La maladie cœliaque DES de Biologie médicale 2012-2013 Cours d’Immunologie Vincent Elsermans La maladie cœliaque en quelques mots Intolérance au gluten (blé, son, seigle) Touche enfants et adultes génétiquement prédisposés prévalence : 1/100 – 1/200 (2,5 F/1 H) Cause la + fréquente de diarrhée par malabsorption Diagnostic : suspicion clinique biologie histologie +++ Complications : carences, cancers Traitement : régime sans gluten à vie (contraignant +++) Structure de la muqueuse intestinale grêle Biopsies duodénales : diagnostic de certitude Atrophie villositaire Hyperplasie des cryptes Infiltrat inflammatoire A C : normal B D : maladie cœliaque Kagnoff, Gastroenterology, 2005 Clinique Symptomatologie classique : - diarrhée - douleurs abdominales - amaigrissement - signes de malabsorption Symptomatologie atypique : forme pauci-symptomatique : troubles digestifs banals (colopathie fonctionnelle) révélée par les carences formes latentes : histologiques pures Clinique : évolution Sans traitement : – carences : pouvant être à l’origine de la suspicion clinique Anémie ostéopénie (50 % des malades au diagnostic) œdèmes (hypoalbuminémie) aménorrhée, troubles de la fertilité neuropathie carentielle… – cancer : lymphome du grêle Avec traitement : – disparition des signes cliniques – restauration parfaite de la muqueuse en 12-18 mois Composante génétique Population : risque 1 % Jumeaux dizygotes : risque 10 % Fratrie : risque 10 % Jumeaux monozygotes : risque 90 % Composante génétique Population : risque 1 % Fratrie : risque 10 % Au sein d’une fratrie : - même HLA : 30 % - 1 haplotype commun : 7 % - aucun haplotype commun : 0,1 % Jumeaux dizygotes : risque 10 % Jumeaux monozygotes : risque 90 % Association HLA/maladie cœliaque 90 % des patients MC sont HLA-DQ2 – Contre 20 % dans la population générale Le reste des patients : DQ8 Valable dans toutes les populations et tous les groupes ethniques Population Maladie cœliaque Expression de DQ2 ou DQ8 1% 40 % Autres facteurs environnementaux ou génétiques Rappel : HLA-DQ Fait partie du HLA de classe II Présent sur certaines cellules uniquement : CPA, LyB, LyT activés, monocytes, cellules endothéliales activées Dessin Lauren Sompayrac Hétérodimère DQA1*05/ DQB1*02 codé en cis codé en trans Abadie, Annu. Rev. Immunol., 2011 Gluten Pro, Gln Résistance partielle à la protéolyse Hypothèse Histologie : médiathèque Rouen Gliadine Ça ne colle pas Le DQ2 aime plus les résidus acides… ≠ Gliadine : riche en P et Q Action de la transglutaminase tissulaire Gliadine déamidée bien présentée par DQ2 et DQ8 Abadie, Annu. Rev. Immunol., 2011 Gliadine Gluten Pro, Gln Résistance partielle à la protéolyse IL-15 IFN TNF cytokines Atrophie villositaire Transglutaminase CD4 DQ2 CPA B Gliadine déamidée IgA (IgG) : Ac marqueurs de la maladie cœliaque Histologie : médiathèque Rouen Démarche diagnostique classique Suspicion clinique Sérologie cœliaque Ac anti-réticuline Ac anti-gliadine Biopsies Ac anti-endomysium Ac anti-transglutaminase Certitude diagnostique Intérêts de la sérologie cœliaque Poser l’indication des biopsies si séro + Dépistage des cas « à risque » : – fratrie atteinte – pathologie associée : diabète de type 1 thyroïdopathies auto-immunes trisomie 21 Sd de Turner (45 X0) syndrome de Williams déficit sélectif en IgA hépatopathies auto-immunes Suivi thérapeutique : – Ac disparaissent avec le régime sans gluten Faire le diagnostic de maladie cœliaque Arsenal sérologique Ac anti-réticuline Ac anti-endomysium Ac anti-gliadine Ac anti-transglutaminase Ac anti-réticuline Technique d’immunofluorescence indirecte Ac anti IgA ou IgG ou… Issu de www.memobio.fr Ac anti-réticuline : IgA ou IgG (1970) Sur « triple substrat » (estomac, foie, rein de rat) : aspect de fibres musculaires lisses en « bas résille » sur foie et rein Se <50 % !!! à oublier pour le diagnostic de maladie cœliaque Justifient des examens complémentaires si découverte fortuite Ac anti-endomysium : IgG ou IgA (EMA) (1983) Avantages : • bonnes performances Inconvénients : • sur œsophage de singe : €€ Dilutions successives, dernière positive rendue • lecture au microscope difficile (expérience +++) • non automatisable Coût réactif : 4,96 € NABM : B40 (10,80 €) Ac anti-gliadine native : IgA + IgG (1977) Avantages : • ELISA automatisable, adapté aux grandes séries • faible coût • pas besoin d’expérience particulière Microplaque ELISA Inconvénients : • performances très en retrait Automate Coût réactif : ~5 € NABM : 37,80 € ! Comment choisir ? Les courbes ROC Receiver Operating Characteristic Inventées pendant la Seconde Guerre mondiale pour montrer la séparation entre les signaux radar et le bruit de fond Utilisées pour juger les performances d’un examen de biologie médicale quantitatif : – Montrent la sensibilité et la spécificité selon le seuil choisi Sensibilité (Se), spécificité (Sp) Malades (M) Sujets sains (NM) Test positif (T+) Vrais positifs Faux positifs Test négatif (T-) Faux négatifs Vrais négatifs Se = p(T+/M) : proba test + si sujet malade Vrais positifs = Sp Vrais positifs + faux négatifs = p(T-/NM) proba test – si sujet sain Vrais: négatifs = Vrais négatifs + faux positifs Se et Sp varient en fonction du seuil choisi Exemple : dosage du PSA pour le dépistage du cancer de la prostate Si PSA>seuil : biopsies prostatiques Si on met un seuil très haut : – Un sujet sain ne sortira jamais positif bonne Sp – Mais on va rater beaucoup de K à PSA moyen mauvaise Se Si on met un seuil très bas : – On va détecter la plupart des K bonne Se – Mais beaucoup de sujets sains vont avoir droit à des biopsies pour rien mauvaise Sp La courbe ROC permet de visualiser l’ensemble des Se et Sp en fonction des différents seuils Exemple fictif Le même test, avec deux seuils différents La qualité d’un test peut s’évaluer par l’ASC (aire sous la courbe) 100 100 Excellent Anti-endomysium Bon 80 Assez bon Sensibilité Sensibilité 80 60 Mauvais 40 40 20 20 0 0 100 80 60 40 Spécificité 20 0 Anti-gliadine 60 100 80 60 40 Spécificité 20 0 Concrètement… Soit un patient suspect de maladie cœliaque ; le médecin estime qu’il y a 1 chance sur 2 que ce soit ça (proba pré-test = 0,5) Il va s’aider de la biologie : idéalement : – Si résultat + : fibroscopie avec biopsies – Si résultat - : diagnostic éliminé Avec les Ac anti-endomysium : – Si résultat + : proba maladie coeliaque = 94,5 % – Si résultat - : proba maladie coeliaque = 5,7 % Avec les Ac anti-gliadine native : – Si résultat + : proba maladie coeliaque = 60 % seulement ! – Si résultat - : proba maladie coeliaque = 33 % encore ! Ac antitransglutaminase 1997 : identification d’une des cibles des Ac associés à la maladie cœliaque : la transglutaminase tissulaire de type 2 (tTg2) Enzyme intervenant dans la réparation tissulaire Gliadine gliadine déamidée Responsable de la fluorescence antiendomysium 2000 : Tg de cobaye : médiocre 2003 : Tg humaine Lien avec dermatite herpétiforme : pathologie souvent associée à la maladie cœliaque : – tTg3 dans la peau – s’améliore avec le régime sans gluten Coût réactif : 3,26 € NABM : B60 (16,20 €) IgA anti-tTg2 Les avantages des 2 techniques réunis ! • performant • simple (ELISA) • automatisable Anti-endomysium 100 80 Sensibilité Anti-tTg2 60 40 Permet : • le dépistage de masse : révision de la prévalence formes asymptomatiques 20 formes pauci-symptomatiques formes atypiques 0 100 80 60 40 Spécificité 20 0 • de raccourcir le délai moyen de prise en charge : avant les anti-tTg2 : 11 ans ! Alternative aux IgA anti-tTg2 100 IgA anti-Ttg (laboratoire) IgG anti-gliadine INOVA IgG anti-Ttg Biorad 80 IgA anti-gliadine INOVA Sensibilité 60 IgG anti gliadine (laboratoire) 40 20 0 100 80 60 40 Spécificité 20 0 Quand même, quelques petits problèmes… IgA anti-tTg2 : examen le plus adapté Mais… le déficit complet en IgA est 10-15 fois plus fréquent chez les cœliaques que dans la population générale ! – et les enfants n’atteignent le taux adulte en IgA que vers 4-6 ans Recommandations ESPGHAN 2012 : – doser les IgA sériques totales – si résultat < 0,2 g/L (déficit complet) ou enfant < 2 ans : Ajouter un examen recherchant les IgG : anti-tTg2 de type IgG ou antigliadine déamidée de type IgG – En pratique : déficit complet en IgA très probable si IgA anti-tTg = 0 U/mL Quelques faux positifs : – MAI, infections, tumeurs, dommages myocardiques, troubles hépatiques, psoriasis, hyperIgA – tout taux < 3*seuil : doit être confirmé par autre technique : idéalement IgA anti-endomysium en IFI (moins de FP) UK NEQAS : mai 2011 Bonne technique… Mais variations de titre ++ Récap : indications des Ac anti-tTg2 de type IgA (1) En 1ère intention dans le diagnostic de maladie cœliaque, pour décider de faire des biopsies : – chez le patient à symptomatologie digestive : diarrhée chronique ou intermittente nausées, vomissements, douleurs abdominales chroniques, météorisme, constipation – chez le patient montrant des signes de carence : retard de croissance, perte de poids retard pubertaire, aménorrhée anémie ferriprive fractures/ostéopénie – Y penser chez le patient avec une symptomatologie atypique : fatigue chronique aphtose récurrente rash de dermatite herpétiforme anomalie de la biochimie hépatique Si taux > 10*seuil : biopsies facultatives si DQ2 ou DQ8 et IgA anti-endomysium (EMA) + Récap : indications des Ac anti-tTg2 de type IgA (2) Dépistage de maladie cœliaque : – Quand fratrie atteinte – Quand le patient appartient à un groupe à risque : diabète de type 1 thyroïdopathies auto-immunes trisomie 21 Sd de Turner (45 X0) syndrome de Williams déficit sélectif en IgA hépatopathies auto-immunes Suivi du régime sans gluten : – disparition des anti-tTg2 en 12-18 mois – réascension si mauvaise observance ou « écarts » Démarche diagnostique élargie (ESPGHAN 2012) Suspicion clinique Enfant < 2 ans Fratrie Tout résultat + doit être contrôlé sur un nouveau plvt Adulte Pathologie associée (idéalement EMA) IgA anti-tTg2 IgA totales IgG anti-tTg2 ou gliadine déamidée > 10*seuil, EMA+ et DQ2/DQ8+ Typage HLA-DQ IgA anti-tTg2 IgA totales régulièrement < 3*seuil 310*seuil DQ2 et/ou DQ8 Ni DQ2, ni DQ8 EMA Biopsies Certitude diagnostique Maladie cœliaque EXCLUE Démarche diagnostique élargie (ESPGHAN 2012) : évaluation (Klapp, J Pediatr Gastroenterol Nutr, 2012) « Triple test » : – Ac anti-Tg > 10*seuil – ET EMA+ – ET DQ2 ou DQ8 116 enfants triple test + 113 : lésions histologiques Marsh 2/3 3 : Marsh 0/1 – Mais lésions +++ après charge en gluten Triple test + : VPP=100 % ! (chez les enfants) Ce qu’il faut retenir Anti-gliadine native : à bannir En 1ère intention : anti-transglutaminase de type IgA (ou IgA anti-endomysium) – titre : attention à la méthode (et quand même…) – attention aux « FN » liés à un régime déjà commencé ! – contrôler le 1er résultat positif (par anti-endomysium ++) Attention au déficit en IgA (< 0,2 g/L) : devra faire pratiquer un test IgG (anti-Tg ou gliadine déamidée ou endomysium) Enfant < 2 ans : en plus des IgA anti-Tg, idéalement associer un dosage d’IgA et un test IgG (anti-Tg ou gliadine déamidée) Principales sources Présentation du Pr Sophie Caillat-Zucman, XVIèmes Journées Éducationnelles EFI, Lille, sept. 2012 Présentation du Dr Sylvain Dubucquoi, Régionale de Médecine, Lille, oct. 2011 Husby S et al. European Society for Pediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition guidelines for the diagnosis of coeliac disease. J. Pediatr. Gastroenterol. Nutr. 2012;54(1):136–60. Polycopié national du Collège des Enseignants de Gastro-entérologie (http://www.fascicules.fr/polycopiesgastroenterologie-25.html) Journée