Symptomatologie thymique DCEM 1 Pr Emmanuelle Corruble L’humeur ou thymie • Définition: fonction psychophysiologique réglant le ton affectif encore appelé "tonus affectif". • Elle peut être perturbée par des causes biologiques et/ou des causes psychologiques. • Ses modifications pathologiques peuvent s’exprimer à travers des symptômes psychiques et des symptômes physiques. Variations physiologiques de l’humeur Analogies avec la température Variations pathologiques de l’humeur • Dépression: Syndrome dépressif • Exaltation, Excitation: Syndrome maniaque Première partie: Symptomatologie dépressive LE SYNDROME DÉPRESSIF: SEMIOLOGIE • Symptômes idéo-affectifs • Symptômes somatiques dont le ralentissement psycho-moteur • Symptomatologie suicidaire SEMIOLOGIE(1) Mode de début variable • Parfois rapide (quelques heures à quelques jours) • Souvent progressivement sur une période de plusieurs semaines. • Les symptômes initiaux sont très variables selon le type de dépression et selon les sujets. • Chez un même sujet, les mêmes symptômes marquent souvent le début de chaque épisode : ces signal-symptômes peuvent alors permettre un diagnostic précoce. SEMIOLOGIE (2) L'humeur dépressive • Tristesse pathologique – – foncière, constante, inexplicable: d'un simple sentiment de morosité, d'ennui, de découragement, ou d'abattement à une douleur morale intense, profonde, atroce différente de la tristesse ordinaire: par sa permanence et son intensité, sans motifs ou disproportionnée • Irritabilité • Indifférence ou anesthésie affective vs hyperesthésie affective • Anxiété – – un des symptômes précurseurs les plus fréquents expression variable • Représentations fondamentalement négatives – le sujet lui-même: incapacité, insuffisance, infériorité, sous-tendu par une perte de confiance et d'estime de soi, autodévalorisation, culpabilité, autoaccusations, idées d'indignité ou de punition – son avenir : pessimisme et la perte d'espoir, incurabilité – le monde environnant: le déprimé polarise son attention sur les seuls aspects négatifs de son environnement SEMIOLOGIE (3) La perte de l ’élan vital • • • • • Asthénie à prédominance matinale Anhédonie Apathie Aboulie Apragmatisme SEMIOLOGIE (4) Le ralentissement psychomoteur • Moteur: – réduction des mouvements, rares, lents et de faible amplitude, jusqu’à la prostration, clinophilie – voix affaiblie, basse et prosodie monotone. • Psychique: – bradypsychie – diminution de la fluidité et de l’initiative idéique SEMIOLOGIE (5) Idéations suicidaires • Idées noires • Idées suicidaires • Projets suicidaires • Compléter l’ évaluation du risque suicidaire : déprimés âgés et du sexe masculin, tentatives de suicides antérieures personnelles ou familiales, intentionnalité suicidaire, isolement social et affectif, désespoir, anxiété et/ou agitation, consommation de toxiques. SEMIOLOGIE (6) Les symptômes somatiques • • • • • Asthénie Insomnie Anorexie Symptômes sexuels: diminution de la libido Troubles neurovégétatifs, digestifs, urinaires, cardiovasculaires, neuromusculaires • Polyalgies, recrudescence douloureuse. SEMIOLOGIE (7) Les symptômes cognitifs • • • • • difficultés d'attention difficultés de concentration troubles mnésiques perception de l'écoulement du temps modifié indécision Les critères permettant de définir un trouble/syndrome dépressif • Des symptômes suffisamment nombreux, intenses et prolongés • Un degré de souffrance significatif • Un dysfonctionnement significatif Syndrome dépressif caractérisé ou épisode dépressif majeur L’entité pivot du DSM-IV Episode d pressi f majeur (1) A. Au moins cinq des sympt™ mes suivants doivent avoir t pr s e nts pendant une mme priode dÕune dur e de deux semaines et avoir repr s e nt un changement par rapport au fonctionnement ant r ieur ; au moins un des sympt™ mes est soit (1) une humeur dpressive, soit (2) une perte dÕintr t ou de plaisir. (1) Humeur dpressive pr s e nte pratiquement toute la journ e, presque tous les jours, signal e par le sujet (p. ex. se sent triste ou vide) ou observ e par les autres (p. ex. pleure). NB. Eventuellement irritabilit chez lÕenfant et lÕadolescent. (2) Diminuti on marqu e de lÕint r t ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activit s pratiquement toute la journ e, presque tous les jours (signal e par le sujet ou observ e par les autres). (3) Perte ou gain de po ids significatif en lÕabsence de rgime (p. ex. modification du poids corporel en un mois exc d a nt 5%), ou diminuti on ou augmentation de lÕapptit presque tous les jours. NB. Chez lÕenfant, prendre en compte lÕabsence de lÕaugmentation de poids attendue. (4) Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours. (5) Agitation ou ra lentissement psychomoteur presque tous les jours (constatpar les autres, non limitˆ un sentiment subjectif de fbrilit ou de ralentissement int r ieur). (6) Fatigue ou perte dÕnergie presque tous les jours. (7) Sentiment de dvalorisation ou de culpabili t excessive ou inappropri e (qui peut tre d lirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable dÕ tre malade). (8) Diminuti on de l Õaptitude ˆ penser ou ˆ se concentrer ou ind c ision presque tous les jours (signal e par le sujet ou observ e par les autres). (9) Pens es de mort r c urrentes (pas seulement une peur de mourir), id es suicidaires r c urrentes sans plan pr c is ou tentative de suicide ou plan pr c is pour se suicider. Episode dépressif majeur (2) A. Les symptômes ne répondent pas aux critères d’Episode mixte. B. Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants. C. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs d’une substance (p. ex. une substance donnant lieu à abus, un médicament), ou d’une affection médicale générale (p. ex. hypothyroïdie). D. Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un Deuil, c.à.d. après la mort d’un être cher, les symptômes persistent pendant plus de deux mois ou s’accompagnent d’une altération marquée du fonctionnement, de préoccupations morbides de dévalorisation, d’idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d’un ralentissement psychomoteur. FORMES CLINIQUES Selon l'âge • Chez l'adolescent – irritabilité ou agressivité, attitudes de repli, d'indifférence ou d'ennui, – expression directe de la tristesse souvent discrète – symptomatologie "atypique" • Chez le sujet âgé – – – – expression de la tristesse dépressive souvent masquée troubles du caractère préoccupations somatiques d'allure hypocondriaque tableaux pseudo-démentiels FORMES CLINIQUES Selon la symptomatologie – Mélancolies • • • • • • • – – – – – – simples délirantes anxieuses souriantes stuporeuses catatoniques confuses Dépressions masquées Dépressions hostiles Dépressions pseudo-démentielles Dépressions "atypiques" Dépressions saisonnière Dépressions du post-partum Formes cliniques en fonction d’une étiologie présumée: Dépressions endogènes et psychogènes • Les dépressions endogènes/autonomes/psychotiques – absence de facteurs déclenchants psycho-environnementaux – constellation symptomatique proche des critères de mélancolique et de nature parfois psychotique – absence de réactivité à l'environnement – existence d'antécédents familiaux de troubles de l'humeur. la dépression • Les dépressions psychogènes/réactionnelles/névrotiques – – – – – cause précipitante rareté du ralentissement dépressif, tendance à rendre l'entourage responsable de la dépression tendance à l'autoapitoiement, "réactivité" de la symptomatologie Dépression endogène Facteur déclenchant plus rare (30%) Antécédents personnels ou familiaux de troubles thymiques Tristesse intense, douleur morale Culpabilité Anesthésie affective Incurabilité Insensibilité aux stimuli Agitation ou ralentissement psychomoteur extrême Amélioration vespérale Réveil matinal précoce Formes stuporeuses, délirantes, confuses, anxieuses Suicides effectifs, peu de tentatives Importance des signes somatiques Dépression psychogène Fréquence du facteur déclenchant (sommation de stress, traumatisme affectif, perte) Terrain névrotique, personnalité narcissique, immature Tristesse modérée, fluctuante Accusation d'autrui plus que de soi-même Quête affective, recherche d'aide Pas de sentiment d'incurabilité Influence de l'extérieur rare Pas d'amélioration vespérale Insomnie d'endormissement jamais Conduites suicidaires fréquentes Perte de poids modérée Principaux troubles du DSM-IV comportant une symptomatologie dépressive • TROUBLES UNIPOLAIRES – Trouble dépressif majeur unipolaire: isolé ou récurrent – Trouble dysthymique • TROUBLES BIPOLAIRES – Trouble bipolaire LES TROUBLES DE L'HUMEUR SECONDAIRES ET SYMPTOMATIQUES • Les maladies somatiques • Les psychoses chroniques • Les conduites addictives Principales étiologies des dépressions secondaires à une affection organique • Affections cérébrales : – Tumeur, parkinson, sclérose en plaque, démence sénile/présénile, épilepsie (temporale), traumatisme crânien • Endocrinopathies : – Cushing, Addison, hypo/hyperthyroïdie, carence vitaminique (B12, folate) diabète, hyperparathyroïdie, • Affections générales : – Cancer (pancréas, disséminé), sclérose latérale amyotrophique, hémopathies, collagénose, lupus – Maladies infectieuses (SIDA, syphilis tertiaire, tuberculose, hépatite, mononucléose infectieuse, pneumonie virale) • Affections cardiovasculaires artérielle) • Iatrogènes : (Embolie pulmonaire, hypertension – Réserpine, a-méthyldopa, corticoïdes, neuroleptiques, amphétamines, cimétidine, isoniazide, bétabloquants, vincristine, vinblastine • Sevrage :Alcool, (obèse) benzodiazépine, amphétamine ou anorexigène, barbiturique, aliments CARACTÉRISTIQUES ÉVOLUTIVES • L'évolution de la plupart des accès dépressifs se fait vers la guérison en 6 à 12 mois. • 20 % des dépressions deviennent chroniques, symptomatologie persistant au delà de 2 ans. la • 10 à 20 % des déprimés ayant été hospitalisés décéderont par suicide. • 45 à 70 % des suicides surviennent dans un contexte dépressif. • Risque de rechute et de récidive. Deuxième partie: La symptomatologie maniaque Mode de début – Début + ou - brutal avec ou sans prodromes – Premier signe: insomnie sans fatigue – « Signal symptôme »: souvent, pour un même patient, le premier symptôme à apparaître lors des récidives est toujours le même. Différences cliniques entre dépression et manie Dépression Manie Humeur Dépressive Pessimisme Douleur morale Emoussement affectif Inhibition Culpabilité Exaltée Hyperhédonie Euphorie Hypersyntonie Expansivité Mégalomanie Cognition Bradypsychie Monoidéisme Pauvreté de la pensée Tachypsychie Fuite des idées Richesse associative Motricité Ralentissement, stupeur Fatigue Excitation, agitation Infatigabilité Somatique Perte désir sexuel Anorexie Hypersexualité Hyperphagie Sémiologie (1) • Euphorie pathologique: • • contact facile, jovialité, ludisme (jeux de mots, coq à l’âne), hypersyntonie, estime de soi augmentée, mégalomanie, optimisme, sensation d’aisance, désinihibition, familiarité. mais versatilité de l’humeur. • Excitation psychique: • • tachypsychie, fuite des idées, logorrhée, graphorrhée, hypermnésie, hyperesthésie, distractibilité, labilité de l’attention et de la concentration et troubles du jugement avec relâchement des censures morales. mais hyperactivité stérile, désordonnée. • Excitation motrice: • hyperactivité, hyperexpressivité, hypermimie, voire agressivité et agitation • Troubles du comportement: • propos excessifs, familiers, voire grossiers; gloutonnerie; comportements sexuels à risque; dépenses inconsidérées; démarches intempestives, actes délictueux Sémiologie (2) • Insomnie +++ • Appétit diminué, amaigrissement, déshydratation, avec parfois gloutonnerie • Troubles du comportement: propos excessifs, familiers, voire grossiers; gloutonnerie; comportements sexuels à risque; dépenses inconsidérées; démarches intempestives; actes délictueux… Les critères permettant de définir un épisode maniaque (DSM-IV) • Episode nettement délimité durant lequel l’humeur est élevée de façon anormale et persistante pendant au moins une semaine. • Au cours de cette perturbation de l’humeur, au moins 3 des symptômes présents (4 si l’humeur est seulement irritable) ont persisté avec une intensité suffisante: • 1. Augmentation de l’estime de soi ou idées de grandeur • 2. Réduction du besoin de sommeil • 3. Plus grande communicabilité • 4.Fuite des idées ou sensation subjective que les idées défilent • 5. Distractibilité • 6. Agitation psychomotrice • 7. Engagement excessif dans des activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables. Les critères permettant de définir un épisode hypomaniaque (DSM-IV) • Idem manie • mais durée minimale de 4 jours • Pas de nécessité d’hospitalisation • Pas d’élément psychotique Diagnostic différentiel du syndrome maniaque ou d’excitation psychomotrice: Distinguer syndromes primaires et secondaires Manie symptomatique toxique Manie symptomatique organique • • • • • • • • • • tumeur cérébrale, traumatisme crânien hémorragie méningée hypertension intracrânienne syndrome frontal encéphalite, paralysie générale intoxication au CO sclérose en plaques hypoglycémie, hyperosmolarité maladie de Basedow, d'Addison, de Cushing hyperparathyroïdie, phéochromocytome Diagnostic différentiel du syndrome maniaque ou d’excitation psychomotrice • • • • • • • • bouffée délirante aiguë schizophrénie catatonique agitée manie atypique confusion mentale agitée ivresse, intoxication épilepsie psychopathie hystérie Formes cliniques de manie • Hypomanie • Manie furieuse • Manie délirante • Manie confuse • Manie mixte ou état mixte Evolution de l’épisode maniaque • Naturelle: 4 à 6 mois • Sous traitement: amélioration en 4 semaines • Complications somatiques • Complications psychiatriques L’épisode maniaque primaire signe le trouble bipolaire