Et si nous étions Tous porteurs de BMR ? De la nécessité de prévention de la transmission croisée pour tous ! Véronique Bussy-Malgrange [email protected] www.resclin.fr Jraf15 – 30 novembre 2010 1 Qui est porteur de BMR ? 2 Evolution des BMR en Champagne-Ardenne SAMR 2003-2009: Diminution significative (p<10-5) % 70,0 60,0 Entérobactéries BLSE (2004-2009) 50,0 K. pneumoniae 40,0 E. cloacae E. coli 30,0 E. aerogenes 20,0 10,0 3 0,0 2004 2006 2009 SA Sur la peau : 1012 SA SA Dans le tube Digestif : 1014 Air: -chambre: 200/m3 -toilettes: 500/m3 -ville: 300-400/m3 Eau robinet: < 10/ml SA SA Gites naturels de S. aureus Cellules du corps : 1013 Répartition microbienne au niveau du corps 4 La transmission croisée Définition Transmission de certains micro-organismes (bactéries, virus, champignons) de patient à patient de l’environnement à un patient mais pas d’un site colonisé à un site normalement stérile chez un même patient 3 types de transmission : Par contact (C) Par émission de gouttelettes (G) Aérienne (A) 5 La transmission croisée Fréquence élevée de la transmission croisée Travaux réalisés en réanimation: analyse systématique des souches issues de prélèvements à visée diagnostique: > 15 % à 35 % d’entre elles ont comme origine une transmission croisée > souches de portage > souches cliniques ?? Concerne les souches résistantes ou sensibles aux antibiotiques 6 Transmission par contact (C) Entre individus rarement directe entre patients par les mains du personnel soignant > à partir d’un patient réservoir (ou son environnement immédiat) > plus rarement à partir de l’environnement plus distant 7 Transmission par gouttelettes (G) Émises lors de la parole ou de la toux soit directement soit par des gouttelettes déposées dans l’environnement immédiat du cas source > La contamination se fait par contact de l’agent infectieux avec les muqueuses 1,5 m 8 Transmission Aérienne (A) Petites gouttelettes asséchées (« droplet nuclei ») capables de rester longtemps en suspension portées sur de plus longues distances, au moins plusieurs mètres > La contamination survient par inhalation des agents infectieux portés par les droplet nuclei 9 Un même pathogène peut avoir plusieurs voies de transmission Exemples: virus respiratoire syncitial (VRS): > Contact et gouttelettes Virus de la grippe: > Air et goutelettes 10 Des outils pour prévenir la transmission croisée Choisir les bonnes « barrières » contre la diffusion des microorganismes Les placer au bon moment Les placer au bon endroit Recommandations SFHH 2009 et 2010 11 Des outils pour prévenir la transmission croisée Bonnes pratiques d’hygiène lors des soins: > Précautions “standard” > Précautions complémentaires si nécessaire Hygiène de l’environnement > Environnement immédiat du patient +++ > Zones manuportées Hygiène de base (patients, professionnels) Bon usage des antibiotiques (BMR) 12 Les référentiels 13 Argumentaire-Discussion Les précautions complémentaires (PC) complètent les précautions standard (PS) Les indications des PC s’appuient sur : Le mode de diffusion des agents infectieux La nature de l’agent: Persistance dans l’environnement Résistance aux antiseptiques et aux antibiotiques La localisation et la gravité potentielle de l’infection L’état immunitaire (inné ou acquis) des personnes à protéger. 14 Eléments principaux des PCC Dépistage Signalisation et information Isolement géographique Port de moyens de protection 15 Précautions complémentaires contact (PCC) ou précautions standard (PS) ? Objectif identique: prévenir la transmission croisée Choix entre PS et PCC: > dépend de la situation épidémiologique et de l’observance des PS Peut-on privilégier les PS seules pour le contrôle de la transmission croisée ? > Oui, si des critères sont réunis et montrent le bon respect des PS Recommandations SFHH sept. 2010 16 Critères montrant le bon respect des PS Mise à disposition large des PHA Observance élevée de l’hygiène des mains (en qualité et en quantité) Bonnes pratiques du port de gants Bonne connaissance de l’épidémiologie des BMR* Expertise CLIN et de l’EOH* * Bien étudier les termes des conventions en cas de partenariat avec des structures extérieures 17 Les limites des PCC La moindre observance des PS peut-elle être compensée par une application correcte des PCC ? Mains non-conformes aux PS non-conformes aux PCC (ongles, bijoux, manches…) Surblouse souvent non correctement fermée sur l’arrière, trop courte, non imperméable ne protège pas la tenue Pratique du port des gants souvent non rationnelle Illusion de la protection Surcoût des mesures non valorisé 18 Illusion de la protection par les PCC: à propos d’un cas J0: Mme X hospitalisée après transfert du CHU de Caen dans un CH de la région Champagne-Ardenne « Isolement technique » systématique à l’entrée (chambre seule, port de surblouse, gants, optimisation FHA, nettoyagedésinfection de l’environnement…) Dépistage ERG systématique J3: dépistage ERG positif Appel du praticien EOH au Resclin : « Mme X était en isolement contact aucun patient contact n’a pu être généré » Conseil du Resclin : vérifier l’application des PCC (mains, fermeture de la surblouse…) et considérer a priori que les PCC ne pouvaient pas être correctement appliquées en raison de la moindre observance des PS Dépistage des contacts, arrêt des admissions J6 : 2 patients contacts sont dépistés ERG + 19 Les atouts de la bonne observance des PS Accueil d’un patient porteur inconnu d’une BMR: > Diffusion retardée +++ de la BMR > Si des PCC sont nécessaires : il n’est pas trop trop tard Automatismes acquis pour les actes les plus à risque Cohérence des réflexions (bon sens) Services logistiques intégrés dans la démarche > Disponibilité des matériels aux moments opportuns 20 Si le bon respect des PS est montré, quand utiliser les PC ? Précautions supplémentaires nécessaires pour certains microorganismes: Encore plus résistantes ou émergentes (ERG) Encore non multirésistantes, mais à fort potentiel de diffusion (diarrhée à Clostridium difficile) À caractère hautement pathogène, forte virulence, potentiel de diffusion rapide au sein des collectivités > SARM dits communautaires (SARM Co) responsables dans la grande majorité des cas d’infections cutanées (reco spécifiques HCSP) Autres pathogènes (sarcopte de la gale) … 21 Les précautions « standard » Circulaire DGS/DH - n° 98/249 du 20 avril 1998 « Prévention de la transmission d’agents infectieux véhiculés par le sang ou les liquides biologiques lors des soins dans les établissements de santé » Précautions générales d’hygiène: Mises en œuvre par tout soignant Lors de tout soin À tout patient quel que soit son statut infectieux d Diminution du risque de transmission croisée 22 Les précautions « standard » Objectif double : Assurer la qualité des soins dispensés aux patients ( sécurité) Assurer la sécurité des soignants 23 Sept précautions « standard » Hygiène des mains Tenue et protection de la tenue, port de lunettes, masque Gestion des surfaces Port de gants Gestion du matériel souillé Transport de prélèvements biologiques, linge et matériels souillés CAT lors d’un contact avec du sang ou un liquide biologique 24 Différents types de barrières Barrières chimiques Éliminent (tuent) les microorganismes > Solutions hydroalcooliques (FHA) > Détergents et désinfectants Barrières physiques Empêchent le passage des microorganismes > Tabliers +++ > Surblouses > Gants > Masques 25 Barrière N°1 l’hygiène des mains 26 Pourquoi optimiser l’observance de l’hygiène des mains La transmission par les mains est le risque le plus fréquent et le plus important En hospitalisation, en consultation, sur le plateau médico-technique… Risque généré par les soignants: >examen, auscultation >actes techniques: cathétérisme (urinaire, veineux, intubation), échographie… >Actes en série: glycémie, injections HBPM ou insuline, prise de tension, réfection des lits…) Risque généré par les patients: >portage (nasal, fécal) connu ou inconnu manuportage 27 Reco OMS 28 Reco OMS 29 Reco OMS 30 Reco OMS 31 Reco OMS 32 33 Responsabilité des mains dans la transmission croisée Mortimer EA Jr et al. Transmission of staphylococci between newborns. Importance of the hands to personnel. Am J Dis Child. 1962; 104: 289-295 Acquisition de S. aureus par une infirmière : 4 fois plus fréquente et plus rapide en l’absence de lavage des mains Pittet D. Compliance with hand disinfection and its impact on hospital-acquired infections. J Hosp Infect. 2001; 48 Suppl A: S40-46 Diminution des taux d’IAS quand l’observance de l’hygiène des mains augmente 34 Pour une efficacité optimale du geste d’hygiène des mains R29 SFHH 2010 Prérequis pour la réalisation du soin: Tenue à manches courtes (avant-bras nus) Ongles courts (ras: 1 mm ou moins) Pas de vernis ni faux ongles ni résine (french manucure) Absence de bijou (y compris montre ou alliance) 35 Service de gestion du risque infectieux- CHRU Lille Culture de bijoux 36 Culture de bijoux : montre photo: Service de gestion du risque infectieux- CHRU Lille 37 Hygiène des mains : le bon moment R30 SFHH 2010 Il est recommandé d’effectuer une hygiène des mains : immédiatement avant tout contact direct avec un patient avant tout soin propre ou tout acte invasif entre un soin contaminant et un soin propre ou un acte invasif chez un même patient après le dernier contact direct ou soin auprès d’un patient après tout contact avec des liquides biologiques avant de mettre des gants pour un soin immédiatement après avoir retiré des gants 38 Hygiène des mains entre un soin contaminant et un soin propre Duckro AN et al . Transfer of vancomycin-resistant Enterococci via health care worker hands. Arch Intern Med. 2005; 165(3): 302-307 Patients avec certains sites colonisés par ERG – Soins sur un site colonisé (change): ERG+ – Absence d’hygiène des mains après ces soins – Soins sur des sites non colonisés (plaie…): ERG 10,6% des sites non colonisés se colonisent (ERG+) 39 Hygiène des mains : la bonne barrière R31 SFHH 2010 Il est recommandé de pratiquer une hygiène des mains par friction hydro-alcoolique en remplacement du lavage simple, du lavage hygiénique et du lavage chirurgical Si les mains sont visiblement souillées, il est impératif de procéder à un lavage simple des mains 40 Étude de la contamination des doigts après hygiène des mains Lavage: savon antiseptique Friction hydro-alcoolique 41 Photo : Laetitia May, CH Argenteuil Lavage: savon doux Barrière N°2: la protection de la tenue R39 SFHH 2010 Port systématique d’une surblouse ou d’un tablier plastique à usage unique Si risque de projection ou d’aérosolisation de sang ou de liquide biologique > > > > > Toilette Change Aspiration Bionettoyage des WC Nettoyage-désinfection des bassins et urinaux 42 Tablier plastique ou surblouse A usage unique Avantages du tablier plastique: Ne couvre pas les avants-bras (hygiène des mains facilitée) Imperméable Facile d’utilisation (distributeurs au lieu d’utilisation) Faible volume de déchets Coût moindre (5 à 8 fois moins cher que la surblouse) Pour couvrir l’arrière de la tenue, possibilité de porter un tablier devant et un derrière Inconvénients du tablier plastique: Ne couvre pas les bras (nécessaire en cas de gale) Plus difficile à utiliser en pédiatrie (portage des bébés) 43 Barrière N°3: le port de gants Objectif: Prévenir tout contact cutané avec le sang ou des liquides biologiques Mast ST et al. Efficacy of gloves in reducing blood volumes transferred during simulated needlestick injury. J Infect Dis. 1993; 168(6): 1589-1592 - L’interposition d’une couche de gant réduit la quantité de sang transmise lors d’une piqûre. - Le matériau composant les gants réduit de 46 % à 86 % le volume inoculé 44 Le port de gants ne remplace pas l’hygiène des mains Tenorio AR et al Effectiveness of gloves in the prevention of hand carriage of vancomycin-resistant enterococcus species by health care workers after patient care. Clin Infect Dis. 2001; 32(5): 826829 - Le port des gants réduit la transmission d’entérocoques résistants à la vancomycine aux mains des soignants - Mais il n’empêche pas complètement la contamination des mains 45 Des contaminations de l’environnement par les mains gantées sont possibles Ray AJ et al. Nosocomial transmission of vancomycin-resistant enterococci from surfaces. JAMA. 2002; 287(11): 1400-1401 Le contact avec des surfaces contaminées entraîne un transfert des bactéries sur les gants 46 Port de gants obligatoire R32 SFHH 2010 S’il y a un risque de contact sang ou autre produit d’origine humaine muqueuses ou peau lésée du patient A l’occasion de soins à risque Hémoculture, prélèvement sanguin, pose et dépose de voie veineuse, chambre implantable… 47 Port de gants obligatoire R32 SFHH 2010 Egalement si > Manipulation de tubes de prélèvements biologiques, de linge et matériel souillés > Mains du soignant lésées (coupure, blessure, excoriation ou dermatose) R33 SFHH 2010 Dans certaines situations à recommandations spécifiques > Infections à Clostridium difficile > Portage d’ERG (entérocoques résistants aux glycopeptides) 48 Changement de gants R34 SFHH 2010 Entre deux patients ou deux activités (y compris pour le même patient) Ils sont mis juste avant le contact, le soin ou le traitement Ils sont retirés dès la fin du soin > pour être jetés avant de toucher l’environnement 49 Port de gants « inutile » R33 SFHH 2010 Il n’est pas recommandé de porter des gants lors des contacts avec la peau saine > Ex toilette de la peau saine 50 Gants et FHA Les gants ne peuvent pas être désinfectés! La FHA des mains perd une partie de son efficacité si les mains sont poudrées (après retrait de gants poudrés): Bannir les gants poudrés travailler avec les services économiques est indispensable 51 Barrière N°4: la tenue du professionnel R38 SFHH 2010 adaptée à l’activité pratiquée changée quotidiennement changée chaque fois qu’elle est souillée constituée d’un mélange de polyester et de coton (le plus souvent 65 %/35 %) température de lavage > 60 °C possible manches courtes bonne technique d’hygiène des mains cheveux propres et attachés Article R4323-95 du code du travail : lorsque le port du vêtement de travail est obligatoire, l’employeur est tenu d’assurer les charges de son entretien 52 la tenue du professionnel La superposition des tissus reproduit les qualités du non-tissé augmente l’efficacité de la barrière >porter un T-shirt sous la tenue >porter un pantalon Améliore la prévention de la transmission des microorganismes 53 Barrière N°5: le port d’un masque et de lunettes de sécurité R35 SFHH 2010 Risque de projection de sang, de liquide biologique (soignants, visiteurs impliqués dans le soin): > port systématique d’un masque chirurgical antiprojection (norme EN 14683) avec lunettes de sécurité > ou port d’un masque-visière Patient présentant une toux supposée d’origine infectieuse: > Port d’un masque chirurgical (norme EN 14683) dès qu’il sort de sa chambre 54 Port d’un masque et de lunettes de sécurité R36 SFHH 2010 Port d’un appareil de protection respiratoire (APR) FFP1 ou FFP2 à usage unique (norme EN 149) en cas de risque d’exposition à des micro-organismes transmissibles : par voie aérosol (soignants, visiteurs) par gouttelettes ou air (manœuvre invasive) rougeole, varicelle, bacille tuberculeux, grippe… 55 Intérêt du port de masque 1,5 m 56 Anticiper le port du masque 57 Le masque chirurgical Lors de l’expiration de celui qui le porte: Il évite la projection de sécrétions des voies aériennes supérieures ou de salive pouvant contenir des agents infectieux transmissibles > par voie « gouttelettes » (particules > 5 μm) > Par voie « aérienne » (particules < 5 μm) 1,5 m 58 Le masque chirurgical Porté par le soignant: Il prévient la contamination du patient et de son environnement (air, surface, produits…) Porté par le patient contagieux: Il prévient la contamination de son entourage et de son environnement 59 Barrière N°6 : le nettoyage-désinfection de l’environnement du patient La bonne barrière >Produits adaptés au risque et au besoin Le bon moment/le bon endroit >Immédiatement après le soin zone à risque d’être contaminée (un rayon d’environ 1,5 m autour du patient): fait partie du soin >Dès qu’il y a souillure biologique >Régulièrement Zone manuportées, santaires 60 Optimisation du respect des PS: projets « Resclin-Champagne-Ardenne » Objectif à court terme Montrer l’applicabilité des PS par des actions spécifiques au sein d’établissements « tests » > EPP (plusieurs services) > Service pilote : PS seules > Implication IHH dans un soin Objectif à moyen terme Étendre peu à peu les actions > à l’ensemble des services des établissements tests > À l’ensemble des établissements de la région 61 Projet EPP « prévention de la transmission croisée au cours de la toilette » Un protocole d’audit, son guide, ses fiches Un établissement test (CH sedan) Projet initié par l’EOH et le président de Clin (Karine Jeunesse, Laurent Thiriet) Appropriation complète par l’encadrement infirmier 62 Projet « privilégier les PS seules » Un projet décidé en assemblée des professionnels (rédigé) Un établissement test (CH Langres) Initié par l’EOH et le président de Clin (Edith Causeret, Sophie Machuca, Annie Bombarde) En accord avec l’encadrement (médical, cadre de santé) de deux services (SSR, Ehpad), suite à un constat interne sur le mésusage des PCC En complète transparence : service concerné, ensemble de l’établissement 63 Projet « implication de l’IHH dans le soin » Un projet décidé en comité de réflexion (rédigé) Un établissement test (CH Charleville) Initié par l’EOH et le président de Clin (Nathalie Toussaint, Jean-Claude Réveil) En accord avec l’encadrement d’un service (médical, cadre de santé), suite à un audit des pratiques En complète transparence : service concerné, ensemble de l’établissement 64 Conclusion Les BMR et les bactéries « émergentes » sont notre quotidien et le seront encore pendant quelques années ―Dans un contexte de retour à l’équilibre budgétaire pour le plus grand nombre d’établissements ―Avec la volonté affichée d’assurer la sécurité des patients et des professionnels Priorité doit donc être donnée à l’association : ―Maîtrise de la transmission croisée dans toutes les situations ―Bon usage des antibiotiques L’observance des précautions standard s’impose de plus en plus comme une évidence incontournable 65