Lambeau interosseux antérieur en îlot à flux rétrograde W. Hu Décrit par nous-même en 1991, il s’agit d’un lambeau fasciocutané ou composite (avec peau, os, tendon, nerf ) en îlot à flux rétrograde, prélevé sur la branche perforante proximale de l’artère interosseuse antérieure (IOA). Bases anatomiques L’artère IOA participe à la vascularisation dorsale du poignet par ses deux branches perforantes proximale et distale. Selon le mode de perforation de la membrane interosseuse, on distingue deux types de variation : le type I et le type II. Type I (fig. 1) Les deux branches perforantes perforent la membrane interosseuse à deux niveaux différents. Cette variation est observée dans près de deux tiers des cas. La branche perforante proximale perfore la membrane interosseuse 8 à 12 cm au-dessus de l’interligne radiocarpien. Son calibre au niveau de sa naissance varie de 0,9 à 1,5 mm de diamètre. Accompagnée de deux veines satellites, elle chemine dans l’espace entre le long extenseur du pouce et le court extenseur du pouce, prenant contact avec le tiers distal du radius pour atteindre la face dorsale de l’épiphyse radiale et le versant latéral du poignet. Durant sa course, elle envoie cinq à sept rameaux septocutanés qui vascularisent la peau a b Fig. 1a, b – Vascularisation du lambeau IOA de type I. a) Schéma de la vascularisation ; 1, artère IOA ; 2, branche perforante proximale ; 3, branche perforante distale ; 4, branche terminale antérieure de l’artère IOA ; 5, artère IOP ; b) Schéma du lambeau. 80 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts des deux tiers distaux de la face dorsale de l’avant-bras, et trois à cinq rameaux métaphysaires et épiphysaires qui vascularisent la face postérieure du tiers distal du radius et, enfin, plusieurs rameaux musculaires destinés aux extenseurs du pouce et des doigts longs. Cette cartographie constitue la base anatomique du lambeau interosseux antérieur que nous avons largement décrit. La branche perforante distale perfore la membrane interosseuse 4 à 5 cm au-dessus de l’interligne radiocarpien. Son calibre à son origine varie de 0,9 à 1,6 mm de diamètre. Accompagnée de deux veines satellites, elle chemine vers la face postérieure du poignet entre la membrane interosseuse et les extenseurs des doigts longs. Durant sa course, elle envoie également des rameaux aux extenseurs du pouce et des doigts longs, à la face dorsale de l’épiphyse radiale ainsi qu’au plan cutané du tiers distal de la face dorsale de l’avant-bras. Mais ces rameaux sont beaucoup moins importants en nombre et en calibre que ceux issus de la branche perforante proximale. Deux à trois centimètres audessus de l’articulation radio-ulnaire distale, cette branche perforante distale donne un rameau se dirigeant en bas et en dedans pour s’anastomoser avec l’artère interosseuse postérieure (IOP) dans 97 % des cas de notre série. Elle émet ensuite, un centimètre plus loin, un autre rameau parallèle au dernier vers la face postérieure de la tête ulnaire pour former le cercle artériolaire de la tête ulnaire en s’anastomosant avec les rameaux terminaux de l’artère IOP. Elle poursuit ensuite son trajet en se divisant en trois rameaux terminaux. Le plus latéral est destiné à la face dorsale de l’épiphyse radiale où il s’anastomose avec des rameaux issus de la branche perforante proximale. Les deux rameaux médiaux passent sous les extenseurs des doigts longs pour atteindre la face dorsale du poignet, où ils s’anastomosent avec la branche transverse dorsale du carpe de l’artère radiale et les rameaux transverses dorsaux du rameau dorsal de l’artère ulnaire. Type II (fig. 2) Les deux branches perforantes traversent la membrane interosseuse par un tronc commun qui se situe en moyenne 7 cm au-dessus de l’interligne radiocarpien, avec des extrêmes allant de 5 à 10 cm. Cette variation est observée dans près du tiers des cas. Le mode de participation de ces perforantes à la vascularisation dorsale du poignet est très proche de celle du type I. Quelle que soit la variation anatomique, la branche perforante distale participe toujours à la vascularisation dorsale du poignet par ses deux rameaux terminaux internes. Fig. 2 – Vascularisation du lambeau IOA de type II. 1, Artère IOA ; 2, branche perforante proximale ; 3, branche perforante distale ; 4, branche terminale antérieure de l’IOA ; 5, artère IOP. Lambeau interosseux antérieur en îlot à flux rétrograde 81 Techniques de levée L’incision doit être commencée au bord ulnaire du lambeau en incluant le fascia en profondeur. La dissection progresse sous le fascia, de dedans endehors, jusqu’au muscle long extenseur du pouce. En réclinant ce muscle en dedans, on visualise l’émergence des branches perforantes de l’artère interosseuse antérieure. Le dessin du lambeau s’adapte selon le type anatomique de la branche perforante proximale. Type I Dans le type I, pour obtenir un long pédicule, il est préférable de dessiner le lambeau le plus distal possible, sans dépasser le pli d’extension du poignet. On isole soigneusement cette branche perforante proximale au niveau de son émergence. On ouvre ensuite la membrane interosseuse en aval, ce qui permet d’isoler le tronc de l’artère IOA et ses deux veines jusqu’au niveau de l’émergence de la branche perforante distale, tout en protégeant le nerf IOA. L’incision du bord radial est ensuite réalisée et le lambeau est levé de dehors en dedans en ménageant le rameau superficiel du nerf radial. L’artère IOA est ensuite ligaturée en amont de sa branche perforante proximale et en aval de sa branche perforante distale. La dissection distale du pédicule est poursuivie sur la branche perforante distale, si cela est nécessaire. Les anastomoses entre l’artère IOP et la branche perforante distale de l’artère IOA ne sont pas indispensables pour assurer la vascularisation du lambeau à flux rétrograde. Le point de pivot théorique le plus distal du lambeau se situe au niveau de la tête du capitatum, mais il est conseillé d’arrêter la dissection du pédicule au niveau de l’articulation radiocarpienne. Ce lambeau ainsi prélevé peut atteindre la phalange Fig. 3 – Prélèvement du lambeau interosseux moyenne des doigts longs avec une antérieur en îlot à flux rétrograde. vascularisation en îlot à flux rétrograde (fig. 3). Type II Lorsqu’il s’agit d’un type II, il est conseillé de dessiner le lambeau au niveau du tiers moyen de l’avant-bras, afin d’obtenir un maximum de longueur du pédicule. Les rameaux cutanés ascendants doivent être clairement identifiés et conservés solidement avec le lambeau. Le tronc de l’artère IOA est ligaturé proximalement et la dissection du pédicule se poursuit distalement, sans nécessairement ouvrir la membrane interosseuse. Dans ce type de variation, il ne faut pas confondre la branche perforante proximale, qui se situe dans l’espace 82 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts entre le court extenseur du pouce et le long extenseur du pouce, et qui chemine à la face postérieure du tiers distal du radius, et la branche perforante distale, qui se situe profondément entre la membrane interosseuse et les tendons extenseurs. Variantes Il est possible de prélever les deux lambeaux interosseux (antérieur et postérieur) à flux rétrograde dans le même temps opératoire, pour couvrir deux pertes de substance cutanée au niveau de la main, par exemple, la face dorsale et la paume (4) (fig. 4). a b Fig. 4a, b – Double lambeau interosseux. a) Prélèvement simultané des deux lambeaux interosseux ; b) Transfert des lambeaux combinés des deux artères interosseuses en îlot à flux rétrograde. Avantages et inconvénients Le lambeau IOA, comme le lambeau IOP, a le grand avantage de ne sacrifier aucun axe vasculaire principal de l’avant-bras. Il peut être prélevé composite (avec peau, os, tendon, nerf ). L’inconvénient principal de ce lambeau est la difficulté technique pour les débutants. Sa dissection est exigeante et doit être réalisée en s’aidant de moyens optiques grossissants. Trucs et astuces – Opérer sous garrot, mais sans exsanguination du membre, afin de faciliter le repérage du pédicule et ses branches perforantes cutanées. – Inciser le bord ulnaire en premier pour identifier facilement le long extenseur du pouce. – Utiliser la pince bipolaire pour l’hémostase et pour « disséquer » le pédicule distal en laissant une couche de tissu cellulograisseux. – Immobiliser le poignet en extension stricte en postopératoire, y compris pendant le pansement. Lambeau interosseux antérieur en îlot à flux rétrograde 83 Indications Les indications du lambeau IOA sont larges en couverture cutanée de la main, grâce à une vascularisation relativement fiable, un territoire cutané important, un pédicule long. C’est le lambeau idéal pour des pertes de substance composites (peau, os, tendon…) du dos de la main, du pouce, de la phalange proximale des doigts longs (fig. 5). a b c d e f g h Fig. 5a-g – Homme de 45 ans, victime d’un accident par scie circulaire. a) Il présente une large perte de substance osseuse et cutanée du pouce gauche. Cette perte de substance s’étend du tiers moyen du premier métacarpien jusqu’à la moitié de la phalange moyenne ; b-e) Un lambeau IOA ostéocutané est prélevé en îlot à flux rétrograde (type I), ce qui permet de traiter les pertes de substance osseuse et cutanée du pouce en un seul temps. Le site donneur du lambeau est fermé de première intention ; f) La consolidation osseuse est obtenue trois mois après l’intervention ; g) La fonction finale du pouce gauche est satisfaisante, malgré l’absence des articulations métacarpophalangienne et interphalangienne. 84 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts Références 1. Hu W, Martin D, Foucher G, Baudet J (1994) Le lambeau interosseux antérieur. Ann Chir Plast Esthét 39: 290-300 2. Hu W, Martin D, Baudet J (1994) Thumb reconstruction by the anterior inter-osseous osteocutaneous island flap. Eur J Plast Surg 17: 10-6 3. Hu W, Martin D, Baudet J (1993) Reconstruction de la colonne du pouce par lambeaux ostéocutanés de l’avant-bras. Ann Chir Plast Esthét 38: 381-91 4. Hu W, Le Nen D, Dubrana F et al. (1998) Le réseau anastomotique dorsal du poignet, conception nouvelle de la base anatomique commune de trois lambeaux en îlot à flux rétrograde de l’avant-bras. Ann Orthop Ouest 30: 105-16