AMPc [19], probablement par
mt, vol. 11, n° 4, juillet-août 2005
inhibition de l’adényl cyclase par la voie de la protéine Gi
[20]. Cette inhibition serait le fait, soit des substances
inflammatoires (TNFa, IL1), soit des catécholamines présentes en forte concentration lors du sepsis. Ce phénomène vient s’ajouter au classique mécanisme de tachyphylaxie en rapport avec la diminution de la sensibilité et
du nombre des récepteurs b (down regulation) survenant
au bout de quelques heures à quelques jours d’administration d’agents b agonistes [21].
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Adrénaline et noradrénaline
La noradrénaline est un agoniste puissant des récepteurs a et b1 n’ayant qu’une faible activité sur les récepteurs b2. Par son effet a adrénergique, elle induit une
vasoconstriction artérielle et veineuse intense et tend à
augmenter les pressions artérielles systolique et diastolique, la postcharge ventriculaire gauche, le retour veineux
et la précharge cardiaque. Par son effet b1 adrénergique,
elle tend à augmenter le volume d’éjection systolique, sauf
si l’élévation de postcharge ventriculaire gauche
l’emporte. L’effet chronotrope positif est contrebalancé
par la stimulation du baroréflexe résultant de la vasoconstriction. Ainsi, le débit cardiaque est généralement assez
peu modifié par son administration.
Grâce à son effet a stimulant, l’adrénaline entraîne une
vasoconstriction artérielle et veineuse. Si elle augmente la
pression artérielle systolique, son effet sur la pression
artérielle diastolique est partiellement contrebalancé par
la vasodilatation b2-induite. Par la stimulation cardiaque
b1, l’adrénaline augmente la fréquence cardiaque et l’inotropisme. Ces effets, couplés à la veinoconstriction
a-induite qui accroît le retour veineux systémique, rendent compte de la forte élévation du débit cardiaque
produite par l’adrénaline.
Dans les états septiques, la noradrénaline et l’adrénaline sont surtout utilisées pour leurs effets a vasoconstricteurs. Les effets de la noradrénaline sur le débit cardiaque
sont variables dans ces circonstances [15, 22], justifiant un
monitorage hémodynamique. L’adrénaline exerce un effet
inotrope positif lors du choc septique [23, 24] mais altère
de façon importante la perfusion splanchnique [25, 26] et
induit une acidose lactique [27], même si celle-ci ne
reflète pas seulement l’apparition d’un métabolisme anaérobie [28]. À cet égard, l’association de dobutamine et de
noradrénaline est supérieure à l’adrénaline en termes de
perfusion splanchnique au cours du choc septique, en
dépit d’effets similaires sur le débit cardiaque et la pression
systémique [25, 27, 29].
Dopexamine
La dopexamine active les récepteurs b2 et dopaminergiques, sans effet a et avec un effet b1 minime. Elle exerce
aussi son effet par une inhibition de la recapture de la
noradrénaline. Elle provoque une vasodilatation et un
effet inotrope positif. La combinaison de ces effets la rend
intéressante dans le traitement des exacerbations d’insuf-
fisance cardiaque chronique car elle augmente le débit
cardiaque sans altérer la pression artérielle et n’augmente
la fréquence cardiaque qu’à des doses élevées [30]. En
revanche, au cours du sepsis, son emploi n’est pas recommandé en raison du risque d’aggravation de l’hypotension
artérielle.
Inhibiteurs de la phosphodiesterase (PDE)
Les inhibiteurs de la PDE ont un effet inotrope identique à celui de la dobutamine et n’augmentent la fréquence cardiaque qu’à partir d’une forte posologie. Chez
les patients en insuffisance cardiaque, les inhibiteurs de la
PDE augmentent le débit cardiaque et le volume d’éjection systolique et diminuent modérément la pression artérielle, confirmant leurs propriétés inotropes et vasodilatatrices [31]. Parce qu’elles augmentent le taux
intracellulaire d’AMPc, ces substances exercent avec les
b-bloquants un effet synergique démontré dans l’insuffisance cardiaque [32]. Cependant, les effets délétères de
leur administration au long cours et les résultats décevants
de l’étude Optime-CHF dans l’exacerbation des insuffisances cardiaques chroniques [33] limitent leur indication
à l’attente de greffe cardiaque et aux exacerbations
d’insuffisance cardiaque chroniques échappant à un traitement déjà maximal. Ces substances ne sont pas recommandées dans le traitement du choc septique.
Sensibilisateurs au calcium
Le lévosimendan est l’unique représentant de cette
classe pharmacologique utilisé chez l’homme. Il exerce
ses effets inotropes positifs par le biais d’une sensibilisation des myofibrilles au Ca++, mais il entraîne aussi une
vasodilatation par un effet agoniste des canaux potassiques ATP-dépendants. Il a été montré un bénéfice du
lévosimendan sur l’état hémodynamique et le taux de
survie, en comparaison avec la dobutamine, lorsque les
substances étaient administrées pendant une courte
période dans l’insuffisance cardiaque échappant au traitement standard [34]. Dans le choc septique, une étude
randomisée a démontré le bénéfice sur la fonction ventriculaire gauche et le débit cardiaque à administrer le
lévosimendan lorsqu’il existe une dysfonction contractile
ne s’améliorant pas sous dobutamine [35]. Il est raisonnable de supposer que l’effet pharmacologique du lévosimendan est conservé dans le sepsis car ne passant pas par
la voie des b-récepteurs. Cependant, ses effets vasodilatateurs potentiels justifient son association à un vasopresseur dans ce contexte [35].
Effets sur le contenu artériel en O2
Le but d’un traitement inotrope est in fine d’augmenter
le transport en O2 vers les tissus. Or l’administration
d’agents inotropes a sur le contenu artériel en O2 des effets
opposés. D’une part, l’amélioration de la contractilité
myocardique peut réduire la pression de filtration pulmonaire et le shunt intrapulmonaire. D’autre part, l’augmen-
mt, vol. 11, n° 4, juillet-août 2005
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tation du débit cardiaque peut entraîner une augmentation
de l’admission veineuse dont l’effet négatif sur l’oxygénation artérielle est cependant contrebalancé par l’augmentation de la pression partielle veineuse en O2 débitdépendante. Ainsi, malgré l’augmentation de l’admission
veineuse qu’elles induisent, la dopamine [36] comme la
dobutamine [37] n’entraînent finalement pas d’hypoxémie. En conséquence, toute augmentation du débit cardiaque sous inotrope se traduit par augmentation du transport
en O2.
262
Effets sur l’utilisation tissulaire en O2
Pour réduire la dette en O2 des tissus, un traitement
inotrope doit non seulement améliorer le transport artériel
en O2 vers les tissus mais également assurer l’apport en O2
vers les tissus les plus hypoxiques à travers la microcirculation. Les effets vasomoteurs éventuels des inotropes sur
la microcirculation influencent cette propriété.
Choc cardiogénique
Dans cette circonstance, le débit cardiaque est redistribué vers les organes privilégiés à forte extraction en O2.
Cependant, l’influence des effets vasoactifs des inotropes
sur cette redistribution reste spéculative, soulignant l’utilité d’un monitorage de la perfusion et/ou de la fonction de
ces organes.
Choc septique
• Effets sur la circulation splanchnique : malgré la discordance des résultats concernant les effets des agents
adrénergiques sur la circulation splanchnique lors du sepsis, on peut tirer quelques conclusions assez consensuelles. La dobutamine [27, 29, 38, 39] comme la dopexamine [30] exercent probablement un effet bénéfique sur la
circulation splanchnique du fait de leurs propriétés b2
vasodilatatrices [40]. Malgré l’effet vasodilatateur de la
stimulation des récepteurs dopaminergiques, la dopamine
a un effet plus délétère sur la perfusion muqueuse digestive que la dobutamine [39] ou la noradrénaline [16].
Concernant l’adrénaline, plusieurs études ont montré un
débit splanchnique plus bas avec l’adrénaline qu’avec la
noradrénaline administrée seule [26] ou en combinaison
avec la dobutamine [25, 27, 29] pour des effets pourtant
similaires sur le débit systémique. Enfin, le lévosimendan
améliore aussi la perfusion muqueuse gastrique [35]. Au
vu de ces résultats, il semble raisonnable de préférer une
association de noradrénaline et de dobutamine à l’adrénaline pour traiter la dysfonction myocardique lors du
sepsis.
• Effets sur la circulation rénale : ces effets dépendent
beaucoup de l’effet vasopresseur systémique des inotropes. Ainsi la noradrénaline, malgré un effet vasoconstricteur de l’artère glomérulaire afférente qui serait plutôt
délétère, augmente in fine le débit sanguin rénal et le débit
urinaire au cours du choc septique [18, 41], probablement
du fait de son action bénéfique sur la pression artérielle
moyenne, véritable pression motrice de perfusion rénale
[41]. La dopamine, à faible posologie, stimule théoriquement les récepteurs dopaminergiques rénaux. Cet effet
potentiel a naguère rendu populaire l’administration presque systématique de faibles doses de dopamine chez les
patients de réanimation. Depuis la publication d’une
étude randomisée démontrant l’absence d’amélioration
du pronostic vital, y compris des patients en choc septique
[42], l’administration de dopamine dans ce seul but thérapeutique n’est plus recommandée.
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