gestion d’avoir Quelle est la meilleure forme de réplication de fonds de couverture ? V ous avez sans doute entendu parler de placement en alpha. Il s’agit de mettre l’accent sur le talent du gestionnaire de fonds de couverture, au-delà des rendements propres à la stratégie suivie. Certains croient maintenant qu’il faut plutôt viser le bêta des fonds de couverture (ce que d’aucuns appellent le « bêta alternatif »). C’est que certains experts croient que l’alpha de fonds de couverture est très rare (comme le talent) et est instable (difficile à maintenir à long terme). D’autre part, le bêta (les « rendements de marché ») vaut la peine, car les stratégies de fonds de couverture atteignent, somme toute, des rendements enviables. Par contre, les frais associés aux fonds de couverture posent problème auprès de plusieurs investisseurs potentiels. Une solution possible : adopter une approche quasi-indicielle et reproduire synthétiquement les rendements de fonds de couverture à l’aide de produits dérivés, tels que les contrats à terme. Justement, plusieurs institutions proposent maintenant des procédés de réplication de fonds de couverture. Les méthodologies passives ainsi développées proposent de reproduire assez fidèlement les rendements recherchés, et ce, à des frais nettement réduits, des minimums d’investissement plus faibles, une transparence bien accrue et une liquidité rehaussée. Lars Jaeger de Partners Group, qui propose un tel processus, parle même d’une réduction de frais pouvant atteindre 4 % ! Les deux démarches principales de réplication sont l’approche factorielle et l’approche de distribution des résultats. L’approche factorielle est bien connue en finance. C’est en quelque sorte une généralisation de la régression multiple, www.conseiller.ca bien connue en statistique. Un modèle factoriel fort connu est celui de Fama et French, qui explique les rendements boursiers par des facteurs tels que le rapport entre grandes et petites capitalisations et le lien entre faibles et fortes relations entre valeur au marché et valeur comptable. Dans le cas des fonds de couverture, le défi consiste à trouver suffisamment de facteurs représentatifs de fonds de couverture pour reproduire les données observées. Selon certains chercheurs indépendants toutefois (dont en particulier ceux de l’EDHEC, en France), les résultats encourageants obtenus avec les données d’échantillon ne donnent pas des facteurs qui permettent d’expliquer des données plus vastes, hors échantillon. La cause pourrait en être que les rendements de fonds de couverture peuvent être discontinus et dépendre de certains événements (optionnalité). D’autre part, les gestionnaires de fonds de couverture réagissent rapidement aux occasions et aux risques de marché. En un mot, les rendements à reproduire sont non linéaires et dynamiques, une complication importante. Une autre approche astucieuse a été proposée par Harry Kat, Gaurav Amin et Helder Palaro, des chercheurs britanniques. Dans plusieurs recherches récentes, ils ont développé une approche à base de produits dérivés qui permet de mieux cerner les rendements de fonds de couverture. L’astuce consiste à spécifier un « actif de réserve » qui devient la source de la distribution des rendements. Grâce à des processus statistiques multivariés complexes, les chercheurs développent une méthodologie de réplication tenant compte des non linéarités et de l’optionnalité des rendements étudiés. Les auteurs prétendent que tant les rendements des fonds de fonds de couverture que ceux des fonds à stratégie simple objectif conseiller 24 peuvent ainsi être reproduits avec une certaine précision, à bien moins de frais, avec plus de liquidité et de transparence. Ils l’offrent d’ailleurs sous le nom de FundCreator. D’autres services commerciaux de réplication sont maintenant proposés par JP Morgan, Goldman Sachs, Partners Group et Merrill Lynch; ils reposent tous sur la méthodologie factorielle. Kat et ses collègues sont donc les seuls adoptant l’approche de distribution des résultats. Mais ce n’est pas si simple. Les chercheurs de l’EDHEC ont évalué ces démarches en les reproduisant au mieux grâce aux écrits scientifiques disponibles publiquement. Ils en concluent que l’approche factorielle – correcte conceptuellement – pose problème dans son application (pour les raisons vues ci-haut). D’autre part, l’approche de Kat et ses collaborateurs obtient des résultats variables selon les stratégies reproduites, d’autant plus que les rendements reproduits sont bien en deçà des rendements des stratégies reproduites. Par contre, Kat a vivement reproché aux chercheurs de l’EDHEC, non sans un certain bien-fondé, de tenter de reproduire des techniques commerciales secrètes avec des concepts généraux et publics. Quoi qu’il en soit, il incombe aux promoteurs de ces « progrès » d’en démontrer la valeur en pratique. Qu’en retenir ? Primo, l’industrie des fonds de couverture tente de régler la question des frais de gestion. Secundo, une réplication réussie permettrait d’aller chercher un bien plus grand nombre d’investisseurs. Et tertio, on n’a pas fini d’en entendre parler ! Pierre Saint-Laurent, M. Sc., CFA, CAIA, est président d’ActifConseil à Montréal. On peut lui écrire à l’adresse [email protected]. Photo : Sonia jam pierre saint - laurent