1 LE DISCOURS INDIRECT Pour rapporter soit ses propres paroles , soit les paroles d'autrui, on emploie le discours direct ou le discours indirect. Le discours (ou style) direct reproduit textuellement les paroles dites : c'est le discours cité par le narrateur, qui présente comme sortant directement de la bouche de celui qui parle les paroles prononcées : Le chêne un jour dit au roseau: « Vous avez bien sujet d'accuser la nature » (LA F., F., I, 22). L'identité de celui qui parle est indiquée, soit dans une proposition qui précède ou qui suit, soit dans une incise: Le renard dit au bouc: « Que ferons-nous, compère ? » (LA F., F., III, 5.) – « N'ai-je pas bien servi dans cette occasion ? » dit l'âne (ID., ib., II, 19). – « Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi » (id., ib., VII, 1). Le discours (ou style) indirect rapporte les paroles prononcées, non plus en les faisant sortir de la bouche même de celui qui les a dites, mais indirectement, par le truchement du narrateur, qui en donne au lecteur ou à l'auditeur, non le texte, mais la substance ; c'est le discours raconté: [La dame au nez pointu répondit] QUE la terre était au premier occupant .C'était un beau sujet de guerre Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant. "(LA F., F., VII, 16.) - - Remarques. – 1. Tantôt les propositions du discours indirect sont subordonnées, par le moyen de la conjonction que, à un verbe déclaratif: [Ils criaient] Qu'on les menât au combat; Qu'ils voulaient venger la mort (...) de leur général (...); Qu'avec lui ils ne craignaient rien, mais Qu'ils vengeraient bien sa mort ; Qu'on les laissât faire. Qu'ils étaient furieux (Sévigné., 2 août 1675); tantôt, pour plus de rapidité et de légèreté, les propositions du discours indirect se présentent comme indépendantes. sans que de subordination, le verbe dire étant implicitement contenu dans ce qui précède : c'est le style indirect libre, qui présente les formes du style indirect, mais garde le ton du style direct : [Mme Benoît s'y prit adroitement en s'informant de son oncle.] Comment allait ce bon parent ? Il ne donnait plus de ses nouvelles. N'avait-il pas un arrière-cousin en Amérique ? (FLAUB., L'Èduc. sent., t. I, p. 18.) -Brigitte ouvrit la porte du petit salon et nous appela : Ne voulions-nous pas un peu de thé? Cela nous réchaufferait après cette course (Fr. MAURIAc, La Pharisienne, p. 213). Le style indirect libre est très fréquent chez Flaubert; de même chez Zola. C'est surtout depuis la seconde moitié du XIXe siècle qu'il s'est répandu dans la langue écrite 2. Il arrive que, par souci de variété, on passe du discours indirect avec que de subordination, au discours indirect libre, ou encore du discours direct à l'indirect et inversement : [Le rieur alors d'un ton sage, Dit] Qu'il craignait qu'un sien ami, Pour les grandes Indes parti, N'eût depuis un an fait naufrage; Il s'en informait donc à ce menu fretin; Mais tous lui répondaient qu'ils n'étaient pas d'un âge à savoir au vrai son destin; Les gros en sauraient davantage. « N'en puis-je donc, messieurs, un gros interroger? " (LA F., F., VIII, 8.) Diverses correspondances entre le discours direct et l'indirect sont à examiner : Pronoms personnels, mots possessifs ou démonstratifs, adverbes. Lorsque celui qui parle rapporte ses propres paroles à celui à qui elles ont été adressées, aucun changement de pronoms personnels ne se produit dans la transposition du discours direct en discours indirect et inversement. Mais, comme, d'ordinaire, ce n'est pas la même personne qui parle dans l'un et dans l'autre discours, et que, d'ordinaire aussi, la personne à qui le narrateur parle n'est pas la même que celle à qui l'auteur des paroles rapportées s'est adressé, des substitutions de pronoms personnels ont lieu. En particulier, quand le narrateur rapporte les paroles adressées par autrui à un tiers, tous les pronoms sont de la 3° personne. En outre, des substitutions de mots possessifs ou démonstratifs, d'adverbes, se produisent. Par exemple : Discours DIRECT Je te plains. Mon honneur est sauf Discours INDIRECT Je lui ai dit que je le plaignais. Tu m'as dit que tu me plaignais. Il lui a dit qu'il le plaignait. Il t'a dit qu'il te plaignait. Il a dit que son honneur était sauf. 2 J’ai perdu les miens Tu as dit que ton honneur était sauf. Tu as dit que tu avais perdu les tiens. Il a dit qu'il avait perdu les siens. Il disait qu'on portât cela, cette lettre-là. Il a dit qu'il n'avait jusque-là rien obtenu. On disait qu'il était arrivé la veille. Il disait qu'il partirait ce jour-là, le lendemain. Qu'on porte ceci, cette lettre-ci Je n’ai jusqu’ici rien obtenu. Je suis arrivé hier. Je partirai aujourd'hui, demain. Temps. a) Principale introductive au présent ou au futur. Aucun changement n'a lieu, quant à l'emploi des temps, dans la transposition du discours direct en discours indirect ou inversement: L'honneur commande, commandait, commandera, a commandé. Il dit, il dira que l'honneur commande, commandait, commandera, a commandé. b) Principale introductive au passé. Dans le discours direct, le moment présent est celui où l'auteur des paroles rapportées s'est exprimé ; dans le discours indirect, le moment présent est celui où le narrateur s'exprime: ainsi, lorsque le discours indirect rapporte des paroles qui ont été dites, le moment où l'auteur de ces paroles s'est exprimé se situe dans le passé : conséquemment quand la principale introductive est au passé, le discours indirect exprime les faits simultanés par l'imparfait, les faits antérieurs par le plus-que-parfait, les faits postérieurs par le futur du passé ou par le futur antérieur du passé. Modes. Il y a identité d'emploi du mode dans le discours direct et dans le discours indirect, sauf que l'impératif du discours direct se traduit dans le discours indirect par le subjonctif, ou plus souvent par l'infinitif: Enfermez-le, mettez-lui les fers aux pieds : => Il crie de mettre des fers à cet homme / que l’on lui mette des fers… N. B. - Les propositions interrogatives indépendantes dans le discours direct deviennent évidemment subordonnées dans le discours indirect avec subordination; elles s'introduisent par si ou par un mot interrogatif; que interrogatif (attribut, objet direct ou Complément circonstanciel) devient ce que: Pourquoi me poursuit-on ? N'ai-je pas fait mon devoir ? Que me reproche-t-on ? Veut-on me perdre ? - [Il demanda] pourquoi on le poursuivait, s'il n'avait pas fait son devoir, ce qu'on lui reprochait, Si on voulait le perdre. Dans la traduction en discours indirect libre, ces propositions interrogatives ne changent pas de forme: [il se mit en colère :] Pourquoi le poursuivait-on ? N'avait-il pas fait son devoir ? Que lui reprochait-on ? Voulait-on le perdre ?