O LYMPIADES F RANÇAISES DE M ATHÉMATIQUES 2011-2012 E NVOI N UMÉRO 7 - C ORRIGÉ Exercice 1 Un professeur de mathématiques a choisi deux entiers naturels non nuls et a donné leur somme à Xavier et leur produit à Pierre. Au début, aucun des deux élèves ne connaît le nombre qui a été donné à l’autre. L’un d’entre eux dit alors : "Tu ne peux pas deviner mon nombre !". L’autre répond : "Tu te trompes, c’est 136". Quels sont les deux entiers choisis par le professeur ? Solution. Soient a, b les deux entiers recherchés. Notons s = a + b et p = ab. Supposons d’abord que Pierre soit le premier à parler. Xavier peut deviner p dès le début si, et seulement si, s = 2 ou s = 3. Donc comme Pierre sait que Xavier ne peut pas deviner p, Xavier déduit que p 6= 1 et p 6= 2. Or, comme p = 136, s ≥ 22 et donc Xavier savait cela dès le début. Cela impose que Xavier pouvait deviner p dès le début (avant que Pierre ne parle) : absurde puisque s 6= 2 et s 6= 3. Par conséquent, Xavier a parlé en premier. Xavier sait dès le début que Pierre ne peut pas deviner la valeur de s. Pierre en déduit que Xavier sait dès le début que p = ab n’est pas premier et donc que s − 1 n’est pas premier ( en effet, si s − 1 est premier, Xavier penserait qu’il est possible que a = s − 1 et b = 1, donc que p = s − 1 soit premier : il n’affirmerait donc pas que Pierre ne peut pas déterminer s). Avec cette information, Pierre est capable de deviner le nombre s : on en déduit que parmi tous les nombres de la forme d + p/d − 1 pour d diviseur de p, un seul n’est pas premier et ce nombre est s − 1 = 135. Or, pour d = 1, 1 + p − 1 n’est pas premier, donc p = s − 1 = 135. On en déduit immédiatement que les deux nombres recherchés sont 1 et 135. Reste à vérifier que ces nombres vérifient bien les propriétés désirées, c’est-à dire que parmi tous les nombres de la forme d + 135/d − 1 pour d diviseur de 135, un seul n’est pas premier et ce nombre est 135. Cela est immédiatement vérifié, puisque les valeurs de d + 135/d − 1 autres que 135 sont 23, 31 et 47, qui sont premiers. 1 Exercice 2 On note [ x ] la partie entière de x. Calculer : 2009 2 2 2 2 1 + + + ... + . 2011 2011 2011 2011 Solution. Remarquons que 2011 est premier. On sait que, si p est premier impair, 2 est un résidu quadratique modulo p si, et seulement si, p ≡ ±1 mod 8. Donc comme 2011 ≡ 3 mod 8, 2 n’est pas un résidu quadratique modulo 2011. On en déduit que 21005 ≡ −1 mod 2011. Donc 2011 divise 2i (21005 + 1) = 2i+1005 + 2i . Par conséquent, comme 2i et 21005+i ne sont pas multiples de 2011, on a i+1005 2 2i + 2i+1005 2i − 1. + = 2011 2011 2011 En sommant pour i allant de 0 à 1004, on obtient que la somme recherchée vaut : 22010 − 1 − 1005. 2011 Remarque : On a utilisé ici deux résultats de la théorie des résidus quadratiques : p −1 2 ≡ 1 mod p si, et seulement si, a est un carré modulo p, et a ≡ −1 mod p si, et seulement si, a n’est pas un carré modulo p ; d’autre part, 2 est un résidu quadratique modulo p si, et seulement si, p ≡ ±1 mod 8. Pour des preuves élémentaires de ces résultats et d’autres propriétés concernant les résidus quadratiques, on pourra se référer à l’article "Quadratic Residues" de Dusan Djukic sur le site www.imomath.com, article qui vise des élèves préparant les olympiades. d’une part, pour p premier impair et a non multiple de p, a p −1 2 2 Exercice 3 Montrer que l’ensemble des entiers naturels qui ne s’écrivent pas comme somme de carrés parfaits deux à deux distincts est fini. Solution. 1ère étape : On remarque 29 = 22 + 52 et 2 × 29 = 32 + 72 . Soit n un entier naturel. En écrivant n en base 2, on remarque que n est une somme de puissances de 2 deux à deux distinctes. On peut donc écrire n = 2r1 + ...2rk + 2s1 + ... + 2sl , où les ri sont des entiers naturels impairs deux à deux distincts et les si sont des entiers naturels pairs deux à deux distincts. On peut supposer que r1 < r2 < ... < rk et s1 < s2 < ... < sl . On note r = 2r1 + ... + 2rk et s = 2s1 + ... + 2sl . On remarque alors que 4 × 29r = (32 + 72 ) × 2r = k ∑ (3 × 2 r i +1 2 )2 + (7 × 2 r i +1 2 )2 , i =1 et que k 4 × 29s = (22 + 52 ) × 4s = si si ∑ (4 × 2 2 )2 + (10 × 2 2 )2. i =1 On a donc écrit 116n = 4 × 29n = 4 × 29(r + s) comme une somme de carrés parfaits pairs deux à deux distincts. Par conséquent, tout multiple de 116 est une somme de carrés parfaits pairs deux à deux distincts. 2ème étape : Fixons un entier naturel n. Écrivons la division euclidienne de n par 116 : n = 116q + t 1 2 avec 0 ≤ t < 116. On remarque que r ≡ ∑rk− =0 (58k + 1) mod 116. Supposons que n > r −1 2 2 ∑114 k=0 (58k + 1) . Dans ce cas, on sait que n − ∑k=0 (58k + 1) est multiple de 116 et donc 1 2 est une somme de carrés parfaits pairs deux à deux distincts. Comme ∑rk− =0 (58k + 1) est une somme de carrés parfaits impairs deux à deux distincts, on en déduit que n est une somme de carrés parfaits deux à deux distincts, d’où le résultat. 3 Exercice 4 Trouver tous les triplets ( x, y, z) d’entiers supérieurs ou égaux à un vérifiant l’équation : x 4 − y4 = z2 . Solution. On va prouver qu’il n’existe pas de solution en entiers strictement positifs. Par l’absurde : supposons qu’il existe des entiers strictement positifs qui vérifient l’équation de l’énoncé. Parmi tous les triplets ( x, y, z) possibles, on en choisit un pour lequel x est minimal. Notons tout de suite que l’on a x > y. On remarque maintenant que x, y, z sont deux à deux premiers entre eux. En effet : Si p est premier et divise x et y alors, puisque x4 − y4 = z2 , le nombre p4 divise également z2 et y donc p2 divise z2 . Mais alors ( xp , p , pz2 ) est une solution de l’équation en entiers strictement positifs et avec xp < x, en contradiction avec la minimalité de x. Ainsi, x et y sont premiers entre eux. De même, x et z sont premiers entre eux, et aussi y et z sont premiers entre eux. - Cas 1 : si z est pair. On pose z = 2c et l’équation s’écrit : 4c2 = ( x2 − y2 )( x2 + y2 ). (1) Or, si d divise x2 − y2 et x2 + y2 alors d divise 2x2 et 2y2 . Mais, puisque x et y sont premiers entre eux, c’est donc que d divise 2. De plus, puisque z est pair et premier avec x et avec y, on a x et y impairs, ce qui assure que x2 − y2 et x2 + y2 sont pairs. Finalement, on a x 2 − y2 x 2 + y2 pgcd( x2 − y2 , x2 + y2 ) = 2. Ainsi, les nombres 2 et 2 sont des entiers strictement positifs et premiers entre eux, dont le produit est un carré (d’après (1)). Chacun d’eux est x 2 + y2 x 2 − y2 donc un carré, et on pose 2 = a2 et 2 = b2 , où a, b sont des entiers strictement posititfs. Mais, on a a4 − b4 = ( xy)2 donc ( a, b, xy) est une solution de l’équation initiale x 2 + y2 en entiers strictement positifs, avec a2 = 2 minimalité de x. Il n’y a donc pas de solution dans ce cas. < x2 d’où a < x, en contradiction avec la - Cas 2 : si z est impair. L’équation initiale s’écrit encore z2 + ( y2 )2 = ( x 2 )2 . En utilisant la forme bien connue des triplets pythagoriciens, on déduit qu’il existe des entiers u, v ≥ 1 premiers entre eux et de parités contraires, tels que z = u2 − v2 , y2 = 2uv et x2 = u2 + v2 . On note qu’alors x2 > u2 et donc que x > u. Si l’on ne tient pas compte de l’écriture de z, on peut remarquer qu’alors u et v jouent des rôles symétriques dans les écritures de x et y. On suppose donc que u est pair et que v est impair. De y2 = 2uv avec u, v premiers entre eux, on déduit alors qu’il existe des entiers strictement positifs a et b tels que u = 2a2 et v = b2 . D’autre part, l’écriture de x fait à nouveau apparaître un triplet pythagoricien. Il existe donc des entiers m, n ≥ 1 premiers entre eux et de parités contraires, tels que x = m2 + 4 n2 , u = 2mn et v = m2 − n2 . On a a2 = mn avec m, n premiers entre eux, donc il existe des entiers r, s ≥ 1 tels que m = r2 et n = s2 . Mais alors b2 = r4 − s4 , avec b, r, s ≥ 1 et r2 = m ≤ u2 < 2x ≤ x2 . Donc, (r, s, b) est une solution de l’équation initiale avec r < x, en contradiction avec la minimalité de x. Il n’y a donc pas de solution dans ce cas non plus. Et finalement, comme annoncé, il n’y a pas de solution du tout. 5 Exercice 5 Soit a et b deux entiers supérieurs ou égaux à un tels que r b 2a − b p= 4 2a + b soit un nombre premier. Quelle est la plus grande valeur possible de p ? Solution. Supposons que p soit un nombre premier qui s’écrive sous la forme r b 2a − b p= 4 2a + b où a, b sont des entiers strictement positifs. Alors, on a 16p2 (2a + b) = b2 (2a − b). Le membre de gauche étant pair, on déduit que b = 2c est pair, et cela conduit à Posons 4p2 ( a + c) = c2 ( a − c). (2) x 2p = c y (3) avec pgcd( x, y) = 1 et x, y ≥ 1. La relation (2) assure alors que a + c = dx2 et a − c = dy2 avec d =pgcd( a + c, a − c). En particulier, on a 2c = d(y2 − x2 ) et donc y > x. La relation (3) s’écrit maintenant 4py = dx (y2 − x2 ). (4) Or, de pgcd( x, y) = 1, on a facilement pgcd(y2 − x2 , y) = 1, d’où pgcd( x (y2 − x2 ), y) = 1. De (4), on déduit alors que y divise d, et on pose d = ky. La relation (4) s’écrit donc 4p = kx (y − x )(y + x ). (5) Il y a un peu trop de facteurs dans le membre de droite, ce qui nous fait distinguer deux cas : - Cas 1 : si x ≥ 2. Alors x + y ≥ 5 et la relation (5) assure alors que p divise x + y. Compte-tenu de x ≥ 2, on a donc ( x, x + y) = (2, 2p) ou (4, p) ou (2, p). La première possibilité donne x et y pairs et donc pas premiers entre eux. La seconde et (5) conduisent à x = 4, y = p − 4 et y − x = 1 d’où p = 9, qui n’est pas premier. Il faut donc que x = 2 et y + x = p, soit donc y = p − 2. Or, on a y − x ≤ 2 donc p ≤ 6. Puisque p est premier, c’est donc que p ≤ 5. Réciproquement, en remontant les calculs ci-dessus, on constate que p = 5 s’écrit effectivement sous la forme désirée, en choisissant par exemple a = 39 et b = 30. - Cas 2 : si x = 1. La relation (5) devient 4p = k (y − 1)(y + 1). Si y est impair, les entiers y − 1 et y + 1 sont deux entiers pairs consécutifs donc l’un est au moins divisible par 4, et leur produit 6 est donc au moins divisible par 8. Cela implique p = 2, qui n’améliore pas ce que l’on a trouvé ci-dessus (sans même vérifier s’il s’écrit ou non sous la bonne forme). Si y est pair, alors les entiers y − 1 et y + 1 sont deux entiers impairs consécutifs, premiers entre eux, dont le produit divise p. La seule possibilité est alors que y − 1 = 1 et y + 1 = p, et donc p = 3, avec la même conclusion que ci-dessus. Finalement, le plus grand nombre premier qui peut s’écrire sous la forme désirée est p = 5. 7 Exercice 6 Trouver tous les entiers n supérieurs ou égaux à un pour lesquels le polynôme x n + 64 puisse être écrit sous la forme d’un produit de deux polynômes, non constants, à coefficients entiers. Solution. On rappelle que si le complexe z est racine d’un polynôme à coefficients réels, alors son conjugué z est également racine de ce polynôme. Soit n ≥ 1 un entier et P( X ) = X n + 64. On note que les racines complexes de P sont √ (2k+1)i les nombres zk = n 64e n π , où k = 0, 1, ..., n − 1. Parmi ces nombres, au plus un est réel (aucun si n est pair, un seul si n est impair). Supposons qu’il existe deux polynômes Q et R, non constants et à coefficients entiers, tels que P = QR. Les racines de Q ou de R sont évidemment des racines de P, et réciproquement les racines de P se répartissent soit en racines de Q soit racines de R. Puisque P n’a pas plus d’une racine réelle, c’est donc que l’un des polynômes Q et R a toutes ses racines complexes, disons Q. D’après notre rappel, les racines de Q peuvent être alors regroupées par paires de nombres conjugués distincts, ce qui assure au passage que Q est de degré pair 2m > 0, et donc que Q s’écrit comme produit de facteurs de la forme X 2 − (z + z) X + zz. Dans chacun de ces facteurs, le nombre z est un des zk ci-dessus, donc 2 zz = (64) n . Ainsi, après développement, on constate que le coefficient constant de Q est 2m (64) n . Puisque R n’est pas constant, on a 2m < n et, puisque Q et R sont à coefficients 2m entiers, le nombre (64) n est un entier inférieur ou égal à 64. 2m 12m Comme (64) n = 2 n , c’est donc que 12m n est un entier inférieur ou égal à 6. En utilisant que 2m < n, les différents cas possibles se résument à n est un multiple de 3 ou n est un multiple de 4. Réciproquement : - si n = 3k on a X 3k + 64 = ( X k + 4)( X 2k − 4X k + 16) - si n = 4k on a X 4k + 64 = ( X 2k + 4X k + 8)( X 2k − 4X k + 8). Finalement, les entiers cherchés sont les multiples de 3 et les multiples de 4. 8